3. La Gestion Mentale et l’apprentissage de la liberté.

En quoi la Gestion Mentale considère-t-elle la vocation créative de l’être à éduquer ?

La pédagogie de la Gestion Mentale est foncièrement une ’pédagogie du sens’. L’auteur pose ’l’examen du sens’ comme un ’impératif pédagogique de la connaissance 335 .’. Il indissocie résolument l’émergence du savoir de son inscription dans le sens. Le savoir trouve son intelligibilité dans le sens de l’être personnel, parce qu’il fructifie une voie personnelle, il atteint alors sa noblesse, ’la connaissance qu’on pense avoir doit sans cesse être testée sur son sens si l’on veut qu’elle atteigne à la dignité du savoir. 336 . Il y a donc une accointance entre connaissance universelle et sens de l’être personnel, ’l’enseignant consacre tout son temps à lui imposer des sens, sans jamais lui indiquer la voie personnelle à suivre pour s’en ouvrir le chemin au-dedans de lui. 337 . L’appel au sens que l’enfant doit trouver en lui devrait être constamment réitéré. Il y a une connaissance à partir du sens de l’être, ’l’homme qui vit l’intuition des êtres et des choses, se découvre dans sa vocation même, le sens de sa finalité : il est fait pour comprendre, pour vivre le sens du monde et de la réalisation par ce sens de ses potentialités. 338 .

Or, le sens de l’être est celui de son pouvoir-être. La finalité de la pédagogie est de permettre à l’élève de ’bénéficier de l’intuition de son pouvoir-être, c’est-à-dire qu’il en ait toujours le sens.339’ et la continuité car, pour A. de La Garanderie, l’essence de l’être-au-monde est bien de se comprendre comme pouvoir-être, ’pour être ce qu’il est, il doit accéder au sens de ce qui est. (..) et qui n’accédera au sens de ce qui est qu’en ’se’ comprenant lui-même dans cette accession, il faut, de toute évidence que l’homme puisse accomplir ce qui lui est ainsi donné comme tâche de son être.340’. Aussi le devoir du sens est-il celui du sens de l’être-au-monde.

Dès lors, la vocation créative est une rencontre du sens de l’être personnel. Il y a une philosophie de la personnalisation de sens.

‘ ’Un être humain a vocation d’inventer, de créer, d’apporter son message, ce qui pour lui, compte et dont il est comptable vis-à-vis de ses frères. L’école se doit d’éveiller chacun à cette vocation élitique qui lui est propre. Que veux-tu montrer ? Que veux-tu qui soit fait ? Que veux-tu qui soit désormais compris et intégré au patrimoine de l’humanité ? Tu as ta vie pour accomplir cette grande tâche ; que le secret de ta vie soit l’âme de ton message ; que ton message soit le secret de ta vie dont tu tiens à dispenser le trésor. Il y a pour tout homme une multiplication des pains à opérer : ’ je n’ai nul effort à faire pour croire les autres plus sages que moi. Mais ce que j’ai en trop, je crains qu’on ne l’ait pas assez.341’.’

D’ailleurs, pour l’auteur, l’institution s’intéresse plus à l’impératif social qu’à l’exigence personnelle du témoignage ’Comment cela serait-il possible s’ils doivent s’incliner devant le ’il n’y a qu’à’ professoral ?’. Au contraire si, prenant pour objet les procédures spontanément employées, les jeunes les examinent, discernent les lacunes, les limites, les qualités, leur liberté est déjà directement concernée. De plus, il ne s’agit pas de la seule liberté de chacun : c’est celle de tous qui est en cause et en situation d’émulation réciproque.342’. Dans ce contexte, la création est l’ émanation d’une connaissance d’être et d’une reconnaissance qui n’est pas antinomique de l’éducation.

L’auteur décline le droit et le devoir du sens, qui nécessite le discernement de l’être chercheur, ’il faut que l’élève, le disciple soient reconnus dans leur droit au sens pour qu’ils en fassent légitimement leur devoir.343’. Le service du droit est ’la manifestation de la vérité (..) le sens légitime, le sens vrai des êtres et des choses.344’. Il déclare que les hommes ont souvent ignoré l’étape du ’devoir du sens’, pour s’en tenir à leurs croyances, au maintien de leur pouvoir, alors qu’il entrevoit une mission, une responsabilité d’avènement et de renouvellement. Le sens a ’pour fin légitime d’être mis au service du sens lui-même.345’.

La formation de la liberté, qui introduit le choix, requiert l’intelligence des structures de projet de sens. C’est pourquoi ’l’élève doit être instruit des moyens à prendre pour atteindre à l’intuition de lui-même, des êtres et des choses. 346 . La pédagogie ne peut pas donner le sens. Elle ne peut pas fournir le pouvoir d’être, elle ne peut que former ’l’être d’un pouvoir’. Elle peut proposer à l’élève le sens des projets de sens, l’ éveiller au sens de l’effort, mais elle n’est pas en mesure de lui proposer des projets de sens. L’acte est libre, la direction demeure personnelle, ’il appartiendra à chacun de se rendre compte des modalités, qui lui sont personnelles, grâce auxquelles l’attention, l’effort, la compréhension, peuvent dans sa conscience prendre sens. 347 . Aussi l’auto-direction assistée par l’éducation est-elle liée à l’intuition des structures de projet de sens. Dès lors, l’éducation est un compagnonnage, qui offre les moyens d’être, en développant une conscience d’être, mais dont la direction procède d’une libre décision.

Notes
335.

A. de la Garanderie, Critique de la raison pédagogique, p. 53.

336.

Ibid., p. 52.

337.

Ibid., p. 59.

338.

Ibid.,

339.

Ibid., p. 121.

340.

Ibid., p. 119.

341.

Ibid., p. 103.

342.

Ibid., p. 104.

343.

Ibid., p. 55.

344.

Ibid., p. 69.

345.

Ibid., p. 67.

346.

Ibid., p. 336.

347.

Ibid., p. 34.