B. Pédagogie et Personnalisme.

Nous définirons la notion de pédagogie ce qui nous conduira à nous intérroger sur le personnalisme pédagogique.

1. La notion de pédagogie.

Retraçons brièvement son évolution sémantique pour aboutir à sa désignation contemporaine. Classiquement, la référence à l’etymologie du terme “pédagogie” renseigne sur son statut premier. Dans l’antiquité, la pédagogie, désignant “l’art de conduire les enfants au précepteur”, était inséparable d’une réflexion sur les connaissances dignes d’être apprises. Aussi, de manière étroite, la pédagogie était-elle une réflexion de type axiologique, renvoyant aux valeurs et aux fins de l’éducation de l’enfant.

Mais, aujourd’hui, les usages de ce terme marquent un éloignement de son sens premier. D’abord parce que, comme le souligne Ph. Meirieu368, “ il n’est plus, de fait, réservé aux enfants et que l’on n’ hésite pas à parler de “pédagogie des adultes”’. C’est d’ailleurs en ce sens que G. Avanzini369 donne à réfléchir au concept d’”anthropogogie” même si, de son point de vue “(..) outre que l’avenir de ce néologisme n’est pas assuré, bien qu’il commence heureusement à être plus employé, mieux vaut avouer que ce terme pertinent n’est pas reconnu et traiter cela comme un problème à scruter, et comme le signe d’une perception encore insuffisante, dans notre société, de l’éducation permanente comme correspondant à l’attente de la condition humaine.”. Et puis, selon F. Best370, les changements de signification et de valeur qui ont affecté ce terme polysémique sont marqués par l’histoire et par l’évolution de l’école et des connaissances scientifiques qui la prennent comme objet ou comme champ d’investigation.

Evoquons à grands traits, et en nous inspirant des propos de F. Best, ces évolutions marquantes : Jusqu’à une période récente, les instituteurs recevaient dans les Ecoles Normales des cours de pédagogie générale, qu’éclairaient un savoir psychologique et sociologique ainsi qu’une réflexion philosophique. Il semble que l’enseignant était considéré comme un pédagogue en tant qu’on lui reconnaissait l’art d’éduquer. Avec l’avènement des recherches de Ferrière, Dewey, Decroly, Freinet et, plus probablement, en lien avec la création, avec M. Debesse, en 1967371, des unités de formation et de recherche en sciences de l’éducation, une confusion associée à une déflation du concept de “pédagogie” s’est insinuée, à la faveur de la promotion du concept de “sciences de l’éducation.” Le terme de pédagogie s’est trouvé relégué dans le champ des pratiques 372, alors que l’apanage de la scientificité devenait celui des “sciences de l’éducation.” Et puis, cette ambiguité s’est renforcée avec l’apparition de recherches en didactique des disciplines, qui arguent de la corrélation entre champs disciplinaires et procédures d’enseignement et d’apprentissage. Dès lors, le concept de pédagogie s’est trouvé en perte d’identité parce que trop riche en signifiants : il désignerait tantôt une référence normative, tantôt une dimension artistique, tantôt une perspective scientifique373.

Notes
368.

Ph. Meirieu. Qui a peur des sciences de l’éducation ?

369.

G. Avanzini. - Introduction aux sciences de l’éducation, p. 25.

370.

Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, p.726.

371.

C’est à cette époque que le pluriel des sciences de l’éducation fait son entrée officielle dans le langage administratif. En effet le singulier n’a cessé d’être utilisé jusqu’au milieu du XX ème siècle.

372.

En ce sens selon G Avanzini, la ’pédagogie à souffert d’un discrédit parce que ’fâcheusement assimilée à la didactique de l’enseignement primaire et réduite, de manière erronée mais durable, à la prescription dogmatique ou présomptueuse de procédures didactiques aux instituteurs. On n’y a pas saisi le sens anthropologique de la réflexion sur l’éducation, et ses enjeux philosophiques. Plus encore la tradition ’antipédagogique’ qui atteint la pensée française reste, à notre époque, aussi vivace qu’au début du siècle ; et elle risque d’être renforcée par les textes ministériels de 1984, eux-mêmes régressivement liés au très vaste mouvement d’édition et d’opinion que caractérise son intense hostilité aux sciences de l’éducation.’. Education et pédagogie chez Don Bosco.

373.

On se réfèrera aux définitions d’Henri Marion et d’Emile Durkheim, respectivement dans la première et la seconde édition du dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, de 1882 p 2138 à 2240 et de 1911, p 1538 à 1543. La pédagogie est définie par H. Marion comme ’la science de l’éducation’ et par E. Durkheim comme une ’théorie pratique’ que A. Lalande reformule dans le dictionnaire des notions philosophiques comme ’la science normative’.