CHAPITRE 5 : La Recherche d’Universalité et de Singularité.

Thème n° 1. L’Aspiration au Sens et à l’Intelligence.

PEI FREINET GM
L’Aspiration au Sens
et à l’Intelligence 10/10 9/10 10/10 = 29/30
Sous-Thèmes :
1. L’Enseignant en Recherche. 9/10 4/10 4/10 =17/30
2. Motiver l’aspiration, le désir, 7/10 8/10 9/10 = 24/30
la recherche chez l’élève.
Fréquence d’expression globale du thème : 16 12 13

Ce thème dévoile la prégnance du désir, de l’interrogation, du questionnement. C’est très fort. D’un côté on trouve des enseignants ’aspirants’, en recherche. De l’autre, on souhaite développer chez l’enfant l’appétence de connaître.

  1. Tout d’abord, on constate que 17 enseignants évoquent le thème de leur recherche personnelle, avec, somme toute, une fréquence plus significative pour ceux du PEI qui est de 9/10, tandis que, pour Freinet et la Gestion Mentale, la proportion est de 4/10.
    Globalement, ils se perçoivent dans une ’démarche d’ouverture’, dans ’un esprit de découverte.’, dotés ’d’une curiosité’ interne, quasiment aux aguets : ’A l’affût’, en attente de ’gourmandise’, en appétit : ’J’ai trouvé ça alléchant.’, et mobilisés par un état passionnel : ’On a la passion.’. Pour six d’entre eux, c’est une disposition quasi permanente : ’Tout le temps en recherche.’ ; ’En recherche du matin au soir.’ ; ’Toujours en recherche.’ ; ’Toujours en questionnement.’ ; ’Toujours à la recherche.’ ; ’C’est sans fin.’ , C’est une necessaire direction : ’Je fais de l’esprit de recherche une éthique.’.
    Pour certains, cette attente coïncide avec une période d’instabilité : ’J’avais besoin d’un nouveau souffle’, avec un sentiment de désarroi : ’J’étais dans une période de grands doutes’, avec un vécu de dépression paralysante : ’Je sentais un manque.’ ; ’Un sentiment d’insatisfaction.’. Quelques-uns éprouvaient un désir de renouvellement : ’Une soif de nouveau.’.
    En fait, la découverte de telle ou telle pédagogie s’est avérée comme un hasard opportun : ’Le PEI est tombé à point.’ ; ’C’était quelque-chose que je cherchais à ce moment là.’ ; ’J’ai sauté dessus.’ ; ’Je ne sais pas si on choisit une pédagogie innovante parce que c’est une pédagogie innovante ou parce que ça tombe pile.’. En effet, pour certains, elle soignait, d’une certaine façon, des inquiétudes personnelles : ’J’avais beaucoup, beaucoup de questions d’ordre personnel et toute cette recherche m’a donné des éléments de réponse.’ ; ’Si en Gestion Mentale, je n’avais pas trouvé de solution à quelques problèmes, je crois que je l’aurais abandonné rapidement.’ . Pour d’autres, et sur un plan plus strictement professionnel, elle semblait poser ’le problème de fond’ .
    En effet, comme l’indique un enseignant en PEI : ’les enseignants se posent des problèmes de fond’, ils semblent en quête d’un travail en profondeur, et ils ont l’impression qu’à chaque fois on renouvelle la façade avec un nouveau décor : ’La formation à l’heure actuelle ça ressemblait un peu à du soupoudrage, à du condiment qu’on ajoute.’. D’où la fatigue consécutive au mouvement d’exaltation et de déception : ’J’en avais marre depuis vingt-cinq ans que je suis ici, proposer aux gens un produit, la pédagogie par objectifs, après ça a été la méthode audio-visuelle. Puis après plus personne ne reprenait ça.’.
    Les préoccupations seraient d’ordre final : ’C’est plus par rapport aux finalités mêmes, qu’est-ce qu’on fait ? Sur les finalités, qu’est-ce qu’on fait ? Le taux de réussite ne semble plus être la finalité satisfaisante, à la limite on chercherait d’autres finalités.’. Or, pour quelques uns qui l’expriment, notamment en PEI, la séduction s’est opérée particulièrement à ce niveau : ’J’ai vraiment eu l’impression que ça répondait à des questions que je me posais..que ça posait le problème de fond.’. Dès lors, c’est la puissance d’un moyen au service d’une fin qui était entrevue : ’C’était pour moi un moyen de rendre l’individu autonome par rapport à ce que je souhaitais qu’il fût, ce vers quoi je tendais pour qu’il se réalise en tant qu’homme.’. C’était de ’l’eau apportée au moulin’ pour ’la construction de l’humain’.
    Il est un fait, toutes sensibilités confondues, qu’ on exprime un réel ’désir de connaissance’, une espérance d’épanouissement, l’idée d’une marche en avant : ’envie que çà avance’, par authentification, ’C’est en lien avec mon actualisation.’ ; ’je cherche à me réaliser en même temps.’, et élévation, ’C’est un désir d’évolution pour moi et pour les autres, par rapport à l’idée d’ascension et de progrès.’. L’un d’ eux l’identifie telle une ’démarche d’évolution spirituelle’. Un autre témoigne de l’expérience d’un progrès : ’La Gestion Mentale m’a fait énormément progresser dans ma vie.’.
    En réalité, pour nombre d’entre eux, cette promotion réfère à l’Esprit ; elle est la recherche d’une liaison, d’un chemin de perfection : ’la recherche d’un Dieu, la recherche d’un être, la recherche d’un père, je l’ai profondément en moi.’. On évoque précisément la quête ’d’une espèce de perfection’. Ainsi l’exprime un praticien Freinet : ’Ce qui m’a séduit, c’est des gens qui cherchent, qui ont envie de faire des choses, qui ont envie que ça avance, moi ce que je cherchais c’était une espèce de perfection.’. D’ailleurs, tant chez Freinet qu’en Gestion Mentale, on fait explicitement référence à l’espérance d’un monde meilleur : ’On a quand même des idées de rendre un petit peu l’homme meilleur, on tend vers un monde meilleur, on aspire à un monde meilleur.’ ; ’J’ai un désir d’absolu, ça me renforce dans ma foi, dans mon espérance dans un monde meilleur.’.
    Fort d’une conscience de foi, notamment en PEI, on se réfère à Dieu comme totalité achevée, comme la finalité de nos finalités : ’Je n’ai pas fini de découvrir, c’est sans fin, nous sommes des êtres inachevés, nous ne sommes pas finis. Le modèle que nous avons de la perfection, de l’achèvement total, c’est dans l’unicité de Dieu, il est le tout c’est bien vers là qu’on tend.’. Un enseignant en Gestion Mentale qualifie cette dynamique ’d’une recherche du sens de la vie’, dont l’effusion est ’intérieure’. Trois autres avouent être en recherche d’inconnu : ’Je cherche quelque-chose.’ ; ’Je suis toujours à la recherche de quelquechose.’ ; ’Je suis rentrée avec cet esprit-là de découverte de quelque chose.’.
    Rappelons que la portée de cette analyse qualifiant le dynamisme de la passion cherchante de l’enseignant doit être relativisée par les scores quantitatifs ; très significatif pour le PEI, il est moins exprimé chez Freinet et en Gestion Mentale.

  2. Venons-en maintenant au second sous-thème, qui s’exprime vivement et de façon homogène, puisqu’il se décline à une fréquence de 7, 8 et 9 sur dix : On valorise fortement une finalité éducative originale que l’on poursuit, celle de l’éducation du désir. La pédagogie usitée est alors un moyen au service de cette finalité dont ils espèrent être les vecteurs.
    Ainsi, et tout d’abord, on plébisciste l’envie, (ce terme est utilisé 17 fois). Il s’agit d’ aider les élèves à avoir envie : ’Les amener à avoir envie.’, leur donner l’envie : ’Je me suis dit, une des premières choses les plus importantes dans ce métier c’est que les enfants aient envie.’ , leur céder des envies : ’J’essaie de leur transmettre des envies.’, des envies passionnelles : ’on transmet des passions’, retrouver l’envie : ’Retrouver progressivement l’envie.’, libérer l’envie : ’Laisser le môme avoir envie puis l’épauler.’, considerer leurs envies : ’Ils ont des envies.’ ; ’Tenir compte de leurs envies.’ ; ’Le quotidien des mômes est triste, j’essaie qu’ils aient envie de venir à l’école, ça paraît banal, mais c’est fondamental.’. - L’ un d’eux pense être un mauvais professeur dans le système actuel parce qu’il transmet beaucoup d’envies et peut-être trop peu de connaissances. Il s’interroge cependant sur l’aspect éphémère et diffus du programme dans l’esprit des élèves - ’Un texte qu’on a reçu de correspondants, il y a un côté affectif là qui va soutenir ou nourrir l’envie d’apprendre.’.
    Ils ont le sentiment que l’école censure : ’L’école coupe des désirs’ (ce terme est utilisé 11 fois.). Le désir est un élan fragile, à soutenir délicatement : ’Ce désir de ne pas casser le désir.’ ; ’maintenir le désir’, en ’tenir compte’, le ’suivre.’. A défaut, il est à rééduquer : ’Réinstaurer le désir.’ ; ’redonner le désir.’. La tâche est alors difficile et impliquante : ’Le relancer’ ; ’Le pousser’ ; ’Le rallumer’ ; ’Le stimuler.’ ; ’Le remotiver en permanence.’. Certains font une comparaison avec ’l’appétit’ à préserver : ’On a un rôle à la fois de garder cet appétit’ ; il est à reconnaître : ’et de réapprendre l’appétit’ ; il est à ouvrir : ’Avoir du désir pour apprendre.’ ; ’Trouver des outils un peu plus alléchants.’ ; ’donner le goût.’. Freinet a dit : ’on ne fait pas boire un cheval qui n’a pas soif.’ ; ’L’école doit faire d’abord en sorte qu’ils aient soif.’. Ils considèrent en réalité que les enfants sont’ boulimiques’, et que’s’ils ne sont pas pervertis par un système épouvantable’, ils sont nécessairement en projet :’Ils sont forcément dans une démarche de découverte d’activité, c’est le propre de l’individu vivant et sain.’ ; il est ’Vivant’ et ’Enthousiaste.’, intéressé, ’Partir de ses intérêts.’,’Faire en sorte qu’ils aient de l’intérêt à ce qu’ils font.’.
    Il y a également une harmonie autour de l’idée de la motivation : ’Donner une motivation.’ ; ’La motivation, je crois qu’on apprend bien que lorqu’on est motivé.’ ; ’Ce qui m’a branché dans la pédagogie Freinet c’est la motivation.’ ; ’ La fameuse motivation que je pressentais, elle était là, les gamins qui étaient partie prenante, qui participaient qui prenaient des initiatives.’. Cette motivation est celle de la vie : ’Rendre la personne motivée par sa vie.’ ; ’Motivée par le désir de vivre.’ ; ’Motivée par le désir d’agir.’ ; ’Dans un but de construire l’avenir.’ ; ’Dans une démarche de construction de leur vie.’ ; ’C’est important d’avoir cette volonté.’.
    Dès lors, l’enseignant est médiateur d’espérance : ’Mon rôle est de les faire espérer’, il est vecteur d’une prédisposition confiante en l’inconnu : ’Les faire espérer en quelque chose.’. Il favorise le repositionnement : ’remettre en piste’ ; ’Mettre un homme debout.’ ; ’remettre en route.’, et le rassemblement autour d’un axe : ’J’ai une conviction très forte que plus les choses sont rassemblées autour d’un axe, plus on est disponible.’, en vue de l’effort dirigé : ’Il faut inscrire l’enfant dans une perspective.’ ; ’Tu vois tu peux aller plus loin.’ ; L’envie d’aller plus loin’ ; d’’aller vers la vie.’. Et puis, il oriente et soulève l’élan : ’Mettre l’élève en projet, en projet de réussite.’ ; ’La mise en projet.’ ; ’Je les mets en projet.’ ;’L’envie de faire un saut.’. Le projet est ’Essentiel’ ; ’Fondamental’ ; ’Un concept qui est très important’ ; ’Une notion très forte.’, parce qu’elle porte une potentialité créative : ’C’est une force de vie, le projet est une force de vie, j’en suis convaincue.’. Et on explique collectivement que : ’le PEI permet de rentrer dans une dynamique de projet.’. Chez Freinet, ’Les élèves sont dans une dynamique de projet, ça sert nos projets, on est toujours dans un projet.’. Que si ’Je devais dire en deux mots ce que je retiens d’important dans la Gestion Mentale, je dirais évocation et projet.’.

Cette attitude attentive, respectueuse, qui estime les désirs, va permettre de révéler le sens à l’élève. Ainsi, selon un praticien Freinet : ’tenir compte de leur envie, de leur désir, ça va donner du sens au travail’ ; un praticien du PEI l’exprime pareillement : ’Aider la personne à trouver du sens, une raison d’exister, pour ça il faut rendre la personne motivée par sa vie.’. Dans cette perspective, tenir compte des désirs de l’élève, au demeurant de ’sa vie’, révèle le sens, celui de son intériorité. Par exemple, considérer la parole, c’est occasionner potentiellement une expérience de sens universel :’Ce que tu dis là, ça a peut-être un sens, entendre ce sentiment universel, ça me semble une priorité cette éducation à l’universel.’. De la part de l’enseignant, c’est une attitude reconnaissante qui, pour l’élève, occasionne la réflexion, la découverte, une co-naissance à lui-même, à son envie précisément. De la sorte, ce processus, favorise le renouvellement, les retrouvailles : ‘Cette notion de projet amène à se renouveler, retrouver progressivement l’envie de... dans une dynamique d’aller vers la vie.’ ; ’Il va avoir envie de travailler ’ . C’est une démarche qui, en l’occurence, est fondatrice : ‘cheminer avec eux dans cette démarche d’ouverture, en les amenant à donner du sens, de la signification, ça me paraît être de l’ordre de la construction de l’humain’ .’. C’est également une rencontre personnelle bénéfique qu’ exprime une enseignante en Gestion Mentale : ‘Je ne dois pas tout comprendre du cours de maths, mais je décide une chose qui me convient, qui correspond à mon fonctionnement, il faut que je parte avec ça et si je fais précisément et bien quelque chose, paradoxalement tout le reste va se resituer par rapport à cette chose que je fais pour le mieux qui me sert de point de repère’ .’. Pour un enseignant en PEI, le sens présent est signe de Dieu : ‘C’est la présence, c’est le signe de quelqu’un qui est Dieu et qui est présent dans la vie des hommeset qui s’exprime par la vie des hommes et qui nous fait signe’ .’.

S’agissant du désir fondateur du sens, c’est-à-dire de la prise en compte de l’aspiration, de l’envie, de la motivation comme révélatrice d’intériorité, 1’ enseignant en PEI, 2 enseignants Freinet, 1 en Gestion Mentale, précisent ce qu’ils entendent par ’permettre’ ou ’suivre les désirs’ de l’élève. Malgré la rareté du propos, il nous semble utile de l’inscrire dans cette analyse. Ils évoquent notamment l’aptitude au discernement : ‘On cherchait à lui faire identifier ses désirs profonds par rapport aux désirs spontanés.’ ; ’Des envies pas de cuisine aménagée, ce n’est pas de ces envies là dont je parle, mais se dire est-ce-que j’ai pas d’autres envies, dans un regard un peu plus distant, est-ce qu’il n’y a pas des choses qui ont plus de valeur pour moi ?, plus de valeur philosophique ?’ ; ’Je crois qu’il faut leur donner du sens, les faire espérer en quelque chose, leur donner envie de devenir adultes, pas le modèle de réussite financière ou du show-biz, c’est pas ça.’ .

Dans l’ensemble, sur les trente, au moins onze exhortent à une pédagogie de la recherche de sens. Précisément, cette notion de sens est requise plusieurs fois, (4 fois en PEI, 4 fois chez Freinet, 3 fois en Gestion Mentale.). En PEI, on l’exprime ainsi : ‘’Je pense que notre rôle c’est d’aider la personne à trouver du sens dans ce qu’elle fait.’ ; ’Cheminer avec eux dans cette démarche d’ouverture en les amenant à donner du sens’. ; ’Je pense que tout élève ne construit sa connaissance que s’il est mis en situation de chercheur. Toujours travailler en terme de recherche de principes, de domaines d’application, faire des liens entre les éléments.’ ; ’l’enseignant est là pour relancer une recherche, on dépiaute, A quoi ?, Pour quoi ? Pourquoi on travaille ?, Pourquoi on fait ça à l’école ?, Dans quel but ?, ’Qu’est-ce que je cherche ?’, ’Où suis-je ?’, ’Où vais-je ?’, ’Pourquoi ?’, ’Quel objectif ?, ’Pourquoi on fait la recherche de la circonférence du cercle ?’ ’.

Chez Freinet, la perspective est similaire : ’‘L’idée qui me tient quand même le plus à coeur, c’est d’essayer de donner le plus possible du sens au travail, leur faire comprendre pourquoi. Il ne comprend pas pourquoi, c’est bête, c’est abusif, c’est pas ça un enfant de sept ans.. Donner du sens le plus possible.’ ; ’Ils font une recherche, on cherche ensemble, l’enseignant est là pour relancer une recherche Ils savent pourquoi on travaille, pourquoi on fait ça à l’école’ ; ’Notre rôle c’est de leur apprendre à comprendre, à analyser les choses, comprendre pourquoi’.’.

En Gestion Mentale : ’La question du sens c’est le noeud, l’essentiel, l’aspect le plus important. Le sens unifie et calme au lieu de disperser. Je trouve que l’école coupe du bon sens, ils sont dans une contrainte dont ils ne voient pas l’issue.’ ; ’Le concept de projet est essentiel pour que l’enfant puisse donner un sens à ce qu’il fait, ça j’en suis intimement convaincue. Si l’enfant on ne l’aide pas à trouver un sens, il ne peut pas réussir à l’école, c’est le noeud où le reste viendra se greffer.’ ; ’Pouvoir trouver dans ses apprentissages un sens, un bénéfice, quelquechose de fort.’ ; ’Le pourquoi je l’apprends ?’ ;’A quoi ça va me servir.’ ; ’Quand je demande à l’enfant d’apprendre une leçon, je leur pose toujours la question quand est-ce que j’en aurai besoin ?’ .

Ce qui nous semble étonnant, c’est donc cette motivation pédagogique commune, unanime, qui relève d’une exhortation à l’éducation du désir, à l’éducation à la recherche du sens. C’est très fort. Au demeurant, n’y aurait-il pas là une visée commune de la personne à promouvoir ?