3.4. Politique de la ville par rapport aux déplacements urbains

‘“ Les autorités locales disposent d’un pouvoir de réglementation important, à travers le pouvoir de police, leur permettant de gérer la circulation sur la voirie locale. Or, on sait que les transports en commun de surface souffrent de la congestion et des aléas de la circulation en général, qui leur imposent une vitesse commerciale obérant leur exploitation. Il y a donc des gains potentiels de productivité externe à réaliser en garantissant aux autobus, en particulier, un déclenchement prioritaire des feux tricolores et, surtout, des voies réservées. Les lignes en site propre sont en effet beaucoup plus productives et offrent un meilleur service à l’usager qui les emprunte donc plus volontiers. Cela peut avoir un effet “ boucle de neige ”, améliorant grandement les conditions de circulation pour tous les usagers de la voirie et donc la qualité de la vie dans les agglomérations (moins de pollution, moins de bruit, moins d’espace utilisé pour déplacer la même quantité de voyageurs). ” 38 ’ ‘“ Bien entendu, cette politique de nouvelle répartition de la voirie qui est dans la main des élus locaux doit être à la fois incitative et dissuasive. Elle doit donc comprendre un contrôle de la circulation de transit, qui doit être déviée, voire découragée. La politique de stationnement doit en outre être cohérente avec la politique de déplacements (parcs relais, modulation des tarifs de stationnement en centre-ville, possibilité d’une taxation du stationnement professionnel,…). Le tout doit être complété par une politique d’urbanisme visant à la maîtrise de l’étalement urbain, tâche difficile compte tenu du manque d’outils réglementaires appropriés. Cela passe notamment par la revitalisation des centres-villes. ” 39

La question du choix des mesures à prendre au niveau des pouvoirs publics pour stimuler la population en milieu urbain à l’utilisation des transports en commun (ainsi qu'à la marche à pied et à l’usage des deux roues) est une question de discussion, puisque la définition de la direction de la politique n’est pas facile pour satisfaire en même temps les besoins individuels et collectifs. Surtout actuellement, puisque le pouvoir de la ville dispose toujours d’un budget limité pour l’investissement dans les transports en commun et dans la voirie. En outre, “ ... se pose toujours le problème du coût du fonctionnement du capital accumulé qui, pour être couvert par les recettes, suppose des mesures complémentaires dissuadant l’usage de l’automobile. A défaut, la courbe d’évolution des subventions de fonctionnement ne peut être qu’explosive. ... considérées globalement, les subventions n’ont pas permis d’agir efficacement sur la demande mais ont plus favorisé des diminutions de tarifs et... des baisses de productivité.  40 On peut voir qu’en dépit de “ l’explosion ” des investissements dans le domaine de l’offre des transports en commun, (y compris les caractéristiques qualitatives) les mesures n’étaient pas tellement efficaces comme on voudrait.

Cette question est bien discutée au niveau des prises de décisions par les pouvoirs publics, ainsi que dans les éditions spécialisées et dans le média. “ Sur le strict terrain des déplacements, il faut convenir qu’une bonne part des mesures exposées dans les PDU (plans de déplacements urbains) - à quelques spectaculaires exceptions près-relèvant de ce qui l’on pourrait appeler l’accastillage : indispensable à l’efficacité des moyens mis en œuvre pour entraîner la mécanique du report modal, - toute une série de petites mesures cohérentes entre elles, convergentes et acceptables ne peuvent prétendre à l’efficacité de l’effet de levier que si, précisément, leur coordination est sans faille. Si l’on ne retenait que cela des PDU, leur bilan ne serait pas mince, même s’il faut garder présent à l’esprit que l’estimation des effets tangibles de ces mesures demeure la source de nombreuses interrogations.
La finalité des PDU de seconde génération consiste à déplacer une part suffisante des déplacements automobiles vers d’autres modes de transport, pour faire baisser le trafic routier et inverser une tendance lourde confirmée par les toutes dernières enquêtes-ménages. Pour se mettre en route vers ce futur désigné par la loi, il n’y a pas d’autre voie que celle qui consiste à neutraliser la surattractivité relative de la voiture particulière par rapport aux modes alternatifs, en ne portant atteinte, comme on l’a dit, ni à l’efficacité économique, ni à une aisance de mouvement acquise grâce à la voiture particulière, et dont la réversibilité est socialement inimaginable. 
41 On peut voir que l’offre des transports en commun ainsi que d’autres modes de déplacements alternatifs à l’usage de l’automobile, pour l’instant, ne peuvent pas faire une bonne concurrence à la tendance de l’augmentation de l’usage de celle-ci (dans le cas général).

‘“ Si l’on traduisait cet objectif de report modal par une politique destinée à en finir avec la “ voiture facile ”, on manquerait le principal : toute restriction dans l’usage de la voiture doit évidement être plus que compensée par les modes alternatifs. En conséquence, on voit mal comment on pourrait réussir une politique de report modal sans offrir une alternative à la bonne hauteur, c’est-à-dire lourde. Prenons garde à l’insuffisance de compensation, qui dégraderait certes les conditions d’usage de la voiture, mais dégraderait aussi les conditions de développement urbain.
Sans oublier que si les conditions qui seront faites à l’urbanisation périphérique - souvent en dehors des périmètres de transports urbains - reste celles d’aujourd’hui, il n’y aura rien à attendre, car le permis de construire demeurera le stimulateur le plus actif de l’usage du permis de conduire, et la balance des modes continuera de pencher du côté de la voiture. ” 42

Si on regarde de plus près le problème du choix des mesures possibles, A. Bonnafous désigne trois types de solutions. “ Le premier consiste à modifier les termes de la compétition pour l’usage de la voirie entre les deux modes concurrents. Cela peut être obtenu par certaines mesures réglementaires : la création de voies réservées au seul usage des autobus, qui accroît leur vitesse commerciale, réduit du même coup l’espace viaire disponible pour les voitures et en ralentit ainsi la vitesse d’écoulement ; l’interdiction de l’automobile dans des zones centrales où les rues sont alors, pour partie, laissées aux transports collectifs et, pour partie, réservée aux piétons ; ou encore l’abaissement de la vitesse réglementaire à 30 km/h par exemple, d’où la dénomination internationale encore peu utilisée en France de “ zones 30 ”.

Le deuxième type de mesures vise à provoquer un transfert de la voiture particulière vers les transports collectifs par le jeu des prix relatifs. Cette hypothèse est pertinente lorsque l’usage de la voirie par l’automobiliste a les apparences de la gratuité, c’est-à-dire lorsqu’il paie les seuls coûts de fonctionnement du véhicule. Dès lors qu’il doit acquitter un tarif pour son stationnement ou l’usage d’une infrastructure, un arbitrage prix-temps lui est imposé. ” Mais “ aussi favorable qu’il soit pour la collectivité, le processus n’est pas parétien.
Cela explique pourquoi les responsables politiques ont depuis longtemps privilégié une troisième voie qui a toutes les apparences du processus parétien et qui consiste à maintenir le libre usage de la voirie en la redoublant sous le sol : il s’agit de la solution bien connue du métro. 
” Et les explications : “ Aucune catégorie d’usagers ne voit, alors, sa situation se dégrader : ceux qui passent de la voiture au métro le font parce qu’ils y trouvent leur compte, les anciens usagers des transports collectifs disposent d’un système plus performant et ceux qui continuent à utiliser leur voiture bénéficient du soulagement de trafic lié au transfert modal. ” 43 Peut-être, partiellement, à cause de l'ambiguïté de la politique publique on peut observer actuellement dans les pays développés la crise de l’encombrement de la voirie des zones urbaines ainsi que celle du financement des transports collectifs. Probablement ou même évidement, que ce système n’a pas de bonne capacité d’autoréglage.

La politique du pouvoir de la ville, sa stratégie par rapport au marché des déplacements urbains sont exprimées par des mesures concrètes, visées à atteindre les certains objectifs. La politique peut être très différente selon les villes et surtout selon les pays. Dans le travail de P. BONNEL et al. 44 les auteurs désignent les types suivants de la politique (dans les villes étudiées) :

‘“ FRANCE : Offrir à l’usager le libre choix du mode de transport (Grenoble, Lyon, Montpellier) ;
GRANDE BRETAGNE : Déréglementation des transports urbains (Cardiff, Liverpool) ;
ITALIE : Interdiction d’accès en voiture au centre-ville (Bologne, Milan) ;
NORVEGE : Péage urbain (Oslo) ;
SUISSE : Maîtrise de la voiture et promotion des transports collectifs (Berne, Zurich) ”.’

Et pour les objectifs des politiques, dans le même travail, on indique : “ Toutes les agglomérations entendent lutter contre la congestion, la pollution, améliorer le cadre de vie, .... Ainsi, elles veulent conserver une ville où l’on puisse assurer les principales fonctions urbaines et où il fasse “ bon vivre ”. Toutes veulent également promouvoir et développer les transports en commun. Mais des différences apparaissent entre l’importance effective que les responsables accordent à ces objectifs. Ainsi, la manière de répondre à ces objectifs généraux ou plus exactement à ces défis différents de manière très importante entre les agglomérations :

Notes
38.

"Les transports et l’environnement. Vers un nouvel équilibre", Dirigé par Bonnafous A., 1999.

39.

BONNAFOUS A., op. cit.

40.

Bonnafous A., Puel H., "Physionomie de la ville", Paris, Les Editions Ouvrières, 1983, 165 p.

41.

Beaucire F., "Comment réussir le report modal sans offrir une alternative à la bonne auteur, c’est-à-dire lourde ?" Transports Urbains, No 100, juillet-septembre 1998, p. 1.

42.

Beaucire F., op. cit.

43.

Bonnafous A., "Le système des transports urbains", Economie et Statistique, No 294-295, 1996-4/5, -p. 99-108.

44.

Bonnel P. et al. "Politique de déplacements urbains en Europe. Analyse comparative", Lyon, LET, 1994, 49 p.