Thème n° 2 : La Filiation Religieuse.

PEI FREINET GM
1. Education Religieuse Chrétienne 8 7 10 =25/30
2. Foi Chrétienne 4 1 7 =12/30
3. Humanisme athée 6 9 3 =18/30
  1. On note, toutes pédagogies confondues, l’importance de la formation religieuse reçue, chrétienne, catholique, puisque 25 sur 30 y font référence explicitement. Ils évoquent une ’éducation religieuse’ ; une ’formation religieuse’ ; une ’éducation humaniste chrétienne’ ; une ’éducation très catholique, où l’Evangile était vécu profondément’, l’origine ’d’une famille chrétienne pratiquante’ ; ’une spiritualité que j’ai dans les gênes.’. En pédagogie Freinet, trois d’entre eux la minimisent, sans la renier :’J’ai eu une éducation religieuse légère’ ;’l’éducation n’était pas si religieuse que çà, dans le sens où mes enfants ne sont pas baptisés’ ; ’ ‘j’ai eu une petite formation religieuse, je crois que ma formation judéo-chrétienne m’a formé à l’homme, je ne regrette pas du tout cette formation., je pense qu’il ne faut pas la rejeter’ .’. Ces derniers évoquent l’attitude de leurs parents ou de leurs grands-parents : ‘mon père bouffait du curé tant qu’il savait, il a été enfant de choeur’ ; ’ma mère a une morale chrétienne, le dimanche matin elle ne va pas rater la messe, quand il y a l’intervention du pape, elle regarde’ .’ ‘;’mes grands-parents allaient à la messe’ .
    Pour l’ensemble, c’est un parcours de formation balisé durant l’enfance et l’adolescence par des marques telles que le’baptème’, la ’communion’, la ’confirmation’. Six enseignants ont adhéré à des mouvements catholiques et y ont exercé des responsabilités, 3 en pédagogie Freinet, 2 en Gestion Mentale, 1 en PEI : ‘J’ai milité beaucoup quand j’étais jeune, j’ étais Jeannette, cheftaine Scout, j’ai mobilisé les foules un peu’ ; ’‘j’ai fait partie de l’Action Catholique de l’Enfance et de l’Action Catholique Ouvrière, j’étais Louveteau’ ; ’J’étais Choeurs Vaillants’ .’ ; ’‘j’étais Ames vaillantes’’ ; ’Mouvement Eucharistique des jeunes’ , ’Association Cathéchétique et Pastorale.’. Par ailleurs, un enseignant Freinet raconte l’impression marquante que lui a laissée le Frère Roger lorsque, adolescent, il séjourna deux jours à la communauté de Taizé : ‘Pendant la guerre, il a risqué sa vie.. il avait un regard .. j’ai trouvé que c’était un personnage extraordinaire’ .’.

  2. Alors qu’ils ont majoritairement reçu une formation religieuse marquée par des étapes et des engagements, qu’en est-il à l’état adulte ? Comment s’identifient-ils en ce domaine ?
    1. Chez Freinet, 9/10 sont agnostiques ou athées :’Je suis athée’ ; ’Il n’y a plus rien de métaphysique chez moi, j’ai rejeté les valeurs de sainteté, les notions de péché’ ; ’Je n’ai pas de conviction religieuse..c’est considéré comme une aliénation la religion et comme c’est pas du tout l’esprit de Freinet, c’est obligatoirement pas catho..c’est la laïcité complète’. Deux d’entre eux se déclarent en révolte contre le privé alors que, étant élèves, ils ont eu a subir des pratiques austères et sévères, dans un climat de suspicion :’Un pensionnat incroyablement sévère, j’ai dit c’est fou pourquoi ils ne nous respectent pas ? On était toujours soupçonné de n’importe quoi...Et en plus c’était dans le privé.’ ; ’J’étais dans un lycée privé, une non tolérance terrible, un milieu bourgeois, intolérance complète de la personne.’. Une autre se souvient amèrement d’un prêtre culpabilisant et humiliant : ’J’allais au cinéma avec ma mère, je revois les scènes, le mercredi, le curé au cathéchisme, il me faisait des réflexions désagréables devant tout le monde, des réflexions à m’humilier, il me mettait en porte-à-faux, on nous poussait à avouer des trucs.’. Enfin, un quatrième, qui partageait la foi chrétienne, se souvient amèrement du mépris de certains paroissiens bourgeois à l’égard de sa condition populaire.
      S’ils réfutent la doctrine catholique, dont, pour la grande majorité d’entre eux (7/10), ils ont eu le bénéfice de la culture : ’ma mère était catholique’ ; ’je suis allé aux louveteau’, ils sont attachés et défendent fortement des valeurs humanistes : ‘Je crois que c’est plus une croyance humaniste. On peut croire en l’individu sans croire en Dieu. J’aime bien les Bouddhistes.’’ ; ‘Il y a quand même un certain nombre de valeurs de type spirituel, la notion de foi en l’homme c’est sûr qu’on la partage, des valeurs profondément humaines, des bases simples, même si on a pas le missel Freinet. Je crois que ma formation judéo-chrétienne m’a formé à l’homme, je ne regrette pas du tout une croyance en l’homme profonde..je pense qu’il ne faut pas la rejeter.’ . Notons paradoxalement qu’un enseignant Freinet se déclare chrétien convaincu et est engagé dans l’Action Catholique. Cependant, il défend un Christianisme humaniste : ‘Je crois en Dieu, j’ai eu à défendre le fait que j’étais chrétien. Je fais partie de l’Action Catholique de l’Enfance. L’Evangile amène à se tourner vers le plus pauvre, le plus démuni, celui qui a le moins de possibilité..Une générosité vis-à-vis du plus pauvre, ça correspond à la démarche du Christ. Le Christ était le premier révolutionnaire. Une promotion des valeurs humaines très fortes pas dans le sens leçon de morale’ .

    2. S’agissant du PEI, 6/10 partagent, à l’instar des pédagogues Freinet, des convictions humanistes, l’un rejetant l’aspect institutionnel de la religion : ‘j’ai rompu, je suis en rupture assez radicale avec l’institution, la rigidité des pratiques’ ; mais trois restent plus ou moins ambivalents et s’interrogent : ‘J’ai toujours été en questionnement vis-à-vis de la religion. Je ne sais toujours pas si je suis croyante ou pas. Finalement aujourd’hui je crois surtout en l’homme plus qu’en un Dieu’ ; ’‘J’étais très croyante, j’ai longtemps cru, je m’en suis peut-être éloignée, définitivement ou pas ?’ ; ‘J’ai été pendant longtemps quelqu’un qui se considérait comme athée avec cependant de fortes aspirations spirituelles’ .’ ‘;’ L’an dernier j’ai eu contact avec une religieuse, elle m’a contaminée...j’ai lu quelque-chose sur Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus.’ . Ils parlent, à l’occasion de la rencontre du PEI, ’de retrouvailles’, d’une possible ’réconciliation’ , c’était d’ailleurs le cas pour la Gestion Mentale : une enseignante disait : ’Je suis devenue plus croyante, j’ai retrouvé ma foi.’. Il est intéressant de constater, juste en filigrane, que l’un d’entre eux, investi dans le PEI, assure la catéchèse au collège, alors qu’il n’a pas reçu de formation religieuse. Il déclare qu’avec ses élèves il réfléchit sur la vie. Enfin, 4/10 se rattachent, forts d’une conviction appuyée, à la doctrine chrétienne, l’un est d’ailleurs engagé comme catéchiste, mais, à l’instar d’un enseignant Freinet, comme nous l’évoquions antérieurement, il défend une visée chrétienne humaniste ‘:’L’amour est vraiment le noeud, le concept centrale qui est intrinsèque au concept de Dieu, c’est quelque-chose de très humain qui est l’amour qui est dans l’autre, qui est l’amour qui est en moi, c’est cette force, pour moi c’est ça Dieu et c’est ça qui me fait vivre et c’est ça qui me fait agir’ .’ ; ‘Ca se rattache à une croyance plus grande de Dieu qui croit en l’homme, de Dieu qui ose l’homme, de Dieu qui fait le pari de l’homme, qui fait le choix de l’homme, à l’extrême qui fait le choix du pauvre. Cela rejoint bien la vision de Jésus-Christ d’aller, de rejoindre, de se battre pour amener à un achèvement où chacun aura sa dignité.’ . ; ‘’Il y a une attitude humaniste, j’allais dire religieuse’ .

    3. Pour la Gestion Mentale, 7/10 énoncent clairement leur foi chrétienne : ’Je suis un chrétien convaincu, il y a l’idée que l’homme est une créature de Dieu’ ; ’Je suis engagée dans la paroisse, je fais partie de l’aumônerie.’ ; ’Je suis catholique pratiquant convaincu.’ ; ’Nous sommes proches de la paroisse au niveau de la mise en oeuvre de la pastorale ; j’ai lu beaucoup les Evangiles, les Actes des Apôtres, je suis très proche de Saint-Paul. J’ai toujours fait de la cathéchèse.’ ;’Je suis engagée dans le domaine de la foi, ma religion c’est catholique, mais Dieu est universel, c’est la perfection dans l’amour.’. Les trois autres déclarent se rattacher à des valeurs humaines, sans croyance révélée : ’Je suis d’origine catholique...en quatrième je me voyais institutrice en Afrique avec les petits noirs, bonne soeur un peu. On peut être bonne soeur sans être croyante, enfin ce rôle humaniste d’aller prendre la main à ceux qui ont du mal.’. L’une avoue être en recherche de religion : ’J’ai cherché du côté catholique, chrétien...je me sens proche des Bouddhistes’.

La question qui se pose dès lors, est de se demander si les enseignants évoquent un lien entre leurs références ou leur racines spirituelles -au sens large- et leur implication dans telle ou telle pédagogie.

  1. Chez Freinet, il y a un rapport explicite entre un idéal humaniste et le choix pédagogique. Mais, pour une majorité très significative (9/10), il ne s’agit pas de défendre une idéologie politique. Certains sont syndiqués, d’autres s’en défendent : ‘Je n’ai pas l’âme d’une syndicaliste.’’ ; dans tous les cas, ils réfutent l’adhésion à un parti politique : ‘Je suis militant syndical, politiquement je n’ai aucune carte, c’est pour que l’école soit mieux’ .’. Cependant, ils partagent apparemment une sensibilité de gauche : ‘On pourrait me mettre génération écologie, mais je n’ai jamais adhéré à un parti politique’ .’. On scotomise naturellement un lien potentiel entre les convictions présentes, l’idéal recherché et les racines de la formation initiale, a fortiori l’éducation chrétienne ; d’ailleurs, nous avons vu précédemment que, lorsqu’on en parle, on a tendance à la minimiser.
    1. En revanche, en Gestion Mentale, les enseignants évoquent majoritairement (7/10), mais à titre hypothétique, le rapport entre leur foi chrétienne présente et leur choix pédagogique ; l’un dit : ‘A. de La Garanderie est quelqu’un de chrétien, c’est un peu l’application de l’Evangile, c’est peut-être pour çà que j’ai été attiré par ce qu’il a fait, ce qu’il a écrit.’ ; un autre : ‘J’ai ressenti d’une manière un peu intuitive qu’il y avait une vision de l’homme, de la personne, qui était en conformité avec ce que je ressens..Je sais que c’est un chrétien convaincu, je suis un chrétien convaincu, il y a l’idée que l’homme est une créature de Dieu. A mon avis çà on ne peut pas le dire explicitement, c’est plutôt des intuitions’ .’ ; ou encore ; ‘Je pense qu’il y a un lien avec mes conviction de foi’ . Une autre affirme le contraire puis change d’avis... : ‘C’est pas parce que j’ai cette croyance religieuse que je travaille comme je travaille avec les enfants...mais... quand même on n’échappe pas à tout cet investissement.’’. En revanche, certains établissent nettement ce rapport : ‘J’ai trouvé le Saint - Esprit dans la Gestion Mentale’ .’ ;’Les liens avec la Gestion Mentale, je constate qu’ils existent, je suis content qu’ils existent’ . Enfin, une personne qui a pratiqué à l’origine la pédagogie Freinet dit : ‘Actuellement c’est pas religieux, peut-être que ça l’a été au début, encore que Freinet c’est pas un homme de religion pas du tout, ça pu l’être au début par une certaine éducation de ma famille. Donc c’est la philosophie qui me convient par rapport à mes croyances très anciennes de petite, de ma famille qui m’ont été inculquées.’ .

    2. Quant au PEI, il semble qu’il y ait naturellement, comme pour la pédagogie Freinet, un lien avec des convictions humanistes, mais les enseignants ’humanistes athées’ ne le formulent pas explicitement. En revanche, les quatre croyants judéo-chrétiens attestent consciemment et explicitement une parenté entre leur foi et leur adhésion pédagogique : ‘J’ai été sensible à la dimension spirituelle, dans le sens de l’esprit insufflé par Feuerstein par rapport à la dimension de foi. C’est vrai qu’on se différencie par le fait qu’il se situe en tant que convaincu juïf et je me situe comme convaincu judéo-chrétien.’ ;’L’amour est vraiment le noeud..pour moi c’est ça Dieu..c’est ça qui me fait vivre, c’est ça qui me fait agir’ .’ ;’Cela rejoint bien la vision de Jésus-Christ, d’aller, de rejoindre, de se battre pour amener à un achèvement où chacun aura sa dignité.’. Deux autres non-croyants, mais en questionnement, formulent l’intuition d’un rapport avec l’éducation religieuse reçue, mais réfutent présentement l’idée d’un fondement religieux de la pratique : ‘’C’est vrai que quelque-part il y a sûrement cette éducation religieuse qui n’est pas étrangère à ce que je suis, à ce que je vis, je ne peux pas le nier.. c’est peut-être maintenant par rapport à une position quelquonque d’un Dieu existant. Je ne prie plus ça ne m’intéresse plus.’ ; ’J’ai eu une éducation chrétienne, je me dis athée mais je crois que c’est effectivement là mes racines, je suis très marquée par les valeurs humanistes...on allait à la messe le dimanche, je crois que ça compte dans mon histoire’ .’.

Pour conclure, on constate que, lorsqu’il y a une adhésion à la doctrine chrétienne, ce qui est le cas pour 12 d’entre eux (4 en PEI, 1 chez Fr, 7 en GM) elle est forte, convaincue, démonstrative. Au reste, ils établissent un rapprochement entre leur foi et leur choix pédagogique. S’ils paraissent zélés dans leurs convictions, aucun ne laisse entrevoir une intention prosélyte. Quant aux dix-huit autres, proches d’un humanisme plutôt laïque, agnostique ou athée, une minorité (6/18) évoque l’influence de leur formation religieuse sur leur engagement présent. Donc, pour la majorité, ce lien n’est pas formulé explicitement.

En conclusion, on s’interrogera. N’y aurait-il pas des racines fécondes ? Un saint héritage ? Une transmission efficace de valeurs ? Une foi confessée ? Une filiation chrétienne humaniste commune et sourde, dont la teneur aurait été révélatrice d’intériorité mobilisant en un temps différé, et à certains moments, des choix pédagogiques originaux, notamment celui d’une pratique pédagogique peu conforme ? Dès lors, cette attitude de fond, n’aurait-elle pas des racines personnalistes communes et fécondes ?