Il est évident qu’il existe des différents cas en ce qui concerne le processus de choix entre les variantes possibles pour effectuer un déplacement d’un point à l’autre. Nous pouvons distinguer et envisager les cas suivants :
Ensuite nous reprenons le modèle classique du choix modal, celui où l’individu effectue son choix selon deux facteurs : le prix et le temps d’un déplacement. Il suffit d’une petite analyse des cas mentionnés ci-dessus pour se persuader que, avec seuls les facteurs temps et prix, il est impossible d’expliquer le comportement d’un individu dans certains cas. Donc, il existe une troisième composante, plus ou moins bien exprimée selon les différents cas. Le contenu de cette composante peut varier, mais, selon l’auteur, il faut toujours chercher les explications dans le sens humain, bien que l’influence de cette troisième composante puisse être fonction de la situation financière de l’individu, par exemple, d'un certain niveau des revenus.
Si on range tous ces cas dans une hiérarchie selon la valeur croissant de la troisième composante, on obtient une hiérarchie suivante :
Quelle valeur prend la troisième composante dans ces cas ? Une petite réflexion sera suffisante pour remarquer que dans le cas “ différents itinéraires ” cette composante est égale à 0 (zéro), donc, ici le choix est effectué complètement selon l'influence des facteurs prix et temps d'un déplacement.
Ce cas est typique quand un individu peut choisir deux (ou plus) variantes d'itinéraires pour se déplacer en sa voiture d’un point à l’autre, par exemple, en utilisant un chemin à péage (un tunnel) qui est plus court mais plus coûteux, soit celui d’alentour, plus long mais moins coûteux. On peut rencontrer ce cas dans les villes, ainsi que hors des villes.
Si on reprend la théorie du choix entre les différents modes de déplacement où il est présenté comme fonction d’utilité, on obtient :
‘UV = hV + αCV + βTV ’ ‘UTC = hTC + σCTC + γTTC, ’où C est le coût et T est le temps d’un déplacement.
Ici le cas “ différents itinéraires ” sera représenté comme :
‘Ui = αCi + βTi ,’où i est une variante des variantes possibles.
Le cas “ même itinéraire ” peut être associé, en principe, avec celui de “ grande distance ” si on exclut de ce cas les déplacements en voiture particulière. Le cas “ même itinéraire ” est devenu très répandu pour les déplacements urbains dans les villes de l’Ukraine, où, après la privatisation des sociétés de bus, les lignes desservant par le transport public (métro, tramway et trolleybus) sont en concurrence avec celles desservant par les bus. Et si le métro gagne la vitesse par rapport au bus, ce dernier gagne la vitesse par rapport aux tramways et trolleybus. Les prix pour le bus sont différents selon les lignes, mais, dans la plupart des cas ils sont supérieurs aux prix des transports électriques urbains. Les conditions de déplacements en bus, soit en transport électrique sont relativement identiques (le nombre de places à disposition, le remplissage, etc.), donc ici la troisième composante peut être omise en vue de sa valeur presque négligeable, et ce cas on peut représenter comme :
‘Uj = αCj + βTj ,’où j est un mode de transport parmi les transports collectifs.
Les deux cas envisagés (“ différents itinéraires ” et “ même itinéraire ”), où on peut omettre la troisième composante, sont bien représentables par le modèle classique de la répartition modale “ prix – temps ”.
Le cas “ grande distance ” est devenu le cas classique grâce à un exemple du choix “ train – avion ”. Mais, il est évident qu’ici, par le modèle “ prix – temps ”, nous ne pouvons pas expliquer toutes les variantes possibles. Souvent, comme des simplifications, on omet, dans ce cas, d’autres variantes de déplacements. C’est bien logique si nous prenons le cas où nous ne disposons pas d’autres variantes, par exemple, le voyage Paris – New-York en utilisant soit un avion, soit un navire (si l’individu ne dispose pas de son avion ou d'un transport maritime personnel) ou les cas où l’usage d’une voiture particulière semble complètement illogique, même bizarre (voyage Paris – Pékin, etc.). Mais comment expliquer le cas réel, quand un individu ayant besoin de se déplacer à une distance de près de 900 km prend le train (puisqu’il se sent mieux en voyageant en train qu’en voiture), mais parallèlement il fait venir sa voiture au point de destination ainsi que la fait revenir en utilisant le service d’un conducteur embauché pour cela. Cette personne ne passe pas plus que deux jours au lieu de destination en se déplaçant en sa voiture et il revient aussi par le train. Donc, il ne gagne pas le temps, il dépense une grosse somme d’argent, mais il ne se sépare pas de sa voiture.
La présence d’une composante mentale ici est évidente, mais sa valeur ne prend pas encore les dimensions relativement importantes, puisque les cas illogiques sont quand même rares. Outre cela, cette valeur dépend bien de la distance à parcourir et, quand cette distance devient comparable avec la fatigue physique ou bien, l’individu ne prête pas d’attention à la distance (celle-ci est relativement négligeable ou à cause d’autres raisons) ce cas peut être assimilé à celui de “ VP – TC ”.
La fonction d’utilité prend la forme :
‘Uj = hj + αCj + βTj ,’où j représente un mode de transport, et h est une composante mentale, dont la valeur est fonction de la distance.
Le cas “ différentes places ” se rencontre souvent pour les déplacements à grande distance ainsi que pour les déplacements urbains. Ce qui est commun dans tous ces cas c’est l’usage d'un même moyen de transport. Cela peut être, comme nous l'avons déjà mentionné, des places de première et de deuxième classe d’un train ou des place de business et d'économe classe d’un avion ainsi que des places avec les prix différents du métro ou du bus dans certaines villes. Ici donc, la nature du choix semble identique. Puisqu’un individu en payant plus pour un déplacement dans le moyen de transport par lequel il est possible de se déplacer moins cher, ne gagne pas de temps, on peut constater que dans ce cas la fonction d’utilité prend la forme :
‘Ui = hi + αCi ,’où i représente un i-ème individu ; h est, dans ce cas, une troisième (ici deuxième) composante – le confort d’un déplacement – qui est, évidemment, fonction du niveau des revenus d'un individu.
Et enfin, le cas “ VP – TC ” dans lequel la présence de la troisième composante est plus qu’évidente. La nature de cette composante est, parfois, identique à celle du cas précédent, mais dans la majorité il apparaît ici une sorte d’expression des relations spécifiques entre l’homme et sa voiture. Il est vraiment drôle, pendant la période du verglas, qui peut durer quelques jours, à Kharkov (comme probablement partout), de voir les voitures dans les rues qui bougent souvent plus lentement qu’un piéton. La fonction d’utilité dans ce cas sera représentée comme :
‘Uj = hj + αCj + βTj ,’où j représente un mode de transport, et h est une composante mentale, dont la valeur est fonction de la nature des relations spécifiques entre l’homme et sa voiture.
Dans ce cas, souvent il est vraiment difficile d’évaluer (de chiffrer) l'influence de la troisième composante, proportionnelle à h qui, dans le modèle “ prix – temps ”, est combinée , dans la formalisation mathématique, avec la valeur du temps. “ There is also the common practical problem that it is difficult to separate the influence of comfort and convenience factors from travel time saving ”. 47 Chez Patrick JEANJEAN nous voyons que “ le chiffre obtenu reflète, en fait, à la fois la valeur du temps proprement dit et l'appréciation de certains éléments qualitatifs plus subjectifs, comme le confort d'un mode de transport… ” 48 . Mais la nature de ces valeurs peut être très différente. Si la valeur du temps est définie comme une fonction des revenus, h peut être dépendant des divers facteurs, dont le plus important est, probablement, les relations spécifiques entre l’homme et sa voiture.
Depuis plus de trente ans de nombreux travaux sont consacrés aux problèmes d’estimation de la valeur du temps. Le tableau suivant, cité en anglais de Kenneth J. Button (1993), donne la vue générale, selon les différents pays, de l’évaluation de la valeur du temps :
Study | Country | Value of time as % of wage rate | Trip purpose | Mode |
Beesley (1965) | UK | 33-50 | Commuting | Auto |
Quarmby (1967) | UK | 20-35 | Commuting | Auto, Transit |
Stopher (1968) | UK | 21-32 | Commuting | Auto, Transit |
Oort (1969) | USA | 33 | Commuting | Auto |
Thomas & Thompson (1970) | USA | 86 | Interurban | Auto |
Lee & Dalvi (1971) | UK | 30 40 |
Commuting Commuting |
Bus Auto |
Wabe (1971) | UK | 43 | Commuting | Auto, Subway |
Talvitte (1972) | USA | 12-14 | Commuting | Auto, Transit |
Hensher & Hotchkiss (1974) | Australia | 2.70 | Commuting | Hydrofoil, Ferry |
Kraft & Kraft (1974) | USA | 38 | Interurban | Bus |
McDonald (1975) | USA | 45-78 | Commuting | Auto, Transit |
Ghosh et al. (1975) | UK | 73 | Interurban | Auto |
Guttman (1975) | USA | 63 145 |
Leisure Commuting |
Auto Auto |
Hensher (1977) | Australia | 39 35 |
Commuting Leisure |
Auto Auto |
Nelson (1977) | USA | 33 | Commuting | Auto |
Hauer & Greenough (1982) | Canada | 67-101 | Commuting | Subway |
Edmonds (1983) | Japan | 42-49 | Commuting | Auto, Bus, Rail |
Deacon & Sonstelie (1985) | USA | 52-254 | Leisure | Auto |
Hensher & Truong (1985) | Australia | 105 | Commuting | Auto, Transit |
Guttman & Menashe (1986) | Israel | 59 | Commuting | Auto, Bus |
Fowkes (1986) | UK | 27-59 | Commuting | Rail, Caoch |
Hau (1986) | USA | 46 | Commuting | Auto, Bus |
Chui & McFarland (1987) | USA | 82 | Interurban | Auto |
Mohring et al. (1987) | Singapore | 60-129 | Commuting | Bus |
Cole Sherman (1990) | Canada | 93-170 116-165 |
Commuting Leisure |
Auto Auto |
L’analyse de ce tableau montre qu’il n’y a pas d’homogénéité dans l’estimation de la valeur du temps. Même si nous prenons les situations avec des paramètres identiques, la différence entre les estimations de la valeur du temps est plus que visible. Notamment dans les ouvrages de Oort (1969) et Guttman (1975) effectués aux Etats Unis et consacrés à l’estimation de la valeur du temps pour des déplacements “ commuting ”, pour l'usage de l’automobile cette valeur s'élève à 33 % du niveau de salaire chez Oort et de 145 % chez Guttman. L’écart est donc significatif (plus de quatre fois). Ce phénomène ne peut pas être expliqué ici par l’augmentation de cette valeur dans le temps selon les périodes, c’est-à-dire selon l’augmentation des revenus des usagers des transports (ce qui n’est pas évident si l’on prend les chiffres relatifs – en % comme ici), puisque si nous prenons l’ouvrage plus récent de Nelson (1977), avec les mêmes paramètres, la valeur du temps est estimée ici comme 33 % du niveau de salaire. Selon les pays d’application des ouvrages, l’écart est aussi considérable : de 20 % en Royaume Uni à 170 % au Canada. L’homogénéité, plus ou moins satisfaisante est observée seulement dans les travaux appliqués au Royaume Uni (la valeur du temps est de 20 % à 73 %). Probablement ce fait a servi de raison pour la mise en recommandation des standards des valeurs du temps pour des organismes de transport dans les objectifs de l’analyse avant d’effectuer des investissements. Mais l’utilisation des standards pour la valeur du temps non-travail a rencontré la critique sérieuse (Kenneth J. Button, 1993).
Pourquoi l’écart entre les estimations de la valeur relative du temps est si variable selon les divers travaux ? Probablement, l’utilisation des différentes situations pour application (comme ainsi des techniques) entraîne l’estimation des résultats non comparables. Tous les cas réels sont donc spécifiques, avec leurs propres particularités et influencés par un grand nombre de facteurs n’appartenant qu’à une situation concrète (par exemple, la distance à parcourir). Et si nous continuons le développement de notre idée concernant la séparation de la valeur du temps et de l'influence de la composante du confort et d’autres choses plus irrationnelles, nous pourrions constater que la non prise en considération de ce problème dans certains cas, est la raison de surestimation (comme il nous semble) de la valeur du temps. En outre, si l’on reprend l’exemple du Royaume Uni, les standards officiels de la valeur absolue du temps ont une tendance à une augmentation plus rapide que celle de l’augmentation des revenus de la population. Dans la même source (Kenneth J. Button, 1993) nous voyons que, par exemple, la valeur absolue du temps de travail d’un usager de bus est 4,2 fois supérieure en 1989 qu’en 1975 (le tableau ci-dessous), et celle d’un conducteur de l’automobile est 2,6 fois supérieure en 1989 qu’en 1975.
Catégorie | 1975 | 1976 | 1989 |
Temps de travail
Conducteur de voiture Passager de voiture Passager de train Passager de bus Passager de métro Véhicule de lourdes marchandises Véhicule de légères marchandises Conducteur de bus Temps de loisir Dans un véhicule Marche à pied et temps d’attente |
331 287 357 168 313 155 139 166 35 70 |
379 332 407 196 360 178 158 191 36 72 |
849,7 705,3 1006,1 701,2 1050,0 622,5 660,8 647,6 207,5 |
Kenneth J. Button., "Transport Economics", Cambridge, 1993, 269 p.
JEANJEAN P., "Le calcul économique", Paris, Presses Universitaires de France, 1975, 128 p.