ENTRETIEN N° 2
Enseignante en maternelle (PS). Pratique la pédagogie Freinet depuis 20 ans

  • Vous enseignez en quelle classe ?

  • J’enseigne en petite section de maternelle, j’ai vingt-trois élèves.

  • Est-ce-qu’on peut dire que vous enseignez avec les principes de la pédagogie Freinet?

  • C’est-à-dire dans l’esprit, je l’ai, et en pratique c’est un peu différent d’une autre école maternelle. Parce-qu’ à cet âge là, on a à peu près les mêmes objectifs. Mais, j’ai enseigné en Grande Section, et là, on commence à différencier davantage, les gens qui ont une pratique plus Freinet que les autres.

  • Est-ce-que vous vous souvenez de la première fois où vous avez entendu parler de cette méthode ?

  • En tout cas j’étais déjà enseignante, peut-être bien dans la première année où j’ai enseigné. Des amis je crois...mais je sais pas, parce que j’ai l’impression que j’ai fait cela depuis le début de mon travail et comme il y avait des réunions de groupe qui existaient, je suis tout de suite allée dans ces réunions de groupe-là, donc j’ai pas de souvenir, comment je suis arrivée au groupe. C’était des groupes départementaux.....Parce que bon, mon mari faisait déjà parti du groupe Freinet, mais je me suis mariée après, alors je sais plus trop dans quel sens vous voyez.... j’arrive pas a resituer cela.

  • Donc vous alliez à ces réunions régulièrement.

  • Une fois par mois à peu près.

  • Et en fait, pourquoi faisiez-vous parti de ce groupe? Est-ce que vous vous souvenez à l’époque?

  • Parce que ce que j’avais vu ailleurs quand j’étais en stage, parce que je suis normalienne, ça ne me convenait pas comme philosophie de l’éducation et bon j’ai su que cela existait ces groupes-là, donc je suis allée voir et ce qui était intéressant, c’est qu’il y avait des visites de classe. La réunion avait lieu chez des amis, on visitait la classe, c’est comme ça que j’ai commencé à m’y intéresser, ça correspondait mieux à mes idées sur l’éducation que le reste.

  • Est-ce-que vous vous souvenez?

  • C’était des méthodes plus traditionnelles, elles sont valables, je ne veux pas du tout les dénigrer, mais on ne tenait pas forcément compte de l’intérêt de l’enfant immédiat. Bon, y’avait une philosophie qui faisait qu’on voulait bien les éduquer, ça je suis d’accord, mais les intérêts immédiats on les laissait toujours de côté et on ne prenait pas en compte ce que l’enfant avait en lui, c’était toujours le maître qui enseignait, qui enseignait et ça, jeune instit, je trouvais ça étonnant, qu’on décide que l’élève, une fois qu’il est rentré en classe que c’est devenu un élève auquel on doit tout apprendre, et que lui n’a rien a nous apprendre... C’est ce que j’avais vu en stage, c’était des stages d’un mois, on devait voir comment faisait la maitresse et nous aussi on devait essayer et bien sûr dans la même méthode et c’est là où je m’étais dit, je n’irai jamais ni en primaire, parce que quand j’ai vu ce qu’on demandait... ce qui était proposé en maternelle me convenait mieux parce que la maîtresse elle était plus à l’écoute de ses enfants, bon y’avait plus de part à la créativité, on pouvait faire de la peinture, des choses comme ça qu’il n’y avait plus dans les autres classes.

  • Est-ce que vous vous souvenez d’exemples concrets qui vous avaient choqués?

  • Oui par exemple, on ne respectait pas vraiment les enfants, par exemple, ils n’avaient le droit que d’obéir ou de se taire. S’ils avaient une parole qui pouvait être juste, le maître ne la prenait pas en compte et ça...

  • Et vous vous rappelez avoir vu ça concrètement..?

  • Oui, Oui, une façon de réagir par rapport à l’enfant...Oui par rapport à l’enfant qui me semblait inadmissible, bon l’enfant il avait beaucoup de devoirs envers le maître. Il fallait qu’il lui dise bonjour... Et le maître n’en avait jamais en face de l’enfant, par exemple quand il disait de ranger et bien jamais le maître allait les aider et ça, ça me semblait étonnant.

  • Et donc avec la méthode Freinet quel esprit vous avez rencontré qui vous convenait mieux?

  • Que l’enfant était considéré comme quelqu’un qui était intéressant, bon qu’il avait aussi des choses à nous dire, à nous apprendre, qu’il était à respecter et ça, je trouve ça vraiment très important, et puis qu’on pouvait partir de ses intérêts pour lui enseigner quelque chose ou l’éduquer, faire quelque chose en situation, qui semble pas complètement...

  • Et quand vous dîtes dans cet esprit, c’est le respecter, ça veut dire quoi exactement?

  • Pour moi, ça veut dire que, bon s’il est pas bien par exemple, accepter ça que un matin, il n’est pas bien, bon on essaie de comprendre, pas le laisser comme ça, mais lui donner le droit de temps en temps de décrocher pour le rattraper ensuite, mais qu’il ait sa vie privée et quand il arrive a l’école, il l’a encore et c’est difficile de dire à un enfant : bon maintenant c’est fini y’a tout ça, bon je pense enfin dans son rythme, bon surtout en maternelle. Bon on les voit, ils arrivent fatigués le matin en général c’est pas vraiment de leur faute, ils ont un rythme qui est imposé par les parents et il faut en tenir compte, bon s’il a besoin de s’allonger. S’il ne veut pas travailler, il ne travaille pas, je ne vais pas l’obliger à travailler. Simplement je veux quand même qu’au bout d’un certain temps il y ait du travail de fait.

  • C’est le respect de son rythme...de

  • De ce qu’il pense aussi de ses convictions, des choses comme ça. Le droit d’avoir un avis, bon si son avis est complètement erroné, on peut voir avec lui pourquoi il est erroné. Mais si, y’a pas de raison. Souvent je trouve qu’on est un peu trop autoritaire, même moi, je me surprends à ça, je me dis, ils ont envie de faire ça pourquoi je vais dire non, à chaque fois je me repose cette question et c’est souvent dans les classes trop comme ça, trop rigides, non non fait pas ça mais on leur donne pas l’explication, je crois qu’ils ont le droit à tout ça.

  • Donc de votre côté ça suppose une attitude d’observation, d’écoute de l’enfant, plus que de partir de vous, mais partir de lui finalement.

  • Oui voilà, le plus possible, mais je ne vous dis pas qu’on réussit tout le temps, c’est très difficile.

  • Et ça c’est pour vous ce qu’il y a un peu comme état d’esprit dans la pédagogie Freinet?

  • Mais on la retrouve dans le GFEN, enfin dans d’autres groupes.

  • Et ce genre d’état d’esprit, vous le sentiez dans les groupes où vous vous rencontriez entre vous ?

  • Tout-à-fait, tout-à-fait

  • Où vous aviez des exposés où c’était le fait d’être ensemble d’en discuter.

  • Bon, oui alors, quand on allait voir une classe qui travaillait en pédagogie Freinet, c’était complètement différent à l’époque, bon maintenant, mais à l’époque c’était tellement différent de ce que j’avais vu moi ailleurs, que d’abord, je ne comprenais pas comment on pouvait gérer tout ça, donc on nous expliquait comment ça fonctionnait et puis on voyait bien que les enfants travaillaient à leur rythme que le maître était toujours présent et que c’était beaucoup plus difficile dans une école où il y avait beaucoup d’élèves que dans une école avec un effectif réduit, et on se rendait compte dans le groupe départemental de...que les gens qui réussissaient à faire c’était en campagne, et non en ville. Bon ça, ça m’intéressait vraiment, et puis je suis allée à des congrès et là bon j’ai connu la vie de célestin Freinet...bon les congrès y’a toujours des gens qui viennent faire des conférences, y’avait célestin Freinet à l’époque.

  • Vous l’avez connu?

  • Bon il était passé...euh c’était la première année enfin moi je ne l’ai pas connu personnellement...

  • Donc à l’époque vous avez essayez de creuser un peu les idées de Freinet.

  • Oui, j’ai acheté les livres, j’ai lu tout ce qu’il y avait qui était paru sur le sujet et puis j’étais abonné aux revues du groupe, les revues elles étaient faites par les gens du groupe. Ils exposent leur problèmes, y’a toujours des droits de réponses, donc c’est des échanges, bon elles existent toujours.

  • Vous la consultez toujours?

  • Bon, je suis plus abonné, mais bon dans le groupe, elles existent.

  • Et on peut dire que ça fait combien d’année que vous avez eu connaissance de cette pédagogie, ça remonte à quelle année ?

  • Bon je suis sortie de l’école normale en soixante-six, donc c’est depuis tout le temps, j’ai toujours enseigné avec cette esprit-là.

  • Avec cet état d’esprit, et toujours en participant aux groupes ? Les réunions c’est toujours une fois par mois ?

  • Non, mais au début, c’était vraiment plus institutionnalisé, ça doit faire deux par trimestre en ce moment.

  • Et si l’on revient à ce que vous disiez tout à l’heure de l’état d’esprit vous disiez, en fait vous adhérez bien à l’idée de respecter l’enfant, respecter son rythme, ce qu’il pense son état d’humeur aussi. Qu’est-ce qu’il y aurait comme autre idée, vous parliez de philosophie un peu, d’autres idées de Freinet auxquelles vous adhérez éventuellement....?

  • Bon il a, enfin lui ce qu’il dégageait beaucoup, c’était la communication, il essayait qu’il y ait une grande communication entre... lui parle même du sociale, de la vie extérieure, bon les ouvriers qui devaient venir exposer leur problèmes sociaux à l’école, même pour les plus grands, mais je pense que l’école elle est vraiment pas coupée du reste et qu’on a toujours à faire ça le passage entre l’école et l’extérieur de l’école, ça on y tient, on essaie de faire ça et puis la communication écrite, actuellement, lui il avait une imprimerie, le journal, avec des gens même qui n’étaient pas enseignants, qui écrivaient dans son journal, maintenant bon ça se fait plus vraiment, c’est pas très facile et puis c’est pas le même contexte, mais bon à l’école y’a toujours un journal, l’autre classe de GS et on l’a gardé ça, parce que c’est un outil vraiment de communication et en classe de petit on a un cahier qui correspond au journal, comme l’enfant ne sait pas écrire, j’écris ce qu’il a envie de me dire, ce cahier repart chez les parents les parents écrivent et il revient, donc on cherche toujours une communication très grande... l’enfant me dit par exemple je ne sais pas n’importe quoi, j’ai fait un gâteau chez moi si il veut que je marque ça je lui demande : Qu’est-ce que tu veux que j’écrive , alors je l’écris, ce cahier part chez les parents, les parents lisent et dedans on colle aussi les chansons, c’est un cahier mémoire.

  • Vous le renvoyez tous les jours ?

  • Non deux fois par semaine et les parents, s’il se passe quelque chose chez eux, ils l’écrivent aussi.

  • Et cette idée de la communication avec l’extérieure pourquoi elle vous paraît importante pour l’enfant ?

  • Bon parce-qu’il est pas coupé, quand il est là il est pas coupé quand même de la vie, bon surtout les petits, bon c’est difficile tout petit d’être coupé de sa mère, donc ils ont besoin de savoir qu’ils sont reconnus aussi à l’école en tant que vivant aussi autre chose ailleurs. On voit bien quelquefois les enfants qui sont réticents avec l’école, il suffit que la mère où le père vienne lui parler, et après bon, il n’y a plus de problèmes, ils ont vu leurs parents en communication avec l’instituteur et ça aide beaucoup...

  • Donc pour vous ce sont les deux idées fortes qui vous viennent à l’esprit, spontanément, c’est le respect de l’enfant et puis cette idée de communication.

  • Oui et puis l’expression, bon essayer de développer un enfant.... pour moi et pour les gens du groupe tout est important, on a autant besoin de s’exprimer corporellement, en peinture ou en musique que d’apprendre à lire, souvent dans les classes c’est pas du tout au même niveau, dans d’autres pédagogies, lire c’est le plus important et puis après s’il reste du temps. Dans le groupe on essaie de garder la place normale qui est... en plus elle est dans les programmes et puis la création je crois qu’on y tient quoi.

  • Donc c’est une expression qui part encore de l’enfant de ce qu’il a envie de faire, mais c’est pas libre complètement parce que ça été beaucoup attaqué ça en disant l’expression libre, alors nous ça s’appelle comme ça, mais expression libre ça veut pas dire liberté totale sans progrès, on a eu des attaques comme ça en disant bon, il font toujours la même chose si vous les aidez pas mais c’est accepter ce qu’il ont fait et puis une fois qu’on a vu ce qu’il y avait, les pousser dans une voie... les aider à progresser.. On les laisse pas libre et puis on les laisse tomber quoi.

  • D’accord, c’est partir de leur motivation de leur intérêt....

  • D’essayer d’aller un peu plus loin.

  • Donc le fondement c’est le respect de ce qu’est l’élève dans sa nature propre et à partir de là on lui apprend à communiquer finalement et puis à s’exprimer...

  • Et puis à vivre en groupe aussi, pas individualisé à oui ça j’ai oublié, ça c’est très important. Quand ils sont en classe et bien c’est un groupe, il faut qu’ils s’aident entre eux dans l’esprit de coopérative qui est très très important.

  • Est-ce-que vous auriez des exemples à donner de l’apprentissage de la vie de groupe en classe, dans les situations que vous vivez?

  • Je ne sais pas, il y a des choses simples, le tour de service par exemple, bon y’en a qui sont de service pour distribuer les goûters, bon ça change tous les jours, bon c’est des choses comme ça, ou autrement quand ils doivent s’aider entre eux, par exemple pour s’attacher les tabliers si y’en a un qui renverse les perles, c’est pas celui qui renverse les perles qui va ramasser tout seul on demande aux autres d’aider à ramasser les perles, on demande toujours une participation collective..

  • Dans le but de leur faire comprendre l’importance de la solidarité des choses comme ça, le partage.

  • Oui le partage, bon si y’en a un qui a oublié son goûter on partage toujours les goûters, pour les grands, ils gèrent plus les règles de fonctionnement de l’école, par exemple si on dit qu’il ne faut pas crier dans la BCD, on lui explique pourquoi, mais chez les petits y’a pas de règlement affiché, on le redit ça.

  • C’est ce qui vous vient, le respect, la communication, l’expression, l’apprentissage de la vie de groupe...

  • Pour l’instant je vois ça.

  • Et si vous aviez à vous exprimer sur l’idée que vous avez de l’enfant que vous voulez former, vous disiez au fond, y’a un état d’esprit, y’a une philosophie derrière, donc quel type d’enfant vous voulez promouvoir... quelles sont vos convictions par rapport à ça?

  • C’est l’idéal, mais je crois que tout enseignant dans n’importe quel pédagogie, on doit tous rêver de la même chose, on voudrait qu’on ait réussi à développer dans l’enfant toutes ses capacités pas qu’intellectuelles, toutes, et puis en plus qu’il soit bien dans son corps, capable de s’adapter à toutes sortes de situation et qu’il est confiance en lui, parce qu’un enfant qui n’a pas confiance en lui, il est vraiment très démuni dans la vie, ba bien sûr une confiance justifiée. Pas des enfants qui sont m’as-tu-vu ou des choses comme ça.... enfin je sais pas comment dire un enfant qui est bien intégré dans un groupe et en plus qui sait qu’il est capable de faire des choses qui se connaisse et qui respecte les autres. On a l’impression d’assister à une compétition... le mieux c’est de se marcher les uns sur les autres et là si j’avais un enfant idéal ce serait plutôt ça. Qu’il respecte, qu’il aide les autres et qu’il se développe le mieux possible sur tous les points de vues.

  • Et en même temps qu’il ait confiance en lui, qu’il soit bien dans sa peau, qu’il se connaisse bien et ce qui lui permet vis-à-vis du groupe d’être plus respectueux..

  • Oui d’être actif, de pas être dans son petit coin à ne rien faire, qu’il soit vraiment actif et puis bon qu’il se connaisse et s’il a quelques problèmes bon que ça l’inquiète pas mais qu’il soit assez fort pour pouvoir y travailler quoi.

  • Vous parliez tout à l’heure d’adaptation. Donc devant les difficultés, trouver les ressources pour pouvoir s’adapter, pour vous ça veut dire quoi s’adapter ?

  • C’est-à-dire qu’il peut rechercher, qu’il soit pas complètement démuni, on voit ça des enfants on leur propose quelque chose de nouveau ils essaient pas ils sont incapables de mettre en....d’abord ils commencent par être paniqués, au lieu de se dire, mais je suis capable de quelque chose. Qu’est-ce-que je peux faire ?, donc pour moi c’est ça s’adapter, on leur propose quelque chose de nouveau. Comment je vais m’en sortir pour essayer de répondre ?, même si je sais pas tout répondre, tout faire, ne pas être complètement perdu devant une nouvelle situation, devant n’importe quoi.

  • Vous disiez tout à l’heure, c’est un peu l’idéal de tout enseignant est-ce-que la connaissance de la pédagogie Freinet vous a renforcé dans ces convictions , ou est-ce-que sans la pédagogie Freinet, vous aviez au départ ses convictions ? Est-ce-qu’il y a un lien...

  • Je sais pas parce que mon père était déjà instituteur, il enseignait d’une manière très traditionnelle, mais il insistait aussi toujours sur le respect des autres qu’on retrouve là, je veux dire j’ai été aussi élevé un peu comme ça, j’ai envie de continuer, bon y’a des choses qui ne me plaisait pas forcément.

  • Mais vous dites dans votre histoire personnelle, y’avait des valeurs qui étaient promues comme ça et que vous avez reprises?

  • Je sais que le respect des autres et l’entraide c’est quelque chose que je connaissais de mon père, mais que j’avais pas retrouvé du tout dans les classes où j’étais allée en stage, et ça, ça m’avait vraiment étonnée qu’il n’y ait pas du tout cet esprit-là. Peut-être que je suis tombée dans les seules classes qui fonctionnaient comme ça, moi j’en avais fait une sorte de généralité puisque je n’avais rien vu d’autres.

  • Donc c’est en découvrant cet état d’esprit Freinet que vous vous êtes dit au fond ça correspond bien à ce que moi je trouvais un bien dans mon éducation. Est-ce-que ça se traduisait pour vos parents dans des engagement sde soutien ou bien associatif...Ou est-ce-que c’était un état d’esprit qui était véhiculé?

  • Non, mon père faisait beaucoup de bénévolat, il était dans des associations, il participait bon a une amicale laïque, quand y’avait des travaux, il était toujours prêt ça devait faire partie déjà de ça.

  • Donc une certaine générosité dont vous avez héritée.

  • Oui je pense,

  • Vous pensez qu’il y a un lien quand même, votre intérêt pour Freinet et votre histoire.

  • Oui, je pense parce que si on m’avait éduqué complètement d’une autre façon ça m’aurait semblé normal. Je pense les classes que j’avais vues fonctionner, quand je les ai vu fonctionner, je me suis dit : ’mais moi je suis pas capable de faire ce travail là, ça correspond pas’, alors je pense que ça vient de mon éducation. C’était en rupture aussi avec ce que j’avais vécu quand j’étais en école normale, parce qu’on était pensionnaire à l’époque, et c’était très sévère et moi j’avais vécu chez mes parents... je suis rentrée à quinze ans et j’ai été surprise de comment on considérait nos personnes de quinze ans, chez mes parents j’avais suffisamment de liberté, ils me faisaient confiance, bon ils avaient raison puisque je faisais pas de bêtises et bon je travaillais aussi bien et quand je me suis retrouvée dans ce pensionnat incroyablement sévère, je n’ai plus travaillé, j’ai dit mais c’est fou, pourquoi ils ne nous respectent pas, on était toujours soupçonné de n’importe quoi et ça j’ai trouvé çà affreux et je pense que quand j’ai vu les classes d’application qui représentaient un peu le même esprit, j’ai dit : ’mais je serais jamais enseignante là-dedans’, à moins que ce soit en maternelle qui me semblait plus ouverte c’est pour ça que en sortant j’avais demandé une maternelle.

  • Donc y’a quand même une cohérence

  • Oui, et je crois que cette vie de pensionnat elle a fait que ça a été pire que tout, parce-qu’ils nous demandaient des choses, et je ne comprenais pas, parce que je trouvais qu’on avait quinze ans et mes parents ne m’ont jamais élevé dans cet esprit de suspicion.

  • Au niveau du groupe Freinet qu’est-ce-qui vous.....plaisait ?

  • Ce qui me plaisait c’était la variété enfin tout ce... toute la richesse des gens qui étaient là, bon dans leur engagement même politique et leur vie personnelle qui était riche aussi, ils étaient très ouverts, on pouvait parler de culture etc...c’était très très intéressant, plus leur travail pédagogique qui était varié parce que d’une classe à l’autre bon y’avait des mêmes idées, mais bon les techniques changeaient, les âges étaient différents et puis ce qui était intéressant c’était que quand on avait un problème qu’on savait pas comment le résoudre et bien le groupe nous aidait, on en discutait et puis on disait bon, on va dans ta classe un mercredi et puis on va t’aider, ce qu’on reproduit encore. Y’a deux ans, y’a un jeune instit, il nous a dit mais j’ai une classe unique, je ne sais pas l’organiser, je suis débordé et puis on l’a aidé on l’a organisée on a essayé de lui voir ses coins. Il avait plusieurs niveaux, comment arranger ça, y’a toujours de l’entraide dans le groupe.

  • Donc en fait ce que vous vivez avec les adultes vous le refaites vivre avec les enfants ?

  • On essaie, y’a toujours cette idée d’un esprit du partage, de la solidarité entre vous parce qu’ un exemple concret dans ce qui s’est passé là dans cette BCD là, je l’anime l’après-midi et puis je me suis dit, je voudrais trouver des jeux d’animation, comme c’est plus riche quand on est plusieurs que tout seul, donc on a fait une réunion ici, et on a dit bon qu’est-ce-qu’on pourrait faire et inventer, bon j’ai fait les ébauches et puis je les ai essayé avec les enfants et après ça on retourne au groupe, mais il a été élaboré là parce que j’avais un problème important j’avais une idée, mais je savais pas trop comment et à plusieurs on y arrive mieux.

  • Et dans ces groupes avec les amis qui pratiquent Freinet est-ce-qu’il y a eu des personnes ressources plus particulières pour vous ?

  • Je sais pas, y’avait des figures marquantes dans le groupe, bon peut-être qui avaient plus l’habitude qui étaient plus formées.

  • C’est ça la question, c’est est-ce-que vous avez rencontré des figures marquantes ? C’est-à-dire des gens qui vous ont dynamisé...

  • Oui il y en avait,

  • Vous vous souvenez concrètement qu’il y avait ....

  • Bon j’étais un peu admirative devant le travail quelles faisaient, bon ce n’était pas forcément des responsables, les responsables c’est juste des noms pour recevoir du courrier des choses comme ça, c’est tout. Donc c’était des personnes du groupe mais que j’admirais par leur investissement par leur travail et puis leur réflexion sur leur travail, bon moi j’étais plus jeune et j’étais contente de les rencontrer et puis en plus leur soutien parce que à l’époque on avait beaucoup de problèmes avec l’administration qui n’acceptait absolument pas le genre de travail que l’on faisait on était souvent en but soit aux parents soit...donc c’était pas facile, donc c’était bien d’avoir un groupe qui nous aidait, on avait quelquefois besoin d’être rassuré de savoir si c’était bien ou mal, donc ça nous permettait de réajuster... Parce que ça n’a pas été souvent bien accepté la pédagogie Freinet, les gens disaient, ils ne font rien dans ces classes-là.

  • Et vous dites au fond c’est plus un état d’esprit peut-être parce que c’est en maternelle,

  • Oui en maternelle, je parle vraiment en maternelle, en suite en primaire c’est un peu différent parce qu’on a plus les mêmes méthodes. Dans l’école ont est pas tous Freinet, mais on a la même philosophie en gros de l’enfant.

  • Est-ce-que vous diriez que c’est plus important la philosophie par rapport à la technique où c’est ce qui est premier avant la technique ou...

  • Oui moi je crois que c’est premier

  • Pour vous c’est premier

  • Oui,

  • En fait la finalité le but que vous visez à travers la création d’un enfant qui ait les qualités dont vous parliez pour vous c’est vraiment ce qui impulse votre action.

  • Oui c’est premier, puis après les techniques on essaie de les mettre en accord avec ces principes, mais les techniques elles sont importantes après surtout.

  • Donc au fond ces principes n’ont jamais été vraiment changés pour vous depuis que vous enseignez

  • Et puis plus je vieillis, plus je me dis qu’ils sont solides

  • Par contre la technique a pu évoluer, autant les principes sont restés, enfin c’est moi qui interprète peut-être...

  • Non, non, par exemple, je sais qu’autrefois on faisait le journal avec l’imprimerie, bon maintenant le journal on ne le fait pas avec l’imprimerie, on le fait avec des lettres qui sont photocopiées ou à l’ordinateur, bon je veux dire que c’est une différence de technique mais l’esprit est toujours le même.

  • Est-ce-que vous vous êtes intéressée à d’autres groupes, vous dites le GFEN .

  • Parce que on a travaillé un moment avec ce groupe, le GFEN avait fait une recherche sur la lecture et nous aussi on faisait une recherche sur la lecture, donc on trouvait que c’était mieux quand même de se mettre ensemble pour faire une recherche sur la lecture et ça nous a intéressé donc on a travaillé un petit moment ensemble.

  • Et qu’est-ce-qui explique que vous êtes toujours restée dans ces groupes dans le temps avec l’orientation Freinet?

  • Bon le GFEN en grande partie avait les mêmes principes avec peu de différence, c’était plus marqué politiquement à une époque.

  • Et Freinet c’est marqué politiquement encore? Moins que ça ne l’était?

  • Non pas spécialement, non pas maintenant....

  • Par contre, j’avais entendu dire que tout ce qui était un peu plus catho, c’était un petit peu rejeté.

  • Oui parce que, si parce que c’est considéré comme une aliénation la religion et comme donc c’est pas du tout l’esprit de Freinet c’est plutôt vers la liberté, c’était obligatoirement pas catho.

  • Et dans l’esprit Célestin Freinet la religion était bannie comme une aliénation.

  • Oui je pense.

  • Ca exclu des gens dans le groupe qui soient dit catholiques par exemple.

  • Oui enfin tout est, je sais pas, ils peuvent prendre des techniques, les techniques, ils peuvent avoir...mais alors bon cette partie là de philosophie elle est complètement différente. Dans le groupe Freinet il n’y a pas du tout de gens catholiques, y’a des gens qui ont voulu connaître ce qui se passait mais en fin de compte bon, ça va pas de paire avec...complètement, on peut faire une pédagogie qui ressemble à la pédagogie Freinet mais si on est vraiment dans la pédagogie Freinet y’a pas la dimension religieuse, c’est la laïcité complète.

  • Donc ce qui est plus rejeté, c’est un petit peu l’aliénation qui est faite d’une obligation à travers les pratiques catholiques...

  • Que ce soit n’importe quelle religion, c’est ça qu’est rejeté que ce soit n’importe quelle religion

  • Donc vous de votre côté vous n’avez pas eu d’éducation religieuse

  • Si j’ai eu une éducation religieuse légère mais j’en ai eu une.

  • Mais qu’à l’époque vous aviez rejeté

  • Ba c’était quelque chose de....

  • C’était anodin

  • Oui ça jamais été... enfin je sais pas comment dire, c’était quelque chose de social plutôt, c’était pas une conviction.

  • Et c’était à l’école

  • Non non j’allais au catéchisme le mercredi,

  • Parce que vos parents vous avez dit d’aller au catéchisme, mais vous avez été à l’école dans une école laïc

  • Et vos parents n’avaient pas de convictions religieuses?

  • Non, alors donc vous actuellement pour vous situer par rapport à l’état d’esprit, vous n’avez pas non plus de conviction religieuses

  • Non...Non je n’ai pas de convictions religieuses.

  • Donc le rejet c’est plus par rapport à l’idée de l’église, l’aliénation, toute la représentation qu’il peut y avoir de la religion en tant que non liberté

  • Oui, et puis bon si c’est une école religieuse, on inculque obligatoirement une idée religieuse pourquoi en inculquer une, donc c’est un principe de laïcité que j’ai, les gens peuvent faire la religion qu’ils veulent en dehors mais pas à l’école et ça Freinet y tenait beaucoup c’est là le problème avec des gens qui veulent essayer par exemple dans une école catholique bon ba y’aura toujours ce point là qui clochera.

  • Vous avez utilisé tout à l’heure le mot liberté, c’est une valeur qui donc semble importante et au sens de l’état d’esprit Freinet ce serait quoi la liberté?

  • C’est la même que dans le, par exemple il y a quelques années, le groupe Freinet à beaucoup travaillé sur les droits de l’enfant qui ont été mis au point et dedans il y a des libertés qui sont fondamentales et c’est pour tout le monde, enfin c’est pas exceptionnel les libertés qui sont revendiquées.

  • Du point de vue de votre personnalité qu’est-ce-que vous auriez à dire... Qu’est-ce-qu’on dirait de vous ?

  • Je suis plutôt curieuse, j’ai toujours envie de connaître, d’apprendre et puis bon j’apprends l’arabe avant j’ai appris l’Espagnol je fais partie de groupes de théâtre je suis plutôt quelqu’un d’ouverte.... je sais dire non sans être agressive. Je suis dans beaucoup d’associations.

  • Vous faîtes partie de quelle association ?

  • Je fais partie d’une association qui s’appelle ’Enjeu’ et qui est pour développer le théâtre et le jeu dramatique à l’école et je suis responsable d’une commission. Ensuite, je fais partie d’une association qui s’appelle ’KALIMA’, c’est une association culturelle pour que les cultures arabes et françaises essaient de se comprendre, quelque chose qui est plus sur les respects de chaque peuple plutôt que de se tirer dessus ou de se dire des choses.... On réfléchit, mais c’est surtout des actions pour faire connaître la culture arabe en France, y’a des expositions et puis bon il y a des cours et je participe au cours d’arabe. Je suis responsable d’un groupe de théâtre, je fais pas de théâtre dans ce groupe là, mais je suis responsable pour organiser les spectacles, en fait un relais. Je fais aussi partie de l’antenne théâtre au CDDP, là je suis responsable du groupe, avec des enseignants qui ont envie de faire ça dans leur classe. Ca doit être à peu près tout, plus le groupe Freinet.

  • On vous qualifierait de quelqu’un d’assez engagée, d’active et ouverte...

  • Oui, bon tout m’intéresse, je veux dire que s’il y a des expositions, je vais voir les expositions, j’essaie toujours de voir pour moi et puis ce que je vais en retirer pour tout le monde, si ça me plaît, je vais essayer de faire venir le plus de gens possible.

  • Alors toujours peut-être par rapport à cette philosophie un petit peu de l’homme derrière, le respect, le partage aussi. Vous dites que vous êtes dans le théâtre donc vous partagez votre expérience avec des enseignants et puis le respect on le retrouve dans votre association avec la langue arabe, y’a bien un lien entre vos idées et vos engagement personnels, c’est cohérent....

  • Et même jusqu’au bout puisque nous vivons en communauté, y’a encore une autre dimension, le partage et le respect et la coopérative. On a acheté une maison à plusieurs. Toute ma vie est comme ça.... et je ne me sens jamais en rupture, ce que je fais chez moi, je peux refaire ça en classe.

  • Et vous disiez ces idées vous les avez, elles restent....

  • Pour moi elles ne sont pas encore caduques, non elles semblent toujours valables et même certaines, j’ai envie encore d’appuyer quoi, parce que j’ai des enfants qui sont grands, quand je vois ce qu’on leur demande, leur façon d’être ça semble étonnant quoi, sur le plan de la compétition quoi, scolaire où des choses comme ça, c’est pas du tout mon esprit.....Je sais que j’ai des possibilités que je vais pouvoir utiliser, on voit des enfants paralysés complètement, devant quelque chose de nouveau, qui ne savent pas où trouver des points d’appui pour faire face et bon en classe, je dramatise, parce que je pense que c’est un outil important pour se libérer de... autrement au point de vue de l’école, on fait des ateliers de décloisonnement c’est-à-dire qu’on est pas chacun dans notre classe, on a aussi les enfants qui tournent et moi j’interviens aussi en primaire.