Thème n°2 : Médiation et Rencontre, Autorité Créatrice.

PEI FREINET GM
Médiation et Rencontre Autorité Créatrice. 10/10 10/10 10/10 = 30/30
Sous-Thèmes
1. La Rencontre 8/10 9/10 8/10 = 25/30
2. L’Autorité créative 10/10 8/10 10/10 = 28/30
Fréquence d’expression globale du thème : 18 17 18

Ce thème de la rencontre et de la médiation créative a été isolé compte tenu de sa prégnance transversale dans les trois pédagogies. Les enseignants témoignent notamment d’un itinéraire balisé par la rencontre de personnes médiatrices, qui ont été pour eux déterminantes, y compris dans leur choix pédagogique, de telle sorte que cet engagement trouve sa raison forte dans ce lien qui les unit à telle ou telle personne. On déclame donc unanimement (30/30), avec des accents différents, la puissance intrinsèque à la rencontre. Finalement, on trouve que c’est une rencontre occurente, celle d’une personnalité passionnée, d’ autorité créatrice. Etayons ces aspects par l’analyse des données.

  1. Notons d’emblée, et en filigrane, qu’on peut s’étonner a priori d’une insistance sur le concept de ’rencontre’, utilisé avec développements 11 fois sur 30 (6 fois en PEI, 3 fois chez Freinet, 2 fois en Gestion Mentale - c’est dans cette dernière pédagogie que son emploi se justifierait pourtant le mieux -). Citons quelques exemples. En PEI : ‘’Je crois qu’il y a des choses auxquelles je crois qui sont de l’ordre de la rencontre.’ ; ’dans les rencontres, il y a peut-être un essentiel qui est partagé.’ ; chez Freinet : ‘’j’ai eu la chance de rencontrer un homme qui m’a beaucoup marqué.’ ; en Gestion Mentale : ‘’Le jour où j’ai rencontré A.. ça été une date décisive dans ma vie, ça a été une rencontre personnelle.’ ; ’ça a été une vraie rencontre’ .’.
    Ajoutons que le concept même de médiation ou de médiateur n’est employé que 7 fois sur trente, (5 fois en PEI, 1 fois chez Freinet, 1 fois en Gestion Mentale. - a priori, c’est en PEI qu’ il devrait trouver sa pleine justification-). Prenons quelques exemples dans les trois pédagogies. En PEI : ’Moi j’ai bien aimé, tout l’aspect de la médiation qui répond bien je crois à quelque chose dans lequel j’ai trouvé mon identité d’éducateur mais aussi d’homme.’ ; chez Freinet : ’Il y en a un c’est encore mon meilleur ami..des fois on utiliserait bien médiateur, mais je ne saurais pas la définition du médiateur.’ ; en Gestion Mentale : ’médiateur, j’aime pas le mot instituteur maintenant.’.
    On souligne à 9 reprises (6 fois sur 10 en PEI, 1 fois chez Freinet, 2 fois en Gestion mentale) que cette rencontre intervient dans un intervalle, ’un jour’, ’à un moment’ ; celui-ci n’est pas imprévu, il est ’donné’. Ce n’est pas un ’hasard’, il est décidé. C’est une aube, un ’évènement’. Cette rencontre est prometteuse : ’j’espère beaucoup dans les rencontres’. Un enseignant chrétien évoque le symbolisme qui y est attenant : ’La rencontre de Jésus ’avec’ Emmaüs : Les évènements de la vie sont un langage de Dieu, c’est la rencontre de quelqu’un, la rencontre d’une personne.’. Elle se présente à l’orée d’une maturité : ’j’étais prête’ ; ’je le cherchais’ ; ‘je crois qu’à un moment on a une évolution spirituelle et que quel que soit l’individu même le plus frustre, il rencontre un jour quelqu’un qui débloque quelque chose pour lui.’ . Cette rencontre est ’déterminante’, elle balise la route, ‘Les professeurs disaient que je ne ferais jamais un lycée, ça a tenu à deux personnes qui m’ont fait confiance’ .’ ; elle occasionne le choix : ‘ça avait sans doute été quelque-chose qui avait déterminé mes orientations certainement.’ .

  2. C’est tout d’abord un personnage, une personnalité ; c’est du moins ce que déclare fermement une minorité de 8 enseignants. En PEI, on dit que : ‘ces méthodes, c’est d’abord un personnage, une forte personnalité.’ ; ’que si c’était x qui me l’avait présenté j’aurais certainement moins adhéré’ ; on relativise alors la portée de l’instrument : ‘ce n’est pas votre instrument qui fait que, c’est vous..c’est votre personnalité, vous les tirez vers vous’ .’ ; une autre affirme que ’ça tient à la personnalité de l’individu, au médiateur, à la façon dont il se présente...’. Chez Freinet, on évoque, ’une personne et physique et morale très conséquente,...j’ai volontiers suivi tout ce qu’il disait.’ ; pour un second : ’ce qui m’avait frappé, c’était la personnalité de l’instit... Il y a un attachement aux personnes çà c’est sûr.’. En Gestion Mentale, on avoue que ’le personnage à fait’, qu’’il y a une influence de la personne’, que ’l’homme déjà m’a accroché.’ ou que ’vivre une journée avec ce personnage-là, c’est certain que ça a aussi des incidences.’. Un autre enseignant en Gestion Mentale, évoquant Célestin Freinet qui fût une référnce, souligne que ’L’homme que je pensais derrière ses écrits me touchait.’.
    Si c’est la rencontre d’une personne, c’est la rencontre d’une personnalité passionnée ; notamment parce qu’elle respire l’aura d’une liaison, elle manifeste une ferveur rayonnante et captivante, que certains associent d’emblée à une religion. En PEI, c’est très explicite : ’Il a une spiritualité qui transpire par tous les pores de sa peau, c’est très attirant pour moi, c’est tellement lumineux, c’est complètement religieux, c’est complètement spirituel, mais ça fait partie de cette rencontre’. Un autre souligne l’ardeur du médiateur : ’S’il n’ont pas quelqu’un de dynamique, de fort, de souriant, une énergie, bien dans ses baskets, qui est passionné, qui croit en eux et qui leur dit, comment voulez-vous que l’enfant s’identifie, qu’il trouve l’energie ?’. Un troisième pense que ’toutes ces méthodes, c’est d’abord..quelqu’un de passionné.’. En pédagogie Freinet, on est conquis par la ferveur de l’engagement : ’ce qui m’avait frappé c’était la personnalité de l’instit,..je ne pensais pas que c’était quelque chose d’aussi passionnant que ça, j’avais ressenti sa passion... l’impression qui ressortait c’était qu’on entrait en pédagogie Freinet comme on entrait en religion.’. En Gestion Mentale, on raconte également cette ferveur : ’Il y avait un tel sourire dans son regard, un tel enthousiasme, il y avait une telle façon d’être.’.
    On est donc séduit par une personnalité charismatique et convaincue ; en PEI, on dit que ’çà tient au charisme’ ; chez Freinet, on parle d’’un charisme époustoufflant’ ; en Gestion mentale, on a été ’frappé par son charisme.’. La croyance s’exalte ; chez Freinet, on parle ’d’une personnalité tellement empreinte de sa conviction’, en Gestion Mentale, c’est ’une telle conviction qui rayonnait dans sa personne et pas seulement dans ses paroles.’, elle est persuasive : ’Avec sa conviction, sa force de conviction, parce qu’il croit en ce qu’il fait et il sait à mon avis très bien le communiquer.’. On se souvient de sa disponibilité : ’Quelqu’un qu’on pouvait trouver n’importe quand et ça se sent bien quand on est élève.’ ; ’Je pouvais énormément compter sur lui,’ ; ’çà tient à sa disponibilité’ et de l’investissement constaté - plus particulièrement chez Freinet - ’l’impression qu’il consacrait sa vie à sa classe.’ ;’un prof que j’admirais, qui se donnait énormément.’.

  3. Mais, si ces quelques enseignants minoritaires évoquent le thème de l’enthousiasme, de l’implication, de la dévotion du ’médiateur’, ils évoquent néanmoins avec une fréquence beaucoup plus significative ( 24 fois sur 30) sa dimension vertueuse, et c’est relativement homogène (8 fois en PEI, 8 fois chez Freinet, 6 fois en Gestion Mentale.).
    Au demeurant, parmi les vertus abordées, dont le panel est assez large, il se dégage deux qualités majeures. La première, c’est l’amour du prochain : 17 fois sur 30, (5 en PEI, 8 chez Freinet, 4 en Gestion Mentale) ; la seconde, c’est la charité et la miséricorde : 13 fois sur 30, (4 fois en PEI, 5 fois chez Freinet, 4 fois en Gestion Mentale.). On notera également, mais c’est relativement anodin, le thème de la simplicité.
    Ici, l’amour, c’est la proximité, le rapprochement, la liaison chaleureuse, amicale, l’alliance, l’union faite avec le prochain. Il s’incarne par l’ attitude empathique, attentive, à l’écoute, respectueuse. Ainsi, en PEI on évoque ’la chaleur humaine.’, un autre témoigne avoir eu la ’chance de rencontrer des gens chaleureux’. Chez Freinet, un enseignant se rappelle que ’c’était des gens qui étaient prêts à m’entourer de leur chaleur humaine, quand je les entendais parler des enfants et bien ça me réchauffait le coeur par rapport à ce que j’avais pu vivre par ailleurs.’. En Gestion Mentale : ’j’ai apprécié son amitié chaleureuse.’, ’il est très chaleureux’. Cette chaleur est celle du contact, de la liaison qui est établie et aidante, sans doute parce qu’elle relie et sécurise : ’Je leur donne une aide au niveau du contact, des petites choses toutes simples qui montrent qu’il y a quelque-chose qui passe, trouver la petite phrase, trouver le geste, ou le sourire, ou le silence qui va permettre de commencer un travail.’. C’est également une approche respectueuse d’une logique de sens, incidente, et propre à l’élève : ’Il essayait de rentrer dans la dynamique de la personne, essayait de comprendre ce que la personne voulait dire.’.
    Certains, particulièrement chez Freinet (5/10), témoignent d’une relation amicale et fidèle avec cette personne : ’Il est devenu un ami très cher..il a été très longtemps confident, quand j’ai arrêté la pharmacie, je suis allé lui demander conseil.’ , ’Il y avait des atomes crochus parce que c’est encore mon meilleur ami. J’emploie difficilement le mot ami. Des fois, on utiliserait bien médiateur, mais je ne saurais pas la définition du médiateur.’ ; ’C’est un souvenir affectif, c’est un ami qui était instit Freinet.’ ; ’Cette personne..j’ai toujours continué à la voir et je continue à la voir régulièrement.’.
    C’est uniquement en PEI qu’on évoque la notion littérale d’amour (4/10), ’Toute la démarche de médiation est une modalité d’expression de l’amour que l’on peut avoir vis-à-vis des autres. Il y a la parole d’Evangile, aime l’autre comme toi-même.’, ’ça tient au médiateur à l’amour qu’il a vis-à-vis des autres.’ ; ’ C’est vrai qu’on nous dit vous croyez en eux, vous les aimez’, ’Ce petit bonhomme à barbe blanche, il a tout l’amour.’.
    Ce qui est également fort, c’est le souvenir de l’accueil, ’La façon dont j’ai été accueillie’, de la disposition, ’ça tient au médiateur à la façon dont il se présente par rapport aux enfants.’. Mais le plus fréquent, c’est le sentiment d’une qualité d’écoute - particulièrement chez Freinet (5/10) - : ’Une énorme faculté d’écoute’, ’C’est l’aide de quelques prêtres dans la compréhension de juqu’où pouvait aller le respect de l’autre, l’attitude d’écoute qui a été très important pour que j’avance vis-à-vis des enfants, taire mon orgueil...Ces deux personnes étaient à l’écoute, c’était surtout ça.’ ; ’Un prof que j’admirais beaucoup et que j’admire encore, il a représenté quelqu’un qui savait écouter les élèves, qui était vraiment à l’écoute.’ ; ’une personne qui s’occupait des enfants du voyage..une énorme faculté d’écoute, je crois que çà m’a beaucoup aidé à continuer.’ ; ’C’étaient des gens très humains, moi je crois que c’est le principal, un respect des autres, qui sont aussi à l’écoute des autres, si on veut que dans la classe ça se passe de cette façon, je crois que la première des choses est de ressentir personnellement ces choses.’.
    La seconde dimension vertueuse suggérée est celle de la personne, en raison de sa qualité humaine, miséricordieuse, charitable et généreuse, qui est évoquée par 13 enseignants, (4 en PEI, 5 chez Freinet, 4 en Gestion Mentale). Ainsi, on est touché par une sorte de rayonnement humaniste. Chez Freinet, on se souvient que ’c’étaient des gens très très humains.’ ; ’une profonde conviction humanitaire, humaniste.’. En Gestion Mentale (4/10) on a été sensible à ’cette philosophie d’A. de La Garanderie, très forte humaniste.’ ; ’on présentait A. de La Garanderie comme sympathique, y’avait quelque-chose d’humain derrière, c’est çà que j’ai senti, çà a déclenché une curiosité.’, ’L’homme m’a accroché, l’humanisme qui ressortait à la fois de lui, de l’homme et en même temps de toutes ses théories, de toute sa pensée.’ ; ’J’ai apprécié son amitié... humaniste.’.
    On se remémore une forme d’acquittement de la part de l’enseignant par le témoignage de sa confiance. En PEI :’des professeurs disaient que je ne ferais jamais rien, ça a tenu à deux professeurs qui m’ont fait confiance, je n’oublie pas ça, ils m’ont fait confiance et là ça a vraiment été une révélation,...ce que j’ai apprécié, de laisser des chances.’ ; chez Freinet : ’Il était le confident de beaucoup..j’avais vraiment confiance.’ ; en Gestion Mentale, on estime sa considération inconditionnelle : ’Il était frère..la capacité de voir autre chose, pas uniquement sa turbulence et de dire que ce qu’il avait repéré chez toi c’était important çà avait de la valeur.’.
    On fait fréquemment référence à une générosité d’attitude, à travers la simple notion d’aide. En PEI, on pense que ’c’est important de l’aider, de l’accompagner pour lui permettre de trouver sa place.’. Chez Freinet, on aborde particulièrement le thème de l’entraide : ’c’était des gens qui étaient prêts à m’aider.’ ; ’C’est l’aide de quelques prêtres, de quelques laîcs’ ; ’un instit qui m’a beaucoup aidé, beaucoup, beaucoup aidé’ ; ’un groupe qui nous aidait, leur soutien, j’étais contente de les rencontrer’. En Gestion Mentale, on parle ’d’un service de charité’ ; ’Mon grand-père il était la bonté, un ami de C. Rogers qui avait cette même bonté de s’occuper des autres.’ ; ’Ma deuxième maman, ce qui était important pour elle, c’était d’aider les gens qui avaient des soucis, des petites gens, elle l’a fait d’une façon extraordinaire.’. En Gestion mentale, on pense que ’la vie est un partage, aider l’autre, sinon je ne suis pas très utile sur terre.’. On évoque également le souci de partage du savoir chez Monsieur de La Garanderie, ’qui avait trouvé les éléments pour comprendre et qui en faisait part à d’autres.’, ses ’encouragements.’.
    Enfin, on souligne plus rarement, la relation de simplicité avec la personne rencontrée : ’Feuerstein c’est une relation de simplicité, il m’a reconnu’ ; chez Freinet, on parle de ’quelqu’un de très modeste.’ ; en Gestion mentale, on évoque ’une rencontre personnelle, j’ai appréciée son amitié..ouverte et modeste.’, c’est ’quelqu’un de sympathique.’ ; ’c’est le premier qui a joué au foot avec moi...cette relation j’y crois beaucoup.’ ; ’Il est très convivial.’.
    Les personnalités rencontrées sont soit les initiateurs des pédagogies, les maîtres ou leurs disciples, soit des éducateurs dont le souvenir est très présent. On fait également référence à ses propres parents. Pour d’autres, enfin, il s’agit de l’ influence directe et marquante de prêtres ou de Frères des Ecoles Chrétiennes, (3 en PEI, 2 chez Freinet, 1 en Gestion Mentale). Ainsi en PEI : ’C’était un frère, il a un petit peu bousculé mes conceptions des choses, il m’a permis d’aller plus loin dans ma réflexion personnelle.’ ;’Je suis parti comme juveniste jusqu’en première, çà a déclenché en moi tout un potentiel.’ ; ’ca a été le témoignage à l’âge de quatorze ans d’un prêtre, il était frère à l’époque, incontestablement, ce frère nous avait bien sensibilisé...çà avait sans doute été quelque-chose qui avait déterminé mes orientations certainement.’. Chez Freinet : ’ J’ai eu la chance d’avoir comme directeur de conscience un prêtre..qui appliquait l’Evangile au plus près, c’était tellement rare.’ ; ’J’ai eu la chance de rencontrer un homme qui m’a beaucoup marqué, c’était le curé de la paroisse.’. En Gestion Mentale :’ce qu’il a fait ce Frère des écoles chrétiènnes avec moi,..y’a eu un déclic mental qui s’est passé à ce moment là, quelque-chose qui est arrivé à la conscience.’.

  1. Le deuxième volet est celui de l’autorité créatrice du médiateur. En premier lieu, il est une autorité, eu égard à l’ascendant qu’il représente. D’une part, il est saisissant ; d’autre part, il laisse une empreinte et, pour certains, fait figure de modèle. D’un autre côté, son influence est créative : d’une certaine manière, il libère, il relie et édifie. Etayons ces différents aspects.
    • a.1. Sur trente enseignants, 20 insistent précisément sur l’émotion attenante à la rencontre, (4 en PEI, 8 chez Freinet, 8 en Gestion Mentale.). En PEI, on évoque un bouleversement : ’on ne ressort pas indemne d’une rencontre avec Feuerstein’, au bord de l’hypnotisme : ’On a adhéré comme à une espèce de secte, on a été fasciné par cette espèce de gourou.’. On est séduit : ’un sourire, son petit bérêt sur le côté, ce petit bonhomme à barbe blanche, il a tout l’amour.’. Chez Freinet, on est impressionné : ’c’étaient des personnes que j’admirais.’ ; ’un instit que j’ai beaucoup admiré...çà m’a beaucoup impressionné.’ ; ’un prof que j’admirais beaucoup et que j’admire encore beaucoup.’. On est captivé : ’j’étais très attiré par ce qu’il me racontait.’, çà semble hors du commun : ’on avait trouvé çà extraordinaire, en se disant comment je pourrais faire ?’ ; ’il semblait tellement mythique, il était acétique, il croyait au végétarisme au naturisme.’. On se souvient d’une émotion affective : ’c’est un souvenir affectif, carrément affectif.’. En Gestion Mentale, on évoque également une vénération respectueuse : ’des professeurs que j’ai énormément admirés.’ ; ’Je l’admire beaucoup, j’ai beaucoup de respect.’. C’est la rencontre d’une personnalité originale : ’sortie des sentiers battus’, hors norme : ‘je le trouve extraordinaire.’ ; ’L’impression de découvrir quelqu’un d’extraordinaire.’ étonnant : ’Il était sensationnel’ ; ’dans ce discours très simple, il a subjugué l’assemblée.’, incroyable : ’c’était formidable’ ; ’je me disais, c’est magnifique.’ , divin : ‘’Monsieur La Garanderie, sacré bonhomme, je l’écoutais un peu comme le bon Dieu ; c’est nôtre maître à tous quoi, çà fait un peu secte’ .’. L’impression d’être conquise, clouée : ’peut-être trop fascinée, bouche bée, on était des aficionadas.’ ; ’j’étais sidérée.’.

    • a.2. La rencontre est déstabilisante, elle est percutante. Elle commotionne et réveille. Elle laisse des traces. 12 enseignants sur trente font état d’une marque imprimée (5 en PEI, 4 chez Freinet, 3 en Gestion Mentale.). En PEI, on dit ‘c’est vrai qu’il m’a marqué, qu’il me marque.’ ; ’on ne sort pas indemne d’une rencontre avec Feuerstein.’ ; ’c’est resté profondément.’ ; chez Freinet, ‘’C’est quelqu’un qui m’a marqué.’ ; ’c’est quelqu’un qui m’a marqué énormément.’ ; ’j’ai rencontré un homme qui m’a beaucoup marqué, c’était le curé de la paroisse.’ ; ’c’est un fait marquant, çà reste très présent.’ ; ’ce qui m’avait marqué c’était la personnalité de l’instit’ ; ’çà m’avait frappé ce personnage’ .’ ; en Gestion Mentale on évoque également le poids de la rencontre :’Sa conviction m’avait frappée’ ; ‘’Le père P.. m’avait beaucoup marquée.’ ; ’j’avais été très frappée par le père D...qui rayonnait dans sa personne, pas seulement dans ses paroles.’ ; ’tout le monde disait qu’elle était laide, y’avait un tel sourire dans son regard.. elle m’avait beaucoup marquée, quand vous êtes adolescent çà m’avait probablement aidé.’ .

    • a.3. Pour 11 enseignants qui le verbalisent (2 en PEI, 5 chez Freinet, 4 en Gestion Mentale.), c’est la rencontre d’ un personnage de référence. C’est notamment celle d’ un maître, d’un mentor. En PEI : ’cette rencontre c’est le médiateur, c’est le maître, c’est le gourou appelez cela comme vous voulez, mais c’est affreux de dire çà, surtout que vous enregistrez, mais çà va au-delà d’une démarche simplement scolaire.’, ’Il fait partie de mon ensemble de maître à penser.’ ; Chez Freinet : c’est ’un directeur de conscience’. En Gestion Mentale : c’est ’un maître, au sens maître à penser du terme.’ ; ’c’est notre maître à tous.’.
      On évoque également la notion de modèle (2 fois en PEI, 4 fois en Gestion Mentale). Telle personne rencontrée, qui fût un modèle de personnalité : ‘’un ami de C. Rogers..c’est mon modèle çà.’ ; ’il peut être un modèle pour beaucoup de personne je pense.’ ;’Freinet à la limite serait plus un modèle.’. Dans la vie, c’est important : ’Faut aussi un modèle quelque-part, un modèle sans pour autant être soumis.’ , c’est une notion à retrouver, ’C’est une notion que l’on a complètement perdue dans l’Education Nationale cette notion de modèle, dans cette médiation on devient tout à coup un modèle pour l’enfant.’ ; ’c’est éventuellement pouvoir servir de modèle’ .’, mais une enseignante précise qu’elle ne conçoit pas ’un modèle de réussite’, mais cela ’suppose qu’il y ait des adultes vrais.’. C’est avant tout un modèle d’humanité, à qui on aimerait bien ressembler. Il semble empreint de vérité, En PEI : ‘il a une spiritualité qui transpire, c’est très attirant, avec une douceur, une tendresse, des gestes complètement paternels.’ ; chez Freinet, on dit que ‘c’est un référent qui a l’air de trimbaler une certaine sagesse comme çà, autour de sa pédagogie...il avait l’air très tolérent, très pondéré.’, que c’est un personnage ’mythique, tellement plein de douceur, il était très calme, c’était un peu un mythe sa conviction.’ , que ‘c’était un prêtre, il appliquait l’Evangile au plus près, c’était tellement rare.’.’ En Gestion Mentale, on pense ’qu’il detient tellement la vérité’, ’chez lui c’était un peu la maison du bon Dieu’, ’on transmet des valeurs par son attitude plus que par un discours.’.
      En son étoffe de modèle, il ranime le désir de plénitude ; c’est pourquoi il est désirable. C’est une vérité que l’on veut prendre pour soi. Ainsi, en PEI, on dit que ’c’est un modèle identificatoire.’, en pédagogie Freinet que c’est ’une personne idéalisée’, qui induit ’l’attachement’, en Gestion Mentale qu’il est introjecté : ’des modèles que j’ai intériorisés.’ ; ’il s’appelait Boutin, je devais être atteint de boutinisme aigu.’ ; il motive le désir mimétique : ’c’est mon modèle, j’ai voulu être comme çà.’ ; ’ce besoin de ressembler à ce fameux grand-père.’.
      Mais, paradoxalement, c’est un modèle d’humanité, compte tenu de ses limites et de ses manques. Par exemple, on dira que ce sont des hommes, avec leur défauts perceptibles : ’après je l’ai découvert sous son aspect..euh..bon..je veux dire plein de choses...’, ou encore, ’Mon héros n’était qu’un homme ordinaire, ça m’a remis les pieds sur terre de me dire qu’il n’y avait pas de surhomme, pas de Dieu.’.
      D’ailleurs, l’authenticité prémunit contre l’adoration. Ainsi, en PEI, on pense qu’ ‘’ils ont besoin de voir en face d’eux quelqu’un qui a aussi des déficiences, là je me suis mise en colère... je ne sais pas nous allons chercher...là je me suis trompée, mais c’est une erreur rattrapable...aujourd’hui j’ai appris, vous voyez faut encore apprendre, ça c’est une médiation très importante...Je suis tout à fait contre cette image du maître qui est infaillible et qui serait le maître absolu parce qu’image idéale.’ ; Chez Freinet : ’c’étaient des gens honnêtes avec eux-mêmes.’ ;’ils avaient un langage de vérité, ils disaient pas : nous on va être les meilleurs.’ ; en Gestion Mentale :’on présentait A. de La Garanderie comme quelqu’un qui ne jouait pas au gourou, il y avait quelque chose d’humain derrière’ .’.

    • b.1. Outre leur statut propre, toutes ces personnes ont joué un rôle actif. En la matière, trois aspects se dégagent : c’est une rencontre libératrice, réconfortante, fondatrice. Tout d’abord, il semble intéressant de noter que 10 enseignants (4 en PEI, 2 chez Freinet 4 en Gestion Mentale) utilisent très précisément une terminologie évoquant l’idée d’ une entité fermée, qui s’ouvre, éclot au contact du médiateur. C’est la clé qui ouvre la porte, telle la libération d’un emprisonnement. Ainsi, en PEI, on dit que c’est ’quelqu’un qui débloque quelque chose’ ; ’ça a déclenché en moi, tout un potentiel que j’avais.’ ; ’ça a déclenché l’envie.’ ; ’je me suis débloqué, ça a tenu à deux professeurs qui m’ont fait confiance.’ ; ’il a bousculé mes conceptions des choses.’. Chez Freinet : ’j’ai certainement idéalisé à un moment cette personne parce que je suis rentré à la fac avec ce déclic-là’ ; ’cette personne à été un peu un détonateur.’. En Gestion Mentale : ’çà a été une date décisive dans ma vie.’ ; ’Il y a eu un déclic mental qui s’est passé à ce moment-là.’, ; ’il m’a ouvert la porte.’.

    • b.2. Ensuite, 15 enseignants (7 en PEI, 5 chez Freinet, 3 en Gestion Mentale) témoignent d’un sentiment de confort, d’identité. Le médiateur ’marque’, en tant qu’il occasionne une reconnaissance de soi. En PEI, on dit : ’cette reconnaissance m’a marquée.’ ; ’reconnaître les autres.’ ; ’il était Frère...sa capacité de dire que ce qu’il avait repéré chez toi ça avait de la valeur.’. Chez Freinet, l’écoute et le respect fondent l’identité : ’l’enfant avait le droit d’être, il y avait un respect des autres, l’écoute des autres, ça m’a beaucoup impressionnée.’. La reconnaissance est une offrande, un présent :’il m’apporte toujours quelque chose.’. En Gestion Mentale :’il y a toujours eu une reconnaissance de mes progrès, de mes performances, une reconnaissance de l’autre.’ ; ’il reconnaissait à ses élèves la capacité d’avoir une sensibilité intellectuelle.’. On parle également en PEI,’d’une découverte de son être, parce qu’on a fait une rencontre un jour.’, d’une ’révélation’, il’démasque.’. Pour certains, le processus est celui de ’l’écho.’, du renvoi à une’image un peu semblable.’, d’une ’correspondance.’.

    • b.3. Cette rencontre d’autorité est également réconfortante car elle soutient et relie ; en quelque-sorte, elle unifie. Ainsi, on exprime le sentiment d’être porté ; en PEI : ’deux professeurs qui m’avaient porté à bout de bras.’ ; chez Freinet : ’j’étais contente de les rencontrer, j’ai apprécié leur soutien’, en Gestion Mentale : ’c’était une vraie rencontre, il me portait.’. On évoque également une terminologie qui valorise la liaison entre le maître et l’élève : ’ce qu’on a envie de faire passer’ ;’ une aide au niveau du contact’ ;’ça m’a branché’ ; ’un message à leur donner.’ ; ’la relation entre le maître et l’élève, j’y crois beaucoup.’ ; ’ma foi dans l’amour, ça c’est communicable à l’enfant.’ ;’je crois en la relation d’échange, une certaine réciprocité.’.
      Au demeurant, cette rencontre est créatrice parce qu’elle forme la personne, l’établit en quelque sorte, c’est-à-dire qu’elle réveille le désir et motive la liberté. En effet, on déclare, par exemple, en PEI que ’bon sang’, elle a ’déclenché l’envie de connaître.’ ; et également, chez Freinet, que cela a donné ’vachement’ envie.’ et, en Gestion Mentale que : ’ça a déclenché l’envie d’aller voir.’. Et puis, le médiateur édifie l’homme en formant la liberté. Il l’aide à se construire : ’un enfant qui va se réaliser, se construire avec des êtres.’, à distinguer son potentiel : ’le PEI permet de développer cette force, cette puissance, qui permet de jaillir..faire émerger toute cette richesse de la personne.’. Pour l’un d’eux, de confession chrétienne, il est médiateur de révélation d’intériorité : ’je découvre Dieu dans l’autre, c’est ça que je veux faire émerger, Dieu est amour, l’idéal d’homme c’est qu’ils aiment et qu’ils sachent aimer.’. Il l’accompagne sur le chemin ; en PEI, on dit que ’ça m’a permis d’aller plus loin’, chez Freinet que ’çà aide à continuer.’, en Gestion Mentale qu’’il le reconnaissait comme un individu à faire progresser.’.
      Mais, essentiellement, il révèle la vocation responsable d’homme créateur. Ainsi, en PEI, on adhère à ’la philosophie qui serait de dire : tout homme ici sur terre est co-créateur avec le créateur, c’est une exigence qui est que chacun sur terre doit apporter tout ce qu’il peut apporter et que ce monde ira mieux si chacun met tout en oeuvre pour que..’. On reconnaît que la rencontre fut porteuse de conversion : ’incontestablement ce Frère nous avait bien sensibilisés sur cette ouverture à l’autre, et entre autres, à celui qui était dans la souffrance et on avait fait des actions qui me sont restées profondément, qui ont été des choses extrêmement importantes..çà avait sans doute déterminé mes orientations, certainement.’ ; ’ça a déclenché tout un potentiel.’. Pour un troisième :’l’objectif est bien d’amener ces élèves à devenir médiateur par rapport à son copain et que le copain va être médiateur, on est quelque part le fruit des autres.’. Enfin, chez un quatrième, elle fonde l’habitat spirituel : ’je découvre Dieu dans l’autre, c’est ça que je veux faire émerger, former l’enfant à l’amour, qu’ils aiment et qu’ils sachent aimer.’. Chez Freinet, on pense également que cette rencontre fut révélatrice : ’ c’est ce qui fait que j’ai été attaché à un certain nombre de valeurs, de liberté, de choix d’ouverture, de parole, de tolérance.’, elle a occasionné l’implication active : ’Ils ont lancé une association défense de la terre, ils ont fait un journal, s’il est heureux à l’école, il sera bien plus créatif en tant qu’adulte malheureusement l’école développe les inhibitions au lieu de développer la créativité.’. En Gestion Mentale, on se souvient également des maîtres qui ’essayaient de nous faire grandir spirituellement.’ ; un second évoque l’approfondissement, par cette entremise, d’une vérité, de valeurs : ’ça a été une vraie rencontre, il m’a appris à être vraie, à voir vrai. Je devais les avoir toutes ces valeurs avant seulement j’arrivais pas à les faire mûrir.’.

Notons, entre parenthèses, bien que cela soit anodin, la référence à l’idée de l’attitude. Par exemple, en PEI : ’ça a été le témoignage d’un prêtre, son attitude à l’autre..ça avait été quelque chose qui avait déterminé mes orientations certainement.’. Chez Freinet : ’je me suis dit mine de rien j’ai réussi quelque chose par l’attitude que j’ai eue, ils ont lancé une association défense de la terre.’. En Gestion Mentale, on pense ’qu’on transmet des valeurs par son attitude plus que par un discours.’. D’un autre côté, on note que les progrès chez les élèves s’observent souvent en terme d’attitude ; ainsi, en PEI notamment, on parle ’d’évolutions en terme d’attitude.’.

On associe quelquefois l’autorité et le pouvoir. En PEI, une enseignante avoue avoir ’une certaine autorité, j’arrive à négocier avec les gamins.’. Un autre déclare que le pouvoir, c’est l’ inscription dans le sens : ’j’ai pas besoin d’avoir un titre ici pour avoir du pouvoir, le pouvoir il est dans les idées qu’on sème, il est dans la direction qu’on trace. En fait le vrai pouvoir c’est de permettre à l’autre de s’élever et c’est ça qu’on doit exercer.’. En Gestion Mentale, on pense que l’autorité est un pouvoir de liberté, ’c’est une valeur l’autorité, c’est très en lien avec la liberté. Une force de proposition, un pouvoir, un service de charité.’. Un autre s’aperçoit de cette disposition : ’C’est très orgueilleux ce que je vais dire, mon regard est décisif ça va avoir du poids, quand je prends la parole, je l’ai ressenti en conseil de discipline, ça c’est un pouvoir, je le ressens moi comme un pouvoir.’.

Enfin, quelques enseignants, soulignent le mystère parfois attenant au progrès, car le gain ne semble pas celui d’un projet, d’une intention ou d’une méthode quelconque. Ainsi, en Gestion Mentale, on dit : ’Il y a plus qu’ à croire ce sont des miracles.’. C’est irrationnel : ’Des parents disent, on n’en revient pas, les enfants apprennent avec vous des choses qu’ils n’arrivent pas à apprendre ailleurs. Comment ça se passe, je n’en sais rien. Quelque fois je le sais parce que c’est sciemment que je fais les choses, mais d’autres fois c’est un peu mystérieux, je ne sais pas.’.

En conclusion, on s’interrogera. Cette incidence mémorable de la rencontre subrepticement marquante et créative aurait-elle été révélatrice de sens ? Serait-ce celui de la personne ? Dans ce contexte, l’impulsion de fond, la motivation profonde de l’adhésion réfèrait-elle plus singulièrement à cette idée ? Cette harmonie fondatrice entre la méthode et l’enseignant quant à l’idée de la personne justifierait-elle pleinement l’adhésion ?

A ce sujet, on remarquera que certains enseignants parlent de leurs difficultés à comprendre qu’on puisse être réfractaire à cette pédagogie. Par exemple, chez Freinet, une enseignante qui semblait sincère dit : ’Je ne vois pas comment on peut enseigner autrement, ça c’est un mystère, j’aimerais qu’on m’explique.’. Une autre, en Gestion Mentale, esquisse une hypothèse : ’Cette conférence, on était quand même une centaine, et je me suis dit, pourquoi est-ce que j’ai senti un tel besoin et d’autres non et je me suis très vite rendu compte que les plus réfractaires, c’étaient des gens qui avaient un peu perdu, je dirais, un certain espoir. Ils disaient : de toute façon, moi, je fais ce que je peux ; on ne peut plus nous demander l’impossible.’.