2.6. Mécanismes de payement des déplacements

Il conviendrait mieux d’appeler cette partie : "mécanisme de paiement et non-paiement dans le transport collectif, puisque les privilèges, la hausse des tarifs et la baisse du pouvoir d’achat de la population ukrainienne suppose une situation où la moindre opportunité est utilisée pour éviter le paiement du déplacement. Donc, ce mécanisme est un des principaux phénomènes expliquant la baisse des indices de l’activité des sociétés de transport dans les années 90.

La détérioration de la situation financière des transports collectifs dans la première moitié des années 90 entraînait la renaissance du service des receveurs (après son annulation il y a plus de trente ans dans les années 60). Plus tard, vers la fin des années 90, certaines villes ukrainiennes, y compris Kharkov, ont refusé de vendre les tickets hors des moyens de transport (donc, leur vente est effectuée uniquement par le receveur), puisque le taux de falsification des tickets, en dépit de leur réalisation de plus en plus sophistiquée, devient très important. Les travaux de diplôme des étudiants de l’Académie de la Gestion Municipale de Kharkov, consacrés au problème de paiement (et à celui des relations receveur - usager) dans le transport électrique de surface permettent d’effectuer une analyse de ce problème. A Kharkov, le transport électrique urbain de surface occupe la première place pour le nombre d'usagers déplacés. Mais la baisse la plus sensible, surtout en ce qui concerne les passagers payant, est constatée notamment par rapport à la société des transports électriques de surface (de 1 706 000 quotidiennement en 1990 à 470 000 en 1996, donc une baisse de 1 236 000 passagers pendant sept ans). Laissons à part le respect des obligations des pouvoirs de la ville de subventionner les pertes entraînées par l’augmentation des catégories des passagers ayant le droit de se déplacer gratuitement (mais il faut noter que les subventions pour cela n’étaient jamais suffisantes pour couvrir ces pertes, de plus, les sommes reçues par les dépôts de tramway et de trolleybus devenaient de plus en plus basses d'année en année). L’on n’envisage ici que le mécanisme de paiement direct dans un moyen de transport. Le tableau ci-dessous regroupe les données d’observation du processus de paiement (ou non-paiement – les privilèges et les fraudes – les dernières sont évaluées au minimum) dans le transport électrique de surface selon le mode de relation entre l’usager et le receveur.

Tableau 2.2 : Estimation du taux de fraude à Kharkov en 1996 - 1999
Tableau 2.2 : Estimation du taux de fraude à Kharkov en 1996 - 1999

Aucun pays de l’Europe de l’Ouest n’a probablement un taux de fraude aussi élevé. Bien que le pourcentage des fraudes diminue durant la période observée, il constitue une partie importante des recettes potentielles. Cette partie reste le plus souvent aux usagers ne payant pas les déplacements (19-30 %), mais elle est aussi partagée entre les receveurs et les conducteurs (5-6 %). Le contrôle intensif dans les lignes de tramway et de trolleybus, apparu dans la seconde moitié des années 90, a eu pour objectif la lutte contre les fraudes des usagers, mais aussi contre celles des receveurs. Le contrôle induit une partie très faible de recettes dans les revenus de la société du transport électrique de surface (les recettes des amendes composent moins de 0,5 % du total des recettes), mais il stimule indirectement le paiement de déplacement des usagers dans des moyens de transport.

L’analyse des conditions de l'opportunité de fraudes représente un intérêt certain. Tout d’abord c’est l’existence d’un grand nombre d’instances émettant des documents ouvrant droit à des privilèges. Le marché noir propose presque tous ces types de documents. Par exemple, un livret de retraite, le document le plus demandé, coûte près de $40. Pendant deux semaines de contrôle intensif à Kharkov, en mars 1996, plus de 10 000 papiers falsifiés ont été révélés 27 . Le manque de moyens financiers ne permet encore pas d’introduire une carte unifiée bien protégée contre les falsifications pour toutes les catégories d'usagers. Les tickets simples sont aussi falsifiés. Leur vente (à un prix deux fois inférieures aux tarifs existant) est parfois effectuée aux bazars, mais le plus souvent par des distributeurs parmi les employés de certaines usines. Pour éviter ce problème, les sociétés du transport électrique de surface, ainsi celles de bus de certaines villes, ont refusé, vers la fin des années 90, la vente des tickets par le réseau commercial. Cela signifie, que dans ces villes les tickets sont vendus dans un moyen de transport. Mais, par exemple, l’utilisation des tickets en bobine (à Kharkov à partir de la fin de 1999) provoque une autre sorte de fraude – celle de receveur – qui ne donne souvent pas plus qu'à 60-80 % d’un ticket complet. Dans ce cas donc, en diminuant la possibilité des fraudes des usagers, celle des receveurs augmente. Il est probable que la mise en œuvre des abonnements mensuels devient graduellement un seul moyen plus ou moins efficace de lutte contre les falsifications (l’apparition des hologrammes). Mais il existe encore l’offre de ceux-ci par des firmes rendant des services de reprographie. Et enfin, des usagers refusant de payer le déplacement gagnent souvent leur confrontation avec le receveur (dans 80 % des cas, c'est une femme), mais parfois le principe du receveur oblige l'usager à quitter le moyen de transport ou à le payer (souvent seulement une partie de ticket).

En Ukraine, on donne souvent une explication à l’augmentation, en 1998 et 1999, du nombre d’usagers payant les déplacements et, en conséquence, à des recettes par la restauration du service des receveurs. C’est probablement un facteur important, mais il n'a eu une influence importante qu’à partir de 1998, donc à partir de l’année d’une crise financière 28 , bien que le service des receveurs ait été restauré en 1995-1996 (en au complet - vers 1997). Le graphique suivant montre l’évolution du pourcentage de la présence des receveurs dans les moyens de transport collectif et du nombre de passagers payant des déplacements (pour la société du transport électrique de surface de Kharkov).

Graphique 2.4 : Evolution de la présence des receveurs dans les transports collectifs (tramways, trolleybus) et du nombre d'usagers payant des déplacements
Graphique 2.4 : Evolution de la présence des receveurs dans les transports collectifs (tramways, trolleybus) et du nombre d'usagers payant des déplacements

Le graphique montre que, malgré l’introduction des receveurs en 1995-1996, le nombre d’usagers continue à baisser pendant ces années et reste presque stable en 1996-1997. L’essor du nombre de passagers est observé en 1998 et ensuite le nombre continue à augmenter en 1999. Ce graphique est bien corrélé avec le tableau précédant où l’on constate la diminution des fraudes. Mais la raison principale, à notre avis, est la stabilité des tarifs à partir du mois de mai 1997 (30 kopecks). Par rapport à la hausse sensible des prix en général, la stabilité des tarifs stimulait le paiement plus réel des déplacements en transport collectif. Donc, la valeur monétaire du tarif devient graduellement plus négligeable dans les dépenses de la population. La crise des prix de carburants durant l'été 1999 a provoqué leur augmentation et, en conséquence, la hausse des tarifs dans les bus (de 40 à 50 kopecks). Cet été, les sociétés des bus ont perdu plus de 40 % d’usagers qui ont changé de mode en faveur des transports électriques. Il semble que la situation se soit bien améliorée, mais, pour l’accroissement sensible des recettes, seulement à partir de la seconde moitié de 1998. Les dépenses commencent à augmenter considérablement. De plus, la diminution des subventions budgétaires ne permet pas d'être optimiste. L’an 2000 porte la nécessité de l’augmentation des tarifs (Kiev, comme la capitale fut la première ville à augmenter les tarifs pour le transport électrique – en mars 2000). Probablement, cela suivra une spiral comme en 1991-1997 : l’instabilité des tarifs, la perte d'usagers payant les déplacements et la perte de recettes, donc une nouvelle dégradation de la situation. Les pronostics pessimistes peuvent être renforcés par l’aggravation de la situation économique générale en Ukraine, mais une part d’optimisme quand même est présente : c’est la bonne compréhension collective et individuelle du rôle et des problèmes des transports collectifs pour la ville.

Notes
27.

Le journal “ Kharkov de soir ”, 1996.

28.

En août 1998 la hryvna a été dévaluée en deux fois.