3. Gestion Mentale et rencontre de sens.

En quoi l’éducabilité spirituelle est-il un postulat fondateur de la pédagogie de la Gestion Mentale ?

L’éducabilité spirituelle est un postulat fondé sur une définition de l’homme inscrit dans un mouvement vital dirigé. Il est doté d’un pouvoir-être qui constitue la ressource de son désir d’être. Son instinct est le projet de pouvoir-être, qui est projet de rencontre d’être. Il y a chez l’enfant une ’volonté active de rencontre du sens, de provocation de sens292’.

L’éducation spirituelle procède, en Gestion Mentale, de l’éducation à ce sens de soi. Aussi, pour l’auteur, ’il n’y a pas de compréhension possible s’il y manque le ’se’ comprendre. 293 . La dynamique motrice du savoir est dans l’intuition de se comprendre à travers l’objet de connaissance. Autrement dit, l’intuition du ’se comprendre’ à travers l’objet de connaissance est le ressort fondamental du savoir.

Car le savoir comme compréhension est lié à la reconnaissance d’être. L’être se comprend dans ce qu’il comprend. Il y a une forme de ’validation’ du projet de pouvoir-être qui légitime l’être. C’est une reconnaissance de puissance de ’possibilisation’, au sens ou l’entendait Heidegger294. Dès lors,’se projeter en visant une possibilité 295 désigne la compréhension. Le projet est le pouvoir être de l’homme. Aussi le dasein, de l’homme, être-au-monde, est-il de se comprendre comme pouvoir-être qui est possibilité de projet.

Cette philosophie considère l’immanence du sens. Pour l’homme, ’le monde est là, il n’a pas à aller le chercher en dehors de lui ; il faut simplement qu’il se retrouve en lui. 296 . Il y a une réminiscence de l’expérience du sens. La réminiscence a pour racine le verbe grec mimnô, qui signifie ’rester’, ’demeurer’, ’affronter’, ’braver’. Il s’agit de laisser l’être dans son propre être au monde, pour que ses lois lui apparaissent. Dès lors, la connaissance embrasse le se comprendre.

Ainsi, comme se demande A. de la Garanderie, la gestuelle mentale ne procèderait-elle pas d’une retrouvaille du sens de soi dans le temps et l’espace ? L’attention serait l’acte du sens dans le présent, la mémorisation l’acte du sens dans le passé, tandis que l’acte même de mémorisation a pour ’structure de finalité l’imaginaire d’avenir 297 , l’imagination, l’anticipation d’un sens à venir. La compréhension serait l’intuition du sens lui-même des êtres et des choses au sein du présent, du passé ou de l’avenir. La réflexion serait le moyen d’utiliser le sens acquis du passé pour comprendre le présent ou l’avenir. En définitive, ’l’éloignement de soi auquel conduisent des conditions d’existence (..) font que l’homme se cherche de plus en plus en dehors de lui-même et n’a plus contact avec ses propres sources.’.

Or l’auteur valorise la découverte du mental, car il y voit un lien avec le sens, ’Selon moi, l’éidétique habite ces formes et ces images visuelles ou phonétiques. Les contenus mentaux et le sens sont intrinsèquement liés 298 . Il se réfère, en cette vue, à la doctrine phénoménologique d’E. Husserl (1859-1938), dans la lignée de F. Brentano (1838-1917), et s’accorde absolument à l’idée que ’la conscience est précisément conscience de ’quelque-chose’. Sens et structure sont liés.

Le ’se comprendre’ se révèle dans le contenu mental fondé par des structures de projet de sens qui, témoignant de l’intentionalité d’une conscience299, révèlent le sens à travers diverses formes d’évoqués300. Les gestes mentaux301, que ce soit la mémorisation, la réflexion, la compréhension, l’imagination créatrice, sont fondés par des structures de projet de sens du lien. Il s’agit de ’délivrer les structures de projet de sens de l’activité cognitive, dans laquelle tout homme à a se retrouver 302 , mais encore de les éduquer, ’pour bénéficier de l’intuition de sens, il faudrait mettre en oeuvre des structures appropriées qui la déclencheraient. 303 . Dès lors, l’éducation de l’intelligence, comme connaissance de soi, procède d’une connaissance de projet de sens, de structure de projet de sens, ’d’avoir conscience d’être un être de sens qui vit l’interrogation du sens en étant comme interrogé lui-même sur le sens de son pouvoir-être. 304 .

La Gestion Mentale est ’une pédagogie de la libération du sens305’ ; ’Nous (..) avons une conception postive de la destinée de l’homme (..) nous estimons que l’intuition du sens est un bien propre, d’une merveilleuse richesse, qui donne à l’homme sa signification ontologique.306’. Mais elle est avant tout une pédagogie de la liberté, qui donne à la différenciation une notion capitale. C’est pourquoi la mission de l’éducateur est avant tout de permettre à l’élève une rencontre avec lui-même, avec ses ressources conscientielles, ’Les instruments de sens sont remis à la discrétion des élèves.307’. Autrement dit, l’ouverture à la connaissance de soi est une ouverture à sa propre dotation, en vertu d’une libre compréhension, d’une libre connaissance de la valeur.

Notes
292.

A. de la Garanderie, Critique de la raison pédagogique, p. 75.

293.

Ibid., p. 131.

294.

M. Heidegger, Les concepts fondamentaux de la phénoménologie.

295.

A. de la Garanderie, Critique de la raison pédagogique, p. 11.

296.

Ibid., p. 106.

297.

A. de la Garanderie, La Gestion Mentale, p. 52.

298.

A. de la Garanderie, Sens et Structure,pp. 16-35.

299.

Que l’auteur formalisera en terme de gestes mentaux, d’attention, de compréhension, de réflexion, d’imagination.

300.

dont les traductions sont différentes. L’auteur parle d’habitudes de tendances évocatives sous des formes plus ou moins dominantes employant l’imagerie visuelle, la résonance auditive, voire kinéstésique. Il formalisera également les paramètres qui renvoient à des inclinations à se mouvoir préférentiellement dans tel ou tel registre.

Paramètre 1 : évocation de scènes, de gestes, de personnes.

Paramètre 2 : évocation linguistiques.

Paramètres 3 : Les évocations sous-tendus par des projets de construction de sens logique et rationnel.

Paramètre 4 : Les évocations de compléments, de prolongements, d’innovation.

301.

A. de la Garanderie, La Gestion Mentale.

302.

Ibid., Critique de la raison pédagogique, p. 339.

303.

Ibid., p. 335.

304.

Ibid.,

305.

Ibid., p. 332.

306.

Ibid., p. 336.

307.

Ibid., p. 337.