5. La théorie et la pratique.

Un questionnement délicat auprès des praticiens sur les bases théoriques et conceptuelles de la pédagogie pratiquée nous a conduite à confirmer, en la matière, l’hypothèse de développements différents mais d’un mobile personnaliste commun comme ressort dynamique de l’action. On discerne des indices qui ramènent la référence théorique à son essence, ’Si je devais résumer en deux mots la Gestion Mentale, je dirais évocation et projet.’. Ce constat d’imprégnation fuyante de la théorie dans sa spécification subtile situe par hypothèse ’le coeur du fondamentalement compris’ ou de ’l’espéré’. Il y a d’abord, quel que soit le niveau d’approfondissement de la théorie, une forme d’ahésion à l’authenticité de la pédagogie. La rencontre pédagogique nourrit un projet de sens personnel de l’enseignant, qui reste décideur de perméabilité. On entendra ainsi : ’la carte cognitive, j’ai pas compris.’. Mais nous n’avons pas assez d’éléments pour alimenter ces données inférentielles ; il aurait donc fallu approfondir cette question.

Au demeurant, la problématique de l’assimilation théorique dans son rapport au déploiement de la pratique suscite des interrogations. Elle pose la question de la relation entre le modèle pédagogique/ le formateur/ et la pratique innovante. Elle renvoie au champ de la décision, à celui de l’observation, qui réclamerait d’interroger plus finement la personne enseignante se connaissant, agissant, et de développer une description empirique. Les questions qui affleurent cette problématique sont du type : En quoi le modèle pédagogique innovant est-il dénaturé? Y a-t-il fidélité, perversion, ou libre création dans la pratique ? Peut-on parler d’accommodation propre ? Y a-t-il des dispositions permettant une fertilité empirique du modèle pédagogique ? Quel est le rapport entre / personne enseignante / pédagogie innovante / et pratique pédagogique ? Comment se traduit la relation entre la personne et la méthode innovante ? La pratique pédagogique innovante participe-t-elle de la formation de l’enseignant, et selon quelle modalité ? Comment s’articulent pratique personnelle et théorie de la pratique ? On interroge ici le rapport entre le formateur, la méthode et le sens de la pratique. Voilà des questions qui étoffent et dépassent le cadre de notre problématique et le champ de nos investigations, mais qui les prolongent. Les données que nous avons recueillies nous permettent pour le moins de les poser.

En tout état de cause il faut redire les limites du cadre de notre travail, rester en interrogation et relativiser la portée de nos conclusions, notamment, eu égard à l’axe de notre problématique, à l’étroitesse de notre population, significative mais non représentative, aux qualités des enseignants interrogés, en raison de leur forte implication et de leur determination.

Notre recherche repose sur l’idée que la pratique pédagogique innovante est sous-tendue par une intuition de sens d’universalité fondée en la personne, expliquant par là même une certaine fortuité du choix de tel ou tel référentiel. Il serait peut-être intéressant d’éprouver, d’affiner et d’enrichir cette problématique à l’appui d’autres contextes socio-pédagogiques de la formation. Le champ d’investigation pourrait, par exemple, être élargi en questionnant la redondance de cette problématique dans le cadre de la pratique ordinaire, ce qui permettrait d’éprouver la sensibilité de notre hypothèse. Est-elle réellement discriminative ? Dès lors que je m’inscris dans une préoccupation pédagogique, n’ai-je pas, finalement, le souci de la formation de la personne ? Celle-ci pourrait expliquer, d’une certaine façon, la fortuité relative du choix de telle ou telle pratique pédagogique. Alors, qu’est-ce-que la pédagogie ? A-t-elle un rapport intrinsèque avec la visée personnaliste ?