2. Une pédagogie de la coopération.

En quoi la pédagogie Freinet est-elle au service de la vocation intégrative de la personne ?

Freinet développait déjà une conception de la coopération au sein du corps enseignant par le ralliement à la Coopérative de l’Enseignement Laïc à Cannes, dont la finalité était réflexive mais surtout productive. Différentes revues pédagogiques étaient alimentées (L’éducateur ; Collections enfantines ; La Gerbe), et on travaillait à créer des ’brochures pour le travail libre des enfants.’, (Les BT : Bibliothèque de travail, Les Fichiers scolaires coopératifs). On rassemblait du matériel propice à favoriser la communication et les échanges interscolaires (l’imprimerie, la radio.). C’est dire que les enseignants participaient activement à l’invention du matériel pédagogique. On citera, à titre d’exemple de ce type de production, la création, avec M. Faës354, des valises pédagogiques, qui permettaient de rendre accessibles, sous forme de prêt, des objets rares des musées. Ainsi furent constituées plus de cinquante valises pédagogiques sur des sujets aussi divers que la préhistoire, la tapisserie, le vitrail, la vigne et le vin, l’ardoise..). Cette expérience pédagogique se poursuit encore aujourd’hui.

La pédagogie Freinet est fondamentalement basée sur l’importance en éducation de l’expression d’être dans la communauté. Les techniques privilégiées sont au service de la communication, que ce soit l’imprimerie, le journal mural, l’institution du conseil de classe, le texte libre. Freinet accordait une grande valeur au travail manuel et aux activités artistiques, ’plus parfaits, plus subtils, plus généreux. 355 , car il les concevait comme des ’moyens d’expression et d’exaltation de ce besoin d’être. 356 . L’implication dans l’oeuvre manuelle est vecteur de jouissance et d’épanouissement, ’de ce qu’il y a de meilleur en nous. 357 .

E. Freinet parlait ’d’une mission artistique appelée à dépasser la simple tâche professionnelle, dépendante des programmes, pour nous faire accéder à une responsabilité spirituelle contractée avec la prise en charge de l’âme de l’enfant. 358 . Elle reconnaissait la ’personnalité affective 359 de l’enfant, sa disposition ’d’étonnement devant les miracles de la création. 360 . La libre expression témoigne de ’la mise à jour d’une façon d’exister de l’enfance. 361 . L’ouvrage est une oeuvre d’être, ’ces mille manières d’honorer la création personnelle sont significatives d’un état d’exister. 362 . La possibilité d’une démarche spontanée permet l’éclosion d’une personnalité, ’quelles que soient la défiance ou les réserves qu’un esprit rationaliste puisse faire sur ces éclosions spontanées, il n’en reste pas moins que cette façon d’exister de l’enfance, sera l’assise sûre sur laquelle se construira la personnalité. 363 . L’éducateur a, en ce sens, une responsabilité d’autorisation364. Ainsi, la production libre est un témoignage qui a une valeur capitale, ’nos pratiques de libre expression ont mis à jour, une façon d’exister de l’enfance. C’est un évènement gros de conséquences. 365 .

L’intégration de la personne relève d’un épanouissement d’être dans le cadre de la relation et de l’échange. C’est une visée fondamentale de l’ Ecole Moderne, qui atteste, en cette perspective, de son fondement personnaliste.

Notes
354.

M. Faës, L’école en bataille.

355.

Ibid.,

356.

Ibid., p. 264.

357.

Ibid.,

358.

E. Freinet, Dessins et peintures d’enfants, p.

359.

Ibid., p. 3.

360.

Ibid.

361.

Ibid., p. 5.

362.

Ibid.

363.

Ibid., p. 6

364.

C. Freinet, Que faut-il penser d’un soi-disant culte de la spontanéité ? pp 24-25.

365.

Ibid., p. 5.