ENTRETIEN N° 1.
Enseignante en SEGPA. Pratique le PEI depuis 10 ans.
Elle s’est portée volontaire pour une formation dont on expliquait pas vraiment l’objet, mais dont on leur faisait percevoir qu’elle était porteuse d’une vérité à connaître, ’on ne donnait pas la teneur, parce que çà allait être une expérimentation et que çà avait un côté mystérieux et secret.’. Soulignant son ’esprit curieux’ par nature, elle fût attirée car ’le côté mystère m’intéressait’. Et puis cela correspondait à un moment d’essoufflement, alors que la mise en oeuvre d’innovations, notamment des ’projet d’activités éducatives’ ne donnait pas satisfaction sur le plan des apprentissages, ’Je me sentais un petit peu en bout de course.. en terme strictement d’apprentissage, je ne voyais pas d’effet.’. Elle souligne qu’elle a ’tout de suite bien accroché’, trouvant que ’c’était un challenge formidable (elle qualifiera son investissement ’d’acharnement’, ’praticienne du PEI, complètement, et quelqu’un d’acharnée, très engagée quatre heures par semaine depuis une dixaine d’années. ).
Elle partage avec le PEI la visée d’un chemin d’élévation pour chacun ’Souscrire à l’idée que quelque-soit la difficulté de départ, on pouvait aider une personne à évoluer, à progresser, que l’on enfermait pas dans une certaine image avec une étiquette collée au front d’handicapée ou de personne qui a d’énormes difficultés et pour laquelle on ne peut plus rien faire...y’a des choses en terme de représentation de l’homme résolument optimiste.’. C’est d’ailleurs le partage de cette éthique commune qui a donné raison majeure de son engagement persévérant. ’Non, non, pas une raison parmi d’autres, ça a été une raison fondamentale... c’est un lien très fort, ah oui, oui, oui très fort....C’est-à-dire que çà correspond vraiment à mes valeurs quoi, çà c’est clair.. ça correspond je pense à une éthique profonde et c’est ce qui fait que çà a du sens dans une continuité.’. De son point de vue, la foi fonde le sens d’une existence. ’Les choses qu’on vit dans ce monde, si on ne comprends rien.. je veux dire ça n’a pas de sens, je veux dire, moi je plains beaucoup les gens qui ne croient pas... je veux dire la foi donne un sens à la vie qui me paraît essentiel.’. Elle décline une éducation chrétienne, catholique, mais une position ambivalente, et marginale vis-à-vis de l’église.”Je suis chrétienne catholique par mon éducation...j’ai été au catéchisme sans plus.. J’ai été pendant longtemps quelqu’un qui se considérait comme athée, mais avec de fortes aspirations spirituelles malgré tout..mon rapport à l’église est très ambigu, parce qu’à la fois je ne m’y reconnais pas, mais à la fois j’en fais partie.. mais en même temps y’à des gens formidables dans les rencontres, y’a peut-être un essentiel qui est partagé.’. Elle pense que son éloignement de l’église est lié, entre autres, à une expérience blessante au sein d’un groupe spirituel absolutiste dans lequel elle ne se reconnaissait pas, mais qui satisfaisait, à l’époque, un besoin de rattachement, alors qu’elle venait de divorcer et se trouvait seule avec son petit garçon. ’Je suis tombée dans un groupe qui avait plus un aspect secte qu’autre chose ’ ; elle s’en est exclu parce qu’au bout d’un certain temps, elle a pris conscience que la liberté était bafouée. S’agissant de l’église chrétienne elle se sent rejetée en raison de son statut de divorcée, bien qu’attachée à des valeurs qu’elle qualifie d’essentielles, et se demande si elle est sur le chemin de la réconciliation, qui pourrait emprunter celui de la rencontre.’ y’a un certain nombre de valeurs qui me semblent absolument essentielles.. peut-être je rencontrerai sur ma route, des gens qui m’aideront à me réconcilier d’une certaine manière avec un certain nombre de choses.. mais je n’ai pas fait encore la démarche de cette réconciliation’. Au deumeurant, l’engagement dans la pratique du PEI, s’est trouvé parallèle à une recherche spirituelle.’Non ça je ne dis pas que ça a impulsé une recherche spirituelle, mais ça a été parallèle... ça a démarré avant le PEI.’.
Elle souligne, fondamentalement, que le PEI a réorienté son regard, et que ce geste fût révélateur.’C’est une intime conviction....ce changement de regard est déterminant, absolument déterminant.’. Elle fut le témoin de puissances personnelles insoupçonnées,’ découvrir que des élèves déficitaires sur un certain nombre de choses, pouvaient apparaître tout à coup extrêmement performants sur des choses très difficiles, ça a énormément fait évoluer le regard que je portais’. Dès lors, il y eu chez elle le renouvellement d’une prédisposition personnelle à la reconnaissance,’les parents quand ils viennent me voir au début ils rasent les murs, parce qu’à l’école, les parents sont convoqués uniquement pour qu’on leur dise des horreurs sur leur gamin.... je dis ,vous savez, il a drôlement évolué, çà maintenant il le fait ; vous avez des yeux qui s’écarquillent.. on m’a dit, c’est la première fois qu’on me dit quelque chose de bien sur mon gamin...c’est dramatique, je trouve çà même terrifiant.. comment voulez-vous qu’après un gamin il s’imagine une place dans ce monde alors qu’on ne le voit que par ce qu’il ne fait pas ou qu’on ne le voit que par ses carences... il ne peut pas grandir... il ne peut que se réfugier dans des névroses et des comportements répétitifs.’. Elle pense foncièrement que le respect de l’unicité de chaque être humain lui permet de co-naître.’Reconnaître dans tout être humain quelque chose qui est infiniment respectable et qui est à respecter par-dessus tout, qui l’aide à s’épanouir et à naître à lui-même, ne serait-ce que par ce qu’il pourra donner au monde ensuite, apporter au monde.’. Elle perçoit les élèves en difficultés comme porteur de vérité en tant que témoin de liberté, mais rejetés et incompris,et elle souhaite par la reconnaissance, leur donner les moyens de l’autorité de leur liberté, ’les gosses qui sont des frondeurs, ce sont des gosses qui vous remettent en question. Leur seule difficulté c’est qu’à la fois il remettent en question, mais il savent pas se défendre, où ils se défendent sans être reconnus. Donc d’une certaine manière çà toujours été, leur donner les moyens certes d’être frondeur mais de leur faire reconnaître, je dirais leur capacité, donc y’a quelque chose qui est très lié.’ Elle pense que le PEI a dynamisé son engagement fervent en donnant un élan plus audacieux à son espérance et à ses exigences envers les élèves. ’Ca a été un outil formidable de redynamisation de redéclenchement dans une dynamique enseignante..avec une exigence envers eux démultipliée...C’est avoir un niveau d’exigence très élevé, quand on donne un travail à la maison, çà doit être fait, même si vous dites aux élèves, je sais que tu n’as pas de place pour travailler, que tu n’as éventuellement qu’un coin de cuisine pour le faire, que tu as tes frères et tes soeurs dont tu dois t’occuper, même s’il y a du bruit chez toi... il faut vraiment de l’acharnement.. je préfère cette violence là, à la dites ’oh il faut les laisser, c’est leur liberté. On n’a pas le droit, on a pas le droit de laisser quelqu’un qui est en difficulté sur le trottoir, c’est pour moi de la non assistance à personne en danger, on est dans une société où si on ne lit pas, on peut se retrouver exclu de la société.’. Elle est persuadée que dans cette attitude se trouve l’essence des progrès des élèves, qui d’ailleurs, se sont traduits en terme de recyclement pour un tiers de la classe.’Un tiers de vos élèves sont recyclables.. comme par hasard, c’est étonnant, c’est bizarre et on me disait de toute manière c’est parce que vous recevez les meilleurs... moi je pense simplement que, le contact avec le gamin est essentiel, ça passe d’abord par la représentation que j’ai de cet élève.. je veux dire, à partir du moment où dans mon regard, le gamin se voit valorisé, je veux dire sur le plan affectif, y’a des liens qui se nouent...il y a des liens qui peuvent être très forts.. c’est drôlement important ça.’.
Elle se sent pleinement responsable de l’éducation des enfants.’Si je suis là que pour enseigner ça n’a pas de sens...on est aussi éducateur, je crois qu’au contraire il faut le revendiquer le fait de l’être, parce que y’a des gamins qui n’ont que vous... ’. Et le PEI lui semble un moyen d’exprimer ce qu’elle définit comme une vocation fidèle’ça, c’est de l’ordre de la vocation, je pense que c’est une vocation chez moi....J’ai pas le sentiment d’une rupture, je crois que c’est de l’ordre de la continuité, c’est cette vocation... ça toujours été fondamentalement aller dans le même sens’. En cette perspective, elle pense qu’’il faut faire feu de tout bois, qu’on ne peut pas se permettre de laisser de côté quelque chose surtout si ça peut être un apport... moi ça m’a toujours intéressée de faire le lien entre les choses, de ne pas penser en terme d’exclusion..’. Il faut souligner la liberté de son engagement responsable pour les enfants en difficultés, car il relève d’un choix personnel dans le renoncement à d’autres voies professionnelles qu’on lui avait proposées et dont elle pensait qu’elles ne satisferaient pas sa recherche.’Dans la vie on choisit de poursuivre dans une voie, on choisit une chose plutôt qu’une autre... On m’avait offert un poste syndical au niveau national, j’ai refusé...c’est pas ce que je recherchais.’. Ses libres prises de position ont par ailleurs empêchée à quelques reprises son ascension administrative. Au demeurant, la vocation qui mobilise son activité, est d’oeuvrer pour la promotion d’hommes ’terriennement engagés’ pour l’avènement d’humanité, forts de leur racine, de leur intelligence et de leur conscience ’Qu’il ait les deux pieds bien plantés par-terre..moi je suis là pour faire des gens qui tiennent debout quoi...qui se battent contre les injustices, qui en ait conscience, qui réfléchissent sur ce qui se passe, qui soient des gens qui soient en situation d’analyser ce qui se passe et qu’en fonction de ce qu’ils analysent essaient d’être actif et partie prenante dans ce qui se passe au quotidien quoi... des gens engagés quoi... j’ai envie de faire des gens engagés quoi... Que chacun sur terre doit apporter tout ce qu’il peut apporter et que ce monde ira mieux, si chacun met tout en oeuvre pour que...’. Elle était personnellement très engagée sur le plan syndicale ; elle s’opposait à un syndicalisme qu’elle jugeait administratif, plus soucieux de statut que d’éducation. ’Refusant de faire comme tout le monde, d’être un mouton’, et préoccupée par les conditions d’apprentissage et d’enseignement, elle fonda une section d’un syndicat qui voulait poser des problématiques en terme de considération de l’élève, de son rythme d’apprentissage, de son individualité, de sa responsabilité ; qui souhaitait considérer l’enseignant, comme membre d’une communauté interactive, et l’école en son devoir d’ouverture sur le monde extérieur. ’Dans ma tête c’était défendre des valeurs, des idées, une certaine conception de l’enseignement, c’était s’intéresser à la vie quotidienne de l’école, c’était dénoncer des dysfonctionnements, c’était permettre que les gens aient le temps de se réunir, c’était faire participer beaucoup plus les parents à la vie de l’école, c’était beaucoup plus responsabiliser les élèves, c’était de cet ordre là. Donc, c’était complètement différent..’. Elle évoque une dimension forte de sa personnalité qu’est l’aspiration et la défense de liberté. C’est-à-dire qu’en situation d’interaction sociale, le blasphème de ce qui, a ses yeux, a du prix, provoque promptement l’apostrophe et l’insoumission. ’J’ai toujours eu cet aspect là quoi, de refuser de me plier quand je considérais que çà ne correspondait pas à ce à quoi je croyais..’. Elle pratique librement le PEI en dépit de l’absence de considération de son inspecteur.’J’ai des relations pas très simples avec mon inspecteur....il ne s’y intéresse pas, mais tant pis c’est pas grave, c’est pas grave... il rase les murs, évite de vous rencontrer.’. Elle entrevoit la continuité de son engagement.’Pour moi c’est cohérent, mon engagement social et mon engagement politique aussi , je veux dire pour moi c’est tout à fait en cohérence, les gens de gauche dans l’église c’est un très faible pourcentage, j’ai jamais compris pourquoi.’.
Sa vocation est a comprendre en relation avec son histoire personnelle que des privations d’amour ont marquée. Elle établit ainsi un lien entre la blessure existentielle infligée par l’image mortifère que sa mère lui a donnée à voir d’elle-même et son désir de renaissance. Sa mère ne l’a pas re-connu,’J’ai une image de mon enfance qui est un véhicule de toute ma vie et l’est encore. J’étais gamine et je me regardais dans un miroir, et un jour ma mère m’a dit, mais qu’est-ce-que tu regardes, il n’y a rien à voir, çà a été une blessure, je dirai fondamentale qui a été à la fois terrible et à la fois très dynamique puisque...euh.. c’est en fait ce qui a été.. euh.. à la relecture.. c’est une interprétation que je fais, mais c’est quelque chose dont je me suis toujours souvenue et je pense que çà a été une ligne directrice en fin de compte de toute ma vie.. puisque j’ai cherché à prouver qu’il y avait quelque chose dans ce miroir.’. Par ailleurs, on lui a donné a intériorisée la représentation d’être meurtrière, d’où, cette implication à faire jaillir la vie pour renaître à l’amour. ’On m’avait éduqué dans l’idée que je pouvais tuer..que j’étais moche, que j’étais bête et que j’étais méchante... il fallait que par rapport à çà, je puisse être mise dans des situations où je n’allais pas déclencher la mort, mais où j’allais déclencher la vie..’. Elle pense donc que sa sensibilité s’est développée au creuset de sa propre souffrance. Comme si, en aimant les personnes blessées, elle renaissait à l’amour dont elle fût privée.’D’où sans doute cette vocation professionnelle.. de réparer, de réparer des gamins terriblement blessés, moi-même ayant été une gamine terriblement blessée dans mon identité, donc faire le bien, c’est toujours une manière pour moi de dire ce qu’on a dit de moi que je pouvais tuer.. que j’étais porteuse de mort.. et bien que je pouvais donner la vie.’.
Elle indique que depuis le PEI, elle enseigne toujours ’des contenus, mais dans une orientation un petit peu nouvelle, en fait, très nouvelle d’ailleurs’ qui est notamment, d’accompagner, et de favoriser chez l’élève, la mise en oeuvre de sa disposition de chercheur d’intelligence, de chercheur d’universalité, de chercheur d’abstractions supérieures qui résonnent dans les expériences et les situations concrètes. Elle sollicite désormais beaucoup plus une démarche de questionnement ’Une démarche nouvelle qui est de réfléchir à comment on s’y prend ? Quelle démarche ? Quelle stratégie ? Le questionnement.. çà paraît essentiel ... et toujours travailler en terme de recherche de principes et de domaine d’applications.’...’ Je pense que tout élève ne construit sa connaissance que s’il est mis en situation de chercheur de la même façon, avec une situation problème qui est posée, avec formulation d’hypothèses, avec recherche de stratégies, de démarches, avec vérifications de ce qu’on a obtenu, validation ou pas des hypothèses.’. D’où l’idée de les accompagner dans la recherche de l’intelligence intrinsèque d’un problème, par exemple, en réfléchissant à une ’structure d’ensemble’ avec des ’liens entre les différents éléments’, qu’il y a des ’données essentielles’. C’est sortir d’un syncrétisme de la pensée pour s’élever vers plus d’abstraction, c’est passer du désir et du plaisir d’emprise, à l’attente espérante mais oeuvrante dans le souci d’entendement, ’Souvent les élèves se fixent sur le contexte du problème.. ils se noient dans les détails au lieu de rechercher les relations qu’il peut y avoir entre les choses.. ce sera faire rechercher la structure du problème, les données essentielles, les données pertinentes, ce sera ce travail là... c’est par exemple des enfants vous leur dites y’a 365 hommes et 495 femmes combien y’a-t-il d’habitants dans le village, si on devait faire une représentation schématique du problème, vous avez des gamins qui commençait à dessiner les 365 hommes puis la même chose avec les femmes....au lieu de fonctionner simplement sur des mécanismes, on va comprendre ce qui se passe...’. Au demeurant, découvrir l’intelligence du problème, c’est également découvrir l’universalité, donc la transférabilité, ’retrouver des problèmes de structure identiques.. faire découvrir que çà peut être des yaourts, mais que çà peut être des billes, que çà peut être des bouquets de fleurs, que c’est pas çà l’essentiel pour arriver à rentrer dans la structure d’un problème.’. L’intelligence des singularités sera le prolongement de l’élargissement du champ mental dans la mouvance d’une conduite comparative.’En français c’est également travailler sur des tris-textes, comparer des textes qui sont de types différents, style poétique, style littéraire, style publicitaire.. on met en oeuvre la comparaison, on se donne des grilles de critères qui permettent d’identifier un texte.’. Ainsi, l’intelligence se révélerait moins dans une pédagogie de la linéarité cumulative que dans la confrontation cherchante à la complexité globale. L’une serait plus près du dressage, l’autre de l’éducation.’Au lieu d’avoir une conception linéaire de l’apprentissage, ce sera tavailler sur des situations complexes ; ne pas proposer une succession d’apprentissages conçus dans une linéarité parce que je considère que la tête de l’enfant est un entonnoir dans lequel je mets des connaissances les unes après les autres, mais c’est le mettre dans une situation problème complexe globale et qui amènera à travailler tel et tel aspect des choses. Donc, je vais pas découper l’apprentissage en section simple, non, je vais leur fournir d’entrée une situation complexe.. bon c’est difficile de décrire tout ce que cela signifie, c’est lire et écrire en même temps, au lieu d’avoir une conception linéaire de l’apprentissage, d’abord je lis et ensuite j’écris.. la globalité, je veux dire on ne lit pas si on écrit pas, on n’écrit pas si on ne lit pas.’. En réalité l’assimilation pratique du PEI a mobilisé chez elle un questionnement et a suscité une recherche pédagogique plus large. Notamment, elle s’est demandée dans quelle mesure le choix et la présentation des contenus était-elle proche et respectueuse de l’enfant, en lui étant accessible. ’Réfléchir au contenu, qu’est-ce qu’il y a derrière tout ces contenus ? Qu’est-ce qu’on peut imaginer que cela représentera comme difficultés pour l’élève..c’était tous ces aspects là qui moi m’ont mis en situation de recherche et c’est des questions qu’on trouvait tout à fait en accord avec les questions que suscitent l’introduction du PEI dans une classe.’.
Elle vise par ailleurs une finalité de conscientisation d’intelligence, ’j’essaie d’être une médiatrice dans le sens ou c’est non seulement permettre à un sujet de construire ses connaissances, mais c’est aussi permettre à un sujet de prendre conscience de ce qu’il met en oeuvre, sur le plan mental pour réaliser telle ou telle activité... de prendre conscience de ses potentialités, de ses capacités.’. La prise de conscience de son activité est un moyen de se connaître, de se voir agissant, de s’éveiller à son mode d’être et d’agir.’Par exemple, les fonctions cognitives, c’est un outil tout à fait important de prise de conscience par le sujet de ce qu’il met en oeuvre dans une activité, ou de ce qu’il ne met pas en oeuvre justement. Une prise de conscience qui s’accompagne d’une petite mort, ’parce que prendre conscience quelquefois, c’est aussi mourir à autre chose .. mourir à une certaine manière d’être.’. Dès lors, la réflexion des erreurs est voie de co-naissance. Elle ’était toujours gênée vis-à-vis de l’erreur’ et découvrir avec le PEI le statut qui lui était conféré, lui a permis de’théoriser cette réflexion là, de donner un nom en terme de processus d’apprentissage ; l’erreur comme faisant partie du processus normal d’apprentissage d’un sujet, qu’il faut absolument prendre en compte, et même justement travailler avec çà avec les élèves, c’est pas l’erreur sanction, mais au contraire qui est drôlement intéressante puisque c’est l’occasion d’apprendre ; or pour les élèves l’erreur c’est la faute, y’a une représentation qui a mon avis est catastrophique parce que le gamin est complètement annihilé parce qu’il s’est trompé. nous même on a été fortement marqué par çà dans notre scolarité, qu’est-ce qu’on reproduit en tant qu’enseignant ? La plupart du temps le même système.’. ’. Le but est bien d’accompagner l’élève pour une conscience d’humanité, ’Il faut qu’il est conscience de ce qu’il est capable de faire aussi bien en positif qu’en négatif, qu’il est conscience de çà, qu’on doit l’aider à ça....pour que chacun ait vraiment conscience de ce qu’il fait.’. C’est au demeurant, développer une conscience de liberté.’Je crois que chaque homme porte en soi une certaine éthique. Le seule problème c’est qu’il en prenne conscience et que petit à petit, il découvre ce pour quoi il est fait de par ce monde.. Mais je crois que chacun à une vocation ici.’. Guider l’enfant en son aspiration d’intelligence, c’est l’aider à trouver du sens à sa vie.’C’est donner à une personne le sens de sa vie, c’est donner sens à sa vie, et je crois qu’il y a beaucoup de souffrances, justement on a du mal à voir, à cerner...euh.. justement le sens qu’on donne à notre vie... c’est déjà pas toujours clair pour moi-même, mais je pense que notre rôle c’est d’aider la personne à trouver du sens dans ce qu’elle fait... dans ce qu’elle peut faire..euh..une raison d’exister et pour ça..euh..je crois qu’il faut rendre la personne motivée par sa vie, motivée par le désir de vivre, motivée..euh.. par le désir d’agir.. l’aider à trouver..euh..’. C’est donc bien l’aider à trouver sa libre vocation responsable.’Je crois que c’est aider une personne à trouver sa place dans ce monde..euh.. l’aider à trouver sa vocation d’une certaine manière.. je crois qu’on a tous une vocation ici sur terre.’
Elle souligne que sa recherche pédagogique est continue et au service de sa vocation ’à partir du moment où on a cette vocation, je crois qu’on est à l’affût de tout ce qui peut enrichir ou apporter de l’eau au moulin de cette vocation, j’ai toujours eu l’impression d’être en recherche de nouveauté... je crois qu’il faut faire feu de tout bois’. Mais la rencontre du PEI fût un moteur décisif, dynamisant son désir de compréhension et d’intelligence, car à partir de là, elle a notamment engagée un processus de formation universitaire. Son adhésion au PEI est de l’ordre de l’’impression’ d’un mode d’être et d’agir qui transpire dans l’ensemble de sa pratique et qui ne saurait être assimilé stricto-sensu à une technique parmi d’autres. ’Pour moi une méthode n’a de sens que si elle est replacée dans un contexte, ça n’a de sens que si c’est complètement mobilisé dans une pratique globale, c’est-à-dire c’est plus de l’ordre de l’état d’esprit général ou de la manière de faire je dirais dans sa globalité, je veux dire si ça reste à l’état d’outil, pour moi, ça n’a strictement aucun intérêt, je n’ai jamais été partisan d’une méthode pour la méthode...Un outil pour moi n’est rien de plus qu’un outil, c’est ce qu’on en fait ; je veux dire n’importe quel outil peut devenir une tarte à la crème et rien de plus.’.
Etre médiateur c’est faire jaillir la vie de l’emprisonnement, de l’étouffement, c’est déverrouiller, arracher, libérer, pour respirer, exister, s’exprimer, s’individualiser, questionner, abandonner dans le renoncement.’Etre médiatrice c’est lui faire prendre conscience de ses potentialités, de ses capacités, c’est ouvrir un monde, ouvrir des portes, mettre des brèches dans des armures ; par certains moments on a l’impression qu’on est confronté à des murs, à des passivités, à des refus de voir, des refus d’apprendre parce que c’est le seul moyen qui leur a été donné pour pouvoir survivre dans ce monde et c’est donc leur montrer qu’on peut plus que survivre dans ce monde, qu’on peut vivre et qu’on peut sortir de cet état là sans que ce soit dangereux, sans que sa propre vie soit mise en danger parce que tout à coup on se met à réfléchir, on se met à penser, on se met à revendiquer, et que justement avoir sa place dans ce monde, c’est aussi exister en s’affirmant, en se positionnant, en ayant des idées, et comme je leur dirai, moi je ne veux plus voir des valises, je veux dire, si je vous emmène quelque part et si vous ne me demandez pas pourquoi on y va et quel est le but qui est poursuivi et qu’est-ce qu’on va apprendre, je vous laisserai pas faire’. Aussi être médiatrice c’est participer de la renaissance, ’C’est surtout cette idée là quoi, d’une certaine manière permettre de renaître, c’est une nouvelle naissance et on assiste à des nouvelles naissances’, c’est également accompagner le renoncement, ’on renaît si on accepte de mourir à une certaine manière d’être... prendre conscience quelquefois c’est mourir à autre chose, avec aussi des phénomènes de douleurs et de souffrances, c’est vrai que çà c’est un accompagnement qu’il faut pouvoir tenir, parce que c’est bien beau de casser des mondes encore faut-il donner les moyens à la personne de se reconstruire et de retrouver sa place, donc c’est quelque chose de tout à fait passionnant que d’avoir le sentiment de permettre à quelqu’un de.. d’avoir l’impression que vous aider une personne à renaître à autre chose.’.
On lui adresse des enfants difficiles eu égard à son autorité créatrice.’Il y a des évolutions en terme de comportement, en terme d’attitude c’est vrai...euh.. que souvent on m’envoie les gosses les plus durs, en se disant de toute façon, elle se débrouillera bien avec eux.. euh.. et qu’effectivement comme j’ai une certaine autorité et que çà fait longtemps que je suis dans l’école, donc j’arrive à négocier avec les gamins.’. Son activité d’enseignante est finalisée par la représentation d’hommes créateurs, co-créateurs avec le créateur contribuant et oeuvrant pour un monde meilleur.’La philosophie qui serait de dire : tout homme ici sur terre est co-créateur d’une certaine manière, co-créateur avec le créateur et que relativement à çà c’est à la fois ..euh.. c’est une exigence.. c’est-à-dire l’exigence qui est que chacun ..euh.. sur terre doit apporter.. euh.. tout ce qu’il peut apporter, et que ce monde ira mieux si chacun met tout en oeuvre pour que.. pour que çà se passe comme çà quoi.. bon, non çà c’est certain y’à des choses de cet ordre-là en terme de représentation de l’homme.’....’Reconnaître dans tout être humain quelque chose d’infiniment respectable qui est à respecter par-dessus tout et qui l’aide à s’épanouir et à naître à lui-même, ne serait-ce que par ce qu’il pourra donner au monde ensuite... apporter au monde.’. Elle déplore pour elle-même l’absence de médiateur créateur.’J’ai le sentiment de ne pas être reconnu dans ce que je fais. Je pense qu’on a besoin de reconnaissance, ne serait-ce que pour prendre confiance dans ce qu’on fait quoi..donc à partir du moment où il n’y a aucune reconnaissance..même un inspecteur qui rase les murs et qui évite de vous rencontrer..euh.. vous avez un directeur qui s’enferme dans son bureau à clé et qui écoute les séries télévisées du début d’après-midi, y’à des choses qui moi me choquent profondément.’.
Elle considère qu’interpeller l’enfant, le mettre en questionnement, est très important ; mais plus encore que c’est un certain mode d’interrogation qui est inducteur d’une prise de conscience, d’une co-naissance à une universalité.’Le mode de questionnement, le style de questionnement, je crois que le PEI incite beaucoup à ça, parce que dans ce domaine là, on considère toujours que le questionnement est intuitif, va de soi, je suis de plus en plus persuadée que du type de questionnement que vous avez, vous pouvez induire beaucoup de choses chez l’élève, et donc çà paraît essentiel ça a travailler surtout si on veut aider l’élève à prendre conscience de tout ce qu’il met en oeuvre sur le plan mental pour réaliser telle ou telle activité.. et toujours travailler en terme de principe, donc j’ai travaillé aussi là-dessus, et j’en suis venue à réfléchir sur l’entretien d’explicitation de Vermerch.’. Elle ressent le besoin d’un échange, d’un dialogue questionnant sur sa pratique.’J’ai besoin de faire partager ça cette expérience..bon peut-être que j’ai pas raison...je veux dire mais au nom de quoi.. mais en même temps j’ai envie ne serait-ce que de pouvoir en discuter...ça ne veux pas dire que ce qu’on a à dire correspond à quelque chose de juste.. c’est pas çà que je veux dire, mais euh.. moi j’ai ce besoin là
ENTRETIEN N° 2.
Enseignante en SEGPA. Pratique le PEI depuis 9 ans.
La découverte du PEI est arrivée à un moment de trouble professionnel alors qu’enseignante en classe spécialisée elle éprouvait un sentiment d’insatisfaction associé à la mise en oeuvre caduc d’une politique pédagogique de fuite en avant. ’On était dans une inflation galopante de matières dites essentielles pour rattraper le temps perdu, et on colmatait et on en ajoutait sans bénéfice avec un profond écoeurement de la part de tout le monde...J’étais dans une période de grands doute, mais je continuais comme beaucoup d’enseignants.’. C’est par le biais d’une ’rencontre fortuite’ qu’elle entendit parler du PEI, elle a d’emblée éprouvé le désir d’en savoir davantage car cette méthode lui paraissait prometteuse d’un plus, d’une nouveauté, d’une connaissance, ’je suis rentrée avec cet esprit là de découverte de quelque chose de plus, appelez ça méthode tout ce que vous voulez...j’ai trouvé alléchant cette méthode.’. Puis, c’est après un certain temps que s’est révélé le rayonnement fertile du PEI, ’On a découvert, l’ampleur du système et je crois que la richesse six ans après, je la découvre toujours, parce que c’est un outil génial. On peut dire tout ce que l’on veut de Feuerstein, qu’il a compilé pleins de choses, moi je dis c’est un compilateur génial et son truc s’est articulé divinement...’. Elle assimile sa découverte du PEI à l’impression ’d’une grande claque pédagogique.’. A la racine même de son implication, se trouve le partage de la perception et de la conviction profonde d’une force personnelle de croissance disponible,’ En dehors de la méthode, c’est croire que l’individu est modifiable de toute façon et je dirais c’est un peu comme tintin de 7 à 77 ans, jusqu’au bout, jusqu’à la mort : ’ Je crois qu’on à tord de sous-estimer à priori, de s’enfermer dans un comportement de type Piaget, en disant que s’il est stable et n’a pas évolué à un certain âge, c’est fichu quoi. Moi je dis qu’il y a toujours quelque chose à faire.’ Cette visée espérante correspond à une certaine attitude aspirante et confiante, indépendamment des affres de la réalité ’Se dire que quelque part on va triompher, se voir battant ; dans la vie y’a ceux qui ont toujours ’la gueule’ de l’emploi du perdant et puis y’a ceux qui au bout du compte se disent, non ce n’est pas possible, non on va bien trouver, il va bien se passer quelque chose, je dis qu’il y a toujours quelque chose à faire, j’adhère tout à fait à ce que dit Feuerstein, à la vision optimiste du monde, optimiste mais réaliste. Je ne vais pas vous dire le monde il est beau, vous voyez le contexte dans lequel je vis, dans la violence, dans l’horreur, l’environnement, ce qui s’est passé il y a trois semaines avec le meurtre d’un de mes élèves.’. Espérance qui pour elle est source de vie, ’Mais néanmoins, je suis intimement persuadée de cela, et je crois que c’est ce qui me donne encore la force au bout de vingt-cinq ans d’Education Nationale de résister à l’usure du temps.’. Elle est un credo a promulguer, ’Déjà çà, que de leur dire, de se le dire et d’en être convaincu.’. En l’occurrence, le PEI est un moyen parmi d’autres, au service de cette visée croyante, ’J’avais trouvé d’autres choses de visualisation positive que moi je travaillais, y’avait eu la Gestion Mentale, y’avait eu Freinet aussi, j’étais pas toute neuve quelque part ; donc c’était un plus, et j’espère qu’il y en aura encore d’autres et pour moi et pour eux.’. Elle fait voeux de ferveur pour ses élèves, ’ Donc se projeter dans l’avenir mais je dirais triomphant quelque part, par rapport euh... à travers le travail, à travers un métier découvert ou choisi de façon implicite pendant leur pré-adolescence.’. C’est un certain regard qui dimensionne différemment,’C’est se mettre dans la position d’un éducateur qui voit les autres sous un autre angle, ça vous donne une autre dimension, ça vous donne un angle d’attaque plus fort. Quand on a un à priori négatif, on a du mal à s’en défaire, d’autant plus quand çà échoue,’oui, mais enfin, il est quand même...’, on a du mal à revenir sur... Quelles sont les représentations que l’on a vis-à-vis des enfants, du système éducatif en général ? ça remet en cause, mais là, j’y ai trouvé ma dimension, à cause du système de croyance. Moi, j’y ai adhéré.’. Mais, lorsqu’elle aborde ce point de vue ’du regard’, avec des enseignants, s’ensuit des réactions de défense en raison d’une connotation religieuse, ’moi j’y ai adhéré alors que souvent lorsque je parle de cela dans mes formations, çà a une connotation tellement religieuse pour certains farouchement opposés à toute quelconque religion, embrigadement, gourou, qu’ils réfutent cela, sans penser ce que c’est ce système de croyance.’. Tandis qu’elle vit particulièrement et quotidiennement l’agressivité violente, ’ On a fait sauter des voitures là devant ma porte, on a été avec des CRS pendant huit jours quand même. Le meurtre d’un de mes élèves, assassinat dealer entre dealer, des problèmes de drogues, un gamin de dix-neuf ans, il était pas blanc, c’était un petit voleur de bicyclette, déjà un passif très lourd, ils n’ont pas le même code que nous, et moi je me heurte très souvent, très violemment, en disant mais ce n’est pas possible, ce sont des monstres. On a tué un des leur, alors ils vont tuer les autres. Est-ce qu’ils n’ont pas compris que l’on réprouve le meurtre.’, le PEI lui sert à enseigner le respect de la dignité humaine, ’Donc si vous voulez à travers les situations vécues, je me sers du PEI pour faire émerger chez tout ce code ; transmettre en priorité le respect des autres ce serait la première chose... lui montrer que dans son système de valeur et dans ses repères actuels, l’idée du mal qu’il a et du bien, n’est pas forcément celle de l’humanité.’. Par exemple, elle utilise une page de l’intrument ’Illustration’ du PEI pour sensibiliser à la différence entre entendre et écouter, ’Donc à l’époque, j’avais pris la page vous savez où il y a une petite bonne femme qui cause à l’autre, lui murmure des trucs dans l’oreille, il y a avait une violence terrible ici au moment de Sadam Hussein. On avait Sadam Hussein en lettres rouge sur tous les murs du collège, les filles avaient mis les tchadors, y’avait une ambiance d’enfer. Pour eux la violence verbale, ce n’est pas de la violence. Ils ne saisissent pas la nuance. La seule violence qui existe pour eux, qui illustre le terme, c’est la violence physique, c’est la destruction. On avait beaucoup discuté de cela.’. L’attitude d’écoute et de respect émerge à travers un travail sur la décentration mentale, ’Le respect des autres, c’est quand vous travaillez lutte contre l’égocentrisme, quand vous donnez le droit à la parole, même à celui qui s’exprime mal, que le leader se tait au bénéfice du pauvre petit canard boiteux de la classe entre guillemets. Bon, là aussi c’est le respect, le respect de la parole de l’autre en tant qu’individu, de sa différence.’. Elle apprécie dans le PEI, une attitude respectueuse envers l’élève traduite dans la volonté de trouver l’origine du blocage, de chercher et de donner les moyens d’y remédier. ’Ca attaquait si vous voulez l’individu sous un autre angle. On ne cherchait pas à savoir, il dysfonctionne en mathématiques, donc on fait plein de cours de soutien en mathématiques, mais enfin, on prenait en compte l’origine du blocage, du pourquoi du dysfonctionnement et quel moyens on pouvait donner à l’individu de se corriger. Dépister son propre dysfonctionnement et y remédier grâce à des repérages, des techniques, et c’est ce côté là qui m’a plu.’. Elle nous fait part de son éducation religieuse, et souligne que malgré la distance prise, celle-ci reste sans doute influente,’J’ai eu une éducation religieuse, on était pas bigots, on était croyants. J’ai longtemps cru en Dieu, je m’en suis peut-être éloignée, je ne sais pas définitivement ou pas, mais c’est vrai que quelque part y’a sûrement cette éducation religieuse que j’ai reçue qui n’est pas étrangère à ce que je suis, à ce que je vis maintenant, je ne peux pas le nier. On est quand même ce que l’on a été.’. Elle se dit éloignée de l’idée d’un Dieu existant, ’Je vous disais non, et en le disant, je me rendais compte du côté expéditif des chose, c’est peut-être moi maintenant par rapport à une position quelquonque d’un Dieu existant...je ne prie plus, çà ne m’intéresse plus, je n’ai rien à dire.’. Elle se définit comme investie d’une incontournable mission et préoccupation d’aide aux enfants en difficultés d’apprentissage, ’ Je crois en une mission, alors ça c’est peut-être très présomptueux de ma part. Dans ma vie actuelle, puisque je pense que c’est une vie parmi d’autres, qui est de donner, d’aider. Je pense que j’ai une mission d’aide quelque part. J’ai été, je dirais presque programmée pour çà. Je veux parfois m’en détacher, mais çà me revient en pleine figure sans arrêt. Je me suis toujours demandé par rapport à ces gamins, comment faire.’. C’est une vocation fidèle, ’Moi je suis rentrée à l’Education Nationale avec ce qu’on appelle la vocation. Elle a eu des hauts et des bas comme toute vocation ; elle est toujours restée intacte.’. Elle recouvre une composante tenace de sa personnalité, ’J’ai du mal a dire non, j’ai du mal à ne pas aider. J’ai du mal à ’rembarrer’ par exemple un gamin en souffrance ou en besoin d’aide. Même si ce soir là je pars au théâtre, quelque part, c’est plus fort que moi. J’ai essayé de le chasser, de lutter contre, ça revient. Ca revient bon c’est un constat que je fais, je fais avec, même si parfois ça gène. J’essaie que çà n’influence pas trop sur l’autre côté de ma vie.’. Cette volonté de service, fut mal accueillie par son milieu familial, ’Ma décision de servir dans ce milieu là envers et contre tous, mon père ne voulait pas que je fasse ce métier de crève la faim, car j’allais donner sans rien recevoir.’. C’est un investissement réel qui accuse une forte disponibilité avec néanmoins un souci de préservation. ’ C’est un engagement très fort, le temps ou je suis là. Il est évident que, un cas d’élève très douloureux, il arrive qu’on m’appelle un dimanche je ne vais pas dire non. Non c’est fini, c’est plus l’heure. Bon j’ai réussi à faire la part des choses, c’est pas un engagement qui m’engage de tous mes instants.’. Elle a reconnu dans le PEI cette motivation généreuse, ’ le cadre m’a tout à fait convenu, ce désir de servir que l’on retrouve là, d’apporter, d’aider, c’était pour moi un moyen supplémentaire, un moyen de rendre l’individu autonome par rapport à ce que je souhaitais qu’il fût, ce vers quoi je tendais pour qu’il se réalise en tant qu’homme’ et elle souligne qu’avec la découverte du PEI, elle a ’trouvé’ de nouveau, ’Bon, là, j’ai retrouvé.’. Etant plus jeune elle s’est engagée de façon dynamique, en responsabilité, dans des mouvements chrétiens (’Jeannette, cheftaine scout’), ’J’ai milité beaucoup quand j’étais jeune, j’étais ’jeannette’, cheftaine, j’ai fait un camp scout en soixante-six à Athènes, je veux dire, j’ai fait plein de trucs, dans le cadre d’encadrement de jeunes et sur le plan religieux, à l’époque, j’étais très croyante, j’ai mobilisé les foules un peu, faire adhérer etc... j’avais un sentiment d’aider les gens à progresser. Puisqu’on avait un moyen autant le prendre, c’était bête de rester comme ça dans son coin etc... Je suis un peu programmée comme ça.’. Très jeune elle fut monitrice en créant un théâtre de marionnettes, dans des colonies de vacances ; par ailleurs elle dirigeait une chorale. Plus tard, on lui a confié la direction du centre de loisir de la ville, ’J’ai eu longtemps la direction du centre de la ville. Y’avait quand-même dix-huit directeur, trois mille enfants, une pléiade de moniteurs.’. Pendant dix-sept ans elle a animée un cours de danse. ’Elles ont été fidèles pendant dix-sept ans, j’ai toujours été étonnée. Je me suis dit comment un groupe de femmes ont pu pendant dix-sept-ans se retrouver tous les lundis, il fallait sûrement qu’il se passe des choses fortes, pour qu’envers et contre tous... et on se retrouve toujours, de temps en temps elles me téléphonent et me disent : tu ne veux pas nous redonner un cours.’. Elle dépeint une forte implication personnelle dans le temps des séquences du PEI, ’Pour moi le PEI c’est une séquence de soixante minutes maximum où on mouille sa chemise en tant que médiateur parce qu’on a envie que sa passe. C’est un moment privilégié ou se dénoue plein de choses autant au niveau affectif qu’au niveau pédagogique, pour moi c’est le moment privilégié des séquences, comme des flashs si vous voulez dans une journée scolaire qui va éclairer le reste bien-sûr, mais qui vont à un moment donné fortement solliciter l’individu, d’ailleurs si y’avait çà tout le temps, ils ne tiendraient pas et nous non plus. Pour moi c’est vraiment le moment intense.’. Elle pense que ces investissements témoignent de sa personnalité dont le milieu familial constituerait les bases d’origine. ’Peut-être aussi que dans ma façon d’être, j’aime aussi donner, peut-être commander, diriger. J’adorais m’exprimer, c’était dans une expression très libre de ma personnalité, il y avait cette dimension dans ma famille, Je pense que ça vient aussi de mon père qui était comme ça et j’ai une grande identification à mon père principalement.’. Elle nous fait part d’un mal scolaire, ’En CM2, début d’une maladie que je trimbale depuis. Cours complémentaire de jeunes filles, ’garde à vous !’, y’avait pas de messieurs, y’avait que des mesdames, y’avait que des vieilles filles acariatres. Elles ne toléraient pas le fait que je manque pour aller à l’hôpital, qui m’ont excessivement brimées dans ma personnalité. Un seul exemple qui va vous montrer la souffrance de la jeune fille que j’ai pu être. C’était la mode, je ne sais plus en quelle année c’était des collants de couleurs, à l’époque on avait des bas à 12 ans. Les collants sont arrivés sur le marché, c’était des gros collants en ’rilsant’ et ma mère m’avait acheté une paire de rouge et une paire de bleu-marine, c’était super. J’ai mis les collants rouges, le professeur d’anglais m’a appelé au tableau, m’a obligé à retirer les collants rouges, en disant que c’était absolument monstrueux de voir une jeune fille déguisée comme cela, voilà, et la même professeur, prenait l’éponge au tableau et le matin quand on était maquillée nous essuyait le visage avec l’éponge du tableau. C’était y’a pas cinquante ans, voilà, bon j’ai beaucoup souffert justement, parce que chez moi j’étais très libre.’. Elle évoque d’un côté ses difficultés d’apprentissages scolaires qui étaient suivis de punitions, et d’un autre côté sa motivation à réussir, particulièrement en anglais qui était une discipline qu’elle aimait. Elle est parvenu à de bons résultats dans cette matière, ce qui lui a permis de découvrir son potentiel personnel. ’J’étais nulle, j’adorais l’anglais mais j’étais nulle, je ne faisais plus rien parce que je savais que quelque-soit la qualité du travail que je rendais, la femme qui m’avait retirée mon collant me collait le samedi après-midi...j’ai commençé à vivre au lycée, c’est-à-dire à savoir que j’étais pas incompétente, à avoir confiance en moi sur le plan scolaire, à mettre en oeuvre pleins de choses qu’on m’avait refusé.’. Elle met en rapport son désir d’enseigner avec ces souffrances.’Moi je voulais enseigner, forte de l’expérience douloureuse que j’avais vécue. Je me dis, il faut que quelque-part je rattrape cela, il faut que je me blanchisse..’.
Elle est en recherche d’intelligence pour plus de service auprès des enfants en difficulté, ce qui l’a conduit à investiguer différentes voies de recherches pédagogiques, ’Le cadre du PEI m’a convenu, c’est pour moi une aide supplémentaire,, un moyen de rendre l’individu autonome par rapport à ce que je souhaitais qu’il fût, ce vers quoi je tendais pour qu’il se réalise en tant qu’homme....Y’avait eu la Gestion Mentale, on pratiquait beaucoup à l’époque la pédagogie Freinet dont j’étais satisfaite avec un contrat avec les enfants dans une certaine ambiance. J’étais pas toute neuve quelque part.... Le PEI est pour moi un ensemble très cohérent que j’utilise comme outil, mais je l’éclaire avec pleins d’autres aspects de ce qu’a été mon passé d’enseignante, mon passé personnel par rapport à différentes méthodes et ensuite par rapport à ce que j’apprends continuellement... C’était un plus, et j’espère qu’il y en aura encore d’autres, et pour moi, et pour eux.’. Invoquer chez l’élève la conscience de son humanité, ’Ca vous permet de faire prendre conscience au jeune de ce qu’il est et de ce qu’il peut être.’. Par exemple en lui dévoilant son potentiel, ’Quand on leur explique ce que c’est que le PEI, que on peut apprendre à apprendre, c’est quand même leur donner une sacrée découverte de leur potentiel, le sentiment de compétence... et que tout s’apprend aussi, je veux dire que l’on sort un peu du domaine du don. C’est trop souvent ce qu’on entend, je ne peux pas le faire parce que je ne suis pas douée. Y’a des parents qui m’ont présenté un enfant le père disant : ’je vous l’amène mais’ il est aussi ’con’ que sa mère’, avec cette valise là et que l’on vous dit : non tu peux quand même apprendre à apprendre, y’a des moyens. Ca ’interpelle’ sacrément l’individu comme dirait l’autre sur son propre potentiel. Bon çà c’est quelque chose de très fort, leur dire, leur faire prendre conscience, et leur prouver.’. En sollicitant une conscience de modifiabilité, ’tant qu’on reste au niveau du manque de preuves çà marchera pas. Par exemple un bon moyen de le prouver, c’est commencer OP ( instrument organisation de point), vous notez bien bien de quelle manière ils fonctionnent sur OP3 par exemple, et puis quand ils arrivent à OP 14 à la fin, c’est compliqué c’est difficile, on n’y arrive pas, mais vous pouvez vous savez, rappelez-vous comment.. et vous leur redonner OP et ils la fond dans un temps record et c’est facile, alors là on ressort la feuille et l’on dit : ’voyez ce que vous me disiez à l’époque, y’a pas eu apprentissage. Alors là c’est vraiment leur faire prendre conscience de leur modification, qui dit modification dit modifiabilité mais c’est une prise de conscience pour eux, on a les moyens là, mais on peut le faire avec n’importe quoi à la limite. En mathématique, en français, en n’importe quoi.’. En Motivant la conscience d’appartenance communautaire, ce qui implique le sentiment du devoir et du droit et ce qui suppose de la part de l’enseignant de poser des repères et des limites, ’Y’à un règlement, moi je te le dis, je vais te tenir un discours, tu dois l’entendre solennellement. Et j’ai dit ici, comme je fais respecter les droits et les devoirs de chacun, y’à aussi bien sûr des sanctions. Les sanctions, je vais te dire ce qu’elles peuvent être, tu dois t’y attendre, et surtout, je te dis, moi si je te dis, tu peux compter sur moi, tu peux pousser ma porte n’importe quand, elle est toujours ouverte pour toi, dans l’accueil pour le service, mais aussi dans l’accueil pour la contrainte, face à une bêtise que tu auras commise. si j’ai promis quelque chose, je tiens. Et je suis très attachée si vous voulez au respect de la promesse de la chose dite. Y’a une sorte de code de l’honneur que j’instaure ici et sans le code de l’honneur on ne peut pas fonctionner avec ses gamins là.’. Elle a été séduite dans le PEI par l’organisation de la séquence qui débouche sur une généralisation et sur un travail de transfert, les enfants suivent une méthode qui débouche sur une connaissance, ’Les gamins suivent un cheminement, ils connaissent le déroulement de la séquence, il savent qu’il y a cette émergence, cette ouverture sur le monde, je dirais grâce au PDG et au transfert et ils organisent leur pensée en fonction de çà. Ils savent et ils s’attendent ça.’. Ainsi, ce qui l’a intéressé c’est que le PEI introduise à l’abstraction, à la généralisation, aux lois, ’ Le PEI me sers à faire émerger chez eux tout ce code, bon vis-à-vis de la loi, ils n’ont pas la reconnaissance de la loi..’Oui mais enfin, vous et votre loi.’. Elle forme le voeux d’une personnification pour ses élèves, par l’émergence d’une individualité, d’une personnalité, d’une liberté, ’L’aspiration certainement à devenir quelqu’un, pas forcément s’identifier aux bandes de loubards qui traînent si vous voulez, mais être quelqu’un, être un individu à part entière, j’irais presque plus loin, un citoyen libre. Donc l’idée d’appartenir quand même à une communauté, qui n’est pas forcément leur communauté de naissance, mais pouvoir s’inclure et trouver sa place dans la communauté d’accueil, sans se diluer, sans être un être soumis et rampant, donc avoir son libre arbitre, pouvoir déterminer dans les droits et les devoirs.’
La découverte du PEI est associée à une prise de conscience de l’idée du médiateur, particulièrement en tant que celui-ci introduit à l’abstraction en mobilisant le lien. ’D’abord cette prise de conscience du médiateur et ce qui m’a beaucoup intéressée, c’est le transfert.. ce qui m’a accroché, c’est le transfert, la généralisation, ces liens que l’on peut faire. Un médiateur, c’est le lien, c’est le lien entre l’environnement, je dirais dans un sens large et l’apprenant, entre les contenus et l’apprenant et entre les apprenants entre eux, et tout le problème est là. Je veux dire, on est bon ou mauvais médiateur. La pédagogie de la médiation, je sentais que c’était utile, on pouvait transvaser toute la pédagogie que je sentais naître.. ces liens qu’on peut faire, mathématiques, français, organisation de la pensée, moi je trouve ça formidable.’. On peut souligner en l’occurrence, que par tempérament et par charisme elle fût à l’initiative d’unions, de liaisons, de communications, entre des personnes autour d’une activité créative, culturelle, ’j’ai crée un théâtre de marionnettes, je parcourais tout avec mon théâtre de marionnettes, le jeudi, je dirigeais une chorale, j’étais monitrice très jeune, j’étais ’jeannette’ cheftaine, j’ai fait des colonies de vacances en tant qu’intendante, j’ai fait pleins de trucs dans le cadre d’encadrement de jeunes et sur le plan religieux, à l’époque j’étais très croyante, j’ai mobilisé les foules, faire adhérer tout çà...j’avais le sentiment d’aider les gens à progresser. Puisqu’on avait un moyen autant le prendre, c’était bête de rester dans son coin. J’ai donné des cours de danse pendant des années.’. Elle perçoit une mission, une vocation à donner, à aider, ’Je crois en une mission, alors c’est peut-être très présomptueux de ma part,... qui est de donner, d’aider. J’ai été je dirais presque programmée pour ça.’. Elle est persuadée - tout en pensant que c’est effrayant d’avouer cela - qu’ indépendamment de telle ou telle méthode, la libération du potentiel est indissociable de la rencontre d’un médiateur dont l’amour charismatique est susceptible de propulser. ’Moi je dis qu’il y a toujours quelque chose à faire que les angles d’attaque ça peut être le PEI, ça peut être la gestion mentale, mais qu’on trouve toujours son maître à un moment déterminé de sa vie et que ça fait partie d’un cursus de vie, d’un projet de vie individuel, et qu’il y a des restaurations qui se font à dix ans à vingt ans à quarante ans à cinquante ans je dirais même. Qu’on peut découvrir toute une partie de son être et de son potentiel quelque soit son âge, parce-qu’on a fait une rencontre un jour. Et cette rencontre, c’est le médiateur, c’est le maître, c’est le gourou appelez cela comme vous voulez, mais c’est affreux de dire ça surtout que vous enregistrez, mais ça va au-delà d’une démarche simplement scolaire. Je crois qu’à un moment donné on a une évolution spirituelle, et quelque soit l’individu, même le plus frustre, celui qui nous apparaît comme tel, il rencontre un jour quelqu’un qui débloque, qui débloque quelque chose pour lui, bon alors à un niveau de la sphère cognitive, à un niveau humain, à un niveau de recherche personnelle, ou à un niveau même physique, il y a des déblocages qui se font.’ ’ça tient au charisme, à la personnalité de l’individu, au médiateur, à la façon dont il se présente par rapport aux enfants, à l’amour qu’il a vis à vis des autres, à sa disponibilité, à ce qu’il a envie de faire passer. Je vois des gens hautains qui prennent le PEI comme un plus, une technique supplémentaire à leur CV à la limite, ça passe pas trop, je veux dire à la limite, on peut être un excellent médiateur en dehors du PEI et heureusement qu’il y en a, .. parce que le système pédagogique français serait tombé en désuétude... heureusement qu’il y a eu des gens qui y croyait... mais je dirais avec n’importe quelle méthode à la limite.’. Elle décrit la rencontre avec le professeur Feuerstein comme un moment, certes, émouvant qui n’est pas sans rapport avec son adhésion au PEI, bien qu’elle est pu être déstabilisée en entrevoyant certaines facettes.’On ne sort pas indem d’une rencontre avec Feuerstein et ça a été un évènement, alors que si c’était X. qui me l’avait présenté, j’aurais certainement moins adhéré... C’est un facteur..oui..oui.. bon après je l’ai découvert sous son aspect... bon je veux dire pleins de choses... mais disons euh... le bonhomme, le jour où, point... Enfin il a joué un rôle.. à un moment déterminé point, voilà. Vous savez, je pense on va aussi vers des gens plus facilement, il joue beaucoup là-dessus, mais c’est vrai... c’est peut-être parce que c’était lui. Vous savez dès fois on dit, c’est parce que c’était lui que ... ’Ba’ oui... peut-être c’était sûrement pas étranger.’. Elle pense que dans la vie il est important d’avoir des modèles ce qui n’est pas incompatible avec l’idée d’originalité, de personnalité singulière, ’On a le droit à l’erreur, je ne suis pas quelqu’un d’une rigidité terrible, mais pour être crédible, pour porter le message, faut aussi un modèle quelque -part dans sa vie, dans ses formes de pensée, dans le respect des valeurs que l’on a lancées, je dirais c’est incontournable. Et on souffre peut-être dans certains domaines, d’un certain laxisme à tout point de vue, ’ moi je peux le faire puisque les autres le fond. Un modèle sans pour autant être soumis. Je ne veux pas robotiser les gamins, donner un modèle définitif, un moule. Faut quand même qu’on considère que je leur laisse leur originalité, leur personnalité, que j’essaie de renforcer aussi.’.
ENTRETIEN N° 4.
Enseignant en L.E.P. Pratique le PEI depuis 6 ans.
Le PEI ’est tombé à point’ alors qu’il sentait un certain abattement et un certain découragement, ’on avait un peu baissé les bras, on avait réduit nos innovations, nos réalisations’, mêlé à un ’doute’ qui correspondait à un vécu d’impuissance, ’je sentais au bout d’un certain nombre d’années un manque, il manquait quelque chose.’. Mais son ardeur progressiste, ’je voulais révolutionner encore plus..je voudrais que ça se transforme davantage.’, le maintenait dans une disposition d’écoute en une visée ’d’aide aux enfants en difficulté’ pas simplement de ’relance’.
Cependant il était méfiant vis-à-vis des formations pédagogiques, ’ma première réaction a été une réaction de défense de suspicion’ dans la mesure où il avait le sentiment d’une valse des ’produits’ conforme à la mode en vigueur, ’pédagogie par objectifs, méthode audiovisuelle..’. Dans ce lot il met la gestion Mentale qui l’intéressait à priori eu égard à sa visée compréhensive mais dont il n’avait retenu à la présentation que le classement en auditifs et en visuels, ’je l’avais oublié parmi toutes ces méthodes dont on était venu nous faire la présentation.’. De son point de vue, ces apports confinaient au ’soupoudrage’, ’la formation à l’heure actuelle çà ressemble un peu à du condiment qu’on ajoute comme ça ’, alors que çà lui semblait peu pertinent par rapport à la problématique des enseignants pour lesquels il ressentait finalement ’une très grande faiblesse’. Il perçoit en définitive une certaine inquiétude dans le corps enseignant, ils ont ’des doutes’ et se ’posent des questions de fond’ qui sont de l’ordre de préoccupations finales, ’c’est plus par rapport aux finalités même, qu’est-ce qu’on fait ? et que le taux de réussite ne semble plus être une finalité satisfaisante à la limite, on chercherait d’autres finalités (..) au bout d’un certain temps y’a quand même un certain questionnement qui se pose.’.
Au demeurant, il fût attiré par le ’sérieux’ de la formation du PEI, ainsi que par sa finalité dont il avait l’intuition qu’elle visait le développement global de la personne, ’on travaillait sur la totalité de l’individu, le mental, le cognitif, la vie sociale, professionnelle, de loisir..’. Aussi a-t-il cru déceler dans le PEI une philosophie qui s’accordait et réveillait pleinement ses convictions tout en amendant ses attitudes éducatives, ’Dans la théorie de la médiation, y’a toute une attitude qui est à la fois humaniste, philosophique, j’allais dire religieuse.’. C’est un certain regard, ’je m’efforce de voir d’abord l’humain, de voir d’abord l’enfant, quelque soit la vacherie qu’il a pu faire, le non travail ou sa turbulence.’. Il pense que c’est par ’une certaine approche humaine (..) de sympathie.’, qu’on peut ’rejoindre’ l’enfant et ’l’aider’ véritablement, ’il faut aller vers eux’ plutôt que de le ’cataloguer’. D’où une prédisposition aimante qui suppose un certain calme intérieur, ’Ca a amené des changements, j’étais directif (..) je suis plus calme, on a une relation beaucoup moins de conflit (..) j’y pense beaucoup plus maintenant en entrant en classe (..) être plus calme, mettre du calme en eux, les gens se plaignent, geignent (..) ménager des temps de silence (..) ils sont pressés par le cours, ils sont pressés par un certain nombre de choses (..), on a eu la leçon vous devriez savoir, laissons au temps le temps d’agir (..), ça m’est arrivé de sortir en me disant ’quel conard’, mais j’essaie de faire attention, je vais dire plus aux dispositions intérieures avant de rentrer en classe, çà me paraît extrêmement important, extrêmement important.’. Il a d’ailleurs apprécié ce qu’il a perçu comme une ’approche’, ’respectueuse’ et ’bienveillante’ chez R. Feuerstein qui sollicite chez ’la personne (..) une attitude beaucoup plus dynamique.’.
Ne pas le condamner ne signifie pas le reconnaître en son statut de ’victime’, bien au contraire, c’est refuser l’avilissement, ’je ne t’admets pas comme tu es’, être persuadée d’un nouvel avènement, ’je sais que tu peux aller ailleurs’. Et il partage pleinement cette vision dynamique du potentiel développée par R. Feuerstein, ’il y a des choses fortes chez Feuerstein (..) qui m’ont beaucoup servi’, qui assigne de résister à la ’tentation que l’enseignant à parfois sur un moment de colère, dans un conseil de classe, de dire on en fera jamais rien, on ne doit pas pouvoir dire çà de quelqu’un qui a dix ans ou quinze ans, dans le domaine de la médecine ils continuent d’opérer des gens parce qu’ils disent on peut encore.’. Feuerstein dit ’tu es modifiable’. Ce désir d’élévation l’a séduit, ’y’a le mot élever, si l’élève sent que vous avez envie de l’élever alors ça..ça c’est dur parce qu’on a tendance à rabaisser pas à élever, la modifiabilité c’est çà’. Au demeurant, ce sont des choses qui ont rencontré son intériorité, ’çà m’a beaucoup séduit (..) je veux dire globalement, çà rejoins bien un petit peu ce que, ce qui avait déjà (..) ce que je portais un petit peu en moi (..), en ce sens là çà m’a plu et donc j’ai adhéré, et donc j’ai fait la formation et donc je prêche le PEI.’.
Il y a deux critères qu’il utilise beaucoup c’est, ’le challenge, le défi vis-à-vis des jeunes’, ’tu ne peux pas en rester là (..) tu peux aller plus loin’ et le ’sentiment de compétence’, ’mais je dis tu vois là tu as des potentialités, tu produis quelque chose’, mais il va falloir solliciter ’l’adhésion’, la ’coopération’ du jeune. Il se refuse à l’assistanat, c’est une question de ’dignité humaine’, ’tu as besoin de ton autonomie, de ta liberté, donc de ta personnalité, en étant exigeant avec toi.’.
Bien souvent, il nous manque un acte de foi,’on s’est dit c’est vrai que çà sera irrécupérable, c’est pas possible (..) mais je me suis dit encore, y’a un acte de foi qui manque là, peut-être cet acte de foi qu’on ne sent pas qu’on lui témoigne là, et qui fait qu’il n’y arrive pas.’. Il faut de la patience et de l’espérance, ’je me dis çà finira bien par venir, et donc aller utiliser le petit potentiel qu’il y a tout le temps, de le rallumer, de le remettre en route (..) de dire allez tu vois çà faut pas que (..) tu te rends compte que ce que tu as dit là, ce que tu as fait ou ce que tu as exprimé, il faut çà que tu le reprennes avec les copains et puis que tu essaies d’aller plus loin, qu’est-ce-que vous pourriez faire, donc le relancer, le stimuler le remotiver en permanence à partir de ce qu’ils ont vécu, attacher beaucoup d’importance à ce qu’ils ont vécu.’.
Il proclame sans ambage sa croyance, ’Je crois dans cet acte de foi de Feuerstein entre autre (..) j’ai l’audace de croire que, je fais le pari de croire que, c’est pas quelque chose de naïf, c’est une conviction (..) c’est pas une stratégie..euh..vis-à-vis de l’autre, c’est du domaine de la croyance.’. C’est un crédo, ’qui se rattache à une croyance plus grande de Dieu qui croit en l’homme, de Dieu qui ose l’homme, de Dieu qui fait le pari de l’homme, qui fait le choix de l’homme, à l’extrême qui fait le choix du pauvre.’.
A son avis, son engagement pour la défense et la promotion des personnes en difficultés, n’est pas sans lien avec son propre vécu de souffrance tandis qu’il n’a pas connu sa mère et qu’il a vécu avec une belle-mère ’très pieuse’ mais dont il regrettait ce qu’il percevait comme une vision ’fataliste par rapport à la vie’, avec l’idée d’un ’Dieu qui dominait, qui écrasait, qui justifiait toutes vos calamités.’. Ca en était arrivé à une certaine ’révolte’, sans compter qu’il vivait ’la marge’ non seulement par rapport à leur état de ’pauvreté’ mais encore selon son statut d’exclu, ’quand vous ne réussissez pas comme tout le monde, vous n’êtes pas aussi docile que tout le monde vous êtes toujours celui qui se fait remarquer..’. Ainsi a-t-il mémoire de souffrances scolaires, ’quand on met un bonnet d’âne sur la tête de quelqu’un, qu’on lui fait traverser la ville, vous voyez ce que ça veut dire ?, y’avait tout ces tableaux d’honneur, les billets de couleur rouge et verte’. D’où cet engagement qu’il réfère d’une certaine manière à sa blessure, ’ça m’a amené à des choix vis-à-vis de ceux qui sont un peu exclus, qui sont marginalisés (..) dans un combat aussi pour transformer les mécanismes qui produisent ce type de marginalité.’.
C’est donc avec beaucoup de dévouement qu’il s’est investi dans des associations à visée humanitaire et qu’il y joua un rôle privilégié. il souligne que ’c’est devenu de la militance’. Il est encore actuellement visiteur de prison et fait partie d’un groupe laïc, d’obédience catholique, d’aide aux femmes prostituées. Il est par ailleurs délégué syndical depuis 1964. son engagement est une sommation par rapport à un état de non recevoir ; l’inadmissible incombe, ’le refus de certaines situations qui deviennent inacceptables, de dégradation de l’enfant, de la femme de l’être humain en général et qu’il faut donc un engagement.’. Cette volonté combative pour la dignité humaine cela ’rejoint bien (..), la vision de Dieu, la vision de Dieu sur l’homme, la vision de Jésus-Christ, d’aller, de rejoindre, de se battre pour amener (..), à un achèvement où chacun aura sa dignité ; c’est ça qui fait que je ne pouvait pas ne pas m’impliquer, bien qu’a un moment donné on a des temps de lassitude.’.
Cette implication responsable il a cherché à la motiver chez les élèves de collège et lycée en organisant avec des frères de l’école des voyages au Burkinafaso, et c’est avec beaucoup d’étonnement qu’il ont constaté l’état de passivité, de dépendance et d’immaturité des élèves, ’y’avait aucune dynamique’ ; tandis que les Africains manifestaient leur curiosité et leur créativité, se demandant ’est-ce qu’on est associable parce que les Français ne discute pas avec nous.’. Les Africains ont donné à voir leur appétence, ’ leur dynamisme, leur esprit collectif, leur organisation, leur expression française, leur maturité’. Dans ce groupe ils étaient pour la plupart impliqués dans des mouvements associatifs c’étaient ’le scoutisme, le théâtre’ ; ils manifestaient leur désir de discuter sur ’des sujets comme la faim, les problèmes du mariage, les problèmes de l’emploi, les problèmes de l’école (..) et nos français étaient là comme des enfants..’.
Son collège de Saint nom lui apparaît pleinement laïc s’il en est notamment le peu d’enseignants et d’élèves qui se sont regroupés pour une célébration du temps de Noël qu’ils avaient organisés au couvent des dominicains ; alors qu’ils avaient invité un couple de chanteurs engagés chrétiens, ils n’étaient en définitive que trente participants, ’je leur dis, on est en terrain de mission’. C’est pourquoi il espère rassembler autour des droits de l’homme en occasionnant des voyages à l’étranger. Parce que l’assignation d’amour ne passe plus tel que, ’on sent qu’il faut adopter des stratégies différentes, que les mots ne sont plus perçus de la même façon (..) le mot amour est sacré, c’est une relation privilégiée avec quelqu’un (..) aimez-vous les uns les autres, çà veut dire que tu as tellement d’importance que je t’aime comme moi-même (..), donc l’attention à l’autre, le respect de l’autre, la dignité de l’autre, tu as de la valeur, je pense que ça passe mieux, on se comprend mieux.’.
En élisant le PEI l’objectif était bien de ’faire avancer l’efficacité au niveau des élèves, le but il est là’ ; que celui-ci acquiert des méthodes réflexes de travail, ’Ce sont des habitudes d’apprentissage..je prends l’habitude de faire un plan (..) quand je suis à l’atelier menuiserie, l’importance de la vérification (..) avoir des stratégies d’apprentissage, des indices, savoir repérer, la maîtrise de soi (..) je constate chez un certain nombre d’élèves le réflexe du principe PEI.’. Et les élèves constatent qu’ils peuvent réellement progresser au niveau de leur fonctionnement cognifif, ’ils se rendent compte à quel point leur fonctionnement cognitif peut être amélioré’, alors qu’ils rendent le PEI responsable, ’Ils m’ont dit le profit qu’ils retiraient (..), ils m’ont dit c’est le PEI.’. Mais il faut noter que la première révolution a été la sienne ; il affirme que le PEI l’a ’beaucoup aidé (..) le premier sur lequel le PEI (..) c’est soi-même’ ; et en arrive même à penser qu’il a eu plus d’efficacité sur lui que sur les élèves. Cependant, il a l’impression qu’il permet à l’enfant de mieux se connaître, ’c’est un temps qu’on prend où on essaie de repérer comment on fonctionne face à une situation (..) on essaie d’être un petit peu un révélateur.’.
Il se rallie à la conception de R. Feuerstein selon laquelle le travail cognitif est voie thérapeutique, alors qu’on pensait surtout à ’régler d’abord les problèmes affectifs.’. Mais s’il voit dans le PEI un moyen d’enrichir et d’épanouir les fonctions cognitives, la visée finale qu’il nourrit est celle d’une ’réconciliation’ de l’élève ’avec lui-même’ ; autrement dit, qu’il s’aime un peu plus, et se sente responsable de son avenir, ce qui suppose de lui donner le sentiment d’une certaine valeur ; il faut l’aider en amendant le ’terreau’ et ’ensoleillant’. Et quand il entend des parents dire : ’il a complètement changé (..), on a plus besoin d’être derrière lui (..) c’est le miracle (..) je dis non le miracle c’est pas nous c’est lui.’.
Il considère ’extrêmement important’ cette réconciliation qui amène confiance et ’sécurité’, ’l’élève qui rentre chez lui avec une pizza, un cake salé, que le soir, ah c’est toi qui a fait çà, ils vont pouvoir l’expliquer communiquer, vous vous rendez compte tout le bénéfice, mais ça,ça figure pas sur un bulletin, c’est pas noté.’. Ainsi, c’est retracer le chemin, les ’remettre en route’, pas sur l’école, parce qu’ils ’vont redérailler l’année suivante ou quelques années plus tard’, mais balayer un chemin de liberté, ’les remettre en route dans une démarche de construction de leur vie, je suis le premier agent de ma construction (..), c’est votre enfant qui va décider, c’est pas moi qui vais t’orienter, c’est toi qui est l’acteur (..) acteur de leur propre développement.’.
Et cette voie de réconciliation est celle de la rencontre d’intelligence, d’une dimension transcendante, qui se révèle dans la réflexion de l’activité et de l’expérience. Ainsi, avec un groupe de Chrétiens Indépendants, il s’interroge sur le fait historique comme lieu du sensé, ’je partie d’une équipe d’ACI, on essaie ensemble de voir (..) quel sens des croyants ont donné à un moment donné à tel fait..de voir s’il n’y a pas eu d’autre faits dans l’histoire des hommes, dans le passé, des faits semblables, de voir pourquoi les gens ont réagi comme çà (..), parce qu’on se dit mais c’est la présence, c’est le signe de quelqu’un qui est Dieu et qui est présent dans la vie des hommes et qui s’exprime par la vie des hommes et qui nous donne signe.’. Tandis qu’avec les élèves il essaie toujours ’de partir du vécu humain’ dans le but de le guider vers l’entendement d’un sens universel, ’essayer de voir ce que tu dis là ça a peut-être un sens (..), j’allais dire d’entendre ce sentiment universel (..), on fait de la transcendance.’. Par exemple le voyage au burkinafasso était prétexte à une connaissance, forte de l’expérience, ’il faut attacher beaucoup d’importance au vécu des gens, qu’il puissent l’analyser (..), le digérer, que ce vécu là les transforme, les amène à ce modifier (..), des élèves m’ont dit après ce voyage, je ne suis plus le même, ça a permis de te modifier, de changer, d’avoir un autre regard, de t’ouvrir et de te sentir peut-être responsable d’un certain nombre de choses, de ta propre vie, de ta propre histoire et on a fait le détour par le burkina pour te faire réaliser ça, comme ces jeunes qui font le détour par le stage, par le contact avec l’artisan.’. Au reste, chercher, sentir et réfléchir les liens entre les expériences introduit l’oecuménisme, ’quand on part un peu des élèves, d’eux-mêmes, quand on fait des liens entre leurs expériences, ce qu’ils ont vécus, ce qu’ils vivent et ce que d’autres leur dise, on essaie de tendre un peu vers l’universel (..), çà me semble une priorité cette éducation à l’universel.’. Et ’le PEI permet de capter tout ça’ notamment par l’invitation faite à rechercher les transferts même si c’est difficile et que çà n’escompte pas les fruits attendus probablement en raison du caractère artificiel de leur éclosion.
Cette invitation à entendre l’intelligence est prise en compte didactiquement, ’On doit dans une séquence de PEI aboutir effectivement à des principes, donc des principes qui ont un caractère universel qui ..euh.. touchent à tout ce qui est du domaine transcendantale à un moment ou à un autre.’. Ces principes ont un caractère d’universalité en raison de leur transférabilité, ’l’outil n’est qu’un prétexte pour amener les transferts’ ; ’c’est la l’intérêt de Feuerstein ce principe que tu as vu dans organisation de point, il est bon aussi pour pleins de choses et on va effectivement essayer de voir dans différents domaines (..), dès fois je leur dis au retour de vacances tiens t’a pensé au PEI..y’a un principe, je me suis souvenu..les principes en question je les ai dactylographié et je les ai affichés en classe (..), de temps en temps ils apparaissent pour qu’ils les ai un peu en mémoire.’; face à la difficulté de solliciter le transfert, il argue du manque de temps en fin de séance.
Pour finir, il indique que c’est ’une démarche éducative humaniste’; elle introduit finalement une plus grande connaissance par l’expérience de sens. Il y a en réalité un héritage du sens, ’ce que l’autre dit çà s’enracine dans quoi, dans une expérience, dans un enseignement, dans une tradition, dans un rite, dans un sens.’ ; et il a été conduit à penser que les principes ressemblaient à des ’maximes’, à des ’proverbes’, ’Feuerstein quand il dit la maîtrise de l’impulsivité (..) tourne la langue sept fois dans ta bouche avant de répondre finalement c’est du Feuerstein.’. Et ces ’principes d’éducation’ ont à son avis quelque chose à voir avec le ’bon sens’.
Telle la parabole du semeur, il se rallie à l’idée de création,’on est toujours quelque part le fruit des autres.’, et il a la mémoire vive d’un frère qui à été édifiant parce qu’il faisait la lumière sur son humanité propre, en lui montrant sa valeur, ’ca a été le témoignage à l’âge de quatorze ans d’un prêtre qui était frère à l’époque (..), son attitude à l’autre, la capacité de voir dans un élève autre chose, pas uniquement son côté résultats scolaires ou sa turbulence et de dire que ce qu’il avait repéré chez toi c’était important, ça avait de la valeur’ ; et en lui indiquant le chemin de sa vocation, celui du service du prochain, ’incontestablement ce frère nous avait bien sensibilisé sur cette ouverture à l’autre et entre autre à celui qui était dans la souffrance et la difficulté, et on avait fait des actions qui me sont restées profondément, qui ont été des choses extrêmement importantes et çà avait sans doute été quelque chose qui avait déterminé mes orientations certainement.’. Or il lui semble qu’à son tour, il est écouté et entendu dès lors qu’il en appelle au bon sens, à une philosophie humaniste que les élèves sont prédisposés à accueillir, ’Je veux dire modestement du pouvoir sur les élèves en ce sens que, les idées, les directions, la philosophie éducative, je sens que lorsque j’en parle avec eux, lorsque je le dis, lorsque je le proclame même, c’est de l’ordre de la conviction, c’est écouté.’. Il se dit utopique croyant ’aux vraies utopies (..), je pense qu’il faut des gens qui soient des utopiques.’.
Le vrai pouvoir de l’homme est sa puissance créatrice, ’le pouvoir il est dans les idées qu’on sèment, j’ai pas besoin d’avoir un titre ici pour avoir du pouvoir, il est dans la direction qu’on trace, et là modestement je sais que j’ai du pouvoir (..), en fait le vrai pouvoir c’est de permettre à l’autre de s’élever et c’est çà qu’on doit exerçer..je pense en horticulture pardonnez-moi l’expression, mais de dépoter et rempoter.’. Or, l’élévation est avènement d’intelligence, ’on retrouve la démarche du médiateur, cheminer avec eux dans cette démarche d’ouverture, j’allais dire en les amenant à.....donner du sens, de la signification.’. Permettre l’avènement d’intelligence c’est quelque chose ’qui est de l’ordre de la construction de l’humain, et c’est çà qui me paraît important’. Ca suppose une vocation responsable qui est imminente mais éducable parce que libre ’l’objectif est bien d’amener ces élèves à dire bon comment moi comment je peux m’impliquer, comme quand dit que l’autre doit devenir médiateur, c’est que l’autre va être utilisé comme médiateur par rapport à son copain et que le copain va être médiateur, il va y avoir réciprocité.’.
Cette puissance créatrice ressort d’une attitude qui outre une disposition du regard, outre le respect et l’exigence, relève également d’une attitude transparente et authentique, selon ’un discours de vérité’ qui pour l’élève réverbère ce qui fonde son humanité. De lui dire à la fois ’tu connais et tu as connu des difficultés’, mais aussi, ’tu as ton avenir, tu es capable d’apprendre un métier et une formation, d’aller chercher du boulot.’, ’j’ai cru comprendre que ce discours de vérité les avait demasqué.’. Il estime que ’la médiation vient dans la façon d’être en relation avec les élèves.’.
On perçoit à quel point il a cette volonté de rassembler, de favoriser une communion autour d’un projet, d’une idée noble, pour plus d’humanité. C’est ainsi qu’il fût à l’origine de différents projets autour de voyages en Egypte, au Burkinafaso et autour de groupes de réflexion sur les droits de l’homme, ’s’il y a un dénominateur sur lequel on doit pouvoir se retrouver à l’aise, on doit pouvoir rassembler les gens, ce sont les droits de l’homme.’. Il attend beaucoup du partage, des ’rencontres’, des ’découvertes’ espérant même des ’conversions’ chez les jeunes, tandis qu’il s’ingénie devant les ’pesanteurs’ et les ’passivités’. Cette idée de la ’coopération’ et du partage des expériences n’est pas sans lien avec son attrait pour la Pédagogie Freinet, dont il déclare qu’il expérimente encore certaines conceptions, notamment l’idée du journal collectif ainsi que la correspondance. Il se dit d’ailleurs fortement imprégné par ce courant.
Mais c’est aussi dans la pratique du PEI qu’il nous dit solliciter fortement la coopération et le dialogue telle que la médiation le préconise et en vertu de l’idée de richesse des différences. D’où une tendance à la personnalisation, ’la communication verbale, l’échange est très important (..), je les fais tous parler, je lui dis, mais si t’a certainement quelque chose à dire, alors quand l’élève me dit c’est comme mon voisin, je lui dis non t’a certainement écrit autrement, lis-moi ce que tu as écrit et celui-là est plus précis que celui-là.’. D’où l’idée des richesses de connaissance, ’le groupe en fait à toutes ces richesses, et c’est lui qui va se communiquer la connaissance.’. Ainsi la séance groupale du PEI aura cette dimension personnelle qui déjoue toute maîtrise préalable, ’C’est toujours une aventure, on ne sait jamais où ça va aller et comment çà peut se passer (..), l’année dernière j’avais deux groupes de neuf et en faisant la même fiche la séance se déroulait différemment, à cause des apports des uns et des autres.’.
ENTRETIEN N° 5.
Enseignant en collège (Français/6ème-5ème). Pratique le PEI depuis 3 ans.
Finalement, le PEI a satisfait son désir ’d’humanité’ en vertu d’une finalité autre que ’la grosse tête bien pleine’ ; leur faire découvrir qu’on pouvait aspirer pour eux à l’épanouissement de leur personnalité, ’faire découvrir aux jeunes qu’il y avait d’autres types de relations que la relation prof élève qu’ils pouvaient vivre dans leur lycée, avec plus en tête l’épanouissement globale de l’individu’. Prendre le temps d’essayer de comprendre, ’essayer de voir un peu quand un élève avait une difficulté essayer de voir ce qui pouvait se cacher derrière, prendre le temps de discuter avec un peu... la structure éducation nationale prêtait pas beaucoup à ce genre de relation.’. Elle regrette l’assurance affichée des enseignants, ’le côté sûrs d’eux, science infuse’, l’absence d’interpellation de la personne, ’le côté non questionnement sur l’individu, moi je me souviens de ma fille disant, mais je suis pas un cerveau, je suis une petite fille.’. Elle pense que dans le secteur où elle a choisit de travailler maintenant, ’on se pose plus de question.’
Elle souligne que dans sa carrière, elle s’est orientée vers des méthodes qui finalement faisait vivre son intériorité, sa sensibilité cherchante du moment. Elle a élu, et adopté le PEI, mais en l’absence d’un sentiment vital, elle l’abandonnerait probablement,’j’ai l’impression de l’avoir fait mien en particulier au fil des applications, mais je dis pas que je laisserais pas tomber un jour si çà devait devenir une routine, bon ba je laisserais tomber, pour moi les méthodes, il faut que je les vive de l’intérieur, c’est jamais quelque chose de technique comme ça. Y’a des périodes de ma vie où j’ai plus utilisé telle type de méthode parce que je la sentais mieux. Je suis pas entrée en religion avec le PEI, c’est ce qui m’énerve d’ailleurs chez certains praticiens, c’est qu’on a vraiment l’impression qu’il y a des gens qui ont découvert çà comme une chapelle et comme s’il étaient entré en religion, moi je ne ressens pas çà du tout comme ça.’. Elle fait remarquer qu’elle a développer une pratique personnelle du PEI ’J’ai vraiment conscience, plus je fais de groupe, d’en faire une utilisation personnelle, tout en gardant la structure de la méthode.’. Alors qu’au départ elle s’accrochait à la ’technique’, elle a perçu ’une dimension beaucoup plus large... j’ai découvert que çà agissait sur l’individu globalement..’, et qu’il y avait des retombées au niveau des comportements, ’des changements de comportement, des changements de relation entre les gens.’.
Elle pense que son attrait pour le PEI dont elle avait eu connaissance par une conférence à laquelle elle avait cherchée à assister suite au compte-rendu de son chef d’établissement, résulte de la rencontre opportune d’une méthode qui lui semblait répondre très justement aux interrogations et à la recherche motivée qui, particulièrement à ce moment-là, était la sienne, sur l’intelligence et la connaissance. ’J’ai vraiment eu l’impression que ça répondait à des questions que je me posais.. c’est confondu avec une période où on se posait vraiment des questions sur comment apprendre, on était vraiment dans cette dynamique là... j’ai vraiment eu l’impression que c’était quelque chose que je cherchais à ce moment là.’. Elle a entrevu le PEI comme traitant d’un problème fondamental, ’j’ai vraiment eu l’impression que ça posait le problème de fond’ ; comme une perspective prometteuse pour éveiller l’intelligence de l’élève, ’on travaillait vraiment sur les capacités cognitives’ qui, par la voie de l’introspection ouvrait à plus discernement alors qu’elle se sentait épuisée et dépréciée de constater que ses efforts d’enseignement étaient vains, ’D’une certaine manière, j’ai toujours essayer de faire passer les choses pour lesquelles j’avais des difficultés... ça nous arrivait avec des collègues de nous dire dès fois, mais on arrive pas à lui faire comprendre le quart, alors on fait des dessins, des découpages, on avait vraiment l’impression que çà coinçait à un endroit et il y avait des jours où quand je débouchais je me disais que j’étais nulle, après avoir essayé cinquante chose pour essayer de faire passer une notion, et là j’ai vraiment eu l’impression que çà allait aider les stagiaires a voir comment çà se passait dans leur tête pour essayer d’y mettre un peu d’ordre.’. S’agissant de l’influence qu’a eu le PEI, elle fait remarquée que, vivant dans les années antérieures, dans l’agitation professionnelle, Le PEI à été vitalisant, stabilisant, calmant, unifiant et sa pratique s’est inscrite dans la durée, ’Avant j’avais pas l’impression d’une tranquillité.. j’ai eu l’impression de poser mes valises...ça m’a peut-être permis de stabiliser un certain nombre de choses et d’y voir plus clair. C’est-à-dire que là, j’ai pu me sentir un peu plus cohérente... j’ai retrouvé de la cohérence que j’avais pas avant, mais j’ai eu peur de tomber dans la routine aussi et là y’a eu une période où je me suis dit, il faut que j’aille ’bosser’ ailleurs et je suis restée et ça, je crois que ça a contribué a me faire rester là. Oui, parce que, je me suis ressourcée à travers çà, çà m’a permis de concevoir mon boulot différemment ce qui fait que je ne suis pas tombée dans la routine, peut-être que s’il n’y avait pas eu le PEI, je serais peut-être partie travaillée ailleurs.’.
Fondamentalement la croyance dans les possibilités d’ascension personnelle sous-jacente au PEI a particulièrement fait écho à ses convictions alors qu’elle vivait professionnellement dans un climat plutôt dépréciatif, ’dans l’éducation nationale, on passe son temps à mettre des étiquettes aux gens, à dire il est arrivé à ses limites..ça m’en filait des malaises...croire que les gens peuvent progresser...’. Par ailleurs, elle se sentait seule et aspirait à l’échange qui lui manquait, ’je vivais assez mal l’isolement en tant qu’enseignante dans l’éducation nationale et j’ai toujours essayer de travailler en collaboration..ce que j’apprécie dans les conditions de travaille qu’il y a ici, c’est d’abord que j’ai découvert le travail en équipe, çà j’apprécie de pouvoir travailler avec quelqu’un..y’a un travail d’équipe, on ne se sent pas seul face à un stagiaire quand ça va mal, on ne rentre pas chez soi avec tout son paquet, tout seul entrain d’essayer de le résoudre et avoir des insomnies. On peut en discuter avec la psy, avec les collègues, on travaille en collaboration... je trouvais que ça manquait de liens entre les enseignants’. Et puis il y avait toute ’une dimension humaine qui n’était pas toujours évidente à faire passer dans les conditions dans lesquelles ont était...J’en avais ras-le-bol de l’éducation nationale, je me suis toujours sentie bien avec les élèves, mais je ne supportais plus qu’on me fasse faire tout et n’importe quoi..’.
Finalement, le PEI a satisfait son désir d’humanité en vertu d’une finalité autre que ’la grosse tête bien pleine’ ; leur faire découvrir qu’on pouvait aspirer pour eux à l’épanouissement de leur personnalité, ’faire découvrir aux jeunes qu’il y avait d’autres types de relations que la relation prof élève qu’ils pouvaient vivre dans leur lycée, avec plus en tête l’épanouissement globale de l’individu’. Prendre le temps d’essayer de comprendre, ’essayer de voir un peu quand un élève avait une difficulté essayer de voir ce qui pouvait se cacher derrière, prendre le temps de discuter avec un peu... la structure éducation nationale prêtait pas beaucoup à ce genre de relation.’. Elle partage donc complètement la croyance espérante portée par le PEI,’Je crois que d’abord c’est quelque chose d’optimiste, on croit que les sujets sont capables de faire des progrès ça..ba.. je crois que je ne serais pas venue là, si je ne croyais pas que...’ et fût à plusieurs reprises incommodée par les condamnations hâtives,’ Moi quand j’entendais des jugements du genre, ils sont arrivés au bout, ils n’arriveront pas à se dépasser ça.. ba..dans l’éducation nationale, on passe son temps à mettre des étiquettes aux gens, à dire, il est arrivé à ses limites, çà c’était physique, çà m’en filait des malaises.’. Elle regrette l’assurance affichée des enseignants, ’le côté sûrs d’eux, science infuse’, l’absence d’interpellation de la personne, ’le côté non questionnement sur l’individu, moi je me souviens de ma fille disant, mais je suis pas un cerveau, je suis une petite fille.’. Elle pense que dans le secteur où elle a choisit de travailler maintenant, ’on se pose plus de question.’. Elle a constaté avec bonheur que le PEI renforçait la croyance en soi, en sa valeur. ’Moi y’a quelque chose qui me frappe, c’est qu’au bout d’un certain temps on les entend dire, je me croyais bête et finalement, je ne suis pas si bête que çà, une espèce de revalorisation’ ; il motive la fibre aspirante et espérante,’quand il y a une difficulté, essayer de ne pas macérer dedans,..’. Du reste, elle a constaté avec surprise alors qu’à priori elle ne s’attendait pas à ce type d’effet, que le PEI développait chez l’élève une plus grande disposition à l’écoute et à l’analyse compréhensive.’Je ne m’attendais pas à autant de changement au niveau de leur comportement, au niveau affectif, des choses de ce genre, je me suis longuement défendu de penser que c’était une méthode dans laquelle rentrait..j’avais plus l’impression que c’était quelque chose de l’ordre de la prothèse individuelle et je me suis rendue compte que ça modifiait des tas de choses au niveau du groupe et qu’en fait çà modifiait les comportements, les capacités d’écoute à l’autre, la compréhension des phénomènes dans un groupe qu’il y avait aussi un aspect global.’. Elle est convaincue de la fertilité d’une attitude compréhensive qui se fait proche de l’enfant en essayant de rejoindre son intériorité et à contrario de la dimension caduc du recours incessant à des changements de méthodes. ’..Essayer de comprendre ce qui se passait dans la tête d’un stagiaire, pourquoi il n’arrivait pas à comprendre telle ou telle chose....essayer de voir ce qui pouvait se cacher derrière, prendre le temps de discuter...dédramatiser les choses justement en prenant du recul, en analysant. On avait l’impression que çà ne suffisait pas de proposer cinq ou six méthodes si parallèlement on était pas suffisamment attentive à ce qui se passait en face....Ecouter et se faire proche de l’enfant c’est être proche de la vie.’On a l’impression d’être dans la vie là, alors qu’à l’école on avait l’impression d’être sous cloche..on sort des murs de l’école, on est ici en plein dans la vie. On a travaillé sur la justice, bon on a été au tribunal..’. Elle décline une foi athée et méfiante vis-à-vis de la religion.’Je me dis athée et si je trouvais des choses qui justement aient une dimension spirituelle, je suis pas sûre que j’évacuerais pas la page.’.
Quand elle était dans l’Education Nationale, elle était parallèlement engagée dans des associations éducatives, ’Je me suis beaucoup occupée de centre de vacances, les fédérations de parents d’élève, j’ai fait partie du bureau, j’ai été déléguée de parents. Les centres de vacances, çà été de la maternelle au camp d’ado et puis j’ai arrêté. Elle explique cet engagement comme un palliatif qui lui permettait d’oeuvrer et de militer en faveur de la considération de l’enfant dans sa globalité, compte-tenu qu’elle estimait le défaut de projet éducatif dans l’éducation nationale.’J’avais quand même vraiment l’impression qu’il manquait une approche globale, une approche éducative, je pensais que le rôle de l’enseignant était un peu limité, on aurait pu aussi être un peu plus éducateur.. A une période de ma vie, j’ai fait çà non par intérêt vu ce qu’on gagnait, j’ai fait çà parce que c’était à une époque, ça me permettait de vivre des choses que je ne pouvais pas vivre à l’éducation nationale, la prise en charge globale de l’individu, l’approche moins coincée des choses comme ça... l’éducation un peu rigide de certaines familles un peu coincée...donc çà je crois que j’avais besoin de ça.’.
Avant la découverte du PEI, elle était déjà dans une dynamique de recherche compréhensive quant à la démarche mentale des élèves. ’..Autrement en fait j’ai l’impression que pour moi j’ai toujours pratiqué le PEI, la philosophie du PEI, j’ai l’impression que j’y adhérais avant de connaître le PEI parce que ça faisait déjà partie de mon questionnement d’essayer de comprendre de voir comment ils procédaient pour.. d’utiliser beaucoup de brouillon des élèves.. enfin ça c’était dans ma démarche personnelle d’essayer de voir...’. je me suis dit, si lui il en prend conscience de cette démarche...’. Elle y voyait l’opportunité de rendre l’élève ’plus acteur de sa démarche intellectuelle’ et en même temps ’plus conscient’ soulignant que c’est l’aspect qui l’a particulièrement intéressé, d’autant plus qu’elle avait elle-même vécu ’dans l’expérience l’adéquation de me rendre plus conscient de quelles sont les stratégies, les repères les choses comme ça’.
Elle souligne que dans sa carrière, elle s’est orientée vers des méthodes qui finalement faisait vivre son intériorité, sa sensibilité cherchante du moment. Elle a élu, et adopté le PEI, mais en l’absence d’un sentiment vital, elle l’abandonnerait probablement,’j’ai l’impression de l’avoir fait mien en particulier au fil des applications, mais je dis pas que je laisserais pas tomber un jour si çà devait devenir une routine, bon ba je laisserais tomber, pour moi les méthodes, il faut que je les vive de l’intérieur, c’est jamais quelque chose de technique comme çà. Y’a des périodes de ma vie où j’ai plus utilisé telle type de méthode parce que je la sentais mieux. Je suis pas entrée en religion avec le PEI, c’est ce qui m’énerve d’ailleurs chez certains praticiens, c’est qu’on a vraiment l’impression qu’il y a des gens qui ont découvert ça comme une chapelle et comme s’il étaient entré en religion, moi je ne ressens pas çà du tout comme ça.’. Elle fait remarquer qu’elle a développer une pratique personnelle du PEI ’J’ai vraiment conscience, plus je fais de groupe, d’en faire une utilisation personnelle, tout en gardant la structure de la méthode.’. Alors qu’au départ elle s’accrochait à la ’technique’, elle a perçu ’une dimension beaucoup plus large... j’ai découvert que ça agissait sur l’individu globalement..’, et qu’il y avait des retombées au niveau des comportements, ’des changements de comportement, des changements de relation entre les gens.’.
Elle est convaincue que la responsabilité première de l’enseignant est éducative,’Je suis intimement persuadée du rôle important de l’enseignant..Le rôle le plus important c’est l’éducation. Eduquer la liberté c’est révéler la puissance d’entendement. C’est dire, d’un côté, développer une conscience de valeur et de compétence ’les rendre un peu plus conscient des capacités qu’ils ont, afin de les rendre plus fort et de fait, plus autonome, ’les rendre plus sûrs d’eux..moins dépendants de l’entourage...je pense que dans la mesure ou on revalorise un individu on le rend plus fort, plus apte à se confronter à la réalité.’. Et de l’autre, développer leur potentiel d’intelligence afin d’avoir une meilleur capacité de déchiffrement et de choix,’les rendre plus aptes à comprendre le monde dans lequel il vivent..dans la mesure où ils sont mieux capable d’analyser une situation dans tous les domaines..de prendre du recul... que ce soit une situation professionnelle, que ce soit une situation affective, on les rendra plus aptes à trouver la réponse adaptée.’. Elle explique qu’elle a d’ailleurs été le témoin de renaissance, ’Y’a quelque chose qui me frappe.. on les entend dire je me croyais bête et finalement je ne suis pas si bête que ça.’.
Dès lors, elle a tout de suite souscrit à l’idée de médiation, ’j’ai adhérée d’emblée’ parce que ça lui ’parlait’ et que, de son point de vue, celle-ci devrait normalement correspondre à l’attitude et au positionnement de l’enseignant ’j’avais l’impression que c’était comme çà que devait être un enseignant..servir d’intermédiaire’; elle rejoindrait ’la fonction maternelle de la mère qui essaie de faire comprendre à l’enfant’.
Elle n’a pas rencontré le professeur Feuerstein et le côté initiatique et charismatique l’agace. D’une autre façon, à une certaine époque elle fût particulièrement sensible aux écrits de C. Freinet, J. Piaget, C. Rogers, M. Mannoni, B. Bettelheim. S’agissant particulièrement de C. Freinet elle souligne un certain attachement affectif à son égard, disant qu’elle a perçu l’homme derrière les écrits ; tandis qu’elle admirait le pédagogue et le militant politique.’Y’a des auteurs qui m’ont branchée beaucoup à certaines périodes, Freinet, y’avait un peu de çà dans ce que je faisais dans l’éducation nationale..dans les auteurs y’avait Piaget, mais c’était plus intellectuel, c’était pas affectif, tandis que dans Freinet y’avait toute la dimension, l’homme que je pensais derrière ses écrits me touchait. Autrement Rogers.. y’a eu Mannoni, y’a eu Bettelheim. Je crois que j’ai piqué un peu partout.’.
Elle perçoit les rencontres et les échanges comme potentiellement fertile, et elle s’y engage, ’J’ai fait partie d’associations de quartiers, là j’ai adhéré à l’échange de savoirs, je vais apprendre le Français à une espagnol et elle va m’apprendre l’Espagnol’ ; c’est pourquoi elle mobilise l’élève dans cette direction, ’Créer des liens avec les autres, le côté recherche conviviale, leur faire découvrir des lieux où ils peuvent faire des rencontres, participer à des choses.’. Elle exprime clairement que quand elle était dans l’Education Nationale, elle souffrait du manque de liens, de relations, de partage entre les enseignants, ’Je vivais assez mal l’isolement en tant qu’enseignante dans l’éducation nationale, je trouvais que çà manquait de liens entre les enseignants.’.
’La médiation c’est quelque chose qui m’a parlé d’emblée parce que j’avais l’impression que c’était comme çà que devait être un enseignant. Je trouvais qu’il y avait quelque chose du même ordre dans la fonction maternelle de la mère qui essaie de faire comprendre à l’enfant, qui sert d’intermédiaire. Donc cet aspect de la médiation, j’ai adhérée d’emblée, c’est l’aspect du PEI qui me parle le plus, plus que le côté...’.
ENTRETIEN N° 7.
Enseignante en SEGPA. Pratique le PEI depuis 10 ans.
Alors qu’une collègue semblait avoir perçu le PEI ’comme un complet embrigadement, un entraînement complètement rigide’, elle cherche ’à comprendre pourquoi les gens le vive comme ça’ car elle est ’imperméable’ à cette vision et perçoit le PEI, comme ’une libération’. En réalité elle fût très enthousiasmée par la présentation qui leur avait été faite, des travaux du professeur Feuerstein, et désira ardemment se former le plus rapidement possible. Son intérêt immédiat s’origine par le fait qu’elle a reconnu des idées qu’elles nourrissaient personnellement. Notamment ce regard fervent sur l’élève, la croyance dynamique dans ses possibilités d’évolution. A noter que cette philosophie résonnait à sa propre culture puisqu’étant elle-même Israélienne d’origine, elle retrouvait ses bases. ’Ca faisait écho en moi, à toute une éducation, qui est bien connue de tout le monde, la mère juive qui dit à son fils tu es le plus beau mon fils et tu vas réussir, tu es le plus intelligent et c’est vrai que ça aide quoi, dans la vie.’. Finalement, ’ on a adhéré, c’est parce qu’on avait çà en nous, mais çà nous a donné une impulsion peut-être.’. L’objectif de structuration cognitive correspondait également de façon adéquate aux déficiences qu’elle percevait chez ses élèves, ’C’est vrai qu’on s’est aperçu que toutes ces déficiences cognitives dont parlait Feuerstein, nos gosses, il les avaient, donc c’était très jouissif de se dire tient, il y a quelqu’un qui a travaillé et que c’est vrai que çà marche.’. Et puis elle a perçu le reflet de sa propre image ce qui a renforcé l’affirmation de son identité et stimulé sa recherche, ’c’est pas modeste, mais que si çà avait marché dans l’enseignement dès le départ sans aucune formation, c’est que sans le savoir, j’étais une bonne médiatrice... c’est bien ce que je fais, je suis dans la bonne voie. C’est très rassurant...ça m’a conforté dans ma façon de faire ; nous aussi on a besoin de revalorisation narcissique.’. Suite à la formation initiale, l’adhésion fût enthousiaste et pleinière, et la pratique, immédiate. Le PEI, constitua alors pour elle et une autre collègue un objet salvateur ’adoré’, alors que jusqu’ici elles vivaient l’insécurité associée à des finalités et des objectifs indéfinis. ’C’est vrai qu’on a adhéré, on s’est accroché à çà comme à une ancre, parce que jusqu’à présent personne ne nous avait jamais donné un outil. Que faire de la pédagogie spécialisée en France.. on a pas de livre, on a pas de conseils, on a des inspecteurs qui s’y connaissent moins bien que nous, on sait pas où on va, on sait pas les objectifs que l’on cherche.’. Sans compter que du point de vue technique, il y avait une structure sécurisante, ’c’est très rassurant d’avoir l’instrument, nos feuilles, nos cahiers, çà se fait dans un certain ordre. C’est très structurant, on sait où on va, on sait ce qu’il faut faire... Là pour moi, on est sécurisé, y’a un espèce de ouf de soulagement. On dit au moins une heure par jour on sait ce qu’on fait.’. Malgré les obstacles divers, leur fidélité au PEI depuis dix ans s’explique par la solidarité interne au groupe de travail, tandis qu’elle a eu écho d’abandon dû à une solitude dans l’exercice de la méthode. L’imprégnation progressive du PEI a eu pour effet de bouleverser sa pédagogie dans l’ensemble des autres matières, ’C’est vrai que notre façon d’enseigner, alors là je parle vraiment de la pédagogie, français, maths, histoire, géographie, à complètement changée. C’est-à-dire que vraiment on a fait autrement.’.
Elle proclame sa conviction fervente concernant les ressources personnelles de ses élèves, et déplore le constat répété du pessimisme et de la morosité enseignante. Arrivée en SES, elle s’est retrouvée dans une équipe dynamique qui avait foi dans le potentiel des élèves, ’qui croyait dans ces gosses, qui voulait en sortir un maximum, qui ne les considérait pas du tout comme des crétins.’ En découvrant le PEI elle a tout de suite reconnu cette croyance qui lui est propre, ’ça correspondait à ce qu’on avait en nous profondément, cette croyance du gosse, de l’amour du gosse, de l’envie que çà marche, que l’homme est modifiable, qu’on a pas un QI pour la vie, qu’il ne faut jamais désespérer de l’être humain, qu’il faut toujours essayer de faire quelque chose pour lui... Parce que, nos élèves ne sont pas des débiles, attention ! Ils ont parfois des QI de 70-75, c’est vrai, mais c’est absolument pas rigide, c’est pas fixe, c’est pas vrai. Moi je suis sûre qu’on reteste ces gamins quatre ans après, ils n’ont plus le même QI.’. Croire en eux, leur faire confiance, c’est élever le niveau d’exigence, par exemple, en leur faisant connaître et acquérir un vocabulaire riche, ’ca aussi, c’est une découverte pour moi, c’est qu’on pouvait leur donner un vocabulaire, même compliqué qu’ils pouvaient complètement assimiler.. et çà c’est très libératoire.. avant j’osais pas ou j’étais pas modeste, j’osais pas leur donner le vocabulaire. Je dis le vocabulaire concret de tous les jours, mais aussi le vocabulaire abstrait.’. C’est croire qu’il leur est possible de rejoindre l’intelligence, ’un enfant débile, çà peut atteindre l’abstraction, mais il y a encore aujourd’hui en 1995, des inspecteurs qui pense que çà ne marche pas. Qui viennent voir une leçon de PEI, qui disent : ’c’est bien votre truc, mais vous auriez dû leur faire prendre des ciseaux et du papier.’. Et bien non justement !, pas de ciseaux, pas de papier, on fait dans la tête, et çà marche très bien.’. Elle est désespérée et écoeurée de voir et d’entendre le défaitisme ambiant dans le collège, ’je dis que malheureusement je vois autour de moi qu’ il y a beaucoup de gens qui ne sont pas à leur place, et que malheureusement des professeurs de collèges... je fais une critique en général... il y a des cas particuliers de gens formidables, mais il y a encore quand même beaucoup de professeurs qui ne croient pas dans le potentiel des élèves, et çà c’est dramatique ! Il y a quand même beaucoup de professeur qui viennent la ’gueule’ aux pieds, leur cartable à la main et ils ont l’impression d’aller à l’abattoir. Et ça, moi çà me rend malade.... Ca me paraît essentiel, comment peut-on faire ce métier, si on n’aime pas les gosses, si on ne croit pas qu’on peut les modifier, comment peut-on encore voir des professeurs crier à une classe vous êtes nuls. Moi, ça me rend malade et j’entends çà très souvent dans mon collège. Je ne pense pas que mon collèges soit le reflet d’une particularité. Mon collège, il est le reflet du collège en général.’. Elle rencontre des enseignants pleins d’un savoir diplômé, qui considéreraient principalement les élèves qui entretiendraient leur jubilation, ’.. des professeurs ont une image d’eux-mêmes, moi je sais tout : ’Moi j’ai été formé, comprenez, je suis agrégé ou certifié. Moi j’ai été formé pour apprendre le malade imaginaire en sixième, alors ceux qui ne sont pas capable de comprendre le malade imaginaire en sixième et bien tant pis pour eux.’. De son point de vue, il y a un non sens à leur faire lire les Lettres de mon Moulin ou la chèvre de monsieur Seguin alors qu’’ils ont onze ans, qu’ils vivent à Paris dans un HLM, parle le ’Verlan’.. c’est dégouter à tout jamais de la lecture.’. Disons que sa ne va pas dans le sens de leur intériorité ; il faudrait leur faire lire ’des choses dans lesquelles ils se projettent, si un enfant ne se projette pas dans ce qu’il lit, il peut pas adhérer, au départ, après on peut l’amener dans l’imaginaire... j’ai pas pu m’empêcher de lui demander : et ça les intéresse ?’.
Cette ferveur croyante et espérante ne saurait être l’expression d’une aspiration en Dieu mais d’une croyance en l’homme.’Quand je dis spiritualité, c’est.. c’est la croyance en l’homme, quoi. Il n’y a pas de Dieu dans la spiritualité dont je parle, c’est croire en l’homme, croire qu’on peut le tirer de sa médiocrité, qu’on peut en tirer quelqu’un qui va avoir une vie avec une image de soi où il va se supporter.’. En tout cas, elle s’interroge vis-à-vis de la religion et recherche la réalité divine, mais espère plutôt en l’homme. ’La recherche d’un Dieu, le recherche d’un être, je l’ai profondément en moi et que je ne suis pas la seule.. J’ai toujours été en questionnement vis-à-vis de la religion. Je sais toujours pas si je suis croyante ou pas. Donc pour moi, je suis toujours en questionnement. Je suis toujours à la recherche de quelque chose et je crois que finalement aujourd’hui, je crois surtout en l’homme, plus qu’en un Dieu..’.
Elle exprime une sensibilité aiguë pour l’amour blessé, ’C’est insupportable d’être un enfant qu’on aime pas pour x ou y raisons. d’être un enfant qui rate tout, d’être un enfant qui est nul, d’être un enfant mongol au sein de l’école et puis chez lui d’être un enfant rejeté. Comment voulez-vous que l’enfant puisse être à l’aise dans sa peau. C’est insupportable.’. Elle relie cette émotion de la meurtrissure, à la blessure physique imprimée par le manque d’amour de sa mère.’Une mère rejetante qui ne s’occupe pas de vous, ça c’est une blessure physique, elle est morte folle dépressive..’. D’où son attirance pour les enfants affectés, ’donc cette blessure a fait certainement que j’ai été portée vers des enfants qui me semblaient dans un vide affectif, ça c’est certain, ces enfants qui sont souvent mal aimés, pas aimés, rejetés, me parlent, c’est évident.’. Comme si ce don d’amour permettait l’expression de renaissance, ’ce qu’on donne, on le reçoit. Quand on voit une réussite d’un enfant, on dit, on l’a sorti de sa blessure, on l’a valorisé, il réussit, il se sent mieux, il se sent moins rejeté, il se sent une personne humaine, entière complète et reconnue, ça guérit soi-même, ça renvoie à sa propre blessure. On se guérit en guérissant les autres.’.
D’où son engagement vocationel auprès des enfants démunis, ’Les gens qui choisissent de rester dans l’éducation spécialisée, c’est vraiment des gens qui ont réfléchis parce que çà peut pas être une motivation financière.’. On perçoit d’ailleurs précisément une forte implication personnelle dans la défense et la promotion des plus faibles. Ainsi, elle dépeint la ’force’ de sa personnalité comme quelqu’un capable ’de s’opposer, en liberté, aux idées reçues’. Elle défendait notamment que, si
un enfant sortait d’une classe de perfectionnement, ce n’était pas en raison d’une mauvaise orientation préalable, mais c’était parce qu’il s’était modifié, ’Je ne disais pas modifié à l’époque, c’était pas un mot qu’on employait, mais je disais non, que c’est un gosse qui a fait des progrès, qui a acquis des choses et qui maintenant peu retourner dans le cycle normal. Mais ça ne se faisait pas, c’était très mal vu et on estimait qu’un gosse qui avait 75 de QI, il devrait toute sa vie avoir 75. Et je m’en souviens très bien on me disait, si l’orientation avait été bonne, si vous aviez vraiment eu que des débiles, parce qu’on disait débiles à l’époque, et bien normalement, il aurait dû rester avec vous.’. Mais elle se souvient aussi, qu’elle avait des doutes, qu’elles n’était pas sûr d’elle, ’J’avais des doutes.., c’était moi pauvre petite enseignante de rien du tout, j’étais capable de faire progresser un gosse qui normalement n’aurait pas du progresser. Donc c’est très difficile à défendre comme opinion. Donc c’est vrai que je n’avais pas beaucoup d’arguments, et que bon moi j’étais contente qu’on sorte le gosse. Qu’on me dise que c’est une mauvaise orientation et bien tant pis. Le principal pour moi, c’est que le gosse, il est retrouvé le circuit ordinaire. On peut le retrouver à seize ans apprenti, puis travaillant, ayant son CAP, et puis revenait me voir quelques années plus tard, marié, des enfants et se débrouillant très bien, ce qui m’est arrivé.’. On perçoit sa motivation interne, son engagement personnel et sa préoccupation responsable envers ces jeunes, ’Ces gosses on avait envie de les sortir de là, de ne pas les laisser dans leur ignorance, à ce que je dis toujours, de leur faire faire des crêpes, des dessins, de les occuper quoi. Et puis qu’ils se tiennent calme et qu’ils n’embête pas les autres. Non on voulait les sortir de là, qu’ils deviennent comme les autres parce qu’on sent en eux un potentiel, c’est-à-dire de dire que ces gosses on peut les porter plus loin.’. Elle souligne toute l’énergie et la force nécessaire pour l’exercice d’une activité qui demande beaucoup d’implication personnelle, ’Il faut beaucoup d’énergie pour faire la classe, beaucoup d’énergie. Parce qu’on voit çà sur le terrain, la moindre dépression ou la moindre fatigue, le moindre problème personnel, fait que d’un coup, la classe ne marche plus, c’est la catastrophe. Je veux dire si vous avez la moindre faiblesse, je pense que c’est valable pour tous les enfants et particulièrement pour ces enfants là qui vivent quotidiennement face à des gens faibles, déprimés avec des problèmes matériaux insurmontables’.
Son aspiration à comprendre les comportements humains l’a orientée a étudier dans le champ de la philosophie ainsi qu’en sciences sociales. A l’issue de son Bac, elle a suivi une année de philosophie, ’en philosophie Freud m’avait attiré’, et elle était ’très intéressée par la psychologie.’. A la recherche d’un emploi, on lui a proposé, par hasard, d’être institutrice. Cette idée ne lui avait jamais effleuré l’esprit puisqu’elle souhaitait plutôt faire du journalisme ; et comme elle a émis que la psychologie l’intéressait, on lui a proposé de faire de la pédagogie spécialisée. Elle s’est donc retrouvée en classe de perfectionnement, ’ils étaient debouts sur les tables, ils se lançaient des portes-plumes. Je me suis retrouvée devant ces gosses, sans absolument savoir quoi faire, je ne savais pas ce qu’on attendait de moi.’. Elle explique qu’elle a essayé de reproduire ce qu’elle avait vécue plus jeune dans une école privée Alsacienne qui, de son point de vue, ’était en avance sur son temps d’une bonne vingtaine d’années’. Et elle a obtenu un certain succès, notamment au niveau des comportements des enfants, ’Le succès à l’époque, c’était que les gosses se tiennent tranquilles, qu’ils ne fassent pas de bêtises, qu’on ne les remarque pas, qu’ils se tiennent à carreau, point de vue pédagogique, on nous foutait à peu près la paix, pas à peu près, complètement, surtout le directeur.’. On lui a donc proposé de passer son CAP, puis son CAEI. Suite à l’année de philo post-bac qu’elle avait ’adorée’, elle a repris des cours de psychologie avec autant de motivation, ’On nous a donc enseigné la psychologie clinique, la psychologie de l’enfant, enthousiasme complet de ma part, une année de bonheur..après une année de formation, de lecture, de découverte et d’enthousiasme, une seule envie, c’est d’aller plus loin.’. Mais elle est tombée enceinte et s’est arrêtée quatre ans pour élever son enfant ; elle a profité de ce temps pour passer sa maîtrise de psychologie clinique. Elle eu l’impression d’avoir enfin la formation dont elle avait besoin pour exercer son métier, ’véritablement et convenablement’. Elle souligne qu’elle a toujours eu ’une attirance pour tout ce qui est étude des comportements humains’. Elle a repris un an son travail, puis est tombée enceinte à nouveau et s’est arrêtée encore cinq ans, pendant lesquels elle a beaucoup lu, ’je me suis penchée sur la psychanalyse plus que sur la psychologie’, sa maîtrise de psycho ayant été très orientée vers la psychanalyse, ’ bien que je n’ai pas fait d’analyse personnelle’. Alors qu’elle pratiquait le PEI depuis déjà quelques années, elle est retournée à la fac pour faire une DESS ’qui portait sur l’entretien clinique’ qui lui a fait travailler sur la sphère familiale.
Elle sollicite chez l’élève, son instinct aspirant, sa disposition d’ouverture au sens transcendant. Ainsi, elle invite l’élève à intérioriser une démarche mentale d’interrogation quant à la dimension transcendante à l’exercice qui relève ’de l’aura’ de la consigne littérale. ’On dépiaute les choses : Qu’est-ce que je cherche ? Quest-ce que je sais ? Ou suis-je ? Ou vais-je ? Qu’est-ce qui est inutile dans ce texte ? Quels sont les mots clés ? ... Pourquoi ?, comment ?’. Dès lors, elle a perçu objectivement une évolution d’attitude chez les élèves inclinés à être des chercheurs de sens en liberté, ’Vous avez en cinquième des élèves qui deviennent drôlement exigeants, qui sont d’une pertinence dans leur questions, on ne peut plus leur raconter n’importe quoi. Pourquoi on me fait faire çà ? Quel est l’objectif ? A quoi çà va me servir ? Pourquoi on me fait faire la recherche de la circonférence du cercle ? On ne peut plus leur faire faire n’importe quoi parce qu’ils vous disent : pourquoi ?, çà va me servir à quoi ? C’est un service de liberté,’On arrive moins à les manipuler puisqu’on leur donne les clés..’. Tandis qu’on leur donne ’les mots pour le dire.. ces mots leur donnaient enfin la possibilité de parler et de dire ce qu’ils ressentaient, ce qu’ils vivaient’. C’est alors source de croissance, ’Pour eux, c’est très libératoire, très source de progrès.’. A partir de cette vision des choses qui s’est développée sur trois ans environ ’ça a complètement changé’ la’façon de faire’ car ils ont perçu l’importance d’éveiller à la transcendance interne aux apprentissages ’ce qui était important, c’est de faire ce qu’on appelle le’ bridging’, le pont avec les autres matières. On a beaucoup travaillé là-dessus..on avait évidemment pas la même attitude.’.
Pour faire la part des choses, elle souligne que si elle portait en elle la croyance en la modifiabilité humaine, la découverte de l’ensemble théorique autour des déficiences cognitives spécifiques, à été une réelle connaissance, ’c’est vrai que bon, les déficiences cognitives çà a été une découverte. Bien sûr, je me rendais compte que ces gosses avaient des manques quelque part. Manque affectif, çà je l’avais trouvé toute seule. Qu’on ne croyait pas en eux, çà aussi je l’avais découverte toute seule ; que s’il avaient quelqu’un en face d’eux qui croyait en eux, qui les aimait pour ce qu’ils étaient, çà leur faisait beaucoup de bien, çà je l’avais trouvée toute seule, mais c’est vrai qu’au côté vraiment déficience cognitive, c’est-à-dire pas savoir s’organiser, pas savoir rentrer les indices... ça c’est vrai c’est une découverte... Voilà, çà c’est vrai !çà m’a ouvert des horizons.’. Elle indique qu’elle a obtenu d’excellent résultats en utilisant la pédagogie du PEI appliqué à l’apprentissage de l’anglais, ’ Je vous assure, j’ai des résultats en Anglais au bout d’un an qu’on jamais eu les profs d’anglais qui s’occupent d’eux maintenant. Ca, tant pis pour la modestie, hein, çà c’est sûr. Parce que je faisais ma feuille d’anglais..exactement comme une page de PEI. Il recherchaient les indices, faire des hypothèses, qu’est-ce que çà peut bien vouloir dire ? Et bien je vous promets qu’avec des gosses qui n’avaient pas un mot d’anglais, en travaillant comme ça on n’avait pas besoin d’un dictionnaire...Voilà, et on peut évidemment, faire le français, les maths, exactement de la même façon....’
Faire que l’élève ait l’expérience, la connaissance, le sentiment de son progrès.’Il le sent, il faut qu’il voit sa progression, c’est complètement lucide. Les feuilles de PEI sont tellement bien faites, qu’elles sont faites pour que le gosse voit sa progression. Il y arrive, il le voit, il voit le résultat de ses efforts, y’a la revalorisation narcissique.’.
Avec le PEI elle travaille beaucoup sur l’attention sensible à l’autre, à travers le respect des différences et l’entraide.’On se retrouve avec des gosses qui ont un passé scolaire et personnel très lourd et on travaille beaucoup sur l’acceptation des différences. L’acceptation de l’autre qui n’est pas forcément la couleur de peau ; on travaille beaucoup sur l’acceptation de la différence intellectuelle, c’est-à-dire qu’on ne ricane pas sur quelqu’un qui rate un exercice, on l’aide à trouver pourquoi il a raté quelque chose. On cherche chacun à s’aider à s’entraider. Les plus forts aident les plus faibles.’.
De son point de vue, ces enfants qui vivent le plus souvent dans des milieux peu structurants ont besoin de modèles d’identification pour construire leur identité propre. Ils ont besoin d’être encadrés par des enseignants ayant une certaine stabilité, une certaine force dynamique, et manifestant une certaine allégresse, ’Je trouve que c’est une notion que l’on a complètement perdue dans l’éducation nationale cette notion de modèle. On dit aux enfants, c’est vachement mauvais de fumer et qu’est-ce qu’ils voient dans la salle des profs, des instits qui clopent, et la moindre dépression ou la moindre fatigue, le moindre problème personnel, fait que d’un coup, la classe ne marche plus, c’est la catastrophe. On a vu des classes pourrir parce qu’ils n’étaient pas assez de personnes pour des problèmes de dépression personnelle. Je veux dire si vous avez la moindre faiblesse, je pense que c’est valable pour tous les enfants et particulièrement pour ces enfants là qui vivent quotidiennement face à des gens faibles, déprimés avec des problèmes matériaux insurmontables, ils ont tous une histoire épouvantable, bon, si en face d’eux, ils n’ont pas quelqu’un de dynamique, de fort, de souriant, une énergie. S’ils n’ont pas face à eux une énergie, comment voulez-vous qu’ils trouvent l’énergie ? Il faut bien la trouver quelque part ! .. Si on leur montre pas quelqu’un qui est bien dans ses basquettes, qui est passionné, qui croit en eux et qui leur dit, qu’il y a une vie possible, même avec l’enfance que vous avez, même avec toutes les blessures. Il faut être ce qu’on voudrait que les enfants soient ; si on leur montre une autre image, comment voulez-vous que l’enfant s’identifie ? Ils ont déjà des parents auxquels ils ne peuvent pas s’identifier.....alors le modèle identificatoire il est où ? Il est à l’école.’. Elle pense que par la médiation on devient une sorte de modèle pour l’enfant.’C’est des choses que l’on acquiert dans cette médiation, c’est-à-dire qu’on devient tout à coup un modèle pour l’enfant.’.
Le médiateur fait autorité par son authenticité impuissante, alors que dans l’attitude de charité empathique il se fait proche de leur humanité.’Je trouve que la médiation a beaucoup d’importance, parce que je suis tout à fait contre cette image du maître qui est infaillible et qui serait le maître absolu parce qu’image idéale. Ils ont besoin de voir en face d’eux quelqu’un qui a aussi des déficiences et c’est là ou moi çà marche très bien avec eux, parce qu’ils savent que j’ai aussi des déficiences et je leur dis. Ils savent que je fais des fautes d’orthographe, que je suis dyslexique, que j’ai eu un passé scolaire qui n’est pas brillant, même s’il n’est pas aussi catastrophique que le leur, que moi aussi je suis enfant d’émigrés. Quelque part voir quelqu’un qui tout d’un coup ne sait pas écrire un mot, il va dans le dictionnaire ah tiens, bien voilà aujourd’hui j’ai appris que...voyez faut encore apprendre...C’est vrai que des fois je dis je ne sais pas, nous allons chercher et çà c’est une médiation très importante et je pense que beaucoup de professeurs n’osent pas être comme çà avec leurs enfants ; comment ? Moi je ne sais pas tout ? Qu’est-ce que vont penser de moi les enfants ? C’est vrai qu’il faut dire : là je me suis trompée, mais c’est pas grave, c’est une erreur rattrapable. Ah oui, tiens, là je me suis mise en colère. Etre capable de se remettre en question devant les enfants, je crois que c’est une médiation très importante, parce qu’eux vont pouvoir tout d’un coup se remettre en question et c’est comme çà qu’ils vont avancer, c’est comme ça qu’ils vont se modifier et çà c’est vraiment très Feuerstein, çà c’est toute sa façon de faire. Y’a tout un renvoi vers une image positive parce qu’un peu semblable.’.
Elle a d’abord été séduite et conquise par le rayonnement spirituel du professeur Feuerstein, qui a joué le rôle de révélateur de ce qu’elle avait de profondément vivant en elle.’Le professeur Feuerstein fait partie de mon ensemble de maître à penser, il a une spiritualité.. qui transpire par tous les pores de sa peau, c’est très attirant pour moi..’ ; mais elle fût inspirée parce qu’elle était en quête, ’c’est vrai que la recherche d’un père, la recherche d’un Dieu, la recherche d’un être, je l’ai profondément en moi... je suis toujours en questionnement.’. C’est une spiritualité héritée, ce qui fait que çà a du sens dans une continuité ’une spiritualité que j’ai dans les gènes, forcément çà me parle’. Elle a été captivée par l’ardeur qu’il dégageait. ’On le sentait avec une telle... je ne sais pas, il faut le voir pour le comprendre, c’est difficile à dire, c’est tellement lumineux, un sourire enfin, il a tout l’amour. C’est complètement religieux, c’est complètement spirituel ce que je dis, mais çà fait partie de cette rencontre.’. Et ses traits physiques qui seyaient à l’image du maître, ’c’est ce petit bonhomme à barbe blanche. C’était Freud quoi ! Feuerstein c’était Freud pour moi, mais il est mort, c’était le maître à penser de 1980 que je pouvais rencontrer, à qui je pouvais parler. Son petit béret sur le côté.’. C’était également sa puissance aimante qui était enveloppante et créatrice, ’la façon d’être aussi avec nous... Sa façon de tirer de l’enfant ce qu’il avait en lui, sa potentialité. Nous aussi on avait l’impression qu’il tirait le maximum de nous. Ca aussi, avec une douceur, une tendresse, avec un geste, avec des gestes complètement paternels et grands-paternels.’. C’est pourquoi elle entrevoit globalement la force potentiellement salutaire du maître, ’Donc le gourou c’est très important.’; bien qu’elle souligne que par certains côté cela confinait à l’ enrôlement partisan, ’C’est vrai qu’on a adhéré comme a une espèce de secte, parce que c’est vrai que c’est vécu par certain comme une espèce de secte. On a été fascinées toutes les deux par cet espèce de gourou qui est le professeur Feuerstein, c’est vrai. Avec le recul, là maintenant on peut le dire.’. Elle pense donc qu’elle a avant tout capté ’un homme, j’ai capté la pensée d’un homme, c’est parce que je l’ai vu penser, je l’ai vu parler, je l’ai vu vivre lui et sa famille, dans son pays, dans son cadre, avec ses élèves, avec son école.’, alors qu’elle n’aurait pas adhéré de la même façon ’à un livre, à une théorie sèche d’un bouquin..j’aurais pas été capable.’. Elle souffre de l’hermétisme des théories qui ne résonnent pas à sa vie intérieure, et à la limite elle s’en défend en niant leur valeur intrinsèque, ’La théorie çà ne me parle pas beaucoup et c’est vrai que çà me ’crotte’ un peu de lire des bouquins. La théorie de la modifiabilité, je m’en fou un peu. Je veux dire j’y crois, je lis en moi, je la pratique et je la vois. Les grandes théories c’est des mots quoi.’. Au reste, elle ne peut pas s’empêchée, ’de penser que toutes ces méthodes, si on parle de Freinet, je voudrais pas mal dire le nom, c’est La Garanderie ? ou Feuerstein, ou d’autres, c’est d’abord un personnage, une forte personnalité, quelqu’un de passionné.’.
Dans cet ordre d’idée, elle s’est entendue dire que les progrès des enfants seraient plus liés au charisme de sa personnalité qu’aux caractéristiques de la méthode elle-même. ’C’est vrai qu’on nous a dit de toute façon, que vous fassiez çà ou autre chose, c’est parce que c’est vous, c’est votre personnalité, vous les tirez vers vous, vous leur implusé une énergie, vous croyez en eux, vous les aimez, donc de toute façon, c’est pas votre instrument qui fait que, c’est vous’. Mais elle avoue qu’elle ne sait pas bien, ’parce qu’on ne peut plus nous séparer de l’instrument. Que l’instrument nous a peut-être aussi transformées.’, comme si la créativité s’inscrivait dans la continuité de l’accueil et du don. Plus encore, elle souligne l’empreinte transformante du PEI sur son activité enseignante. C’est pourquoi, il lui paraît impossible qu’elle conduise une expérimentation avec d’un côté, la pratique avec un groupe du PEI et de l’autre, un autre groupe sans le PEI, ’ça serait faux, puisque de toute façon notre pédagogie elle est complètement imbibée de PEI.’
ENTRETIEN N° 8.
Enseignant en CART. Pratique le PEI depuis 6 ans.
Le PEI est arrivé au moment où les enseignants étaient dans une démarche de’recherche d’outils.. dans le sens ou nous avions épuisé un petit peu les outils classiques’, et que ceux-ci se sentaient dans une logique reproductive alors que leurs pratiques de différentes méthodes ne créaient pas d’évolution sur le plan des apprentissages scolaires, ’Ma collègue animait l’école, elle se rendait compte que les stagiaires étaient dans un cursus où ils faisaient des répétitions, mais on arrivait pas à sortir de leur situation scolaire, on se rendait compte que c’était pas suffisant, donc on a essayé de chercher sur d’autres méthodes.’. Donc ils étaient en quête de quelque chose, ’le PEI quand on l’a découvert, on était, enfin moi j’étais dans cette démarche d’ouverture, de recherche d’outils.’. Il a été attiré par l’idée de découverte de l’intelligence et de sa mise en oeuvre dans d’autres contextes, ’ce qui m’a semblé important dans le PEI, c’était ce lien possible entre la démarche intellectuelle, de réfléchir sur ce qu’on fait et le lien avec la réalité, la possibilité de transposition.’. Face à ses propres difficultés à expliquer et à transmettre une technique au stagiaire, le PEI lui a permis, d’un côté, de mieux comprendre son propre mode d’apprentissage, et d’un autre, de se faire plus proche des élèves en considérant de plus près leurs connaissances personnelles, ’Dans ma pratique d’atelier, autant moi ça m’est facile d’intégrer une nouvelle technique, autant par contre, l’expliquer et expliquer comment je fais, la transmettre c’est une autre démarche, ce qui marchait bien dans un système comme celui des maisons familiales était en échec avec des stagiaires ; le PEI me permettait de faire le lien avec tout un pan de mon propre développement qui était l’articulation entre faire, apprendre en faisant et réfléchir,..le problème est bien de l’ordre de leur niveau de connaissance et la capacité à tenir compte, à prendre en compte le niveau réel où ils en sont.’.
Il décline une réelle conviction de promotion pour les élèves en difficulté, et c’est particulièrement cette croyance sous-jacente au PEI qui l’a attiré d’emblée.
’Y’a quelque chose là, d’une part cette croyance qui est très forte chez FEUERSTEIN, dans le fait que les individus en difficultés peuvent sortir de là, ça renvoie à quelque chose dont je suis tout à fait convaincu, sans nier les interactions sociales et le contexte qui pèse...cette idée que chaque homme à des possibilités de se développer.’. Mais si on veut aider il faut d’abord accueillir, ’ça passe d’abord par un travail de mise en confiance.’ car ces jeunes ’qui sont riches, pleins de spontanéité’ ont souvent vécus le rejet, la de leur valeur. Ils ont pourtant manifesté des actes d’opposition comme un appel à l’existence, mais ’qui n’ont pas été pris en compte dans le système’. Cette dégénérescence peut aller jusqu’au ’délabrement physique’, c’est pourquoi il faut qu’il retrouve avec l’aide de l’éducateur le sentiment de leur compétence, ’qu’ils retrouvent confiance en eux.’. Il pense que la résistance à se faire proche de l’élève explique sa difficulté d’émergence.’Je crois que souvent la difficulté à aider quelqu’un à sortir de ses difficultés, c’est notre difficulté à aller vers lui...j’ai souvent l’impression que c’est aussi notre impossibilité à aller sur son terrain ou à aller vers ses centres d’intérêt ; et c’est ce qui m’a plu dans le PEI, je crois que c’est vrai que humainement c’est important cette possibilité.’. Dès lors, le regard est déterminant, ainsi il est plus facile et plus commun de stigmatiser les manques que de déceler les aptitudes, ’j’ai réagi souvent, parce que quand on met un dossier figé sur quelqu’un on s’attache à tout ce qu’il ne sais pas faire plutôt qu’à ce qu’il pourrait faire et c’est vrai que c’est pas à partir de ce qu’il ne sait pas faire que je vais pouvoir travailler, mais bien à partir de ce qu’il sait faire.’.
Il lui semble que ’la personne’ est à considérer ’dans sa globalité’, à entendre et reconnaître dans ses ’potentialités’ afin de permettre l’inscription dans une dynamique vitale, un désir d’ascension, ’retrouver progressivement l’envie de’. Lui-même en tant qu’éducateur est inscrit dans une dynamique de renouvellement ’je suis dans la dynamique d’aller vers la vie, ici il y a cette notion de projet qui amène à ce renouveler.’; et le PEI lui semble aller dans ce sens créatif, il permet ’de rentrer dans cette dynamique de projet, mais dans un but de construire l’avenir.’.
De son point de vue, la question essentielle est bien celle de la personnalisation ’J’aime bien résumer tout ça en disant, mon rôle à moi c’est d’aider le stagiaire à trouver son chemin et je crois que ce que j’ai cru percevoir, enfin l’intuition que j’ai eu à travers cette méthode, c’était que là j’avais des outils pour justement mieux aider chacun à poursuivre son propre cheminement.’. Il pense d’ailleurs que le PEI occasionne cette personnalisation...je crois que l’intérêt de la méthode, c’est justement d’avoir quelque chose avec beaucoup de repères, mais qui permet en même temps de l’appliquer à des gens, de le personnaliser un maximum et de faire en sorte que chacun puisse trouver quelque chose de propre là-dedans.’. Dès lors, c’est permettre l’avènement de liberté au-delà des déterministes, c’est par la révélation d’intelligence aider à sortir de l’état de prostration de la ’victime’, ’subissant les événements qui leur tombent’, à celui d’’acteur’ qui peut se ’mouvoir’, ’trouver sa place’, ’dire je.’. Il croit en la libre responsabilité malgré les déterminismes.’Je suis responsable de ce que je fais, de ce que je mets en place, alors je sais qu’il y a des déterminismes, y’a des positions sociales, qu’il y a tout un tas de choses, mais je suis très intéressé de la part de ’décidabilité’ que j’ai.’.
Il se dit en rupture avec l’église et athée,’Je suis quelqu’un qui ait rompu, je me dis athée..je ne crois pas en un au-delà., je suis en rupture assez radicale avec l’institution’ ; il ne supporte pas l’idée de se conformer au règlement ecclésiale tel qu’il apparaît de son point de vue dans une dimension rigoriste de l’institution, ’je suis assez allergique à toute rigidité d’une institution, je crois que ma rupture avec l’institution religieuse c’était la forme assez rigide des pratiques et tout ça’. Cependant, il n’est pas sans noter les bases d’une éducation chrétienne dont il suppose qu’elles lui ont laissé une empreinte constituant pour l’heure, ’les racines’ d’une attitude soucieuse d’avènement humain, ’j’ai eu une éducation chrétienne,..mais je crois quand même que les valeurs et les modes relationnels sont ceux que j’ai trouvé dans cette éducation là et je crois que c’est effectivement là mes racines, mais c’est vrai que je me situe pas du tout dans cette institution, mais je suis très marqué par les valeurs humanistes.’.
Il espère et aspire plutôt au coeur des rencontres, des échanges en réciprocité, ’Je crois qu’il y a des choses auxquelles je crois qui sont de l’ordre de la rencontre qui sont de l’ordre des relations d’échange, une certaine réciprocité.’, dans un libre mouvement de reconnaissance, ’reconnaître les autres, on est rien tout seul, je me meus dans un groupe social, je suis responsable de ce que je fais, de ce que je met en place.. les choses ne viennent pas toutes seules, mais c’est moi qui crée les relations.’. D’ailleurs, depuis ses jeunes années, il s’implique très activement dans la vie associative. ’Je participais dès que j’ai eu l’occasion à l’organisation de kermesse, l’organisation au foot, au théâtre, à tout ce qui se faisait quoi..et quand j’ai changé de village, je me suis aussi intégrée rapidement, mais bon, je crois aussi que c’est pas un hasard, je vais vers...bon je suis allé vers le foyer des jeunes, j’avais participé pas mal là aux recherches en ethnographie sur la campagne, bon j’ai adhéré à ce mouvement là..j’ai fait du théâtre, j’ai animé ce foyer pendant un temps, après j’ai été conseillé municipal, je participe également au comité des fêtes, je fais la trésorerie le secrétariat, toute l’intendance et l’organisation, mais j’ai refusé le poste de président... et à plusieurs autres associations... je participe aux CCRS des choses comme çà, c’est l’ancien bureau d’aide sociale, bon la caisse des écoles, l’association de parents d’élèves, la fédération de parents d’élèves...j’ai appris qu’il faut être plusieurs pour faire une équipe.’. Cette implication associative est prétexte aux relations transversales à l’instar du PEI qui sollicite largement les mises en relation.’C’est une participation a la vie et ce que je crois que j’y trouve d’intéressant, je crois que comme dans le PEI c’est que l’activité est prétexte à quelque chose, c’est prétexte à des relations qu’on ne créeraient pas autrement, autrement on reste dans son monde et moi je suis pas quelqu’un qui ait beaucoup de relations avec mon milieu professionnel.’. La rencontre des différences est riche de connaissance, ’Des gens qui sont dans des situations tout à fait différentes, ils m’apprennent des choses, je veux dire que c’est un échange qui me semble riche, je pense que la richesse naît de la diversité et je trouve ça très intéressant et je crois qu’ à travers toute la vie associative, c’est aussi cette transversalité.’. Il pense qu’il a hérité d’une attitude familiale alors que ses parents nouaient naturellement des relations conviviales avec les gens du village. Par exemple, il se souvient qu’à l’occasion de la messe du dimanche, il allait rendre des visites ’y’avait tout un système de relations..j’ai été habitué très tôt, mes parents m’emmenaient dans toutes les maisons du village du bourg, quand on allait dans le bourg soit à la messe du dimanche, soit à d’autres occasions, j’ai pris cette habitude, j’étais un petit peu partout chez moi... je crois que çà, çà compte dans mon histoire.’. Il avait un père conseillé municipal et il a finalement éprouvé ’besoin’ et ’plaisir’ à la vie sociale.
Il a trouvé son identité d’éducateur en l’idée de médiation créatrice, ’Moi, j’ai bien aimé tout l’aspect de la médiation qui répond bien je crois à quelque chose dans lequel j’ai trouvé mon identité d’éducateur, mais aussi d’homme parce que je dirais qu’en dehors de mon travail d’éducateur je suis aussi quelqu’un qui est animateur bénévole.’. Car il souscrit à l’idée qu’il ’Y’a un certain nombre de gens qui ne vont pas pouvoir développer leur potentiel parce qu’ils n’ont pas eu de médiation suffisante’. Il lui semble que si certaines personnes sont suffisamment riches, d’autres ont besoin ’d’un coup de main’ pour se développer, ’..et qui vont pas forcément trouver.’. Or il lui semble que ’c’est important d’aider, de l’accompagner pour lui permettre de trouver sa place. Mais ce qui lui a plu dans le PEI, c’est la notion d’engagement réciproque, ’C’est l’engagement, ce co-engagement, cette espèce de pari un peu ça ça me plaisait bien, c’est quelque chose qui me parlait fort..ce contrat de départ qui est clair, si j’ai une intentionnalité, si celui qui est en face ça ne l’intéresse pas, c’est clair qu’il avancera pas. Mais moi si je suis motivé et que lui est aussi motivé, on va pouvoir faire un bout de chemin ensemble.’.
ENTRETIEN N° 9.
N° 9. Enseignant en SEGPA. Pratique le PEI depuis 10 ans.
Le PEI est arrivé à un moment de frustration alors qu’il avait l’impression, en bout de course, de conduire ses élèves de SES vers une impasse ’une espèce de vide’, qui plus est, à un enchaînement, ’chômeurs comme perspective avec un système de dépendance et d’assistanat.’. D’où le sentiment douloureux ’d’insatisfaction’, ’on avait l’impression de perdre notre temps’. Sans compter l’hermétisme apparent des élèves aux apprentissages les plus simples, comme : ’à quelle heure il faut mettre son plat au four pour pas qu’il soit cramé..’. Ce malaise était ravivé par un sentiment de révolte, ’on ne pouvait pas être d’accord’, et d’espérance, ’Quand même, tu te dis y’a quelque chose qui ne va pas, y’a autre chose à faire.’. Car il entrevoyait tout le potentiel personnel des élèves disant d’eux - avec le recul de l’expérience de plusieurs types de populations - qu’ils sont ’extraordinaires.’. D’ailleurs, il est persuadé qu’indépendamment des obstacles et des déficiences dont on ne peut être dupe ’avec l’être humain on peut être confiant en l’avenir, on peut toujours faire advenir quelque chose qui est là en germe’, disant que c’est une conviction ’qui est très forte’ en lui. Finalement, il exprime le hiatus entre un sentiment ’d’impuissance’ et la ’conviction qu’on était loin de faire tout ce qu’il y avait à faire pour y arriver, pour faire éclore.’. Les questions qui le taraudaient étaient du genre : ’Comment se fait-il qu’il y en est qui apprenne facilement et que d’autres n’y arrivent pas ? Comment mieux apprendre, avec plus de facilité..comment amener celui qui n’apprend pas à apprendre avec plus d’aisance ? Ca toujours été ma préoccupation.’ ; Associé au sentiment de culpabilité responsable, ’Qu’est-ce que je fais pour eux ? Ceux qui n’y arrive pas qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce qui pourrait les aider pour aller plus loin ?’.
Il se dit par ailleurs sensible et indisposé par la ségrégation et la détermination. Ainsi, d’un côté il perçoit une unité profonde entre les êtres de cultures différentes. Ayant été enseignant en Afrique il est convaincu qu’au-delà de la couleur de peau, il y a une même humanité, ’Tous les petits enfants du monde se ressemblent et tous les ados font les mêmes ’conneries’, et tous les adultes se ressemblent étrangement, et plus çà va plus j’ai l’intime conviction.. qu’on est très très proche les uns des autres...je me dis que c’est partout que les gens sont confrontés à des difficultés qui sont de l’ordre de l’essence de l’être humain.’. C’est en cette visée communiante qu’il ressent des ’hauts de coeur’ face au ’racisme et à l’intégrisme.’. D’un autre côté, il s’insurge et déclare être ’très sensible’ à la ’hiérarchisation’ imposée par le système scolaire. Tandis qu’un ’discours sociologique’ et ’psychologique’, donne à constater, ’le déterminisme dans la transmission’ ; il considère que c’est ’une injustice incroyable.’.
Au demeurant, il pense que sa vie est une consécration pour l’Autre, au service de son épanouissement.’Actuellement, je dirais que je consacre une grande partie de ma vie aux autres, au service des autres...donner des moyens d’aller plus loin et c’est moi-même quelque part rechercher mon actualisation.’.
Cette défense d’humanité prend racine dans une éducation chrétienne qu’il reconnaît comme le terreau dans lequel il a puisé. S’agissant de son itinéraire spirituel il note à quel point il fût attiré par des lectures d’esprit chrétien durant son adolescence tandis qu’une grande période inculte s’en suivi. Au fond, il pense que sa recherche y compris professionnelle l’a mené vers des préoccupations spirituelles, quand ’ les besoins premiers sont accomplis, assouvis, et bien on est dans une quête de besoins d’un autre niveau qui sont peut-être des besoins d’ordre spirituel au sens large.. c’est pas que l’aspect religieux des choses c’est les dimensions transcendantales de l’homme.’, mais il a l’impression ’que dans le développement spirituel y’a des étapes, des escaliers encore, mais je ne les connais pas.’. C’est d’ailleurs récemment qu’il a travaillé avec une religieuses en médiation tandis qu’elle l’aurait ’contaminée’, lui parlant du Christ, ’c’est vrai que moi je lui ai fait de la médiation et puis elle, elle m’a fait un petit peu de spiritualité.’. C’est ainsi qu’il se mit à lire ’Sainte Thérèse de l’enfant Jésus’ et est en contact avec certains groupes de laïcité ecclésiale qui sont intéressés par l’approche de la médiation,’ce sont des chrétiens qui sont bien pris en compte par l’Eglise mais qui célèbrent systématiquement le vendredi soir le shabat là comme les juifs.’. De son point de vue, ces personnes sont intéressées par la médiation parce qu’ils y entrevoient une mission évangélique, ’au niveau de la transmission du catéchisme’, et parce que celle-ci prend en compte l’être humain dans sa globalité, ’le développement cognitif émotionnel, spirituel.’.
Ainsi, ses expériences répétées de malaise professionnel, mouvementées par une conviction espérante en un plus être, pour lui-même et pour ses élèves, l’ont motivé à s’informer et à se former. Et ce fût là le début ’d’une recherche tournant autour de la pédagogie.’. Il faut cependant noter en filigrane, que déjà, durant les années de sa formation initiale il s’orienta à investir une certaine pédagogie Thiberge qui s’intéressait à l’intelligence humaine, dont les pratiques dataient de 1925 et dont les articles sont parus dans une revue diététique ’la vie claire’ entre 1965 et 1972, sous le titre : ’pour l’éducation scientifique de demain.’. Au demeurant, à l’instar de son directeur diocésain de l’époque, il se mit à s’intéresser à tout ce qui touchait à la santé naturelle par le végétarisme et la culture biologique, ’une espèce de conscience écologiste’, la protection de la nature, la défense du consommateur, ’je connaissais le pain blanc, j’ai découvert le pain complet, à l’époque c’était rare.’.
D’où probablement cette énergie endurante mobilisée à la conquête d’un plus grand avènement et c’est sans compter qu’il s’investit au prix de différents sacrifices, dans la recherche pédagogique, tandis que le PEI joua un rôle privilégié. En effet, on perçoit que d’un côté, il avait souffert d’un manque de reconnaissance professionnel et cherchait à faire épanouir et découvrir plus brillamment sa vertu propre, ’On était catalogué toi tu n’as que ton bac ...mais si j’avais pas été dégouté des études j’aurais pu faire partie de ceux qui auraient continué..quelque-part il y a une certaine blessure.’ ; et de l’autre, il était convaincu, et s’armait pour le combat et la glorification de la preuve que ces enfants maltraités étaient peins de richesses à reconnaître et à révéler. Il fallait donc le démontrer. D’ailleurs il dira sa satisfaction quant aux résultats scolaires, exprimant : ’j’arrive enfin à ce que je voulais prouver.’. Et cette démonstration confinait à être réparatrice ébranlement personnel, ’reprenant 20 ans plus tard mes études, prouvant là par A+B qu’on avait jamais fini d’apprendre, c’est pas parce qu’on est catalogué à un moment donné qu’on ne peut pas être beaucoup plus haut après..je m’identifie quelque part à ces élèves là.;je ne peux pas être catalogué comme élève en difficulté.’. Mais il faut ajouter, et il le souligne volontairement, que cette quête d’ascension confine à l’insatisfaction permanente et n’est pas sans lien avec un oeil critique toujours aiguisé, ’si je suis insatisfait y’aura un nouveau départ pour aller ailleurs.’.
S’agissant plus singulièrement de la découverte du PEI, elle est intervenue parce que précisément il s’était mis à sa recherche. Ainsi, il pense que l’adoption d’une méthode est en lien avec ’son développement propre’ et il rajoute avec ’le niveau de conscience’. A titre d’exemple, il cite qu’il n’a pas été attiré vraiment par la Gestion Mentale, parce qu’à la même époque il avait découvert la pédagogie Thiberge qui, à son avis, développait des conceptualisations similaires, ’j’avais le sentiment que j’avais déjà utilisé quelque chose d’identique et que ce ne serait pas suffisant...çà ne serait pas satisfaisant pour moi.’. En fait il avait besoin d’aller vers quelque chose qui était ’dans sa zone proximal de développement à venir... si la Gestion Mentale était venue 10 ans plus tôt, elle aurait été sans doute un outil utilisable à ce moment là.’. Autrement dit, il pense qu’il va chercher quelque chose à un moment donné qui correspond à ses questions propres, ’si je ne me pose pas ces questions, quelque part je ne comprends pas l’outil.’, c’est un peu du même ordre que ’quand l’élève est prêt le maître vient.’. Par ailleurs, il souligne que les préoccupations d’un enseignant varient avec son développement professionnel de telle manière qu’il pense qu’on est plus agrippé à sa fiche à réaliser à 25 ans qu’on ne l’est à 45 ans. Il faut rajouter que la séduction du PEI s’est opérée au niveau d’une ’confirmation’ d’une ’façon de faire’ ainsi qu’au niveau d’une visée éducative, disant qu’il refusait d’être un distributeur de savoir.
Si au départ le PEI lui est apparu strictement comme un moyen pour développer la sphère cognitive, ’honnêtement, au départ j’ai vu l’outil, même pas la médiation.’, fort d’une pratique longue et intensive, (600 heures) il en a perçu plus largement les effets, disant que çà prenait en compte l’individu dans sa globalité, ’le développement des personnes’. Il croit en la ’pertinence’ de l’ensemble, au-delà du simple outil, alors qu’il en avait utilisé bon nombre, ’J’ai touché une vingtaine de méthodes de pédagogie. Donc les outils, j’ai une grande boîte à outils.’, disant que le PEI n’est pas ’anodin’, qu’il est ’percutant’, ’qu’il est au-dessus.’. Il qualifie ces effets de l’ordre d’une attention consciente à soi-même engendrant une distanciation vis-à-vis des situations, ’il y a eu une espèce d’intériorisation, de recul par rapport à soi, de prise de conscience par rapport à eux-mêmes ... ils prennent du recul, ils réfléchissent davantage’. Tandis que les élèves donnaient à voir leur activisme, leur ’impulsivité’, ’veulent agir et non pas penser’, ’oublient de réfléchir’ ils sont apparu plus posés, ’dominant leur agressivité.’. Les parents ratifiaient d’ailleurs ces évolutions’il parle mieux..il s’intègre plus facilement avec les autres..il prend mieux ses responsabilités.’. Un père disant ’mais qu’est-ce que vous avez fait à notre fille ? elle est devenue une personne complètement différente’ et l’adolescente d’arguer des exercices du PEI qui lui on permis de ’comprendre comment on pouvait réfléchir’.
Il pense maintenant et finalement que la pratique du PEI découvre la conscience, une conscience de richesses et de valeurs que la médiation révèle, ’quand je dis valeurs, j’englobe aussi bien, la morale, la religion, l’éthique.’. Cette richesse est de l’ordre d’une assise, d’un ’tronc commun’, ’un minimum sur lequel on pourrait s’entendre’, qui fait que ’l’homme est homme’, des ’qualités qu’on accorde à l’homme et qu’on accorde pas aux animaux’. Il y a donc ’un aspect spirituel’ de la médiation qui relève de la ’transmission de principes de vie...de code..de règles.’. Certes, il pense que cette visée fait référence à son ’éducation humaniste chrétienne’, mais quelque part, dans toutes les religions et dans toutes les cultures, au-delà des singularités, il y a une universalité commune. D’où le rôle primordial qu’il assigne à l’éducation y compris à l’école sans compter le milieu familial.
A ce sujet, il utilise la métaphore de ’l’Arbre’ disant que cette découverte de la conscience, qu’associe la révélation de valeurs, enracinent, c’est-à-dire donne assise et direction, produit des fruits, introduit la créativité, car ’pour savoir devenir, il faut s’enraciner.’..’Ces racines là, c’est le savoir qui a été communiqué de manière implicite par les parents..c’est les adages, les préceptes, les proverbes, les conseils qui sont liés à nos valeurs, c’est les principes de vie, c’est tout ce qu’il y a derrière qui est le plus profond...le bon sens paysan de chez nous, qui montre que non d’une pipe on ne fait pas n’importe quoi ! et quand je dis ça, je ne fais pas n’importe quoi derrière.’.
On comprend bien dès lors qu’il accorde tant de crédit au PEI alors qu’au-delà du simple outil il le perçoit par essence, comme une incitation à la promotion de la personne tandis que c’est une visée qui rejoint foncièrement ses convictions et ses aspirations propres. En effet, apprendre à l’enfant à naître à lui-même, ’à se connaître’ ; qu’il tende vers l’entendement d’universalité et de singularité de son fonctionnement est une visée éducative forte et importante. Elle s’assimile à l’idée d’une plus grande ’conscience de soi’. Mais se connaître suppose d’embrasser différentes dispositions humaines, le cognitif l’affectif et le somatique. Dès lors, au niveau cognitif ce sera prendre conscience de son fonctionnement cognitif par exemple par la métacognition, et développer ses ressources cognitives en terme de stratégies pour plus d’efficience dans l’action, ’ce qui va toucher la connaissance de notre fonctionnement cognitif..ce qui touche la métacognition....c’est l’enfant qui sait se servir de ses stratégies cognitives pour résoudre les problèmes..comparer les choses...’. Au niveau affectif ce sera savoir entendre, contrôler et diriger le système émotionnel, ’c’est une connaissance de nous même, nos attitudes, une connaissance sur notre partie émotionnelle.’. Alors qu’au niveau somatique c’est comprendre le fonctionnement de son organisme, ’parce qu’il y a les aspects énergétiques, physiologiques qui rentrent en ligne de compte.’.
Aussi, le but visé confine en une plus grande efficience qui n’est pas sans rapport avec la conscience, il y a ’une interaction entre le développement de l’efficience et puis le développement du niveau de conscience.’. Car, de son point de vue, c’est la conscience qui va être éducable et non l’intelligence ’Je ne crois pas que l’intelligence soit éducable, seule la conscience est éducable en l’homme.’.’Je ne crois pas que l’intelligence soit éducable, seule la conscience est éducable en l’homme.’.
Ce qu’on relève très fortement c’est le statut qu’il pense incarné maintenant à savoir celui de médiateur pour les élèves et pour les enseignants parce que ses découvertes l’ont conduit largement à vouloir partager cette lumière de connaissance qui correspond à tout son cheminement de recherche pédagogique. Il se perçoit ’catalyseur’, ’révélateur’, interpellant les enseignants, les faisant se poser des questions. Mais il souligne qu’il ’n’apprend rien aux gens’ que ceux-ci se ’révèle’ au travers des choses qu’ils faisaient mais qu’ils n’arrivaient pas à nommer. Disant également que si a une période il se dévalorisait, il a le sentiment maintenant qu’il ’redonne confiance à d’autres’ et que çà ’c’est très fort.’. Par exemple, il se souvient d’une enseignante disant, ’mais cette année je suis retournée à l’école avec plaisir pour la première fois depuis quinze ans et c’est avec joie que je retravaille.’.
ENTRETIEN N° 10.
Enseignant en SEGPA. Pratique le PEI depuis 10 ans.
Le PEI est arrivé à un moment de ’rouille’ professionnelle alors qu’il sentait une certaine usure, un manque de dynamisme, ’j’avais besoin d’un nouveau souffle’, avec une pratique ’routinière’, ’un ronronnement’, qui était un peu intuitive,’une insatisfaction d’une pédagogie qui je ne sais pas n’était peut-être pas fondée, pas formée, qui était intuitive.’, une pédagogie qui ’avait soif d’autre chose (...) une soif de changement, une soif de nouveau;’. Malgré la satisfaction des enfants et des parents, ’les parents..les enfants.. je me souviens bien, ils se sentaient bien.’ ; il se culpabilisait quelquefois par rapport à ses préparations, ’tes cours sont préparés d’une fois à l’autre, tu n’es pas satisfait de toi en fait et tu te dis çà va pas çà déconne quelque part et à ce moment là tu vas à la quête de... c’est pas vis-à-vis des enfants, j’ai pas le sentiment de çà, c’est vis-à-vis de moi-même tout simplement.’. Il avait l’intuition d’un plus- être à venir pour lui-même et pour les enfants en difficultés (enfants de section d’enseignement spécialisé), tandis qu’il a toujours développé vis-à-vis de ceux-ci une sensibilité responsable. Cette motivation l’a conduit à rencontrer un frère en 1988 qui lui a proposé la formation PEI, il s’y est inscrit d’emblée car il sentait que c’était prometteur par rapport à ses aspirations personnelles et professionnels.
S’agissant de ses aspirations personnelles, il souligne son itinéraire fondé par une quête spirituelle. C’est ainsi qu’issue de famille catholique, chrétienne, il effectua son primaire dans une école de frères dans un établissement Lassalien, puis en collège lycée, il ’eu envie de partir en pension dans un établissement de formation de frères, je suis parti comme juvéniste dans un établissement de formation de frères jusqu’en première.’. Alors qu’ayant besoin d’un bol ’d’oxygène’, il effectua sa terminale dans un lycée privée. Après un échec au bac, il devint pion dans le même établissement, puis le bac ’en poche’, on lui proposa un poste d’enseignant en français musique dans ce même lieu. Il fût très vite attiré par les élèves en difficulté et on lui proposa de travailler avec les élèves de CPPN.
Il relie cette inflexion à son propre vécu de souffrance scolaire alors qu’il se considérait comme un élève en échec, ’si je regarde mes notes, je n’étais peut-être pas systématiquement en échec, mais j’ai cette représentation là et ce n’est peut-être pas étrangé au fait que je m’intéresse aux difficultés d’apprentissage...le fait de m’être senti en difficulté pendant ma période scolaire a du motiver mon engagement professionnel auprès d’enfants en difficultés.’.’. Mais d’un autre côté, il sent à quel point le passage dans cet cette école de frère à découvert sa vocation charismatique pour l’avènement d’humanité, ’au bout d’un certain temps je n’appréciais pas la dimension de formation d’internat dans lequel nous étions..cependant je dois reconnaître à la relecture que ça a été formateur pour moi (..), çà a déclenché en moi tout un potentiel que j’avais, çà a permis de le mettre en oeuvre (..) çà a mis à jour peut-être le charisme que j’avais au niveau de ces engagements.’. Ce qui fait qu’il était déjà considéré étant plus jeune, et encore actuellement dans l’établissement, comme quelqu’un d’impliqué, ’J’étais perçu comme celui qui prenait des initiatives, (..) au niveau du lycée par rapport à des opérations bol de riz (..) dans le cadre de mouvements missionnaires. Je rassemblais des jeunes pour réfléchir dans le cadre des MEJ, Mouvement Eucharistique des Jeunes (..) puis au niveau de l’ACE l’action catholique de l’enfance et au niveau du secours catholique.’. Une fois marié ses engagements ont continué au niveau de la cité, ’j’ai été pendant douze ans conseillé municipal et adjoint au maire, (..) des associations de parents d’élèves, les APEL (..), dans des associations cathéchétiques et pastorales. Actuellement j’ai encore un pied dans le secours catholique où j’ai un rôle de coordinateur.’.
Il décline sans détour une croyance en Dieu qui est amour qui amarre sa vie et la dirige, ’J’ai une conviction depuis mon adolescence qui s’est construite peu à peu au contact des frères (..), une conviction c’est que ce qui est le plus important pour moi dans la vie, c’est l’amour (..) qui est intrinsèque au concept de Dieu (..) c’est quelque chose de très fort (..), l’amour est vraiment le noeud, le concept central.’. Dieu et l’amour c’est la même chose c’est une finalité, ’Le concept de Dieu n’est ni plus ni moins que le concept d’amour. On pourrait supprimer le mot dieu et mettre le mot amour à la place (..), le dieu que j’ai défini comme l’amour est la finalité des finalités.’. Et cette foi il l’a perçu comme fondement profond au PEI, bien que non explicite, ’j’ai pas souvenance que Feuerstein utilisait le mot amour explicitement, mais dans ses conférences je le sens présent totalement ou au moins ça me rejoint moi, puisque je le dis.’. En cela il y a eu une reconnaissance filiale, bien que d’essence culturelle différente, source de communion, qui l’a motivé à approfondir. ’J’ai été sensible à la dimension spirituelle, dans le sens de l’esprit insufflé par Feuerstein par rapport à la dimension de foi (..) ça rejoint ma conviction de foi. C’est vrai qu’on se différencie du fait qu’il se situe en tant que convaincu Juif et je me situe comme convaincu judéo-chrétien.’.
Il partage pleinement une visée confiante et espérante qu’il a entrevu dans le PEI dans la mesure ou elle rejoint son intériorité c’est-à-dire sa relation à Dieu, ’Il y a une valeur qui m’a bien rejoint, c’est le fait que rien n’est irrémédiable, la modifiabilité c’est une valeur d’espérance en l’homme. il a tout un potentiel en lui qu’il peut utiliser et faire fructifier(..) il y a le regard positif, çà me rejoint bien, l’alternative positive, le côté actif modifiant c’est vrai que çà correspond bien à mon optique de vie (..), toutes ces valeurs que j’ai trouvé chez Feuerstein me rejoignent bien. c’est vrai au niveau de mes tripes, et elles me rejoignent dans ma conviction de ma relation à Dieu.’. Il note la correspondance avec sa personnalité dans la mesure où on lui ’renvoie en miroir la lecture positive des choses de la vie, des gens.’. Cette visée épouse une certaine direction du regard, ’Le regard que Feuerstein a sur les gens au niveau de l’éducation, mais de manière très générale le regard qu’il a sur les enfants sur les gens rejoint bien cela. C’est-à-dire que quand on parle d’alternative positive c’est le regard d’amour que l’on a sur, toute la démarche de médiation est une modalité d’expression de l’amour que l’on peut avoir vis-à-vis des autres.’.
A un moment donné de sa carrière, il aspirait à autre chose qui soit plus accomplissant tant pour les élèves que pour lui même. S’agissant des élèves, cela confinait à ’l’exigence professionnelle qui était du domaine de la formation’. Et puis il sentait en lui une compétence sous-exploité ainsi qu’une attirance dans le champ de la relation humaine. C’est cette intuition d’avenir mélée d’aspiration en un plus être qui l’a poussé à se former. A ce moment là, il a entamé ’Des formations au CLER (centre de liaison des équipes de recherche) qui proposait des formations en relations humaines et qui m’ont ouvert vers éducateur familial ou conseiller conjugal.’. Ce qui l’intéressait c’était la communication l’écoute, les attitudes inter-relationnelles. Mais c’est plus particulièrement la rencontre du PEI qui a été le ’starter’,’ ’la porte d’entrée à été différente de celle à laquelle j’avais pensée au départ, puisque la porte d’entrée çà a été la formation PEI, je suis formel.’, ’je me souviens j’ai sauté là-dessus’. Celui-ci a joué un rôle de ’starter’ vers la recherche en pédagogie. Il était en quête d’outils pour ses élèves (ainsi il s’est formé aux ARL, à you can do it, et à l’API), il a même souhaité suivre une formation en Gestion Mentale, et à souhaité s’inscrire dans une formation universitaire diplomante qui l’a conduit du DEUG au DHEPS. Depuis il a assuré de nombreuses formations dans le champ pédagogique, autour de thèmes comme : la médiation, la relation éducative, la pauvreté scolaire, les enfants en difficultés.