2.4. Le renouvellement de la dynamique de recherche.

Cette motivation propre, tendue vers l’idée des fins de l’éducation et du sens personnel de la pratique, selon une libre vocation pédagogique, est dynamique et positionne les enseignants dans’une démarche d’ouverture’. Il y a une forme d’expectative enseignante qui les propulse vers des moyens pédagogiques desquels ils attendent une pratique plus généreuse, mais dont ils espèrent qu’elle les comblera aussi personnellement. C’est dire que, comme nous l’avons évoqué antérieurement, pour nombre d’entre eux la découverte pédagogique est un moyen de se découvrir soi-même et de développer son potentiel. On a même déclaré que c’était une condition de la persévérance. Communément, les témoignages relevaient d’une maintenance d’appétance. L’unanimité de la motivation est confirmée en dépit des tentatives de déstabilisation.

Cette propension s’est traduite notamment par une disposition à se laisser interpeller par des pratiques pédagogiques innovantes et diverses, même si on confirme sans tergivérser une adhésion de fond à une ’base pédagogique’. On déclare ainsi:

‘’La Gestion Mentale ça ne me paraît pas du même ordre, de même nature, de même niveau (..) la cohérence de fond je l’ai découverte dans la Gestion Mentale, il y a une avidité par rapport aux techniques qui est tombée, je ne ressens pas le manque, ce que je fais en Gestion Mentale me suffit. (..) c’est un champ principal incontournable (..) le PEI j’ai eu l’impression que ça posait le problème de fond (..) le PEI n’est pas anodin, il est percutant (..) Je reste militant Freinet, mais on peut trouver des ancrages théoriques qui justifient nos pratiques éducatives, je pense aux théories de l’apprentissage, s’ouvrir à des techniques qu’on pourrait aller pêcher pour nous aider, je pense à l’interview des cracks chez A. de La Garanderie.’.’

Dans tous les cas, il y a un refus du sectarisme pédagogique, ’je trouve que ce serait une bêtise énorme que de ne rester ouvert qu’à la Gestion Mentale, sans m’ouvrir, sans connaître, sans tolérer.’. Il est notable de constater que des enseignants en PEI ou en Gestion Mentale ont cotoyé la pédagogie Freinet ; c’est le cas de six enseignants, ’Vous avez envie de m’interroger par rapport à la Gestion Mentale, je vais répondre, mais en priorité, j’ai commencé à travailler Freinet, et c’est grâce à Freinet que j’ai pu être amenée à d’autres pédagogies.’. On souligne la pratique permanente des techniques Freinet par le journal scolaire et la création du conseil de délégués de classe. On se souvient de l’ attirance exercée par le fondateur, ’Il y a des auteurs qui m’ont branché beaucoup à certaines périodes. Il y avait Piaget bien-sûr, mais c’était plus intellectuel, c’était pas assez affectif, tandis que dans Freinet il y avait toute la dimension... l’homme que je pensais derrière ses écrits me touchait. Autrement, il y a eu C. Rogers.’.

Pareillement, des enseignants en PEI s’intéressent à la Gestion Mentale et des enseignants en Gestion Mentale au PEI. On cherche à s’informer à partir de lectures. Quelques-uns cherchent à se former. Une enseignante explique qu’à la racine de ses orientations il y avait une croyance.

‘ ’Dans mon cursus personnel j’avais trouvé d’autres choses de visualisation positive, que moi je travaillais, il y avait eu la Gestion Mentale, il y avait eu Freinet aussi, j’étais pas toute neuve quelque part. Le PEI est pour moi un ensemble très cohérent que j’utilise comme outil, mais je l’éclaire avec plein d’autres aspects de ce qu’a été mon passé d’enseignante, mon passé personnel par rapport à différentes méthodes et ensuite par rapport à ce que j’apprends continuellement.’ ’

Donc, l’intuition de la finalité et le désir de connaissance, inclinent à la rencontre de moyens de service. Il ne s’agit pas d’une donnée artéfact, puisque 9 enseignants en Gestion Mentale, 7 en PEI, mais seulement 4 en pédagogie Freinet sont les témoins d’une recherche de moyens au service de fins.

‘ ’Je suis ouvert à tout ce qu’on peut trouver qui permette d’équilibrer l’homme absolument’, ’à l’affût’,’apporter de l’eau au moulin (..) pour la construction de l’humain’ ,’Ne pas penser en terme d’exclusion, faire feu de tout bois.’, ’Je ne veux pas faire de la gestion Mentale pour la Gestion Mentale, je veux aider les gosses, je prends les outils qui sont interessants là-dedans.’.’

C’est avant tout une intuition de l’enfant comme personne à promouvoir qui légitime la pratique innovante. Ainsi, on déclare notamment, ’La Gestion Mentale n’est qu’un outil qui sert de révélateur à toute la recherche par ailleurs qu’on a, je n’aurais jamais pu tirer tout ce que j’ai pu tirer de la Gestion Mentale, si je n’avais pas eu cette démarche de m’intéresser à la personne.’.

L’activité pédagogique est indissociable d’un trajet de sens personnel : ’j’ai pris un peu partout pour me faire ma pédagogie (..) çà m’a permis de me dire qu’il fallait que je trouve ma propre vérité.’. Somme toute, le sens d’être personnel alimenterait la recherche pédagogique et favoriserait l’inventivité. La praxis est le fruit d’une personnalisation qui, selon une dialectique de l’intériorité et de l’extériorité, forme un trajet pédagogique. Cette citation un peu longue en rend compte, d’une certaine manière :

‘’Un outil pour moi, n’est rien de plus qu’un outil. Je n’ai jamais été partisan d’une méthode pour la méthode, c’est plus de l’ordre de l’état d’esprit général (..), au départ c’était un outil et puis c’est devenu comment rendre cohérent toute ma pratique en fonction de ça (..), ne serait-ce que pour véritablement donner sa véritable place à cet outil. Il fallait que je travaille autour, donc travailler autour m’a incité à aller voir ailleurs, mais toujours dans la même lignée, ça peut paraître éclectique et en même temps ça ne l’est pas du tout, j’ai vraiment besoin d’aller voir ailleurs, si j’étais restée strictement sur la même chose, je veux dire, ça, pour moi, c’est pas une démarche de recherche et de connaissance (..), je veux dire, approfondir un domaine peut se faire en travaillant sur des domaines parallèles, ne serait-ce que par comparaison par complémentarité par mise en relation (..) je veux dire, pour moi la connaissance c’est comme une espèce d’arborescence, des ponts qu’on essaie de jeter, des liens, un domaine pour moi, ne peut se comprendre que par comparaison, par confrontation à d’autres domaines.’. ’

Au demeurant on évoque la fortuité relative du choix pédagogique, en référence à une conjoncture ou à des circonstances, ’ça a été un peu le fait du hasard, parce que j’ai rencontré A. de La Garanderie, maintenant j’aurais rencontré quelqu’un d’autre, une autre approche, j’aurais sans doute eu envie d’approfondir, si j’avais eu un écho comme ça comme je l’ai eu avec la Gestion Mentale.’. Dans l’ensemble, on justifie la direction pédagogique soit par le phénomène de la contingence, soit par une argumentation empirique, de telle sorte qu’une pratique dans l’enseignement spécialisé offre une probabilité d’introduction au PEI plus importante que pour la Gestion Mentale, dont la diffusion s’opère plus largement dans le système classique. De même, la probabilité d’être averti de la pédagogie Freinet dans l’enseignement public est peut-être plus importante que dans l’enseignement privé catholique, où la valence est peut-être traditionnellement plus négative.

Il y a semble-t-il un lien naturel entre le choix pédagogique et le type de structure dans laquelle on travaille. Pour la Gestion Mentale, on souligne l’adéquation avec des problèmes ’de terrain’, dans le cadre des apprentissages fondamentaux. Dans le cadre du PEI, on évoque le sentiment d’une aide adaptée en raison d’une pratique auprès de jeunes en grandes difficultés. Le PEI fût alors accueilli comme’une aube’, un ’évènement’. On argumente de l’adéquation de la pédagogie Freinet à la classe primaire autorisant encore une souplesse d’organisation et valorisant les activités éducatives.