ENTRETIENS FREINET.

ENTRETIEN N° 2.
Enseignante en Maternelle (PS). Pratique la pédagogie Freinet depuis 20 ans.

  • Le choix de la pédagogie Freinet est clairement lié à un désaccord par rapport aux pratiques d’éducation dont elle avait été le témoin, ’Ce que j’avais vu quand j’étais en stage.. ça ne me convenait pas comme philosophie de l’éducation , j’ai su que ça existait ces groupes-là donc je suis allée voir et ce qui était interessant...c’est comme ça que j’ai commencé à m’y interesser, ça correspondait mieux à mes idées sur l’éducation que le reste’. Ce qui la gênait c’est qu’’on ne tenait pas forcément compte de l’intérêt de l’enfant immédiat, de ce qu’il a en lui, l’écouter....qu’on pouvait partir de ses intérêts pour lui enseigner quelque chose ou l’éduquer....C’était toujours le maître qu’enseignait, qu’enseignait et ça, jeune instit, je trouvais ça étonnant, qu’on décide que l’élève une fois qu’il est rentré en classe que c’est devenu un élève auquel on doit tout apprendre et que lui n’a rien a nous apprendre. C’est ce que j’avais vu en stage’. Cette émotion vécue en stage elle la réfère à son vécu personnel alors qu’elle avait quinze ans dans un pensionnat aux règles austères dans ’un esprit permanent de suspiçion’. Par ailleurs elle constatait que l’élève avait souvent des devoirs envers le maître, mais que bien souvent ce n’était pas réciproque, ’Oui par rapport à l’enfant qui me semblait inadmissible, bon l’enfant il avait beaucoup de devoirs envers le maître. Il fallait qu’il lui dise bonjour... Et le maître n’en avait jamais en face de l’enfant, par exemple quand il disait de ranger et bien jamais le maître allait les aider et çà çà me semblait étonnant.’

  • Partir de son intérêt c’est considérer sa créativité personnelle, or elle trouvait que l’école ne prenait pas suffisamment en compte son désir d’expression, pour moi et pour les gens du groupe tout est important, on a autant besoin de s’exprimer corporellement, en peinture ou en musique que d’apprendre à lire, souvent dans les classes c’est pas du tout au même niveau, dans d’autres pédagogie, lire c’est le plus important et puis après s’il reste du temps. la création je crois qu’on y tient quoi.’. Car de son point de vue l’enfant à le droit d’exprimer sa liberté. ’le groupe Freinet à beaucoup travaillé sur les droits de l’enfant qui ont été mis au point et dedans il y a des libertés qui sont fondamentales et c’est pour tout le monde, enfin c’est pas exceptionnel les libertés qui sont revendiquées.’. Le respecter c’est lui accorder le droit à la parole..L’enfant n’a pas que le droit d’obéir et de se taire, il a une parole à prendre en compte, il faut respecter cela. ’Oui par exemple, on ne respectait pas vraiment les enfants, par exemple, ils n’avaient le droit que d’obéir où de se taire, s’ils avaient une parole qui pouvait être juste, le maitre ne la prenait pas en compte et ça...’ ; ’Que l’enfant était considéré comme quelqu’un qui était interessant, bon qu’il avait aussi des choses à nous dire, à nous apprendre, qu’il était à respecter et çà, je trouve ça vraiment très important’. Respecter l’enfant c’est essayer de le comprendre, ’ s’il est pas bien par exemple, accepter ça, qu’un matin, il est pas bien, bon on essaie de comprendre, pas le laisser comme ça, mais lui donner le droit de temps en temps de décrocher pour le rattraper ensuite, mais qu’il ait sa vie privée’. Respecter l’enfant c’est respecter son rythme, mais avoir une certaine exigence envers lui. ’je pense enfin dans son rythme.. on les voit, ils arrivent fatigués le matin en général c’est pas vraiment de leur faute ils ont un rythme qui est imposé par les parents et il faut en tenir compte, bon s’il a besoin de s’allonger. Simplement je veux quand même qu’au bout d’un certain temps il y ait du travail de fait.’.Respecter l’enfant c’est leur donner le droit d’avoir un avis, ’Le respect de ce qu’il pense, de ses convictions... le droit d’avoir un avis, bon si son avis est complètement érroné, on peut voir avec lui pourquoi il est érroné. Mais si y’a pas de raison? Souvent je trouve qu’on est un peu trop autoritaire, même moi je me surprends à ça, je me dis, ils ont envie de faire ça pourquoi je vais dire non, à chaque fois je me repose cette question et c’est souvent dans les classes trop comme ça trop rigides, non non fait pas ça mais on leur donne pas l’explication, je crois qu’ils ont le droit à tout ça. ... voilà, le plus possible, mais je ne vous dis pas qu’on réussit tout le temps c’est très difficile.’.

  • Lui permettre d’exprimer ne signifie pas l’abandon, l’abscence de direction ou le défaut d’exigence,’ expression libre ça veut pas dire liberté totale sans progrès, on a eu des attaques comme ça en disant bon il font toujours la même chose si vous les aidez pas mais c’est accepter ce qu’il ont fait et puis une fois qu’on a vu ce qu’il y avait les pousser dans une voie... les aider à progresser.. On les laisse pas libre et puis on les laisse tomber quoi... d’essayer d’aller un peu plus loin quoi.’.

  • Elle considère que l’adhésion à la pédagogie Freinet correspond au partage d’un état d’esprit. La philosophie est première et subordonne les techniques, ’la philosophie est première et puis après les techniques on essaie de les mettre en accord avec ces principes, mais les techniques elles sont importantes après surtout.’. On passe de l’imprimerie à l’ordinateur, mais l’esprit est toujours le même, ’et plus je veillis, plus je me dis que ces principes sont solides. j’ai envie encore d’appuyer’.

  • Elle s’investit beaucoup dans des associations pour promouvoir l’expression théâtrale à l’école, pour permettre la rencontre de personnes de cultures différentes. le théâtre, association qui a pour but de faire dialoguer différentes cultures, pour que les cultures arabes et françaises essaient de se comprendre, ’quelque-chose qui est plus sur les respects de chaque peuple plutôt que de se tirer dessus’.

  • Dans le groupe Freinet il n’y a pas de catholique car la religion est considérée comme une aliénation, alors qu’on prône la liberté., c’est donc un principe de laïcité, ’c’est pas du tout l’esprit de Freinet c’est plutôt vers la liberté, c’était obligatoirement pas catho.’ Elle considère que l’esprit catho est complètement différent, ’ils peuvent prendre des techniques, mais cette partie là de philosophie elle est complètement différente. Dans le groupe Freinet il n’y a pas du tout de gens catholiques, ça va pas de pair avec...on peut faire une pédagogie qui ressemble à la pédagogie Freinet mais si on est vraiment dans la pédagogie Freinet y’a pas la dimension religieuse, c’est la laïcité complète’. Ce qui est rejeté c’est l’aliénation à travers ’les pratiques catholiques.’. Elle a reçu une éducation religieuse.

  • ’Si j’ai eu une éducation religieuse légère mais j’en ai eu une....Ba c’était quelque chose de....Oui çà jamais été... enfin je sais pas comment dire, c’était quelque-chose de social plutôt, c’était pas une conviction....Non non j’allais au catéchisme le mercredi, non je n’ai pas de convictions religieuses.’.

  • Elle se dépeint en recherche de connaissance, ’j’ai toujours envie de connaître, d’apprendre et puis bon j’apprends l’arabe, avant j’ai appris l’Espagnol je fais partie de groupes de théâtre..tout m’interesse, je veux dire que s’il y a des expositions, je vais voir les expositions’. Elle a collaboré avec le groupe Français d’éducation nouvelle dans le cadre d’une recherche sur la lecture.

  • L’idéal d’enfant qu’elle promouvoit c’est la connaissance et l’adaptation. Un enfant qui se connaisse, ’qu’il se connaisse et s’il a quelques problèmes bon que ça l’inquiète pas mais qu’il soit assez fort pour pouvoir y travailler’ ; qu’il s’adapte, un enfant ’ qui puisse rechercher, qu’il soit pas complètement démuni, on voit çà des enfants on leur propose quelque-chose de nouveau ils essaient pas ils sont incapable de mettre en.... d’abord ils commencent par être paniqués au lieu de se dire, mais je suis capable de quelque-chose qu’est-ce-que je peux faire, donc pour moi c’est ça s’adapter, on leur propose quelque-chose de nouveau, comment je vais m’en sortir pour essayer de répondre, même si je sais pas tout répondre, tout faire, ne pas être complètement perdu devant une nouvelle situation, devant n’importe quoi.’. Ce qui suppose qu’il ait confiance en lui dans une personnalité intégrée, ’ qu’il est confiance en lui, parce-que un enfant qui n’a pas confiance en lui, il est vraiment très démuni dans la vie, ba bien-sûr une confiance justifiée. Pas des enfants qui sont m’as-tu vu ou des choses comme ça, enfin je sais pas comment dire un enfant qui est bien intégré dans un groupe et en plus qui sait qu’il est capable de faire des choses ’. Elle considère également l’importance de développer l’implication , l’activité, l’engagement responsable par rapport à la société.

  • Elle a été particulièrement sensible à l’esprit de partage et de solidarité dans le groupe Freinet, ’ quand on avait un problème qu’on savait pas comment le résoudre et bien le groupe nous aidait, on en discutait et puis on disait bon on va dans ta classe un mercredi et puis on va t’aider, ce qu’on reproduit encore....y’a toujours de l’entraide dans le groupe’. A partir le là elle souhaite faire vivre cela aux élèves ’ce que vous vivez avec les adultes vous le refaîtes vivre avec les enfants, on essaie, y’a toujours cette idée d’un esprit du partage, de la solidarité ’.

  • dans le groupe Freinet, elle a rencontré des personnalité influentes ’y’avait des figures marquantes dans le groupe... j’étais un peu admirative devant le travail qu’elles faisaient...c’était des personnes du groupe mais que j’admirais par leur investissement par leur travail et puis leur reflexion sur leur travail, bon moi j’étais plus jeune et j’étais contente de les rencontrer’, qui l’on soutenu lorsqu’elle avait des problèmes avec l’administration ’qui n’acceptait absolument pas le genre de travail que l’on faisait on était souvent en but soit aux parents soit... donc c’était pas facile...les gens disaient, ils ne font rien dans ces classes là.’. Actuellement, elle vit le partage dans un choix de vie en communauté, ’Et même jusqu’au bout puisque nous vivons en communauté, y’a encore une autre dimension, le partage et le respect et la coopérative. On a acheté une maison à plusieurs. Toute ma vie est comme ça.... et je ne me sens jamais en rupture, ce que je fais chez moi, je peux refaire ça à en classe.’.

  • A partir d’une représentation de l’élève comme ’être de communication’ ouvert à l’extérieur, elle va développer son action pédagogique au service de cette finalité, ’je pense que l’école elle est vraiment pas coupée du reste et qu’on a toujours a faire ça le passage entre l’école et l’extérieur de l’école ça on y tient, on essaie de faire ça et puis la communication écrite, à travers le journal..’. Il faut tenir compte de cette vie qui circule à travers ce qu’il vit dans ses relations extérieures à l’école, entretenir le lien avec la famille.’y’a toujours un journal, c’est un outil vraiment de communication..ce cahier repart chez les parents, les parents écrivent et il revient, donc on cherche toujours une communication très grande... Il est pas coupé, quand il est là, il est pas coupé quand même de la vie.’.

  • Elle insiste beaucoup sur la necessité de la solidarité entre pairs. L’élève doit apprendre à ne pas être individualiste, ’il faut qu’ils s’aident entre eux dans l’esprit de coopérative qui est très très important..des choses simples.. s’attacher les tabliers si y’en a un qui renverse les perles, c’est pas celui qui renverse les perles qui va ramasser tout seul on demande aux autres d’aider à ramasser les perles, on demande toujours une participation collective..’. Aider l’autre c’est le respecter, ’on a l’impression d’assister à une compétition... le mieux c’est de se marcher les uns sur les autres et là si j’avais un enfant idéal ce serait plutôt ça. Qu’il respecte, qu’il aide les autres’...

  • Cette importance du respect, elle le réfère à l’ héritage d’une éducation parentale et à d’expériences personnelles, ’le respect des autres et l’entraide c’est quelque-chose que je connaissais de mon père, mais que j’avais pas retrouvé du tout dans les classes où j’étais allé en stage et ça, ça m’avait vraiment étonné qu’il n’y ait pas du tout cet esprit là...j’ai envie de continuer par rapport à ça... Non mon père faisait beaucoup de bénévolat, il était dans des associations, il participait bon a une amicale laïc, quand y’avait des travaux, il était toujours prêt ça devait faire partie déjà de ça...je pense les classes que j’avais vu fonctionner, quand je les ai vu fonctionner je me suis dit mais moi je suis pas capable de faire ce travail là, çà correspond pas, alors je pense que ça vient de mon éducation.’.

ENTRETIEN N° 3.
Enseignant en primaire (CE1-CE2). Pratique la pédagogie Freinet depuis 9 ans.

  • D’emblée il considère que la pédagogie Freinet n’est pas une méthode, il préfère parler de ’mouvement’ pour signifier que c’est une approche évolutive, ’Les techniques qu’il avait utilisées comme l’imprimerie sont maintenant remplaçées par les ordinateurs, la télécopie.’. Ce fût une découverte saisissante, ’ça a été le coup de foudre’. Il s’est reconnu, ’c’était mon truc’ et s’est senti ’inspiré’, alors qu’auparavant il n’avait pas trouver d’intérêts. Il s’est alors ’complètement investi’. Tandis qu’ils étaient plusieurs étudiants motivés, lui seul a persévéré. ’Le déclic’ s’est fait à partir des visites de classes, ce qui l’a décidé, c’est de voir, d’une part, que les enfants s’aidaient beaucoup entre eux, ’y’avait une aide naturelle un petit peu, dès que quelqu’un était en panne, y’avait tout de suite une possibilité.’, et d’autre part, qu’à la faveur des conseils, on leur donnait des possibilités d’avoir des ’projets’ et de prendre des décisions collectives. Et puis, ils ont été chaleureusement accueillis, ’on avait déjà visité des classes, mais c’est la première fois qu’on était accueilli par les enfants qui nous ont présenté l’école, la classe.’. Il a vécu cette rencontre comme une ouverture ’par rapport à l’aspect figé et rigide d’autres classes.’. Il avait apprécié la fonction d’animation et de régulation, d’aide aussi du maître.

  • Alors qu’il ne voit pas d’autres faits marquants pouvant expliquer son entrée en pédagogie Freinet, il évoque la rencontre de personnes référentes sur lesquelles il s’appuie encore. Elles ont stimulé ses ambitions. Il a été impressionné par le rôle de l’instituteur ainsi que par son autorité dans la classe, ’son pouvoir’ ; c’est lui qui l’a insité à reprendre des études, ’il reste très présent’ ; et puis une personne dont il a apprécié et ’introjecté’ ’la modestie’ et les qualités d’écoute, ’une énorme faculté d’écoute’. Ces personnes restent des soutiens encore actuellement et l’on ’aidé à continuer.’.

  • Il a participé rapidement à un groupe de travail et lu de nombreux écrits de C. Freinet. Il s’est intéréssé, avec une équipe, au thème de l’organisation coopérative dans les classes ’on enregistrait les conseils et on travaillait là-dessus.’. Il a apprécié l’état d’esprit de solidarité d’entraide, mais également la méthodologie du travail qui incluait le tatônnement expérimental et puis la remise en cause, ’J’ai encadré des centres de vacances, donc j’avais travaillé avec d’autres, mais là c’était vraiment se remettre en cause perpétuellement, essayer des choses, un souci d’expérimentation je crois qui était important. On expérimente, on échange, on confronte et puis dès fois on est pas d’accord, on se remet en cause, on essaie autre chose, toute une démarche expérimentale. ca fait partie d’un axe important de la pédagogie Freinet.’.

  • Il y a des repères pédagogiques centraux sur lesquels il s’appuie pour finaliser sa pratique. Au départ, ce fût l’idée de l’activité communautaire à travers la coopération qui sous-tend l’aide réciproque dans le travail, ’l’entraide c’est une des premières lois qui arrivent dans la classe.’. A partir de là, on valorise l’échange, ’Faire avec les autres, agir avec les autres...ensemble’. Ce qui suppose d’apporter des lois dans la classe, ’parce-que on ne peut pas s’entraider si on ne se respecte pas, c’est les premières lois qui viennent dans la classe, les lois de respect, de tolérance.’. L’amener à découvrir ’qu’on peut faire des choses grâce aux autres.’.

  • L’ouverture aux autres c’est également ’tout le travail d’éveil qui se fait beaucoup sur l’extérieur..l’ ouverture à la vie, donc essayer de voir tout ce qui nous entoure et qu’on ne connait pas...aller voir les ressources locales.’. A partir de là on éduque à la tolérance et à l’ouverture à la différence, ’il y a une idée de tolérance parce que à partir du moment où on travaille avec des gens et des enfants différents, je pense qu’il y a une idée de tolérance, de respect, le droit à la différence aussi. En fait, on retrouve ça dans la pédagogie Freinet.’.

  • Ce qu’il a développé par ailleurs, c’est l’expression libre de l’enfant, c’est-à-dire l’apport de ’la part’ de l’enfant, la prise en compte de l’expression spontanée, ’c’est un point qui me parait fondamental’. Par l’expression écrite libre, l’expression poétique, par l’expression orale spontanée et l’expression manuelle, il vise la libération intérieure et l’épanouissement d’une personnalité. Chacun va, en quelque-sorte, se retrouver dans un style qui, par ailleurs, est personnel, ’on pense que c’est effectivement par là que l’enfant va prendre sa place, s’épanouir, va trouver un petit peu ses modalités de fonctionnement, alors certains vont s’exprimer par écrit, d’autres plus par oral, d’autres plus par les arts, donc chacun va pouvoir un petit peu trouver son cheminement’. Les règles de l’écriture ou de la communication seront souvent travaillées à partir de cette expression spontanée car, de son point de vue, l’entendement des lois (orthographe..) s’arrime a un sens d’activité ’Y’a un but d’apprentissage scolaire tout simplement, et à partir du moment où l’expression est débloquée où pleins de choses se disent s’expriment, on va pouvoir travailler sur quelque-chose de fourni, d’étoffé. Donc à partir de là on va retravailler sur l’orhographe, la grammaire.’. Le respect des individus passe par les savoirs scolaires motivés, qui ne soient pas abstraits, ’tellement abstrait qu’on passe à côté.’. C’est pourquoi il vise la ’réinstauration du désir...le non désir dans la passivité.’. Il perçoit le rôle de l’enseignant comme un ’libérateur’ car il insiste beaucoup sur l’importance de dépasser le ’blocage’, de libérer le potentiel.

  • La reconnaissance de l’originalité de l’élève induit une pédagogie différentielle. Il individualise ses intéractions et ses objectifs. Notamment, il considère l’importance de prendre en compte les rythmes des enfants. C’est pourquoi il conduit l’enfant à une certaine autonomisation dans l’organisation et l’évaluation, une auto-critique de son travail en référence à une norme, ’il y a une demande de leur part.’. Le maître diagnostique des difficultés et propose une aide personnaliséé ; ’Jean-Charles qui a des difficultés un petit peu en lecture. Il a travaillé ce matin dans le coin lecture, il a lu un livre pour le présenter aux autres en fin de semaine. ’. Il y a une pédagogie du contrat. Le but est de responsabiliser les élèves ’par rapport à la classe et par rapport à leur travail.. Y’a tout un tas de responsabilités qui sont partagées.’.

  • Les apprentissages se font d’autant mieux qu’on forme la personne, que l’individu est pris en compte, qu’on s’adresse au sujet, ’c’est complètement dans les finalités, c’est indissoluble, si on essaie pas de former une personne, on aura du mal a avoir un enfant qui scolairement va réussir’. Les apprentissages présupposent le sentiment d’être reconnu et la confiance en soi, ’on part beaucoup de ce qu’est l’individu et le mettre complètement en confiance en réussite pour après effectivement que les apprentissages en découlent quoi.’. Il avait le sentiment que l’élève était souvent négligé. La pratique de la pédagogie Freinet a confirmé ses vues ; il a constaté que l’enfant était capable ’d’un retournement de situation qu’il a des choses à apprendre aux autres.’.

  • ’Une vision... d’un enfant qui a plein de potentiel en fait et qui est souvent négligé quoi...L’écoute je crois, une grande écoute, une meilleur écoute des enfants je crois.’.

  • Il se dit fatigué d’avoir toujours à justifier sa pratique, ’et puis en fait au bout du compte après pas forcément être compris’. Les parents critiques la méthode.

  • S’il a choisi cette pratique c’est qu’elle correspond en même temps à son idéal de vie, ’ça a appuyé les choses que je pensais déjà de la vie et de mon travail, j’aurais fait un autre travail, j’aurais été dans le même sens’.

  • Il fait un lien entre son adhésion à la philosophie éducative de la pédagogie Freinet et son passé scolaire dont il a le souvenir amer, ’non alors non, non, c’était vraiment un rejet de l’école quoi, une révolte contre l’école...la rigidité.’. Ce qui l’affectait particulièrement c’était l’esprit de sectarisme dans un milieu qu’il qualifiait de bourgeois, ’l’intolérance complète de la personne, de la part des élèves et des profs.’. Il vivait mal les relations déséquilibrées des enseignants. Particulièrement il se souvient de pratiques abérrantes, ’Tous les profs qui marchaient au châtiment corporel...Oui oui j’ai vu ça.... je me souviens encore avec les mains et avec les coups de règles dessus par exemple où l’instit amenait l’enfant et lui tapait dessus quoi...Des situations de ridicule aussi, d’être amené devant les autres et d’être ridiculisé par exemple...Et bien dès qu’on avait les résultas de contrôle : tu as eu combien ? Tu es à quelle place ? De la compétition, etc, pourtant j’étais dans les premières places.’.

  • Il avait une ’image très négative de l’école’, une impression de ’non-savoir’, ’d’ennui’, ’très peu de souvenir de connaissance à l’école’. Il n’avait pas l’appétence de connaître qu’il a rencontré plus-tard, ’j’ai eu l’impression d’avoir appris beaucoup de choses après parce que j’étais motivé, parce-que j’avais envie de savoir certaines choses.’.

  • Vers 18 ans il s’est investi dans l’animation socio-culturelle où il voulait promouvoir quelque-chose de différent, ’Y’avait déjà un rôle d’animateur éducateur quoi mais dans un sens très différent de ce que je voyais de l’image que j’avais de l’école quoi et je pense que c’était à cause de ça justement que j’avais envie de promouvoir quelque-chose de différent.’.

  • Il a eu beaucoup d’engagement auprès de jeunes. Tout d’abord au lycée, dans le cadre d’un mouvement d’action catholique de jeunesse, l’ACE et la JOC. Puis après avoir ’coupé’ avec la religion catholique, il s’est investi dans l’animation, puis la direction de camps de vacances, également en centre de loisirs, et au niveau de l’office de jeunesse de la municipalité, de la ludothèque, au niveau des associations sportives. Il est actuellement délegué départemental du mouvement Freinet. Actuellement il suit une formation en Sciences de l’Education.

  • Il a reçu une éducation religieuse, ’puis j’ai eu une certaine révolte, au moment où j’étais révolté contre le système scolaire, j’étais révolté aussi contre le privé quoi, c’était en plus dans le privé en plus quoi, j’aurais peut-être été révolté contre l’autre école si, mais j’étais d’autant plus révolté par l’école privée.’.

  • Il reconnaît une remise en cause personnelle fréquente, notamment parce qu’il se demande, - en partie à cause des pressions institutionnelles, des critiques -, s’il est dans le vrai, ’mais jamais jusqu’à aller contre les finalités que j’ai nommées là.’.

ENTRETIEN N° 4.
Enseignant en primaire (CM1-CM2). Pratique la pédagogie Freinet depuis 20 ans.

  • Il a découvert la pédagogie Freinet à l’école normale où il a rencontré un enseignant innovateur. Il a eu rapidement l’intuition du sens de cette pédagogie à laquelle il a adhéré rapidement, ’c’est ce que je cherche, je l’ai découvert très vite, c’est dans ce sens-là qu’il faut que j’aille.’. Elle lui a paru adéquate notamment en raison d’un sentiment de révolte par rapport au système traditionnel, ’j’étais quand même quelque-part révolté par rapport à tout ce que je voyais comme injustice à cause du système. Donc le sentiment de révolte à toujours été assez profond en moi, même si j’obéissais au système.... alors la pédagogie Freinet c’était la chaussure qui allait très bien à mon pied, ça me permettait à la fois d’être dans le système et de le contester.’. Il souligne qu’il a fait cette analyse après vingt ans de pratique.

  • Initialement la pédagogie Freinet l’a intéressé en raison de l’importance accordée à la motivation, ’faire que les enfants aient envie d’apprendre...je me suis dit : une des premières choses les plus importantes dans le métier, c’est que les enfants aient envie.’. Par ailleurs, il a perçu rapidement la possibilité de partager avec des collègues dans le cadre du mouvement, ’retrouver d’autres personnes qui cherchent dans leur travail’. D’emblée il a été séduit par ’une autre approche de l’enfant.’, l’amour des enfants et le désir de les promouvoir, ’ y’avait une générosité vis-à-vis des enfants qui m’a paru extrêmement importante’. Il s’est investi dans cette pédagogie malgré les hostilités qu’il a rapidement rencontré, ’alors je me suis fait jeter plusieurs fois ou disons moquer par les autres’. Il était très motivé et animé d’un désir de perfection. Cet esprit de générosité correspond de son point de vue à sa formation religieuse, ’ça correspond à la démarche du Christ, c’est clair, si je peux l’exprimer vraiment clairement que maintenant, avant c’était sous-jacent, mais je le ressentais profondément, j’ai toujours souhaité enseigner dans le milieu populaire.’. Il était choqué par l’attitude de certains enseignants dénigrant le milieu populaire, ’j’ai toujours extrêmement mal vécu ça, j’avais à venger le milieu populaire’. C’est pourquoi la pédagogie Freinet, ’orientée vers l’enfant, ça pouvait que convenir à ce que je cherchais’. Seulement, il lui manquait la dimension religieuse, ’Je suis tombé de pleins pieds dans ce que je pouvais chercher... Avec un aspect qui manquait d’après moi : c’est Dieu, parce que là, par contre, j’ai un complément moi qui me plaît beaucoup auquel je tiens....l’évangile amène à se tourner vers le plus pauvre, le plus démuni, celui qui a le moins de possibilités.’. Il souligne qu’il n’a pas honte de ses idées et qu’un inspecteur qui était libre penseur l’a emmené récemment à une conférence d’A. de La Garanderie, disant ’qu’il a quand même mis longtemps avant de mettre de l’eau dans son vin par rapport à ces choses-là.’.

  • Le point central qu’il partageait était celui de ’l’écoute’ des enfants, ’quand on est à l’écoute on ne peut que servir l’enfant dans le sens dont il a besoin’, qui étaient considérés comme des ’personnes propres’. Il considère que les enfants sont des êtres de désir et qu’il faut considérer ’ses envies’. La dimension de l’écoute, il l’a appris de l’action catholique de l’enfance. Il pressentait cela dans la pédagogie Freinet, mais on utilise pas ce terme là directement.

  • Les trois finalités qui déterminent la base de sa pédagogie sont la ’responsabilisation’ à travers l’activité coopérative, afin que chacun soit acteur responsable dans le groupe, et vis-à-vis de son prochain. ’L’autonomie’, de telle sorte que chacun se responsabilise par rapport à son travail et ses progrès dans l’apprentissage, ’on essaie le plus possible d’amener les enfants à prendre en charge par eux-même leurs apprentissages, d’où le travail individualisé...on se prend en charge soi, c’est un des premiers grands apprentissages de cette pédagogie là et puis comme on se prend en charge soi, on sait qu’on a des besoins, on sait que les copains ont des besoins, que le groupe a des besoins, donc on doit aussi accépter une charge qui incombe au groupe, d’une façon ou d’une autre, c’est-à-dire qu’il y a des fichiers individualisés, il faut qu’ils soient en ordre les copains peuvent oublier, je peux avoir la responsabilité de vérifier que l’ordre reste dans les fichiers pour que les copains s’y retrouvent.’. Enfin, ’la créativité’ permise à partir de l’écoute et de l’expression libre de l’enfant, à travers le texte libre et l’invitation aux échanges inter-personnels.

  • L’idée est celle de la démocratie qui suppose entre les élèves une reconnaissance et une acceptation de la différence,’Le respect chez Freinet c’est justement amener les enfants à parler entre eux suffisamment pour accépter que l’autre soit différent de soit, donc on accepte que le copain ait une démarche différente, on accepte que le copain est une opinion différente, ce qui fait que quand il a à gérer des conflits, les copains ils découvrent que l’autre, il ne pense pas pareil que peut-être bien qu’il faut aussi faire des concessions par rapport à ça, donc on est amené à créer ensemble une règle du jeu pour fonctionner tous ensemble.’. Par ailleurs, ’la revendication est plus que tolérée.’. C’est-à-dire qu’on encourage l’enfant à s’exprimer, à prendre la parole, ’permettre aux enfants de dire ce qu’ils pensent, quand ils le pensent et d’oser le dire. Alors là je rejoins aussi l’action catholique de l’enfance.’.

  • Sur le plan du développement cognitif, il vise la ’structuration’ c’est-à-dire l’ordonnancement des connaissances, afin ’de mieux comprendre l’ordre du monde, et pour mieux comprendre l’ordre du monde il faut pouvoir classer, mettre en ordre justement, il faut mettre de l’ordre...avoir un outil pour mettre de l’ordre. C’est dans ce sens-là que je travaille aussi avec les enfants, c’est-à-dire leur donner le plus souvent possible des outils qui vont les aider à mettre de l’ordre. C’est par exemple, apprendre à faire un plan, on fait une recherche, par quoi on va commencer, qu’est-ce-qu’on va faire d’abord qu’est-ce qu’on va faire pendant et qu’est-ce-qu’on va faire après ?’.

  • Une personne a été très influente dans son parcours : un prêtre, ’j’ai eu la chance d’avoir disons comme directeur de conscience un prêtre.. qui avait un charisme époustoufflant’, une forte personnalité généreuse et animatrice, ’il explicitait l’évangile, c’était difficile de ne pas adhérer à ce qu’il racontait, c’est vrai qu’il était sensationnel. Je l’ai eu au cathéchisme en troisième et quatrième année et puis après j’ai suivi les trucs de confirmation, j’ai été louveteau.. etc..., je me suis retrouvé d’ailleurs pendant presque deux ans tout seul avec lui à venir en formation, je suis du genre, je maintiendrai, il m’a raconté pleins de trucs, il était très très animateur au niveau de la paroisse, c’est-à-dire, qu’il a énormément fait bouger les gens.’.

  • ’Alors, j’y repense là maintenant à contrario. C’est un type qui avait toujours porte ouverte, c’est-à-dire que son présbytère était toujours ouvert, un pauvre malheureux venait, il avait faim, il était capable de lui donner sa soupe, quitte à ne pas bouffer lui-même et çà pour moi c’était une personne qui appliquait l’évangile au plus près, c’était tellement rare, à sa manière, bon il hésitait pas à donner son quarante-six au ’cul’ quand y’avait besoin, parcequ’il chaussait effectivement du quarante-six, c’était un grand ’gaillard’, ah il avait une personne et physique et morale très conséquente.’

  • Il aspire à plus de justice dans le monde. Son voeux est de former des enfants qui soient capables de ’dénonçer l’injustice’, donc qu’ils aient suffisamment de connaissance pour pouvoir le faire. Outre son vécu scolaire plutôt négatif, ’des profs qui trimbalaient une certaine suffisance... qui méprisaient les gens des couches populaires.’, il se souvient que son père ouvrier n’a pas bénéficié de la reconnaissance qu’il aurait mérité, ’pourquoi il est pas passé P1, parce-qu’il n’a pas voulu adhérer à un syndicat patronal, voilà, ça je l’ai su après.’. Il souligne que le Christ était lui-même un révolutionnaire. Actuellement il pense qu’il prolonge l’action de son père, ’je continue par rapport à mon père par exemple, ça m’a beaucoup renforcé dans les idées qui germaient en moi, parce que ça germait en moi, c’était pas explicite comme maintenant je peux le faire.’.

  • Actuellement il est engagé dans des mouvements d’action catholique (de l’enfance et du monde ouvrier) avec des responsabilités au niveau national. Il est adhérant aux syndicats SGEN et à la CFDT. Il a eu des responsabilités dans le mouvement Freinet au plan national.

ENTRETIEN N° 5.
Enseignant en école primaire. Actuellement Conseiller Pédagogique. Pratique la pédagogie Freinet depuis 16 ans.

  • Il était insatisfait de son travail alors qu’il enseignait dans une classe à plusieurs niveaux, avec un gros effectif. Il était à la recherche d’une pratique différente et le hasard lui a fait rencontrer une enseignante en classe Freinet. Il a été d’emblée interessé en voyant ’Ce qui m’a frappé quand je suis arrivé c’est l’aspect de la classe, l’ambiance, dès la première rencontre ça m’a intéressé, des enfants actifs qui prenaient des initiatives’.

  • Il a enseigné en classe de transition pour pouvoir avoir moins d’élève et être plus libre par rapport au programme ce qui lui permettait d’enseigner la pédagogie Freinet.’j’avais sauté sur’ l’occas’ parce-que çà me permettait d’avoir que vingt-cinq élèves maximum et de ne plus avoir de programme. ’. Il ’s’ennuyait’ dans le cadre de la pédagogie traditionnelle, et les enfants avaient l’air de s’ennuyer aussi, il ne tenait pas compte des intérêts de l’enfant quand ils apportaient du matériel,’Je me suis aperçu que j’y étais allé non pas pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons pédagogiques, didactiques. ... je m’aperçevais que la manière d’apprendre qui était la manière qu’on appelle traditionnelle entre nous sans que ce soit un jugement de valeur maintenant... Les gamins avaient l’air de se raser....j’avais l’impression que c’était pas génial ce que je faisais, donc je cherchais une méthode qui me permettrait, d’abord un pour moi de m’intéresser plus à ce que je faisais, parce que je ferais quelque-chose de nouveau, et puis ça me permettrait d’intégrer ces apports, ces intérêts des enfants.’. Les premières techniques qu’il a institué correspondent à l’expression libre. (Le texte libre, les arts plastiques.).

  • Il a rapidement fait partie du groupe départemental puis national, il a beaucoup lu, eu de nombreux contacts, fait des stages. Il vivait ses vacances en pédagogie Freinet. Au niveau du groupe, il a été sensible à l’ouverture, la motivation, la communication des gens du mouvement, ’des gens qui étaient très ouverts aux questions qui étaient très motivés par ce qu’ils faisaient et qui avaient envie de le transmettre, c’est très communicatif....c’est plus au niveau de l’ambiance du groupe, l’ambiance de communication dans le groupe, d’accueil et de communication.’. Le groupe fonctionnait beaucoup à l’affectif, ’dans le groupe Freinet l’affectivité est un moteur du groupe et en même temps c’est ce qui le gêne le plus.’. L’environnement idéologique du groupe, proche du PC correspondait bien à son engagement syndical du moment ’L’idéologie ça m’a pas surpris parce que j’étais dans une mouvance idéologique de gauche proche du PC à l’époque de part mon engagement syndical et puis là dans le mouvement Freinet des gens engagés politiquement avec le même combat et même à l’époque les dirigeants étaient adhérents du PC ’

  • La pédagogie Freinet lui permettait de mettre en cohérence ses idées politiques et sa pratique de classe, promouvoir chez l’enfant un future citoyen responsable, critique et autonome, une école qui n’endoctrine pas, que le citoyen travaille pour une société de non exploitation de l’homme par l’homme, ’ça me permettait d’avoir une cohérence entre mes pratiques militantes et mes pratiques professionnelles et mes pratiques de vie, donc là cette cohérence a fait que je suis resté dans le groupe Freinet.’.

  • La finalité était de former de futurs militant soit pédagogiques soit politiques pour transformer la société, pour une société meilleur, au service de l’homme, ’c’était vraiment un gamin qui serait suffisamment lucide pour éviter de se faire avoir... Le choix de vivre sa vie en utilisant la société en faisant attention qu’elle ait pas trop de prise sur lui, donc une vie marginale si vous voulez ou alors ce qu’on préfèrerait nous qu’il apprenne à lire et donc à utiliser les rouages de la société pour la faire évoluer, rentrer dedans en tant que militant et la faire évoluer au service de tous en prenant des responsabilités syndicales, politiques, on cherchait à former des militants soient politiques, soient pédagogiques pour transformer la société au service de l’homme avec un grand H, c’est-à-dire pas au service d’un parti, pas au service d’un système...qu’il s’oriente vers le militantisme pour bouger la société au service de l’homme.’.

  • La valeur centrale qui mobilise son action en pédagogie Freinet est la fraternité. C’est l’idée du ’respect profond de la personne humaine dans les rapports humains, en pratique on exploitera pas la personne à son insu, quelque-chose de très utopique’. Sur le, plan pédagogique, un des moyens mis en place était la classe coopérative, pour permettre ensuite une certaine autonomie, ’la vie coopérative c’est-à-dire la mise en place d’une institution de co-gestion de la classe, entre l’instituteur et les élèves par l’intermédiaire pour parler dans le langage courant d’une assemblée générale dans laquelle sont débattu non seulement les problèmes de conflits à l’intérieur du groupe et les problèmes de travail à faire, d’information.’.

  • Le deuxième axe après la formation du citoyen était la formation d’une personne autonome par rapport au savoir, c’est-à-dire former un chercheur, ’j’ai besoin de savoir la division à deux chiffres diviseurs en CM2 pour passer au collège : ’ tu as besoin de savoir ça, comment tu va faire ? Il savait qu’il y avait des manuels donc il allait chercher des manuels de classe. Et puis après comment tu vas faire ? ’ Toi tu sais, oui moi je sais, y’a des gamins qui savent aussi ’.

  • Il y avait l’idée de tenir compte de son désir et de suivre ses désirs, mais de lui faire identifier la différence entre ses désirs spontanés et ses désirs profonds.

  • Il pense que l’engagement dans l’enseignement n’est sans doute pas étranger avec son histoire personnelle, le fait qu’il ait été élevé par une nourrice directrice d’école qui était plutôt d’extrême gauche, ’ma nourrice était une directrice d’école traditionnelle, c’est elle qui m’a élevé parce que mes parents travaillaient tous les deux, je passais tout mon temps chez elle j’allais juste dormir chez mes parents c’est d’ailleurs pour ça que je suis devenu instit...parce-qu’elle avait une forte influence sur moi...L’idéologie, je pense que cette dame, la directrice qui m’a élevé était quelqu’un qui était d’extrème gauche au sens proche du parti communiste lié à la résistance. Elle était pas au PC, elle lisait pas l’humanité. Elle lisait libération, mais le libération qui était issu de la libération. Elle lisait combat, les deux journaux de gauche qui était issu de la résistance. C’était la gauche non communiste. Alors je pense que c’est là que j’ai baigné là-dedans.’. Il a été militant syndical, puis l’a quitté pour des raisons idéologiques, n’a jamais adhéré à un parti politique, ’je continu à être militant dans le groupe Freinet. Par contre j’ai jamais adhéré à un parti politique, parce que chaque fois y’avait le côté endoctrinement qui ne me plaisait pas quelque-soit le parti.’. Maintenant mon idéologie elle passera à travers le syndicat, bien que je m’y consacre pas trop et puis le mouvement. Il a été longtemps désabusé, mais actuellement il pense qu’on peut construire une société plus fraternelle, ’je suis assez confiant dans l’avenir au niveau des avançées démocratiques.’.

  • Il est actuellement conseiller pédagogique ; il ne souhaitait pas imposer ses idées en pédagogie Freinet ; il a travaillé au niveau de la relation, au niveau du respect de l’autre, de la fraternité, ’fallait que je mette en retrait mes idées pédagogiques Freinet parce-que ça aurait été nuire à la pédagogie Freinet que d’essayer de l’imposer et contraire à son esprit et à mon esprit à moi on n’endoctrine pas, on convainc et donc frustré de ça. Donc j’ai cherché à mettre en place des techniques de formation auprès des adultes qui seraient proches de mes actions en pédagogie Freinet, mais j’avais peu de modèle et donc j’ai essayé de le travailler d’abord au niveau des relations c’est-à-dire.. au niveau du respect de l’autre et puis donc au niveau de la fraternité du respect de l’humain dans les relations.’.

  • Cette activité lui a donné l’occasion de s’ouvrir à d’autres recherches en pédagogie : A. De La Garanderie, la didactique, la médiation, le PEI.

  • aller voir ce que racontait A. De La Garanderie, d’aller voir dans les sciences de l’éduc ce que proposait les didacticiens... tout un tas de matériaux théoriques ou d’ouverture que je n’avais pas le temps d’avoir quand j’étais instit Freinet parce-que j’avais ma classe, le groupe Freinet, le syndicat, la famille etc...je pense aux théories de l’apprentissage, nous on le fait intuitivement, mais là on peut trouver des ancrages théoriques qui justifient nos pratiques éducatives et puis d’un autre côté s’ouvrir à des techniques qu’on pourrait aller pêcher pour nous aider, je pense en particulier à l’interview de cracs chez La Garanderie, demander à un gamin qui réussit bien de raconter comment il fait. Voir le côté médiation à travers le PEI.’.

  • Il a reçu une éducation religieuse

  • ’Moi je suis athée oui, faut en dire des choses ! çà ne me gène pas de le dire.. non à l’heure actuelle ? euh un militant athée... ah si tout à fait, communion confirmation jusqu’à seize ans parce-que je suis très docile..mon père bouffait du curé tant qu’il fallait. Mon père à été enfant de choeur.’.

  • Il évoque un trait de sa personnalité qui est l’agressivité et qui l’a amené à chercher une pédagogie différente pour évité de se situer par rapport aux enfants d’une façon frontale.

ENTRETIEN N° 7.
Enseignant en primaire (CM1-CM2). Pratique la pédagogie Freinet depuis 15 ans.

  • Il considère que le terme de ’méthode’ Freinet n’est pas adéquate, il préfère parler de sensibilité, de façon d’être, de vivre, de regarder le monde, ’je crois que c’est plus une sensibilité, une façon d’être et de vivre à la limite et une façon de regarder le monde et de vouloir donner un petit peu de ce qu’on croit.’.

  • C’est à l’école normale qu’il découvre la pédagogie Freinet et l’expérimente à travers l’organisation concrète de leur formation en classe coopérative, ’A cette période-là on a fondé une classe coopérative à l’école normale. C’est-à-dire, on prend en charge sa propre formation et on essaie de vivre la même chose qu’on pourrait vivre dans une classe avec les enfants.. je m’investissais, je me prenais en charge’.

  • Il souligne d’emblée qu’il ne souhaitait pas travailler comme il avait vécu sa scolarité, ’Je ne voulais pas faire instit comme les instits que j’avais vécu quand j’étais môme.’. Il avait un désir de libération. Il se souvient des relations blessantes, voire des châtiments corporels et était révolté ’les maîtres, ce qu’ils nous faisaient subir...J’avais un maîte de CP qui prenait les enfants par les cheveux ici et qui soulevait les enfants comme ça je me souviens extrêmement bien, ça j’ai jamais pu accépter ça.’. Il exprime ce besoin d’émancipation, de ne pas être commandé y compris dans sa profession et à ce titre la pédagogie Freinet lui convenait bien car il y perçevait une possibilité d’autonomisation, ’j’avais surtout pas envie de retrouver ce que j’avais vécu au lycée apprendre des trucs ’c’, ne pas donner mon avis, j’avais surtout pas envie d’être commandé par des gens, j’avais surtout pas envie qu’on me dise : il faut faire telle rédac etc la directrice qui est rentrée dans cette grande salle et qui nous a dit, j’aimerais bien, lorsque je rentre, qu’on se lève, alors ça non, je ne voulais pas faire instit pour ça.’.

  • Il a été particulièrement marqué par un enseignant, parce qu’il savait écouter les élèves, qui s’investissait beaucoup dans son travail, et dans des activités extérieures : théâtre, poësie, guitare, qui lui a donné envie, on pouvait se confier à lui, ’un prof de français qui est vraiment devenu un ami très cher, que j’admirais beaucoup et que j’admire encore, il a représenté quelqu’un qui savait écouter les élèves, qui savait les intéresser qui était vraiment à l’écoute des gens et qui se donnait énormément, ça nous a donné vachement envie quoi, il m’a marqué énormément, il était en même temps le confident de beaucoup et de moi en particulier et il a été très longtemps confident.’.

  • Il s’est investi dans les groupes départementaux et les congrès nationaux.

  • Il apprécie le partage entre les enseignants dans ce groupe ainsi qu’une certaine honnêteté et le sens critique du groupe, ’on se remet en cause et on recommence, on remet notre métier, notre courage et on recommence et on re-tâtonne et ça cogite encore et sur des choses vraies, c’est pas de la masturbation comme ça intellectuelle pour le plaisir et des réunionites pour le plaisir, mais c’est du concret, c’est sur le terrain, c’est vrai quoi’.

  • L’idée première est celle du respect de l’enfant à partir d’une écoute de ses désirs profonds - d’une grande proximité -, afin de stimuler ses envies - avoir des envies c’est la finalité -, et de les accompagner, ’respecter l’enfant, c’est laissé le môme avoir envie, laisser faire et puis l’épauler quoi, être là, être très à l’écoute être prêt, très près de lui’. Selon lui, les enfants ont un désir de rencontre de la réalité c’est pourquoi de son point de vue il est souhaitable de proposer un apprentissage de la vie qui y soit gréffé. C’est-à-dire, je connais à partir des réalités du monde, ’on fait un marché au mois de septembre, on a regardé les prix des légumes vendus aux halles de rungis, il a fallu dire ce que c’était que ces halles, on s’est renseigné...on a essayé de peser : 1 kilos qu’est-ce-que ça fait ? Ils se sont débrouillés... ça c’est de la pédagogie vrai quoi.’

  • Le deuxième aspect c’est l’importance accordée à la communication dans l’école et avec l’extérieur, ’on ne détient pas le savoir dans sa classe, donc on a besoin de communiquer, de rencontrer d’autres gens, on a des correspondants en Bretagne qui nous racontent la pêche.’. Par ailleurs dans le groupe classe il valorise beaucoup l’entraide et la coopération, ’la tolérance, la coopération, l’entraide, c’est quand même des sacrées valeurs.’.

  • Le troisième aspect concerne la formation à la distance, à la critique, ’faire des gens un peu moins consommateur, un peu moins mouton blanc, qui ait un peu plus de reflexion, qu’ils essaient d’avoir un regard un peu critique sur ce qu’ils font, pourquoi ils le font, comment ils le fond, c’est aussi une question que je me pose souvent moi aussi en tant qu’adulte, mais ça veut pas dire que je ne fais pas des choses comme tout le monde.’. L’autonomisation est une formation à la liberté de choix, ’qu’ils choisissent, qu’ils se sentent un peu plus libres de choisir ce qu’ils ont envie, ce qu’ils veulent vraiment quoi. Qu’ils ne se laissent pas manger, moi je ne me laisse pas manger par mon inspecteur, ça ne m’attire pas d’ailleurs les félicitations.’.

  • La finalité ultime est la justice et la paix : l’ aspireration à un monde meilleur, promouvoir la communication entre les hommes, ’ des idées de rendre un petit peu l’homme meilleur... qu’on pourrait vivre ensemble facilement, si on est prêt à rencontrer des gens...il faut promouvoir ces relations, ces communications’.

  • Actuellement il est miliant syndical, ’le syndicat est aussi un moyen peut-être de rendre plus juste un certain nombre de choses, de faire évoluer les choses.. je me dis toi t’a pas le droit de pas être syndiqué... tu peux bien essayer de faire un petit effort pour oeuvrer, mais c’est aussi rencontrer des gens, c’est aussi essayer d’aller plus avant’.

  • Il a reçu une éducation religieuse, ’Si, j’ai fait ma communion, mon père non pas du tout, ma mère par mes grands parents allait à la messe’. Il se souvient surtout de sa rencontre avec le frère Roger à la communauté de Taizé, ’c’était un personnage extraordinaire.’. Il croit surtout en l’homme.