Thème n°4 : Les Epreuves, les Blessures, les Souffrances.

PEI FREINET GM
Blessures personnelles 6/10 9/10 9/10 = 24/30
Sous-Thèmes :
1. Vie familiale. 3/10 2/10 5/10 = 10/30
2. Vie scolaire. 3/10 7/10 4/10 = 14/30

Dans l’ensemble, 24 enseignants évoquent des blessures existentielles importantes, ayant laissé de vives traces. C’est homogène chez Freinet et en Gestion Mentale, un peu moins marqué en PEI. Pour dix d’entre eux, il s’agit de blessures dans la vie familiale. Pour quatorze autres, ce sont celles de la vie scolaire ; elles sont un peu plus fréquentes chez les enseignants Freinet. On remarque la vigueur des propos, presque emportés, à la fois plaintifs et révoltés.

  1. S’agissant tout d’abord des souffrances dues aux relations familiales, cinq d’entre eux (1 en PEI, 1 chez Fr, 3 en GM.) ont vécu une carence du lien maternel pendant la petite enfance. Ce sont des enfants qui n’ont jamais connu leur mère ou dont les parents se sont désengagés : ‘Je n’ai jamais connu ma mère’ ; ‘J’ai perdu maman quand j’avais trois ans, j’ai été élevé par mes grands-parents et je me suis beaucoup ennuyée’ .’ ; ‘J’ai été élevée par ma grand-mère, ça a été une rupture pour moi’ ; ’‘Mes parents m’avaient laissé chez ma grand-mère, je l’ai énormément aimée, ma mère quand elle est venue me chercher à cinq ans c’était un drame.’ ; ‘Ma nourrice c’est elle qui m’a élevée, j’allais juste dormir chez mes parents’ . Pour deux autres en PEI, leur mère était détachée. Elle les rejetait ou les dépréciait : ‘On m’avait éduquée dans l’idée que j’étais moche que j’étais moche, que j’étais méchante..je me regardais dans un miroir, ma mère m’a dit mais qu’est-ce-que tu regardes, il n’y a rien à voir, ça a été une blessure fondamentale..une gamine terriblement blssée dans mon identité.’ , ’Une mère ’rejetante’, qui ne s’occupe pas de vous, ça c’est une blessure physique.’. Une autre, en Gestion Mentale, évoque les préoccupations liées au handicap d’une de leurs filles, ainsi que les difficultés de relations intra-familiales en raison des heurts avec ses enfants à propos des apprentissages scolaires.

  2. Majoritairement, les souffrances scolaires sont liées à des attitudes avilissantes de la part d’enseignants suffisants, autoritaires et dévalorisants : ’‘Ils trimbalaient une certaine suffisance’ ; ‘Ils ne nous respectaient pas’ ;’Une intolérance complète de la personne’. ; ’Le fait d’avoir été méprisé’ . Les paroles et les mises en situation sont humiliantes, mortifiant le corps, voire perverses : ‘Ce qu’ils nous faisaient subir’ ; ’On était maquillée, elle nous essuyait le visage avec l’éponge..elle m’a appelée au tableau m’a obligée à retirer mes collants rouges. J’ai beaucoup souffert. Des vieilles filles acariâtres qui m’ont excessivement brimée dans ma personnalité.’ ; ‘’Une instit c’était une horreur, elle lui a mis des orties dans son slip...elle essayait de la soulever par les oreilles...envoyer l’élève avec sa page arrachée dans le dos dans l’école des garçons. Alors des blessures comme ça, quand vous êtes petite, ça vous impressionne.’ ; ‘’Quand on vous met un bonnet d’âne sur la tête et qu’on vous fait traverser la ville.’ ; ’Des profs qui marchaient au châtiment corporel, les coups de règle, l’instit amenait l’enfant et lui tapait dessus.’ ; ’Je me souviens des situations de ridicule’ .
    Certains évoquent l’exhibition de l’insuffisance qu’occasionne la compétition imposée, et le sentiment d’impuissance qui lui est associé : ’Il y avait tous ces tableaux d’honneur’ ; ’On était catalogué’ ; ’Des histoires de compétition, tu es à quelle place ?’ ;’Y a des notes, y a des classements, y’a des derniers, c’est terrible quoi.’ . Plusieurs parlent de leurs difficultés d’adaptation, ou de leur redoublement (1 en PEI, 2 chez Fr, 4 en GM.) : ’J’étais en échec scolaire’ ; ’J’ai redoublé deux fois, j’ai eu une carrière scolaire catastrophique’ ;’J’ai redoublé en sixième.’ ; ’J’étais très lent, j’ai eu du mal à apprendre à lire.’ ; ’ça m’a permis de comprendre les difficultés scolaires que j’avais eues.’ ; ’J’ai été en échec scolaire terrible’ ; ’Je l’ai mal vécu quand même ce redoublement de première.’. Pour certains, suivaient des problèmes de reconnaissance dans la famille, ’J’étais déconsidérée à cause de mes résultats scolaires, c’est là que je me faisais taper par mon père.’ .

Dans tous les cas, le vécu est souffrant : ’J’ai souffert à l’école’ ;’Je ne me suis jamais trop plu à l’école, j’ai un peu souffert de toute cette pédagogie traditionnelle.’ ; ’des expériences de souffrance, de choses lancinantes et difficiles’ ; l’émotion est durable : ’J’ai encore les cauchemars d’un prof.’ ; l’amertume présente : ’Je déteste l’école, je déteste les enseignants, je dis que l’école assassine, l’adulte opprime, j’ai la colère tout le temps.’ ; parfois la rancoeur : ’Je me souviens extrêmement bien de cet instituteur, je me suis toujours promis étant instit que je ne lui laisserai pas franchir la porte de ma classe.’ ; le dégoût : ’Si j’avais pas été dégoûté des études..’ ; la distanciation, l’évitement : ’j’avais un rejet de l’école..une image très négative.’.

On constate que la souffrance est concomitante d’un désir de réunification de la personne blèssée : ’réparer des gamins terriblement bléssés.’ ; ’On l’a sorti de sa blessure, ça guérit soi-même’. En quelque-sorte, la motivation est purifiante, vivifiante : ’Il fallait que je me blanchisse’ ; ’J’allais déclencher la vie’ . La vocation enseignante s’inscrit pour certains explicitement dans cette perspective : ’d’où cette vocation professionnelle..’ ; ’ça m’a amené à faire des choix vis-à-vis des exclus.’ ; ’Cette blessure a fait certainement que j’ai été portée vers les enfants qui me semblaient dans un vide affectif.’.

Pour quelques-uns, qui l’expriment, l’adhésion à telle ou telle pédagogie innovante trouve notamment ici, son fondement. Pour le PEI : ‘Je voulais prouver qu’on avait jamais fini d’apprendre, c’est pas parce-qu’on est catalogué à un moment donné qu’on ne peut pas être beaucoup plus haut.’. Chez Freinet : ’Quand j’ai vu les classes en stage qui représentaient un peu le même état d’esprit, j’ai dit jamais je serai enseignante là-dedans, c’était pas mon esprit.’ , ’Je ne voulais pas être instit comme les instit que j’avais vécus’ .’ . En Gestion Mentale : ‘La Gestion Mentale ça m’a permis de comprendre les difficultés scolaires que j’avais eues..le fait d’avoir été méprisé m’a donné envie de ne jamais mépriser les autres, je voulais qu’on arrête de casser les élèves.’ ; ’On s’est heurté très violemment, la Gestion Mentale m’a aidée à faire face à tout ça’ ; ’Je me suis dit que plus rien était irrémédiable en la matière’ .’ ; ‘Des expériences de souffrances, d’incertitudes, ça m’a permis d’aller profondément à ce que je suis. Mine de rien, j’ai l’impression qu’il y a un fil qui dessine ma vie et qui l’unifie.’ ; ‘La Gestion Mentale au début où je creusais un peu les choses, si je n’avais pas trouvé la solution à quelques problèmes, je crois que je l’aurais abandonné rapidement.’ .

Pour conclure, et vu ces données, il semble qu’il y a une motivation profonde de restauration de la personne blessée, de sa réhabilitation, ce qui légitimerait là encore, communément et implicitement, l’engagement dans la pratique de telle ou telle pédagogie. Au demeurant, l’idée de la personne blessée, c’est à la fois l’idée de l’autre et de soi-même, pour qui on escompte allègement et confirmation. Dès lors, l’intérêt pour telle ou telle pédagogie s’inscrirait-il, notamment, dans cette espérance de justification ?