B. Fonction d’utilité, compensation et caractère maximisant

1) Spécification de l’utilité.

La spécification particulière de la fonction d’utilité découle de la nécessité de mesurer l’attractivité de chacune des alternatives, en fonction de leurs caractéristiques. Or, à un degré plus ou moins élevé, les individus sont ignorants de ces caractéristiques. D’où la nécessité de rechercher d’autres variables susceptibles d’éclairer les choix.

La constatation d’attitudes (inexpliquées) en faveur d’un mode plutôt qu’un autre (voiture / transports collectifs) a conduit à introduire dans les fonctions d’utilité des variables binaires pour tenir compte d’un “ biais modal ” inexpliqué par les autres variables.

En réalité, les coefficients dans la fonction d’utilité absorbent tous les effets des variables non spécifiées dans le modèle. Leur existence laisse planer un doute important sur la causalité du modèle obtenu ; en effet, on désire expliquer un phénomène à l’aide de certaines variables, mais pour que l’ajustement soit meilleur, on en rajoute une : la seule explication qu’elle fournit est “ le mode 1 sera choisi parce que le mode 1 sera choisi ”. Elle constitue, donc, une faiblesse importante du modèle car elle accumule tous les effets inexpliqués.

Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour que cette variable ne dépende pas du contexte, du site sur lequel s’effectue le calibrage et de l’échantillon choisi…

Dans ces conditions, les possibilités de transfert du modèle d’un lieu à un autre sont très restreintes : F.S. KOPPELMAN 72 a, par exemple, tenté de transférer un modèle logit de choix modal de l’Ouest à l’Est de Washington et le résultat était catastrophique : aucun des paramètres n’était transférable…

Partant, le modèle n’est plus comportemental. L’explication de ces biais modaux fait l’objet de nombreux travaux de recherche sur les attitudes et les comportements :

  • aux Etats Unis, on pousse plus loin la formalisation d’outils de mesure des attitudes ;
  • en Europe, on explore plus avant ces attitudes en tentant de les appréhender par des enquêtes ouvertes de nature essentiellement qualitative.

L’appréhension de ces attitudes déterminantes du comportement et leur intégration dans les formulations semble délicate, mais nécessaire à la pertinence des modèles. Elles n’obéissent qu’à des facteurs économiques mais aussi à des facteurs socioculturels.

Le problème est de taille et jugé comme “ un terrain glissant ” par de nombreux auteurs.

Notes
72.

KOPPELMAN F. S., GAUDRY M.J.I., WILLS M., "Estimating the fonctional form of travel demand models", Transportation Research, Vol. 12, No 4, 1978, pp. 257-289.