3. Modifiabilité et médiation au coeur du Judaïsme.

R. Feuerstein témoigne de son milieu familial, priant selon la religion juive et mobilisé en ses préceptes, notamment dans le commandement de transmission, dans celui d’avènement d’intelligence, qui est voie de révélation divine, ainsi que dans celui d’attention aux plus pauvres. Or, précisément, on connait sa vocation de service envers les enfants ’déprivés’, chez qui il ambitionne de développer l’intelligence, qu’il nomme modifiabilité cognitive dans un contexte d’éxpériences d’apprentissage médiatisé, où la médiation ressort intrinsèquement d’une légation. En cette perspective, il souligne que, tout jeune, il voyait sa mère recevoir des orphelins et son père donner des conseils à qui venait lui en demander. Il se souvient également qu’il apprenait à reformuler à autrui ses expériences de lecture et de compréhension des textes sacrés.

En l’occurence, la tradition éducative juive valorise particulièrement la sphère cognitive, dont les aptitudes sont sollicitées à la naissance. Ainsi, les enfants seront invités dès le plus jeune âge, dans les groupes et les assemblées, à entendre les paroles du Talmud et, même, à se confronter à un contact perceptif direct avec les Saintes écritures. La ’hokhma’, qui est la faculté de l’âme et de l’esprit à acquérir et à conserver la connaissance théorique de la Thora, est référée à des possibilités mentales appelées ’cognition’, à travers lesquelles la connaissance est acquise et conservée. Les parents ont ainsi le devoir de concourir au meilleur développement des capacités cognitives de l’enfant en réfléchissant et en ordonnant leurs interactions avec lui.

En fait, le judaïsme reconnaît que le développement cognitif progresse à travers une série d’étapes graduelles : à cinq ans, l’enfant doit étudier l’Ecriture, à dix la Michna, à treize accomplir les commandements, à quinze étudier le Talmud, et à dix-huit se marier.. Cette éducation selon la parole biblique conduira ‘’ (..) chaque enfant selon ses voies ; ainsi, même âgé, il ne s’écartera pas de ces chemins.’ (Proverbes 22-10). En somme, l’éducation cognitive participe du devoir d’élévation vers la connaissance divine, elle se déploie necessairement dans le cadre de la médiation, qui est témoignage de religion.

En ce sens, R. Feuerstein souligne : ‘’ Tout ceci a éveillé en moi le besoin de ne pas passer auprès d’autrui sans lui apporter quelque-chose, sans créer une interaction au-delà d’une rencontre éphémère qui ne laisse pas de trace. J’ai éprouvé le besoin de laisser une trace pour me voir ’continuer’ par autrui, dans un autre endroit du monde, dans un autre temps, au-delà de mon existence physique.’ 36’. La médiation est un héritage, ’Si je suis novateur, si je crée quelque chose, j’essaie toujours de le rattacher à l’ancêtre, à quelqu’un de plus important dans l’âge, la hierarchie ou dans l’histoire.37’. Dès lors, la transmission culturelle est source de vie, d’avènement d’intelligence, de relation au Dieu vivant. Il déclare lui-même être le produit d’un environnement, d’une pensée, d’une modalité d’entrevoir la culture comme un besoin vital.

Notes
36.

R. Feuerstein, Médiation éducative et éducabilité cognitive, p. 18.

37.

R. Feuerstein, Pédagogie de la médiation, p. 164.