Les notions “ d'objectivité ” et “de subjectivité ”.

Les notions “ objectivité ; objectif ” et “ subjectivité ; subjectif ” dans le contexte qui nous intéresse sont interprétées par Le Petit Robert (1986) comme suit :

  • “ objectivité ” - qualité de ce qui existe indépendamment de l’esprit, et “ objectif ” - qui existe hors de l’esprit comme un objet indépendant de l’esprit ; se dit d’une description de la réalité (ou d’un jugement sur elle) indépendante des intérêts, des goûts, des préjugés de celui qui la fait ; dont les jugements objectifs, impartiaux, ne sont altérés par aucune préférence subjective, et “ objectivisme ” - attitude pratique qui consiste à s’en tenir aux données contrôlables par les sens, à écarter les données subjectives ;
  • “ subjectivité ” - état de celui (de l’homme) qui considère les choses d’une manière subjective en donnant la primauté à ses états de conscience ; domaine des réalités subjectives, la conscience, le moi, et “ subjectif ” - qui concerne le sujet en tant qu’être conscient ; qui est du domaine du psychisme ; propre à un ou plusieurs sujets déterminés (et non à tous les autres) ; qui repose sur l’affectivité du sujet, et “ subjectivisme ” - attitude de celui qui ne tient compte que de ses sentiments et opinions individuels, que refuse, méprise ou ignore la réalité objective.

En ce qui concerne notamment le comportement personnel, déterminé soit par les facteurs objectifs, soit par les facteurs subjectifs, les notions “ objectif ” et “ subjectif ” sont en effet relatives à une position qui correspond, probablement, à une hiérarchie des acteurs de l’activité humaine (voire sociale), et possédant les différentes marges du pouvoir.

Il est clair qu’il est vraiment difficile de tracer une frontière précise entre l’objectivité et la subjectivité du comportement individuel ou collectif de différents niveaux de l’activité. En plus, on peut considérer les mêmes facteurs soit comme objectifs, soit comme subjectifs selon l’échelle des acteurs avec une différente marge du pouvoir correspondante. Schématiquement on peut représenter la corrélation entre l’objectivité et la subjectivité de la façon suivante (schéma 3.1).

Schéma 3.1 : Objectivité et subjectivité par rapport à l’organisation de l’activité humaine
Schéma 3.1 : Objectivité et subjectivité par rapport à l’organisation de l’activité humaine

Si on peut représenter l’organisation de l’activité humaine comme un jeu d'acteurs, c’est sûr qu’il existe une hiérarchie de ceux-ci, c’est à dire qu’il y a des acteurs qui possèdent relativement plus de possibilité de créer des règles auxquelles doivent se subordonner, ce qui est plus ou moins évident et souvent pas clairement exprimé dans le comportement, les autres, qui se trouvent plus bas dans cette hiérarchie. Les acteurs sont des éléments de la société, en commençant par un simple individu (avec beaucoup de facteurs personnels dont l’influence sur la position dans cette pyramide est très importante) et finissant par un système d'organismes sociaux, politiques, économiques, militaires, religieux, etc. d’Etat ou internationaux. Et il existe vraiment la subordination des acteurs aux règles exprimées directement ou indirectement, sinon il n’y aurait aucun type d'organisation de l’activité humaine. Et il est clair qu’il y a plus de subjectivisme dans le comportement (exprimé en actions concrètes) des acteurs qui se trouvent plus haut dans cette hiérarchie par rapport au comportement de ceux dont la “ place occupée ” est plus bas. Mais cependant, il n’existe pas de cas extrêmes quand il n’y a que des facteurs objectifs ou subjectifs interprétant et explicitant un certain comportement, c’est toujours un système où les rôles de l’objectivisme et du subjectivisme sont relatifs. Dans cette hiérarchie on peut trouver, par exemple, la place occupée par le pouvoir de la ville (concernant la question de l’organisation du système de transport dans la ville) qui a la possibilité de créer certaines règles du fonctionnement de différents modes de transports urbains, influençant le comportement des citadins (y compris le choix des modes de transports). Mais ce pouvoir est encadré dans ses actions par la réglementation des instituts d’Etat (la législation, l’institut d’élection etc.), par des organismes économiques (exprimé souvent dans le niveau du développement économique), par la pratique sociale attribuée à la nation en générale ou bien souvent aux différentes couches des habitants de la ville, etc. Et, de la position de fonctionnement satisfaisant du service des transports collectifs urbains, il est évident que les conditions créées par des acteurs qui se trouvent plus haut dans cette hiérarchie, et à qui ce service est soumis, peuvent, soit stimuler un développement économiquement et socialement positif, soit non. A son tour, ce service offre les conditions qui sont soit préférables, soit ne le sont pas (par rapport aux autres modes de transports) pour des usagers potentiels.

Il nous semble intéressant de donner ici un exemple avec le service de l’eau potable de la ville de Kharkov (le cas le plus frappant). L’économie de l’Ukraine se caractérise par l’inflation. Beaucoup de mesures du gouvernement ukrainien, plus ou moins efficaces, sont consacrées à la stabilité monétaire. Le service de l’eau potable de la ville de Kharkov est assuré par une société publique, mais qui a un propre bilan commercial. Elle a donc le droit de disposer des recettes indépendamment du pouvoir de la ville. La seule chose contrôlée (en ce qui concerne la question financière) c’est le niveau (le taux) de rentabilité (la marge bénéficiaire - en %, c'est-à-dire le rapport entre le bénéfice brut et le coût de revient) - habituellement 30 % (1996 - 45 % - est-ce trop pour le service public ?), et les prix pour des ménages. Sur la base du taux de rentabilité est établi le prix moyen. Les dépenses de la société ne sont pratiquement pas contrôlées par le pouvoir de la ville. Le montant du bénéfice qui est supérieur au taux de rentabilité est automatiquement imputé pour le budget de la ville (le cas exceptionnel). Il faut ajouter que les compteurs pour les ménages (80 % de la consommation d’eau) ne sont pas installés et l’estimation de la consommation est très subjective : officiellement le chiffre (nombre de m3 par mois et par habitant) est établi par la mairie, pratiquement il dépend de la volonté du chef du service. Les prix pour les industriels couvrent les pertes de l’approvisionnement en eau potable des ménages. Ces prix ne sont pas stables et augmentent en fonction de l’augmentation des dépenses totales. Donc, les conditions économiques sont les suivantes : s’il arrive que la consommation d’eau estimée très subjectivement et imposée par le service de l’eau potable, il faut augmenter les dépenses pour obtenir le bénéfice le plus haut possible (il ne faut même pas chercher les manières pour le faire), ce qui, du point de vue économique, est complètement illogique. Et vers 1998 (à partir de 1991), bien qu’à cause de l’inflation le salaire moyen en Ukraine ait progressé de 100 000 fois environ, les prix moyens ont augmenté de 200 000 fois environ, mais les tarifs de l’eau pour les ménages - de 700 000 fois (vers 2000 de 1 350 000 fois) et pour les industriels - de 2 000 000 fois (vers 2000 de 6 000 000 fois) environ, soit 40 fois supérieures que le taux officiel d’inflation (la hausse la plus forte des prix en Ukraine). Une question semble logique : pourquoi en Ukraine le produit intérieur brut chute depuis les dix dernières années ?