3. Gestion Mentale et conversion pédagogique.

En quoi la conviction de la perfectibilité humaine est-elle fondatrice de la pédagogie de la Gestion Mentale ?

A partir d’une conviction de ressources de liberté, l’éducabilité postule l’éducation du pouvoir-être comme projet de vécu de sens. Le pari éducatif résulte de l’éveil aux ’ressources conscientielles.’. Or, la société n’étouffe-t-elle pas le risque de l’intelligence, tandis que le ’droit au sens’ est déclaré imprescriptible ? Dès lors, l’éducation est une oeuvre de justification, ’Je pense que la charité fait oeuvre de justice lorsqu’elle aide l’homme à se révéler les ressources qu’il porte en lui et dont il ne s’avisait pas.230’ ; ’la pédagogie ne peut se séparer d’une éthique.231’.

La pédagogie a un devoir prospectif, ’L’enseignant se doit lui aussi de se montrer généreux dans la compréhension de l’élève (..) parier sur ses ressources, penser qu’il a des moyens, que son devoir est de l’aider à les détecter pour qu’il puisse s’en servir.232’. L’hypothèse de la liberté présuppose la confiance ; A. de La Garanderie cite son maître, A. Binet,

‘’Tout simplement parce que Binet fait confiance à chacun des enfants pour décrire ce qui se passe dans sa tête, parce qu’il ne l’attend pas ’au tournant’ en prévoyant les réponses qu’il ne manquera pas de faire et auxquelles la grille d’évaluation du chercheur s’appliquerait systématiquement. Littéralement, il n’a pas de préjugés. Il entend donner toute leur signification et toute leur portée aux confidences qu’il va recevoir. Cette attitude du psychologue Binet n’est-elle pas celle que l’enseignant devrait avoir dès qu’il entend aider l’élève dans son travail ? Ne sommes-nous pas fondés à en faire le modèle d’approche de la pédagogie de l’intelligence ? 233’.’

Bien au contraire, l’espérance doit être fondée sur une prédisposition attentiste de sens en perspective d’indices, en projet de découverte. La position est plus inclinée vers la potentialité que vers la pathologie. Le regard n’est pas retourné, mais projeté. C’est la perception de sa vertu intrinsèque qui incommode l’auteur, ’il est inadmissible de ne pas se pencher avec autant de soin pour saisir les signes positifs et en envisager les potentialités de développement qu’on en a mis à ceux qui étaient négatifs.234’. Le psychotique, le ’schizophrène’, le handicapé, s’il avait plus que ce qu’on lui prête, ’s’il y avait un regard plus ouvert à porter sur lui ? 235’.

Le doute, en éducation, relève de l’injustice. A. de La Garanderie l’a ressenti pleinement lorsque ses difficultés auditives, découvertes tardivement, le condamnèrent à être positionné dans le clan des échoués, ’Si je me suis senti aussi fortement concerné par la question de l’intelligence, c’est que la confusion entre entendre et comprendre m’atteignait de plein fouet. J’ai ressenti l’injustice du statut d’imbécile auquel me condamnait la médiocrité de mes résultats scolaires.236

Cependant, la liberté est un pouvoir qui ne peut être domestiqué. Elle se révèle dans les modalités subtiles d’une rencontre. C’est pourquoi l’éducateur a un rôle délicat et indispensable. Pour A. de La Garanderie, la liberté émane de l’autorité de la personne. L’autorité est ’un service de charité.237’. Elle réside principalement dans le statut de la personne médiatrice du sens. On souligne certaines qualités de disponibilité, de bienveillance et de respect de l’éduquant, qui s’inscrivent dans le sens de l’être et de son attente profonde, ’ou celle-ci décrète et exige obéissance, docilité et soumission ; ou elle ne précède pas en dictant, mais elle suit en se modulant sur les initiatives, les recherches et les efforts, afin de les encourager, les éclairer et les soutenir. Nous croyons que c’est cette seconde forme de la fonction d’autorité que les jeunes attendent.238.’.

Si la douceur et la tendresse sont indispensables, l’exigence et la fermeté sont nécessaires, car l’éducation requiert l’attitude polémique, ’Dieu sait si nous sommes partisan d’une pédagogie d’ouverture, de compréhension, à base de gentillesse, de témoignage d’affection. Nous sommes d’autant plus enclin à majorer l’expression de la douceur dans la relation éducative que nous fûmes trop souvent témoin, dans notre enfance scolaire, des brutalités d’enseignants sur de pauvres camarades, issus de milieux modestes, dont nous avons gardé un souvenir horrifié. Mais nous pensons que la fermeté est indispensable et qu’elle peut conduire, dans des cas que nous estimons devoir rester exceptionnels, à des sanctions énergiques.239’.

Ainsi, le pari de l’éducabilité de l’intelligence positionne la Gestion Mentale comme une ’science de la création’. La conception majeure, dans cette pédagogie, de l’’intuition du sens est bien fondée sur le pressentiment et la croyance, car, dit A. de La Garanderie240, c’est à la source de la foi, espérante en l’inespérable, qu’on peut définir l’intelligence humaine comme conscience évoquée de l’intuition du sens. La foi serait-elle à l’origine de la science ? Bien que cette question soit très polémique, il faut reconnaître qu’elle n’est pas étrangère à la Gestion Mentale. Il y aurait une accointance entre la ferveur et la perfectibilité de l’homme.

Notes
230.

A. de La Garanderie, Pour une pédagogie de l’intelligence, p. 181. On retrouve des propos similaires dans l’ ouvrage de 1974 : une pédagogie de l’entraide, notamment les pages 100 à 102 dans les § intitulés : ’ non à la concurrence qui fait des victimes’, et ’ silhouette de la bête à concours’et ’image de l’élite’.

231.

A. de La Garanderie, Une pédagogie de l’entraide, p. 94.

232.

Ibid., p 19.

233.

Ibid., p 14.

234.

A. de la Garanderie, Critique de la raison pédagogique, p. 334.

235.

Ibid., p. 333.

236.

Ibid.

237.

A. de la Garanderie, Une pédagogie de l’entraide, p. 105.

238.

Ibid.,

239.

Ibid., p 97.

240.

A. de la Garanderie, L’intuition, p. 102.