0.3.2. LE CONCEPT DE TABLEAU DE BORD

0.3.2.1. Essai de définition de tableaux de bord :

Autant l’entreprise a besoin d’orientation stratégique pour la guider, autant elle a besoin, pour actualiser ces orientations et piloter son fonctionnement quotidien dans le contexte des contraintes actuelles, de systèmes de gestion et d’information lui permettant d’évaluer son fonctionnement et ses performances. D’où la nécessité d’une gestion mieux définie et réorientée qui à son tour requiert une planification informée, un suivi et un contrôle des priorités.

En bref, il s’agit d’assurer le pilotage de l’entreprise, qui selon P. Lorino, a deux fonctions :

  • Une fonction d’équilibration : ayant pour rôle d’assurer un équilibre acceptable entre continuité et changement

  • Une fonction de coordination : celle-ci vise à assurer un équilibre acceptable entre initiative individuelle et règles collectives au sein de l’organisation.

‘«  L’équilibration doit traiter le temps, le changement et la continuité. La coordination doit traiter l’espace social, la diversité et la cohésion » 64

Les systèmes d’informations de gestion, tels la comptabilité et ses états financiers n’ont pas d’intérêt pour la gestion de l’organisation que s’ils débouchent sur la prise de décision, c’est-à-dire l’action. En effet, si l’information existe, sa recherche ne doit pas être une fin en soi. Elle est d’abord destinée à l’analyse dans le cadre d’un système d’analyse et de diagnostic. Celle-ci doit être destinée aussi et surtout au pilotage dans le cadre d’un système qui doit permettre une conduite directe de l’action.

Par ailleurs, pour être efficace un système de pilotage doit répondre à un certain nombre de conditions :

  • Il doit être basé sur la mission de l’entreprise et être orientée vers sa stratégie.

  • Il ne doit pas être extensif, mais sélectif, il se base sur des indicateurs sélectifs guidés par la stratégie.

  • Il ne doit pas être destiné à l’analyse, mais être orienté vers l’action.

  • Il doit être clair et compréhensible par tout le personnel concerné.

  • Il doit être évolutif dans le temps et être en mesure à s’adapter en permanence aux changements de circonstances et de stratégies.

Il doit être orienté vers la performance.

Cela exige d’un gestionnaire en général et d’un dirigeant d’établissement de formation en particulier, en termes d’approche système, de passer de la gestion des ressources qui sont à sa disposition (à l’entrée) à celle des activités (au niveau de processus d’enseignement qualité, et approches d’apprentissage), mais aussi et surtout à la gestion des résultats à la sortie (Taux de réussite - Taux d’embauche des lauréats, taux de satisfaction) et des impacts dans l’environnement (satisfaction des entreprises et la qualité des relations avec le monde professionnel).

Le contexte actuel et les problèmes que vivent les entreprises quel que soit leur secteur d’activité imposent aujourd’hui la nécessité d’une gestion rigoureuse axée sur la mesure de la performance par l’utilisation d’un outil de pilotage : le tableau de bord de pilotage.

‘ «  Les managers, comme les pilotes, ont besoin d’instruments qui leur donnent des indicateurs sur l’environnement et la performance de l’entreprise et les aident à mettre le cap sur l’excellence » 65

Plusieurs auteurs ont tenté de donner une définition au tableau de bord.

Kaplan et Norton proposent la notion de tableau de bord prospectif (T.B.P) considéré comme un outil de pilotage stratégique et qui permet d’apprécier la performance dans quatre domaines: les résultats financiers, la satisfaction des clients, les processus internes, l’apprentissage organisationnel.

Le TBP n’est pas uniquement un outil de mesure de la performance “opérationnelle ” c’est aussi un véritable système de management stratégique pour déployer la stratégie à long terme de l’entreprise.

‘«  Le T.B.P traduit la vision et la stratégie de l’entreprise en objectifs et en indicateurs articulés autour de l’ensemble cohérent formé par les quatre axes. Il permet de suivre à la fois les résultats souhaités et les processus qui permettent de les atteindre » 66

Le TBP s’inscrit pour Kaplan et Norton sur quatre axes : l’axe financier, celui des performances à vis des clients, celui des processus internes et celui de l’apprentissage organisationnel. 67

Kaplan et Norton estiment que dans le cadre de l’environnement concurrentiel actuel, les indicateurs financiers ne sont plus appropriés pour guider la stratégie de l’entreprise. Ils conseillent aux chefs d’entreprise de porter leurs efforts sur l’amélioration de la satisfaction des clients, la qualité, les compétences et la motivation des salariés et de la durée des cycles de production.

Saulou considère le tableau de bord comme un outil d’information du gestionnaire sur les éléments névralgiques de l’organisation et en particulier sur l’évolution de la performance. C’est un outil d’aide à la décision et la prévision « ‘tableau de bord du responsable est un outil d’agrégation synoptique des informations pertinentes du système permettant de savoir si le fonctionnement de celui-ci doit être considéré comme normal : c’est-à-dire à ce titre, un instrument de contrôle permettant de mettre en évidence les écarts significatifs d’un mauvais fonctionnement du système : c’est un outil d’aide à la décision. Le tableau de bord doit également être un outil d’aide à la prévision permettant d’extrapoler les tendances passées et les écarts du présent vers l’avenir, afin d’appréhender ce futur avec moins d’incertitude’ » 68 Il faut également indiquer que les tableaux de bord ne sont pas qu’aide à la décision ; ils jouent trois autres rôles : Ils facilitent la communication interne, ils améliorent la communication externe et ils permettent aussi de faire connaître les résultats souhaités et ceux obtenus 69

M. Leroy considère que «‘Le tableau de bord est une présentation synthétique et pédagogique des indicateurs de gestion qui permettent à un responsable de suivre la réalisation des objectifs de son unité de gestion. C’est donc un ensemble choisi de données élaborées dont l’utilité est spécifique à un décideur’ » 70

A coté des effets recherchés par un tableau de bord qui sont: Effet synoptique, effet de communication, effet de modélisation de l’organisation, effet d’appréciation des performances dans le temps ; A.Fraysse considère que le tableau de bord présente des dérives possibles qu’il convient d’éviter. Il s’agit notamment des dérives suivantes : dérive épistémologique, dérive dans la différenciation de la notion de tableau de bord, dérive dans la logique de présentation, dérive dans le processus, dérive dans le niveau des indicateurs, dérive dans la constitution des indicateurs, dérive dans le nombre d’indicateurs 71

Pour P. Voyer le tableau de bord remplit quatre fonctions essentielles à savoir :

  • Fonction de monitoring constant, de constat d’écart et d’alerté ”. Il s’agit de mesurer, de cerner, de suivre, de contrôler et d’évaluer les résultats obtenus et leur progression ;

  • Fonction de déclencheur d’enquête et de guide d’analyse : un tableau de bord doit non seulement être analysé mais doit également entraîner une action ;.

  • Fonction de reportage et de réédition de comptes. L’information consolidée et élaborée sous forme de tableau de bord répond particulièrement bien aux besoins de reportage de gestion pour la réédition des comptes. Le gestionnaire peut rendre compte en transmettant ou en produisant les indicateurs pertinents aux paliers supérieurs ;

  • Fonction de communication et de motivation. Le tableau de bord favorise la communication et l’échange d’information et stimule la discussion en permettant de centrer le dialogue sur la performance. De plus le tableau de bord motive le personnel par l’utilisation d’informations plus objectives pour l’évaluation du rendement

  • Fonction de contribution à la formulation des objectifs et des attentes 72

Sulzer disait «un tableau de bord n’est utile que s’il est lu ». 73 Or, le tableau de bord est un outil qui doit non seulement être utilisé, c’est-à-dire lu et analysé, mais qui doit également entraîner une action et il doit avoir pour objectif de mesurer non seulement les résultats à court terme mais aussi ceux à moyen et long termes74. C’est ce nous allons voir dans le point qui suit qui traitera du tableau de bord de pilotage stratégique dans l’approche socio – économique.

Notes
64.

P.Lorino « comptes et récits de la performance. Essai sur le pilotage de l’entreprise » Ed. Organisation, 1997, 288 pages, page 195.

65.

R.S. Kaplan et D.P.Norton « le Tableau de bord prospectif. Pilotage stratégique : les 4 axes du succès, Ed. nouveaux horizons, 1998, 310 pages, page 14.

66.

Ibid. page 41.

67.

Ibid Page 37

68.

J.Y Saulou « Le tableau de bord du décideur » Paris Ed. d’organisation 1982, page 40

69.

A. Bouvier « Problématique du pilotage des tableaux de bord » in Actes du séminaire de la MAFPEN et de l’IUFM de l’académie de Lyon (novembre 1994 -avril 1995). Edition Centre régional de documentation pédagogique de l’Académie de Lyon. 114 pages. page 4

70.

M.Leroy «Le tableau de bord »,Editions d’Organisation, 1988. Cité par A.Frasse « Tableau de bord, notion fallacieuse ? » in Outils de pilotage dans les systèmes éducatifs. Op cité ;page 96

71.

A.Frasse « Tableau de bord, notion fallacieuse ? » In Outils de pilotage dans les systèmes éducatifs. Op cité pages 98 -102

72.

P.Voyer «Tableaux de bord de gestion » édition Presses de l’Université du Québec 1994. Page 16

73.

J.R Sulzer, «  comment construire le tableau de bord » 2ème édition, Paris, DUNOD, 1985, page 154

74.

Yves Saulou «  Le tableau de bord du décideur » op cité ,page 41