Thème N° 6 : Le Libre Engagement Responsable.

PEI FREINET GM
Le Libre Engagement Responsable 10/10 10/10 8/10 = 28/30
Sous-Thèmes.
1. L’implication dans l’acte 5/10 7/10 8/10 = 20/30
2.La vocation responsable 8/10 3/10 5/10 = 16/30
3. Le choix libre. 4/10 8/10 5/10 = 17/30
Fréquence d’expression globale du thème 17 18 18

Toutes pédagogies confondues, ce thème traduit le sentiment de la vocation responsable, qui mobilise l’acte. Dans tous les cas l’engagement est libre, choisi. Ainsi, trois volets sont illustrés : d’une part, la vocation responsable ; d’autre part, l’implication active, l’engagement ; enfin, la liberté, associée au choix pédagogique.

  1. En premier lieu, l’implication dans l’acte est très fréquemment exprimée dans le PEI, 8/10 ; 5/ 10 pour la Gestion Mentale, et de façon moindre 3/10 pour la pédagogie Freinet. Dans tous les cas, l’élément commun aux trois pédagogies est le sentiment de la lutte, de l’obstination :’Il faut vraiment de l’acharnement, un niveau d’exigence très élevé.’ ; ’Ces gosses, on avait envie de les sortir de là.’. La sensation est celle de l’effort, de l’énergie fournie :’ C’est un engagement très fort le temps où je suis là.’ ; ’Des semaines de soixantes heures de présences on avait énormément de concertation.’ ; ’Il faut beaucoup d’energie pour faire la classe, ça ne peut pas être une motivation financière.’ ; ’Il y a des gens qui disent c’est fou, c’est trop de boulot. C’est pas un sacrifice le boulot à ce moment -là, c’est une pédagogie du travail de l’élève, mais aussi de l’instit.’ ; ’C’est un investissement énorme, financier, sur le temps de vacances.’. C’est la réalité d’une dévotion :’Je me dévoue.’ ; ’J’ai vraiment le sentiment d’un engagement.’ ;’Je consacre ma vie.’, le sentiment d’ un épuisement ‘:’L’enseignant Freinet il est fatigué’ .’
    Un certain nombre d’enseignants évoque clairement leur vocation personnelle : ‘’Je ne pouvais pas ne pas m’impliquer, il faut donc un engagement, on est en terrain de mission.’ ; ’Prendre conscience de la grande responsabilité qui est la nôtre’ .’ ; ‘C’est une vocation’ ;’C’était un signe d’une vocation.’ ’. Pour deux enseignants, cette vocation s’inscrit dans l’unité d’un parcours : ‘’C’est de l’ordre de la vocation, de la continuité, ça toujours été fondamentalement aller dans le même sens.’ ; ’Je suis rentrée dans l’Education Nationale avec ce qu’on appelle la vocation. Le cadre m’a tout à fait convenu, ce désir de servir...Alors c’est peut-être présomptueux de ma part, je pense que j’ai une mission d’aide quelque part.’. Deux autres revendiquent une vocation éducative’ : ‘On est aussi éducateur, je crois qu’au contraire, il faut le revendiquer le fait de l’être.’ ; ’J’avais l’impression qu’il manquait une approche éducative, ça me permettait de vivre des choses que je ne pouvais pas vivre à l’Education Nationale, la prise en charge globale de l’individu.’. D’autres interrogent la finalité : ’Quel futur adulte ? Quelle société demain ? On va tous se tirer à coup de fusil dessus ? Ou bien est-ce qu’on va aider les plus démunis ? Qui c’est l’autre ? Faut pas avoir peur, discussion sur le racisme, l’entraide, la solidarité’ .’.

  2. En second lieu, 20 enseignants sont directement impliqués dans la recherche pédagogique - pour certains, cela s’inscrit, comme nous l’avons évoqué précedemment, dans un souci de service envers les élèves en difficulté - ou dans des associations à visée humanitaire, éducative et culturelle.
    1. Ce qui est premier et commun, c’est une certaine intuition du sens de l’homme, une certaine idée du sens de l’éducation, une espérance permanente de plus-être, une quête infinie de complétude et de puissance. L’adoption de telle ou telle pédagogie s’inscrit, dès lors, dans cette perspective et la nourrit. On a donc une visée intuitive, non maîtrisée, de l’Etre, mais ce qu’on conçoit unanimement, c’est le ’désir’, celui de la co-naissance. Dès lors, on est en quête de trouvailles ou de retrouvailles pédagogiques, dont sont escomptés l’avancée et l’approfondissement d’une visée directive et dynamique.
      Il y a donc une motivation première. Ainsi, en PEI, on dira : ‘c’est plus de l’ordre de l’état d’esprit général’ ; ’c’est toujours dans la même lignée.’, c’est ’tout ce qui peut apporter de l’eau au moulin’. En Gestion Mentale : ’J’ai d’abord ma conception de l’enfant, je veux en faire quoi de cet enfant..la Gestion Mentale me permet de tendre vers l’objectif idéal que je me suis fixé qui bouge également.’ ; ’trouver tout ce qui permet d’équilibrer l’homme absolument.’ ; ’tout ce qui fait progresser.’ ; ’j’aurais pas pu tirer tout ce que j’ai pu tirer de la Gestion Mentale, si j’avais pas eu cette démarche de m’intéresser à la personne.’ ; ’Si demain on me propose autre chose qui me semble aller dans le sens du développement de l’autonomie, de la responsabilité, je le prendrai sans problème et je l’utiliserai et je l’assimilerai et je le propagerai.’ .
      Il y a une fidélité à un esprit, pas à une conceptualisation, ni à une technique. Par exemple, en Gestion Mentale, on va jusqu’a avouer que ‘le travail sur la mémoire, la réflexion, la compréhension, ça me paraît moins important, parce que sans être de la petite cuisine, ce sont d’autres concepts, c’est de la technique, quoi. Parce que si un type découvrait autre chose, je suis prêt à l’écouter. Disons que je le sens comme pouvant davantage évoluer, parce que c’est de la technique tout simplement, les techniques vont changer, mais est-ce-que le regard sur l’enfant va changer ? A mon sens, il faut d’abord comprendre avec qui on travaille avant de savoir comment on travaille, ceci dit je ne crache pas dans la soupe et j’adhère complètement à la définition de tous les gestes mentaux’ .’. En PEI, on dira : ‘’un outil pour moi n’est rien de plus qu’un outil, c’est ce qu’on en fait. Je n’ai jamais été partisan d’une méthode pour la méthode, c’est ce qu’on en fait.’
      D’où l’esprit d’ouverture à toute contribution dont on a l’intuition d’une promesse d’intelligibilité. Citons quelques exemples. En Gestion Mentale, c’est le cas pour neuf enseignants sur dix : ‘Ne pas penser en terme d’exclusion... je suis très accueillant faut prendre ce qu’il y a de meilleur.’ ; ’une chose qui est très importante pour moi, ne pas être enfermée dans une pédagogie ; chaque recherche pédagogique apporte un éclairage par rapport aux difficultés d’apprentissage.’ ; ’La Gestion Mentale c’est tout sauf s’enfermer dans une méthode, on se rend compte que beaucoup se rejoignent, et c’est sûr qu’on a de plus en plus envie de connaître. Je trouve que ça donne envie de se former parce que la philosophie est presque la même.’ ; ’Bien sûr je tiens compte de la Gestion Mentale, j’ai toute une philosophie de la Gestion Mentale, mais je prends partout, en allant voir à droite, à gauche, je fais ma propre cuisine, ça m’a permis de me dire qu’il fallait que je trouve ma propre vérité...j’ai fait une synthèse, j’ai été déçue par ses derniers livres, je trouve que c’est trop compliqué.’ ; ’Il n’y a pas que la Gestion Mentale, si on ne cherche des réponses que dans la Gestion Mentale, ça ne va pas. La Gestion Mentale n’est qu’un outil qui sert de révélateur à toute une recherche qu’on a par ailleurs. Je ne veux pas faire de la Gestion Mentale, je veux aider les gosses, je prends les outils qui sont intéressants là-dedans.’ .
      En PEI, huit enseignants évoquent cette démarche de recherche : ‘J’ai vraiment besoin d’aller voir ailleurs, ça peut paraître éclectique et en même temps ça ne l’est pas, c’est toujours dans la même lignée..si j’étais resté toujours sur la même chose, pour moi, c’est pas une démarche de recherche et de connaissance. je veux dire approfondir un domaine, ne peut se faire qu’en travaillant sur des domaines parallèles ne serait-ce que par comparaison, par complémentarité, par mise en relation, pour moi la connaissance c’est comme une espèce d’arborescence, des ponts qu’on essaie de jeter, des liens.’ .
      Chez Freinet, six enseignants cherchent en dehors de la pédagogie Freinet : ‘J’ai glané à droite, à gauche, tout ce qui peut ancrer les pédagogies Freinet, je pense aux théories de l’apprentissage’, ’s’ouvrir à des techniques qu’on pourrait aller pêcher pour nous aider. Je pense en particulier à l’interview des cracks chez A. de La Garanderie.’, ’je m’intéresse à l’école alternative en Angleterre, dans ces classes-là l’humain compte sous toutes ses formes.’ .
      D’où l’idée partagée par quelques-uns d’une certaine fortuité : ‘’ça été un peu le fait du hasard, parce que j’ai rencontré A. de La Garanderie, maintenant j’aurais rencontré quelqu’un d’autre, une autre approche, j’aurais sans doute eu envie d’approfondir’ .’. Mais c’est un hasard relatif ; en Gestion Mentale, on dit ‘: ’J’ai toujours eu l’impression d’être en marche vers la Gestion Mentale’ .’ ; chez Freinet : ‘Je suis tombé de plein pied dans ce que je pouvais chercher’ .’.
      Observons simplement entre parenthèses, bien que cela puisse être potentiellement signifiant, que quatre enseignants en PEI ont pratiqué antérieurement la pédagogie Freinet. Une praticienne en Gestion Mentale déclare également : ‘Vous avez envie de m’interroger par rapport à la Gestion Mentale je vais vous répondre, mais en priorité c’est grâce à Freinet que j’ai pu être amenée à d’autres pédagogies’ .’. Par ailleurs, on constate que quatre enseignants en PEI se sont intéressés à la Gestion Mentale, et trois en Gestion Mentale au PEI. Enfin, trois enseignants Freinet se sont intéressés à la Gestion Mentale. Même si la fréquence n’est pas hautement significative, ces données interrogent. Serait-ce une forme larvée d’ expression du sens d’une pensée commune ?

    2. Deux enseignants (1 en PEI, 1 chez Freinet) manifestent une préoccupation et un engagement par rapport à des situations extrêmes de déshumanisation, de personnes incarcérées, torturées, prostituées : ‘’Je fais partie d’une association par rapport à des personnes en très grande difficulté, des personnes incarcérées, des personnes prostituées.’ ; ’Je fais partie d’Amnesty International, c’est pour apporter ma pierre par rapport à certaines convictions que j’ai en ce qui concerne les droits de l’homme’ .’. Six autres sont impliqués, ou l’ont été en responsabilité dans des mouvements catholiques de jeunesse, nous l’avons évoqué antérieurement. Un autre en PEI est agent d’un bureau d’aide sociale. En PEI également un autre travaille pour la conciliation interculturelle : ’Pour que les cultures arabe et française essaient de se comprendre, par rapport au respect de chaque peuple.’.
      Par ailleurs, six enseignants (2 en PEI, 3 chez Freinet, 1 en Gestion Mentale.) sont engagés dans des associations éducatives et culturelles : ’Camp d’adolescent’ ; ’Camp d’adolescent à l’étranger.’ ; ’Centres de vacances.’ ; ’Animation de foyer de jeunes.’ ; ’Association de quartier’ ; ’J’ai fait beaucoup dans l’animation sportive et socio-culturelle. J’ai eu beaucoup d’engagements.’ ; ’Président de l’office municipal des sports.’ ; ’Président d’une association qui s’occupe d’animation culturelle de musique.’ ; ’J’ai fait mes formations d’animateur.’ ; ’Je m’occupais du centre social de la municipalité.’. D’autres sont impliqués dans un service citoyen comme adjoint au maire ou conseiller municipal, ( C’est le cas pour trois enseignants, 1 en PEI, 1 chez Freinet, 1 en Gestion Mentale.). Le deuxième, quant à lui, a ’mis en place un conseil municipal d’enfants.’. D’autres sont impliqués dans des associations en lien direct avec l’école : ’Délégué dans les Fédérations de parents d’élèves.’, ’Organisation des kermesses.’ , ’Responsable d’une commission pour développer le théâtre à l’école.’.

  3. En troisième lieu, l’adhésion libre à telle ou telle pédagogie apparaît de façon prégnante pour 17 enseignants. En effet, ils évoquent les hostilités, les persécutions, mais ils restent fidèles à leur convictions et à leur engagement. (4/10 pour le PEI , 8/10 chez Freinet, 5/10 en Gestion Mentale.). Le milieu est dépeint comme défavorable : ’‘Je n’ai pas été aidée, j’ai fait de la Gestion Mentale dans un groupe hostile.’ ; ’On a eu beaucoup de problèmes avec l’administration, c’était pas facile.’ ; ’on m’a mis des bâtons dans les roues, on refusait de me prêter des salles.’, voire agressif, ’Il y avait une prof elle était prête à me taper dessus, çà m’a pas empêché de continuer.’’ ; ‘’On m’agresse par rapport à cette pédagogie.’ ; ’On nous tape sur les doigts, mais on continue. Je ne suis pas prêt à renier tout cela. Je suis pas quelqu’un qui subit, la liberté pédagogique on pourra pas me l’enlever’ .’ . Certains ressentent une certaine solitude : ‘’On est seul.’ ; ’Je vis ma solitude avec mes élèves.’ , d’autres on le sentiment d’être rejetés incompris : ’on nous disait que c’était nul.’ ; ’On a des renvois négatifs, on se pose des questions.’ ; ’C’était pas bien vu, les parents disaient que les enfants c’était pour rester en classe.’ ;’Au bout du compte ne pas être compris’ .’ . Ils se sentent opprimés : ‘On a la pression des parents, de l’inspecteur, ça génère des espèces de qui-vive.’ , empêchés : ’On m’a mis des batons dans les roues’. Quelque-uns parlent d’une bagarre incessante :’On s’est bagarré contre notre inspecteur’ ; ’Toujours être obligé de se justifier, d’argumenter’. D’autres évoquent les sanctions encourues : ’Des instit cse sont fait saquer.’, ’On leur a baissé leur note.’ , ’Il m’a descendu ma note’ .’.

Dans tous les cas, on parle de la résistance à la pression, au regard de la conviction : ’Faut être fort, faut y croire..s’y tenir malgré les ennuis, être assez fidèle.’ ; ’ C’était pas en discutant avec les collègues que ça m’aurait donné envie de continuer, ils m’auraient plutôt donné envie de laisser tomber.’ ;’ On m’a offert un poste syndical au niveau national, j’ai refusé, refusé de me plier quand je considérais que ça ne correspondait pas à ce que je croyais.’, du non-conformisme : ’capable de s’opposer aux idées reçues...j’étais capable de faire progresser un élève qui normalement n’aurait pas dû progresser, c’était très difficile à défendre comme opinion, en même temps j’avais des doutes.’ , des choix résolus en dépit des menaces de sanction : ’Je m’autorise à entrer en digression vis-à-vis du programme’ ; ’On me dit l’inspection ! Je leur dis pour l’amour du ciel soyez adultes, si vous trouvez que c’est stupide de leur faire apprendre ça et bien enlevez-le. ’ ; ’Il y a des choses que je trouve bêtes dans le programme, alors je ne les fais pas.’ . C’est un choix et un combat, ’J’ai vraiment voulu conscientiser ça, faire un choix....C’est devenu de la militance... même si on a des temps de lassitude.’.

Ce thème met en évidence unanimement une libre vocation responsable. Le centre de l’engagement n’est-il pas celui de la personne humaine ?