CHAPITRE 2.
L’Investigation auprès des praticiens.

A.Méthodologie de la conduite des entretiens.

1. Choix de la population.

Quels ont été les critères de choix de notre population ? Pour le moins, nous souhaitions interroger des enseignants longuement expérimentés dans la pratique de telle ou telle pédagogie et s’en réclamant fermement. Il nous semblait que l’inscription dans la durée était un gage d’investissement permettant une maturation et une conscientisation qui autorisent aussi une certaine distance. Autrement dit, nous étions décidée à écarter les ’débutants’, ceux qu’on nommera plutôt ’papillons’, ainsi que les ’indécis’. Nous souhaitions avoir des enseignants convaincus, voire militants, et engagés dans une pratique de longue durée. Aussi étaient-ils affirmés. C’était un moyen, pour nous, d’éviter des réponses par trop équivoques. Sans doute faisions nous également l’hypothèse intuitive que la consistance argumentaire était liée à la finalisation implicite de la pratique, pour le moins, à une dynamique de recherche en ce sens. D’une certaine manière, notre hypothèse de recherche sous-tend cela, puisque la pratique persévérante se légitimerait par une perspective personnaliste. Mais à l’origine de ce travail, il faut avouer qu’il ne s’agissait là que d’un sentiment implicite, qui ne relevait pas d’une conscientisation méthodologique résolument directrice.

Outre la reconnaissance d’adhésion et l’engagement durable dans la pratique, nous avions également retenu des critères tels que la dispersion dans différents cycles scolaires et la variété géographique.

Nous avons donc constitué une population de 30 enseignants, dont 10 par pédagogie. Pour la pédagogie Freinet, ils sont majoritairement dans des classes primaires ; l’un d’eux venait de prendre la fonction de conseiller pédagogique. Pour le PEI, ils sont principalement dans le cycle spécialisé. Pour la Gestion mentale, 2 sont en activité dans une classe primaire, 5 au collège, 1 dans le supérieur, 2 assurent des consultations pédagogiques individuelles après avoir été pour l’un, enseignant à l’école primaire, pour l’autre, au collège.

Chez Freinet, ils relèvent tous de l’Education Nationale. Pour le PEI, ils sont répartis à égalité entre public et privé. Pour la Gestion mentale, 6 exercent dans l’Enseignement Catholique, 4 dans l’Enseignement Public (parmi ces derniers, deux ont quitté l’Education Nationale et pratiquent en consultations individuelles.). On trouvera dans le second tome les renseignements permettant de positionner - dans le respect de l’anonymat- chaque personne interviewée.

Nous ne nous sommes pas limitée à un secteur géographique, ce qui nous a permis d’avoir, notamment sur ce plan, une population variée. Pour le PEI, nous avons interrogé : 4 enseignants de la région Parisienne, 1 du Loir-et-Cher, 3 de la Vendée, 2 de la Vienne. Pour la pédagogie Freinet nous avons interrogé : 1 enseignant de la région Parisienne, 2 des Yvelines, 4 du Maine et loire, 2 de Loire-Altlantique, 1 de la région Rhône-Alpes. Pour la Gestion Mentale, nous avons interrogé : 2 enseignants de la région Parisienne, 1 en Eure-et-Loir, 1 en Moselle, 1 dans le Loiret, 1 en Ille-et-Vilaine, 1 en Maine-et-Loire, 2 en Charentes, et 1 dans le Rhône.

S’agissant des procédés qui nous ont conduite vers tel ou tel enseignant, ils furent variés, et le choix, dans les limites du cadre précité, fût l’effet de circonstances. Pour le PEI et la Gestion Mentale, des formateurs nous ont fourni les premières coordonnées. Chez Freinet, nous avions opté, à l’origine, pour des adhérents aux différents mouvements départementaux. Par ailleurs, quelle que soit la pédagogie, et souvent à notre demande, les enseignants nous renvoyaient vers des collègues. Nous avons ainsi constitué peu à peu des listes fournies avec un panel assez large de propositions. C’est donc en référence aux critères précités que les circonstances et les conditions matérielles nous ont dirigée vers tel ou tel praticien.

Excepté deux praticiens du PEI, nous ne connaissions personne a priori. Nous avons eu affaire à des enseignants engagés, sûrs d’eux-même témoignant, selon cette manière, d’une assurance d’adhésion, parfois militants par rapport à la pédagogie épousée, pratiquant telle ou telle depuis au moins sept ans et au plus vingt ans (notamment pour la pédagogie Freinet). Quelques-uns étaient même des animateurs - formateurs ’occasionnels’, ou exprimaient le désir de l’être. (2 en PEI, 5 en Gestion Mentale, et 2 en pédagogie Freinet), tout en étant dans une activité pleine de terrain. Nous avons d’ailleurs constaté ce besoin de partager et de transmettre, qui explique pour certains une forme de militance, voire une inscription dans un processus de recherche en pédagogie. En pédagogie Freinet, on se rallie à un groupe départemental ; en Gestion Mentale on fait équipe entre praticiens ; en PEI, on sollicite un accompagnement pédagogique et critique, en liaison avec différents réseaux.

Dans tous les cas, la fortuité nous a guidée vers tel ou tel. Nous n’avions aucune idée a priori des personnes susceptibles d’être interrogées (excepté, comme nous l’évoquions, deux praticiens du PEI). D’ailleurs, la plupart du temps, nous avons choisi au hasard dans des listes de noms, ou bien on nous a indiqué des personnes, tandis que nous étions orientée par les critères de diversité géographique et socio-professionnelle précités. En définitive, on observe une variété de profils, mais une unité autour du choix et de la determination pédagogique. Au demeurant, il faut noter que notre population ne constitue pas un échantillon représentatif, mais elle est significative au regard du critère d’inscription durable dans telle ou telle pratique pédagogique.