Thème n° 3 : Le Péché la Culpabilité.

PEI FREINET GM
Le Péché la Culpabilité. 10/10 9/10 9/10 =28/30
Sous-Thèmes :
1. Contrition personnelle. 7/10 7/10 6/10 =20/30
2. Révolte contre l’injustice. 8/10 4/10 4/10 =16/30
3. Compassion. 8/10 4/10 5/10 =17/30
Fréquence d’expression globale du thème : 23 15 15

Ce thème révèle fortement une conscience commune de péché qui est exprimée par 28 enseignants et c’est homogène. Deux sous-thèmes se dégagent. Tout d’abord, 20 d’entre eux témoignent d’un sentiment de contrition personnelle. Par ailleurs, on exprime une révolte contre l’injustice, (16/30) et en corollaire une compassion par rapport à la souffrance, (17/30).

  1. La contrition est donc la plus franche (20/30), et elle est unanime. Ses marques sont explicites et se traduisent par des mises en cause personnelles : ’une remise en cause’ ;’une remise en question’, le plus souvent sous forme d’interrogations :’des questions qu’on se pose chaque fois’ ; ’Toujours je continuerai à me questionner.’ ;’ça m’interrogeait’ ;’ça m’interroge fortement’. ; ’Je me pose des questions toujours sur le pourquoi des enfants qui ne réussissent pas.’ . Celles-ci sont pleines de regrets, et elles épousent toute la temporalité. Confession de pénitence au regard du passé : ’j’aurais dû’ ;’j’aurais peut-être pu’ ; culpabilité d’insuffisance dans le présent :’Est-ce qu’on a bien fait ?’ ; ’Est-ce-que je ne l’ai pas.., ?’ ;’Est-ce-que mon intervention ne l’a pas... ?’ ; ’Qu’est-ce-que je fais pour eux ?’ ; ’toujours s’intérroger si on a pas réussi.’ ; ’pas satisfait de toi’ , requête pour le futur : ’Comment faire ?’ ; ’Il faudrait peut-être ?’, ;’On essaie d’améliorer.’ ;’On peut faire quelque chose’ ;’Tu te dis il y a autre chose à faire’ ; ’Qu’est-ce-qui pourrait les aider à aller plus loin ?’ ;’J’ai peut-être une solution’ . Le sentiment est’coupable’, une ’culpabilisation’ ; ’savoir se remettre soi-même en cause.’ , ’C’est pas la faute de l’enfant, c’est toujours votre faute’ ;’C’est à nous de nous adapter.’ . Un enseignant Freinet parle d’une nécessaire défiance face à la tentation : ’Il faut se méfier de soi, on est toujours très tenté, on est tenté mais il faut se taire, il faut se méfier de son désir d’intrusion.’.

  2. Le second sous-thème dévoile une révolte appuyée contre l’injustice et un sentiment de compassion douloureuse. L’ensemble est prégnant, bien qu’un peu plus significatif pour le PEI. On accuse les manquements du système scolaire, plus encore ses vices. En quelque sorte, il est perçu comme le ferment du péché, d’où une révolte, d’autant plus qu’on partage une conviction de Foi. Tout en faisant acte de contrition, comme nous l’avons vu précédemment, la compassion y est associée, et vivement exprimée.
    1. Ainsi, on trouve une sensibilité exacerbée par rapport à la mortification de l’être humain, tandis qu’on est convaincu de sa dignité, de sa valeur, de sa créativité potentielle ‘:’Il y a des pratiques aberrantes révoltantes’ ‘;’ L’école peut faire beaucoup de mal et même salement abîmer l’individu’ ; ‘’L’école assassine, l’adulte opprime, il y a des notes, il y a des classements, il y a des derniers, c’est terrible quoi, si parallèlement on a une vie un peu difficile l’école continue à vous appuyer la tête au-dessous quoi’ .’ ; ‘Certaines situations qui deviennent inacceptables de dégradation de l’enfant..de l’être humain en généra’ l’ ; ‘le côté repressif de l’école, tout ce qu’on entend dans la pédagogie traditionnelle’ .’ ; ’Le système scolaire, je peste contre’ ;’Je n’ai jamais accepté qu’on dénigre les enfants’ ; ’ce que je voyais comme injustices à cause du système.’ ; ’Ils ne nous respectaient pas’ ; ‘Dans l’Education Nationale on passe son temps à mettre des étiquettes aux gens, à dire il est arrivé à ses limites, ça me donnait des malaises. je trouve que dans le secteur où je suis maintenant on se pose un peu plus de questions. Je suis toujours frappée par cette absence de remise en question, de ces côtés sûrs d’eux, science infuse, du côté non questionnement sur l’individu, moi je me souviens de ma fille disant : mais je suis pas un cerveau je suis une petite fille.’ ; ’ ‘Quand j’entends des enseignants dire qu’un élève ne fera jamais rien, il ne fera pas un lycée, c’est horrible de dire des choses comme ça... parce que je considère qu’un élève peut toujours évoluer’ .’ ; ‘Je mesure l’état horrible de passivité, ils subissent’ .’, ‘’Comment peut-on encore voir des professeurs crier à une classe vous êtes nuls ? J’entends ça très souvent dans mon collège. Et mon collège, il est le reflet du collège en général.’ .
      Cette perception n’est pas propre aux enseignants de telle ou telle pédagogie. Elle leur est commune et, lorsqu’elle se décline, la rébellion qui est lui associée, compte-tenu du sentiment d’injustice, est sans ambages : ‘J’étais révolté par rapport à tout ce que je voyais comme injustice à cause du système. Je voulais plus de justice dans le monde. Donc des gens capables de dénoncer l’injustice.’ ; ‘Le côté répressif de l’école me gênait, la violence, les injustices’ .’ ‘;’J’en avais ras-le-bol de l’Education Nationale, je ne supportais plus’ .’ ; ‘On a pas le droit de dire des choses comme ça, ça me révolte vraiment’ .’ ‘;’Il y a des choses qui moi me choquent profondément. Un inspecteur qui rase les murs, qui évite de vous rencontrer. Un directeur qui s’enferme dans son bureau et qui écoute les séries télévisées du début d’après-midi’ .’ ; ‘C’est insupportable. Comment voulez-vous que l’enfant puisse être à l’aise dans sa peau ?’ ; ‘J’ai trouvé ça affreux’ ;’C’est horrible’, ’Je trouve ça totalement intolérable, inadmissible..ça ne pouvais que me révolter.’ ;’Je ne supporte pas l’injustice.’ ; ’J’ai pas pu supporter’ .’ ‘;’ Ca m’a toujours énervé.’ ;’L’école assassine, l’adulte opprime, j’ai la colère tout le temps..c’est terrible quoi.’ ;’Il m’était très difficile de croire qu’il pouvait exister une telle injustice’ .’. Certains évoquent l’émotion liée à l’injustice comme quelque chose de pénible : ’Ca m’horrifie’ ; elle provoque une affliction intérieure : ‘’C’était physique ça m’en filait des malaises.’ ; ’Ca me rend malade’ ; ’c’est ça qui me fait le plus mal’ ; ’mal ressenti’ ; ’Ca me gênait.’ ; ’Ca m’a toujours énervé.’ ; c’est’une préoccupation’ ; ’Je ne comprenais plus.’ ; ’Il y a des choses qui me choquent profondément.’ ; ’J’ai toujours extrêmement mal vécu’ .

    2. Par ailleurs et globalement, la contrition, l’indignation et la compassion sont traduites en impératif catégorique, en injonction d’implication. Elle est, pour certains, une prière de conversion ‘:’Il fallait que ça change’ ; ’Tu te dis il y a quelque chose qui va pas.’ ; ’Il fallait que je trouve’ ; ’Je ne pouvais plus enseigner comme ça’ ; ’Qu’est-ce-que je satisfais pour moi et pas pour lui ?’ ; ’Il fallait que je fasse quelque chose’ ; ’Je ne pouvais pas continuer comme ça’. ; ’Je ne leur tends plus de pièges’, une requête personnelle : ’J’ai du mal à dire non..même si je pars au théâtre’ ; ’J’ai du mal à rembarrer un gamin en souffrance’. ;’On peut faire quelque chose’ ;’ Tu te dis il y a autre chose à faire’ ; ’Qu’est-ce-qui pourrait les aider à aller plus loin ?’. Pour d’autres, c’est une sommation : Il faut donc un engagement’ ; ’On n’a pas le droit de laisser quelqu’un qui est en difficulté sur le trottoir ; c’est de la non assistance à personne en danger.’’ .

Pour la grande majorité, on relève que cette expérience propre a pour corollaire le’choix du pauvre’ ; du plus démuni’ , du plus’défavorisé’ ; ’de celui qui a le moins de possibilités’, de’ l’enfant en difficultés’. On va se tourner ’vers’, ce qui amène bon nombre d’entre eux à choisir volontairement de travailler auprès d’enfants jugés déficients : ’J’ai fait une demande pour m’intéresser aux élèves en difficulté, défavorisés.’. Au collège, certains s’intéresseront aux classes qui les regroupent ; ils seront partie prenante de projets réhabilitants, tels que les classes méthodologiques, ou les classes- passerelles. D’autres s’investiront pour des aides personnalisées en dehors du temps scolaire. Deux autres opteront, après une carrière d’enseignant, pour le suivi personnalisé d’enfants présentant des difficultés d’adaptation au système. Une autre, lassée et exprimant gravement son écoeurement, choisira de s’orienter vers l’aide pédagogique pour adultes en difficulté d’insertion sociale. Chez Freinet, on ne perçoit pas cette requête de classes spécialisées ; en revanche les propos laissent entrevoir parfois une valorisation intentionnelle des élèves en difficulté : ’ça permet de s’assoeir auprès de celui qui est en difficulté.’.

Dès lors, le choix pédagogique ne serait-il pas entrevu comme un moyen de réhabilitation de l’enfant comme personne ? Ce serait alors une manière de rendre justice à l’être humain, dont on entrevoit la déprivation par laquelle on est affecté. Mais en quoi l’option pour telle ou telle méthode est-elle un moyen de justification ? Quelle en serait la richesse intrinsèque perçue, permettant de rendre justice à l’élève ? Relève-t-elle d’un certain nombre de principes, de techniques ? Finalement, l’option pédagogique serait-elle un moyen de justification de la personne, et selon quelle procédure ?