0.3.1.1. Essai de définition du concept de la performance.

La question de la performance d’une organisation peut être appréhendée dans des termes très différents.

En effet, ce concept recouvre un vaste corpus de définitions et de pratiques diverses, dans différents champs de l’activité socio- économique.

La performance fait le plus souvent référence à la notion d’évaluation. Il s’agit de mettre en place des critères déterminés par rapport à des normes, qui peuvent s’exprimer quantitativement sous la forme d’indicateurs quantitatifs.

La performance peut être, également appréciée de manière qualitative sous la forme d’un jugement de valeur. Elle est alors, évaluée à travers la construction d’outils de mesure et tableaux de mesures adaptés aux spécificités du contexte actuel et aux spécificités de l’organisation elle-même.

Il en résulte que la performance, comme le disait M.Christian Marmuse « ‘revêt donc des aspects multiples, sans doute convergents, mais qui méritent d’être abordés dans une logique plus globale que la seule appréciation de la rentabilité pour l’entreprise ou pour l’actionnaire’ » 49

La définition du concept de la performance se confond en général avec le concept d’efficacité et d’efficience. En distinguant la performance individuelle de la performance organisationnelle Turcotte considère que cette dernière « ‘diffère de la productivité qui concerne la valeur d’une unité de biens et de services par rapport à son coût de production. Elle se différencie de l’efficacité qui est la capacité d’atteindre des objectifs ainsi que l’efficience qui rend compte de la capacité d’être efficace au niveau de la fabrication, peu importe si les produits se vendent bien ou non ’».50

M. Lebas tente dans un article de construire une définition de la performance à appliquer au domaine de la gestion en présentant ce qu’il a appelé les caractères communs de la performance :

  • accomplir, réaliser une activité dans un but déterminé

  • Réalisation d’un résultat.

  • Comparaison d’un résultat par rapport à une référence interne ou externe

  • Aptitude à réaliser ou à accomplir un résultat (potentiel de réalisation)

  • Appliquer des concepts de progrès continus dans un but de compétition

  • Jugement de la performance par plusieurs acteurs concernés qui peuvent ne pas avoir la même vision et la même approche. D’où nécessité d’une approche multicritère de la performance.

  • Mesurer par un chiffre ou une expression communicable. 51

L’environnement dans lequel baigne aujourd’hui toute organisation, quelle que soit son activité, est complexe et en évolution constante et impose à celle- ci non seulement d’évaluer sa performance à un moment donné mais de la manager en visant une performance durable. « ‘Le pilotage du processus de performance doit être appréhendé dans la durée. Toute entreprise évoluant dans un environnement dynamique, le management de la performance ne peut se reproduire à l’identique. Au contraire, il doit produire les conditions de sa propre transformation en assurant une fonction d’apprentissage organisationnel’ » 52

Bartoli a tenté de définir le concept de performance en mettant en relation trois notions : résultats, moyens et objectifs en les reliant à trois logiques : une logique d’efficacité, une logique d’efficience et une logique de budgétisation. 53

L’évaluation de la performance d’une organisation à l’aide d’indicateurs pertinents et appropriés est un exercice difficile afin d’assurer la réussite des organisations quels que soient leurs secteurs d’activités. Toutefois malgré les évolutions que connaissent aujourd’hui les organisations, beaucoup d’entre elles continuent de mesurer leur performance à travers des indicateurs conçus pour répondre aux besoins passés.

Dans un environnement de plus en plus concurrentiel et des clients de plus en plus exigeants et qui nourrissent de plus grandes attentes, il convient aujourd’hui de concevoir des indicateurs de performance appropriés et surtout de définir des modes opératoires pour les mesurer afin de déterminer le niveau de performance de l’entreprise.

L’objectif de notre recherche est de développer une méthode opératoire de mesure de la performance organisationnelle qui puisse être appliquée à un organisme de formation.

Toutefois, lorsqu’on veut développer une méthode de mesure de la performance, des règles doivent être, au préalable, respectées :

  • Choisir des critères observables, mesurables ou définis de manière opératoire ;

  • Choisir des critères capables de discriminer entre différents écarts de performance. Un critère ne doit pas donner toujours le même résultat, période après période car celui-ci ne fournira aucune information permanente sur l’amélioration ou la détérioration de la performance de l’entreprise ;

  • S’assurer de la fidélité et de la validité des mesures. Les critères choisis afin d’évaluer la performance organisationnelle doivent avoir des coefficients de fidélité et de validité acceptable ;

  • Utiliser le minimum de critères pouvant représenter le mieux possible toutes les dimensions de l’efficacité.

Ce qui attire l’attention dans les modèles de performance organisationnelle étudiés dans des théories de management est l’importance qu’on accorde en général, aux critères de la théorie économique classique (efficience économique, productivité ou compétitivité).

Comme le font constater certains auteurs il y a une rupture entre la réalité socioculturelle et la réalité administrative et «‘cette rupture peut expliquer en partie les difficultés qu’ont les gestionnaires à mobiliser les employés et les problèmes qu’ont les individus à trouver du sens dans leur travail. L’emprise actuelle de l’organisation sur les valeurs de la société en général de même que la rigidité de la notion de la performance organisationnelle des systèmes de représentations des gestionnaires sont deux phénomènes qui renforcent l’orthodoxie dans les systèmes administratifs et stimulent l’engouement pour des modes managériales comme celles de la “qualité totale ” ou la “recherche de l’excellence ” ou la “réingénerie des processus d’affaires ’» 54

Dans la documentation sur la performance, on peut trouver plusieurs notions qui apparaissent, à priori, synonymes telles que l’efficacité, le rendement, la productivité, l’économie et l’efficacité.

Si les écrits sont nombreux dans ce domaine de recherche il faut constater qu’il n’y a pas de consensus ni sur la définition du concept ni sur la manière de l’évaluation.

Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que le concept de performance intéresse et touche plusieurs disciplines à commencer par l’économique, la comptabilité, les systèmes d’information, le management, les sciences de comportement. Cette multitude de langages et d’interprétations entraîne souvent un manque de compréhension interdisciplinaire.

‘«  La performance est une exigence pour la pérennité de l’organisation, inévitablement liée aux valeurs des personnes et des groupes d’intérêts qui la mesurent. Par voie de conséquence, ce concept ne peut pas avoir de signification en soi, il ne peut en avoir que pour ceux et celles qui y réfèrent dans leurs rapports avec les organisations. Il est temps de s’offrir une grille d’analyse et de mesure complète de la performance organisationnelle qui puisse dépasser les barrières disciplinaires et fonctionnelles et surmonter les obstacles posés par les préférences personnelles »55

Par ailleurs plusieurs écoles de pensée relatives à l’organisation se sont intéressées à la performance organisationnelle et son évaluation. Ainsi plusieurs conceptions de la performance ont été développées : 56

  • La conception de la performance issue des théories classiques de l’organisation développées par Fayol, Weber et Taylor. Ces pionniers des théories de l’organisation ont défini l’organisation comme une structure formelle basée essentiellement sur des critères économiques.

  • La conception de l’école des relations humaines, dans les années 30, dont les représentants sont Mayo, Maslow, McGregor et Likert ont mis au point une conception dite humanisée de l’organisation. Cette conception sociale de la performance met en valeur le facteur humain et privilégie non seulement l’atteinte des objectifs mais aussi et surtout la satisfaction des besoins du personnel.

Dans l’école de la pensée systémique de l’organisation qui voit le jour dans les années 50 grâce aux travaux de Von Bertalanffy 57 l’organisation est définie comme système dont la finalité est la survie. La performance est évaluée à travers le processus de l’organisation plutôt que sur les objectifs à atteindre.

D’autres auteurs ont tenté, depuis, de définir la performance à travers plusieurs dimensions. Ainsi, Morin, Savoie et Beaudin (1994) ont distingué quatre dimensions de la performance organisationnelle qui sont définies par des critères et qui se mesurent à l’aide d’indicateurs de performance.

Ces indicateurs sont les suivants : La pérennité de l’organisation, l’efficience économique, la valeur des ressources humaines et la légitimité de l’organisation auprès des groupes externes.

La pérennité de l’organisation est une dimension qui mesure le caractère permanent et perpétuel de l’organisation. Les critères de mesure sont : Qualité du produit, Rentabilité financière, Compétitivité.

L’efficience économique détermine la valeur ajoutée par l’entreprise qui est un élément fondamental pour le développement de l’organisation Les critères de mesure sont : Economie des ressources et Productivité.

La valeur des ressources humaines évalue la dimension humaine dans l’organisation.
Les critères de mesure pouvant être utilisés sont : mobilisation du personnel, Moral du personnel, Rendement du personnel et Développement du personnel.

La légitimité de l’organisation auprès des groupes externes est une dimension qui mesure le degré de reconnaissance de l’organisation par des acteurs externes

Les critères de mesure sont : Satisfaction des bailleurs de fonds, Satisfaction de la clientèle, Satisfaction des organismes régulateurs, Satisfaction de la communauté. 58

Donc lorsqu’on veut évaluer la performance d’une organisation, il faut déterminer les dimensions qui sont nécessaires pour la décrire. Pour cela, il convient de choisir un nombre minimal de composantes principales, pertinentes et suffisantes pour rendre compte, le mieux possible, de la performance organisationnelle.

Les dimensions de la performance sont définies à l’aide de critères lesquels doivent comme nous l’avons signalé auparavant, être des données concrètes et observables de l’organisation. Ils doivent pouvoir aussi permettre suffisamment de variance pour assurer une discrimination à différents degrés de performance. Il faut aussi choisir un nombre minimal des critères suffisants pour rendre compte d’une façon satisfaisante, de la performance d’une organisation. Il faut également rechercher des critères qui soient facilement mesurables.

Si les critères nous informent sur ce qu’il faut savoir à propos de la performance organisationnelle encore faut-il déterminer les indicateurs qui les représentent ‘« un indicateur de performance est défini par un ensemble d’opérations portant sur des données concrètes, tangibles ou intangibles, qui produit une information pertinente sur un critère ’»59

Par ailleurs, et comme on peut le constater la définition des indicateurs de performance s’accompagne nécessairement de la détermination de l’instrument ou la démarche de collecte de l’information. C’est en fait l’existence d’un ou plusieurs de supports de collecte de l’information sur un indicateur de performance qui permet de déterminer le caractère opératoire, mesurable, de l’indicateur.

Michel Lebas analyse la performance en prenant soin de séparer le processus à travers lequel celle-ci est créée de la façon dont elle est mesurée en montrant comment la mesure de la performance dépend des indicateurs choisis, des décisions prises antérieurement, des champs de responsabilités et des choix stratégiques effectués. Il précise « ‘La performance n’est pas une simple constatation, elle se construit. Elle est le résultat d’un processus de causalité. Ainsi elle est une indication d’un potentiel de résultats futurs et se définit par un vecteur de paramètres reflétant un modèle de causalité dans l’espace et dans le temps’ » 60

Nous considérons que pour atteindre une performance organisationnelle satisfaisante il faut absolument mobiliser le personnel et l’intégrer dans tout le processus à travers lequel la performance est créée et en lui assurant les conditions nécessaires de réalisation de la performance.

La performance ne peut être que globale touchant non seulement l’aspect économique mais aussi l’aspect social. C’est ce que nous allons voir dans l’approche socio-économique qui constitue, comme nous l’avions déjà indiqué, le cadre théorique de notre recherche.

Notes
49.

Voir C.Marmuse  « Performance » in Encyclopédie de la gestion, Edition Economica, 1989 pages 2194 à 2207.

50.

P.Turcotte «  Comportement en milieu organisationnel » Consul 2000, Editeur Sherbrooke.1997, 658 pages. Page 22

51.

M. Lebas «  le concept de performance » in Revue Travail n° 34, printemps – été 95, page 137 à 149

52.

Mandez  «  Le management de la performance dans une multinationale française » in Actes du VIIème Congrès de l’AGRH 1996 sur le thème «  performance et ressources humaines » Page 328

53.

A.Bartoli « Le management des organisations publiques » DUNOD, Paris, 1997, 283 pages, page 78.

54.

Estelle M. Morin et all. «  Les indicateurs de performance » publié par l’ordre des comptables généraux licenciés du Québec. Edition GUERIN Montréal (Canada) 1996 .167 pages, page 6.

55.

Estelle M. Morin et al. «  Les indicateurs de performance » op cité page 8.

56.

Voir E.M Morin , A. Savoie ,G.Beaudin « L’efficacité de l’organisation : Théories, représentations et mesures »Edition Gaétan Morin éditeur 1994 , 156 pages , page 7

57.

Voir Von Bertalanffy « General sytem theory. Yearbook of the Society for General , vol 1, p. 1-10

58.

Voir E.M Morin, A. Savoie ,G.Beaudin « L’efficacité de l’organisation : Théories, représentations et mesures »Edition Gaétan Morin éditeur 1994 , 156 pages , page 7

59.

Estelle M. Morin et al. «  Les indicateurs de performance » op cité , page10.

60.

M. Lebas «le concept de performance » in Revue Travail  n° 34, printemps – été 95, page 137 à 149