3.5. Coûts
On désigne les coûts suivants pour les usagers d’une voiture particulière.
Coûts supportés par les usagers de la route :
- les coûts d’amortissement du véhicule (achat) ;
- les coûts d’exploitation du véhicule (carburant, réparations, assurances, stationnement payant, péages et autres taxes) ;
- le temps de déplacement ;
- les coûts des retards (par rapport au temps ou à l’heure d’arrivée désirée) ;
- les accidents, le stress.
D'autres coûts sont partiellement supportés par les utilisateurs :
- les coûts des accidents non couverts par les assurances (coûts administratifs) ;
- l’offre de stationnement gratuit sur le domaine public ;
- la fourniture de services par les collectivités locales (police, information, assistance) ;
- les externalités environnementales (pollution, bruit).
Nous ajoutons aussi les coûts qui ne sont pas liés directement à ceux d’un usager d’une voiture particulière. Ce sont les coûts du gestionnaire de l’infrastructure (administration ou sociétés d’autoroutes) :
- le coût en capital de fourniture de l’infrastructure ;
- les coûts de réparation (réfection des voiries) à travers l’usure infligée par les véhicules et notamment les véhicules lourds mais cela dépend aussi grandement de la qualité elle-même de la couverture de la chaussée ;
- le coût d’exploitation (maintenance, assistance, fonctionnement des barrières de péages).
Par rapport aux coûts supportés par les usagers des voitures particulières on désigne ceux-ci supportés par les usagers des transports publics :
- le prix du ticket ;
- le temps de déplacement ;
- les coûts des retards (par rapport au temps ou à l’heure d’arrivée désirée) ;
- les coûts d’inconfort ou d’insécurité éventuels.
Et comme plus haut nous ajoutons aussi les coûts qui ne sont pas liés directement à ceux d’un déplacement d’un usager des transports collectifs, c’est à dire les coûts du gestionnaire de l’infrastructure (autorité organisatrice ou exploitant des transports en communs) :
- le coût en capital de fourniture de l’infrastructure, du matériel roulant et des équipements annexes (stations, arrêts de bus etc.) ;
- les coûts de réparation (réfection des voies) ;
- le coût d’exploitation (salaires des employés, maintenance) ;
- les coûts de congestion.
Coûts des modes de déplacements non motorisés (ici ce sont le vélo et la marche à pied) :
- les coûts d’amortissement (achat d’un vélo ou des chaussures) ;
- le temps de déplacement ;
- la fatigue physique d’une personne (bien qu’elle existe plus ou moins sensible dans tous les modes de déplacements).
Il nous semble indispensable pour le déroulement de la recherche de faire une tentative de la classification hiérarchique des coûts désignés. Si classer les coûts des déplacements (nous n’envisageons que le cas des déplacements urbains) pour un individu dans une hiérarchie selon l’évidence de la possibilité de les mesurer en terme financier ou monétaire (on peut dire de la rationalité à l’irrationalité), on obtient une hiérarchie suivante :
-
les coûts mesurés automatiquement en terme monétaire.
L’usage d’une voiture particulière : les coûts d’amortissement du véhicule (achat), les coûts d’exploitation du véhicule (carburant, réparations, assurances, stationnement payant, péages et autres taxes. L’usage des transports en commun : le prix du ticket. Les déplacements non motorisés : les coûts d’amortissement (achat d’un vélo ou des chaussures). Les enquêtes menées sur les coûts monétaires de la possession et de l’utilisation d’une automobile, ainsi que de l’utilisation des transports collectifs (on omet ici les déplacements non motorisés puisque les coûts réels pour ces modes de déplacements sont relativement négligeables et en plus la politique actuelle de la ville, du notre point de vue, doit être favorable par rapport à l’utilisation du vélo ou de la marche à pied, c’est-à-dire ces modes sont “ en alliance ” avec les transports collectifs) ramenés au budget d’un ménage ou au salaire moyen montrent que ces premiers sont bien supérieurs dans le cas où les usagers choisissent soit une voiture particulière, soit des transports en commun dans les mêmes conditions de départ. Le calcul très simplifié montre la proportion entre les dépenses des usagers pour l’achat et l’utilisation d’une voiture particulière et les dépenses de l’utilisation des transports en commun.
Tableau 3.1 : Dépenses des usagers des voitures particulières et des motos en 1992 (Source : RAUX C. DESS Transports Urbains et Régionaux de Personnes 1998-1999)
|
Milliards de francs |
% |
Achat de véhicules Carburant Assurance Péages autoroute Réparation Flux divers Dépenses salariales Total hors taxes |
148 33 16 11 148 9 71 436 |
23,95 5,34 2,59 1,78 23,95 1,45 11,49 70,55 |
Taxe sur assurance Taxe sur carburant Dont TVA Fiscalité Spécifique TVA Dont sur achats Total taxes |
16 91 19 13 62 29 182 |
2,59 14,73 3,07 2,10 10,03 4,69 29,45 |
Total TTC |
618 |
100 |
A la base de ce tableau nous proposerons un petit "modèle" très simplifié et arrondi (avec l’omission de beaucoup d’autres facteurs) des dépenses annuelles des usagers de l’automobile ( D ) avec une variable - le prix d’achat d’une voiture ( P ) :
D = (P * 100 %) / 23,95.
Nous ajouterons encore une simplification - l'hypothèse qu’une personne (un ménage) achète une voiture particulière une fois tous les 10 ans. La formule prend une forme (les dépenses pour 10 ans) :
D = 10 * (P * 100 %) / 23,95 %.
Soit, par exemple, le prix d’achat d’une voiture 50 000 francs soit 5000 francs distribués par an. Les dépenses pour 10 ans d’achat et d’utilisation de cette voiture seront :
D = 10 * (5000 * 100 %) / 23,95 % = 208 768 francs.
Bien sûr, qu’il ne faut pas interpréter sérieusement ce chiffre, nous n’avons fait ce calcul que pour comparer le niveau des dépenses des déplacements par l’automobile dans la ville avec ce niveau pour les transports en commun. Les dépenses pour les transports collectifs sur la période de 10 ans pour une personne seront (pour Lyon) :
282 francs * 12 * 10 = 33 840 francs,
où 282 francs est le prix de base d’un abonnement mensuel pour se déplacer par les transports collectifs (le bus et le métro) pour une personne en 1999. Et même si l'on fait ce calcul, par exemple, pour trois personnes d’un ménage (dans le cas si une voiture est bien utile simultanément pour tous les membres d’un ménage), les dépenses augmentent jusqu’à :
33840 * 3 = 101 520 francs.
Il est évident que, même avec une grosse simplification, le niveau des dépenses des usagers d’une voiture particulière est bien supérieur (plus de deux fois pour un ménage et plus de six fois pour une personne) aux dépenses des transports en commun. Il est clair que même dans le cas extrême comme celui-ci, la rationalité comme le rôle-moteur du choix entre les modes de déplacements ne peut être utilisée qu’avec beaucoup de prudence ;
-
le coût du temps. Il est relativement difficile de l’estimer pour différents cas possibles de la situation individuelle. Mais il semble que la comparaison du temps généralisé pour le même déplacement par différents modes de transports permet de faire une évaluation comparative de la valeur du temps. On sait que le temps généralisé est la somme du temps effectif de déplacement y compris le temps passé à travailler pour obtenir les ressources nécessaires à l’accès au moyen de transport (qui variera selon le niveau de rémunération). Ici nous allons faire une simplification qu’implique la notion de temps généralisé qui n’est qu’un temps écoulé. Il est évident que le temps de déplacement est fonction de la vitesse, et il est clair que, potentiellement, l’automobile est plus rapide par rapport aux transports en commun, mais les conditions actuelles (surtout les problèmes de l’encombrement et du stationnement) ont égalisé la vitesse généralisée. Bien souvent, les usagers des transports collectifs gagnent du temps de déplacement par rapport au déplacement en voiture particulière. “ ... ces résultats jettent un soupçon sur la rationalité individuelle du consommateur. Mais surtout ils invalident la rationalité sociale du système de transport. La satisfaction des besoins de transport dans les villes demeure une opération à laquelle répond fort mal la rationalité du marché, ... à laquelle des procédures d’expression des habitants sur leurs propres besoins - dont certaines ont été expérimentées et dont beaucoup sont encore à trouver - pourraient répondre. ”
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Il nous semble qu’ici il faut combiner la valeur du temps de déplacement avec les coûts des retards (par rapport au temps ou à l’heure d’arrivée désirée) comme la dérivée du temps des déplacements, mais qui, dans certains cas, peuvent être beaucoup plus importants que la valeur du temps ;
-
les coûts éventuels ou occasionnels (les amendes infligées sur les places interdites de stationnements ou sur la route par la police, des accidents et des forces majeures possibles). Dans ce cas, des usagers des transports en commun sont plus privilégiés puisqu'il n’existe pas pour eux des problèmes avec une amende concernant la violation du code de route, des problèmes pendant des accidents car ils ne sont par des propriétaires des voitures (sauf, bien sûr, des accidents graves avec la nécessité d'un soin médical, mais il est évident que dans ce cas la proportion n’est pas en faveur de l’usage de l’automobile) ;
-
les coûts irrationnels. En premier lieu c’est le rapport individuel d’une personne à un moment donné vers les différents modes de déplacements. Plus évident cela peut être exprimé comme une opinion propre par rapport, par exemple, à l’usage des transports en commun (les coûts d’inconfort ou d’insécurité éventuels dans le transport collectif, mais en revanche le stress et la fatigue dans une voiture particulière). “ Il faut aller plus en détail pour analyser les raisons qu’ont les uns et les autres à utiliser ou non les transports en commun et au-delà des pratiques, approcher des réactions. ... il semble bien qu’une partie de la population cherche à arbitrer entre les avantages et les inconvénients des différents modes de transport. ... Et puis il y a les réactions plus affectives, ou plus idéologiques, où l’on retrouve des images fortes des transports en commun, souvent négatives ; elles tournent autour de deux thèmes semble-t-il - la promiscuité insupportable, et le sentiment d’indépendance ”
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Et la somme de ces opinions est plus favorable pour le déplacement en voiture particulière. Aux coûts irrationnels il faut ajouter les externalités environnementales (pollution, bruit) qui sont très importantes en ce qui concerne l’opinion publique mais, malheureusement, ces externalités n’exercent encore pratiquement aucune influence sur la majorité de la population lorsqu’il s’agit du choix concret d'un mode de déplacement.
Après l’analyse de la hiérarchie des coûts nous ferrons un résumé général : les trois premières positions sont plutôt préférables pour l’utilisation des transports en commun par rapport à une automobile. Mais la dernière position est tellement défavorable à l’usage des transports collectifs qu’elle a, pour la raison de sa puissance irrationnelle actuelle, un poids, souvent plus important que la somme des poids des trois premières positions.
Le principal est que les attitudes des usagers des automobiles ne sont pas seulement - et peut-être pas principalement - liées à une rationalité, à une évaluation des coûts, à une identification forte à celle-ci.