INTRODUCTION.

Notre thème de recherche est né d’un questionnement à propos des pratiques pédagogiques innovantes. Nous nous interrogions sur les ressorts de l’investissement persévérant de certains enseignants dans l’une d’elles. Pourquoi opter pour une pratique pédagogique ’différente’ ? Est-ce simplement pour essayer quelque chose de nouveau ? Est-ce pour se conformer à une attente intitutionnelle ? Fait-elle office de sauve-qui-peut, pour parer à des difficultés ? Pourquoi choisit-on telle pédagogie plutôt que telle autre ? Son adoption tient-elle au sentiment de sa qualité interne ? L’engagement persévérant traduit-il une volonté personnelle ? Quel est le type d’adhésion ? Le taux de conviction ? Y a-t-il des facteurs de personnalité, des types d’histoire personnelle qui prédisposent mieux que d’autres à se reconnaître dans telle ou telle référence doctrinale ?

Au même moment, des innovations éducatives d’envergure se réclament de doctrines pédagogiques différentes, et même divergentes : celle d’A de la Garanderie, de C. Freinet, de R. Feuerstein, notamment. Dès lors, comment comprendre l’engagement stable de certains dans l’une d’elles ? Serait-il légitime de penser que ceux qui s’en réclament véritablement défendent des visées typées, suffisamment distinctes, voire opposées, et s’inspirent de philosophies radicalement divergentes ? Telle est notre problématique.

Notre hypothèse postule paradoxalement que, en-deça de ces points de vue différents, et malgré les apparences, on peut discerner entre elles une référence commune, une parenté de conviction, autour de la valeur de la Personne. Cette référence, éventuellement implicite, donnerait à comprendre plus authentiquement, et de façon unitaire, cet engagement des innovateurs. C’est pourquoi il y aurait une fortuité relative dans l’option pour telle ou telle référence pédagogique. La raison profonde de l’adhésion et de la pratique persévérante relèverait finalement d’une vision personnaliste commune à tous.

Différentes étapes articuleront cette recherche. Tout d’abord, nous exposerons les pédagogies de C. Freinet, d’A. de La Garanderie, et de R. Feuerstein en mettant plus particulièrement en relief leurs différences. Nous expliciterons ensuite notre méthodologie de recherche et d’investigation auprès des praticiens de ces pédagogies. Puis nous donnerons à lire un exemple d’entretien littéral. Nous procèderons ensuite à l’analyse quantitative et qualitative des entretiens. Notre interrogation portant sur la dimension personnaliste de l’engagement pédagogique, nous étudierons alors la notion de personne, ce qui nous conduira à définir les critères d’une pédagogie personnaliste. La personne est-elle au centre de la raison pédagogique ? Cette question sera étudiée d’après l’analyse des entretiens, et en nous interrogeant finalement sur la dimension personnaliste des pédagogies de Freinet, de la Gestion Mentale et du PEI. Nous étudierons alors la contingence relative du choix pédagogique et les raisons pour lesquelles, cependant, on adhère à l’une ou à l’autre.