Vous êtes actuellement enseignant en...
Alors actuellement, je n’enseigne plus depuis deux ans. En ce moment, je suis animateur de Zone sur la circonscription de C..., je travaille sur le journal de ciconscription qui est en fait un journal de Z.E.P. Donc mon travail, c’est de promouvoir ce journal et de l’éditer à partir des articles... et j’ai en charge aussi la mise en place des BCD pour pouvoir fonctionner, avec en même temps de ma part, un soutien sur l’activité de recherche documentaire à la fois pour les instits et pour les gamins. J’ai aussi en charge ce qui concerne la mise en place de travail individualisé de la part des collègues. Quand les collègues veulent mettre en place du travail individualisé dans leur classe, je peux être amené à les aider à faire çà.
Et avant vous étiez enseignant en quelle classe ?
Instituteur. Bon, j’ai eu tous les niveaux, mais j’ai une grosse préférence pour les CM
Et donc, à l’époque on pourrait vous qualifier de personne qui pratiquait la pédagogie Freinet ?
Oui. Je me suis frotté longtemps au mouvement. Disons que j’ai eu des pratiques de pédagogie Freinet. Disons que ce type de méthode, on ne peut pas prétendre faire partout de la pédagogie Freinet, vu que quand on voit les différentes avancées des collègues sur des points précis de pédagogie, en général quand on va à des réunions, chacun présente ce qu’il sait mieux faire et on en arrive à un truc très idéalisé. On ne peut pas tout faire, ce n’est pas possible. Donc, on est obligé de s’axer sur quelque chose et d’être plus défaillants sur d’autres. Donc ce qui fait qu’on a tous des fonctionnements différents, tout en ayant un axe central similaire, y’a quand même des idées maîtresses qui restent.
Est-ce-que vous vous souvenez la première fois où vous avez été en contact avec cette pédagogie ? et en revoyant la situation est-ce-que vous pouvez la décrire ?
Oh oui, Ah c’est très difficile, c’était en 1970. J’étais normalien. A partir de la seconde, à l’époque on rentrait à l’école normale au sortir de la seconde. Et si je suis rentré à l’école normale, c’est pour pouvoir avoir le Bac, parce que c’était le seul moyen en tant qu’aîné de six enfants, d’avoir le bac sans trop gêner les finances parentales puisque seul mon père était au travail en temps qu’ouvrier spécialisé. Bon, à partir de là, j’avais eu à choisir entre les PTT et l’école normale. J’ai choisi l’école normale, vu la manière de fonctionner de mon père çà n’a pas été surprenant. J’ai suivi, çà pas été surprenant, je suis le genre de personne à suivre papa maman facilement. Ca joue dans ma manière de faire et d’être au niveau de la pédagogie Freinet aussi. Alors là donc, quand j’ai eu le bac, je suis resté à l’école normale et je rêvais de devenir prof de maths. En fait les affaire étaient piégées parce que les premiers, ceux qui ont eu les meilleurs notes au bac ont pu préparer le professorat, les autres sont restés à l’école normale pour devenir instit.
Alors là çà faisait la deuxième année qu’il n’y avait pas une année de formation professionnelle, mais deux. D’où panique de la part des profs parce-qu’ils étaient amenés à étendre leur année de formation sur deux ans et ils ne savaient pas comment faire. C’était la panique totale. On assistait à çà, c’était pas triste et on ne s’est pas vraiment fait une haute idée de l’enseignement, ou disons de la manière de former les gens à partir de là, parce que vraiment ils paniquaient les profs. Il y en a beaucoup qui ne savaient plus quoi faire. Et puis en hésitant à proposer des choses parce que c’était nouveau alors que c’était en même temps ce qui avait des chances d’aller de l’avant quoi. Donc des profs qui s’interdisaient en fait les choses qui allaient de l’avant, pour des jeunes qui ont dix-neuf vingt ans, çà fout les boules quelque chose de bien. Donc on a eu une opinion de nos formateurs très très dévaluée, çà c’est certain, avec une première année où on a eu des petits stages d’observation. C’est-à-dire, qu’on allait pendant quinze jours-trois semaines dans une classe, on était amené a enseigner le jour ou l’instit d’application était en congé ou en formation et pendant un an on a eu une pratique, sans nous le dire, parce-qu’en plus de çà le prof de pédagogie, parcequ’il n’avait pas été fichu de nous l’apprendre clairement, nous apprenait une seule méthode de travail, qui était une méthode de lecture traditionnelle et puis il y en avait pas d’autres. Pas réjouissant à priori. Bon les autres pratiques, j’imaginais que c’était possible, mais sans plus quoi, avec peu de contestation de la part des uns et des autres puisqu’on ne savait pas comment on faisait. Puis la deuxième année de stage en situation puisque là on était trois mois dans la classe d’un instit qui lui avait trois mois de formation professionnelle continue. C’était le début de ces sessions de formation professionnelles à l’intérieur du métier quoi. Ca avant, çà n’existait pas puisque c’était dans les années soixante-dix et, c’est l’après soixante-huit tout çà..! donc çà se mettait en place. Les instits qui partaient étaient bien contents de partir, à la fois aussi très inquiets parce qu’ils lâchaient leur classe à des jeunes, ils savaient très bien qu’ils ne connaissaient pas le métier puisqu’ils étaient là pour l’apprendre, ce qui donne des choses pas tristes non plus d’ailleurs. Bon, grosses angoisses de la part de beaucoup d’instits, mais en même temps grosse chance pour certain dont moi, parce que je suis tombé sur un instit qui lui avait envie de changer sa manière de travailler. Donc au départ, il avait déjà envie, il avait eu l’occasion d’avoir pris contact avec différents instits, dont des instits qui pratiquaient la pédagogie Freinet. Il avait un côté très indépendant c’est P... Je peux le citer, çà pourrait être intéressant de le voir aussi pour vous.
Et il est aussi dans la pédagogie Freinet ?
Disons qu’il est proche de la pédagogie Freinet, mais il n’est jamais vraiment rentré dans le groupe. Il l’a côtoyé plus qu’il n’est rentré dedans, parce que c’est vraiment un esprit indépendant. Même un groupe Freinet où quand même on a pas mal de latitude dans nos activités bien entendu, même çà.. Le fait de rentrer dans un moule çà non. Donc lui il n’est jamais allé à fond dans une activité du groupe Freinet. Mais vraiment, il l’a bien côtoyé.
Donc lui au départ, il avait envie de changer, mais il ne faisait pas la pédagogie Freinet ?
Non, il rentrait dedans lui aussi : il commençait à connaître et il avait l’intention de s’y mettre, parce que lui, son interrogation c’était un type. Il avait un CP et c’est un type qui s’interrogeait sur tout ce qui est lecture et les méthodes de lecture qu’il connaissait. Ca commençait à le gonfler prodigieusement et il avait envie de voir ailleurs. Et le voir ailleurs, il a eu l’occasion, je ne sais pas comment d’ailleurs, d’entendre parler de la méthode naturelle de lecture-écriture. Elle l’intéressait beaucoup parce que il voyait bien qu’on mettait en route les enfants sur ce qui les intéressait. Moi ce qui m’a branché sur la pédagogie Freinet, c’était la motivation parce-qu’ il faut dire que j’étais très bon à l’école. Disons je me débrouillais pas mal, c’est vrai que la motivation. Moi j’avais une motivation, elle était claire, javais envie de savoir pleins de choses et je me suis aperçu que tous les copains n’avaient pas forcément envie de savoir pleins de choses et surtout pas par le biais du système existant. Bon ce qui fait que je me suis dit : ’ Une des premières choses les plus importantes dans le métier, c’est que les enfants aient envie.’. Donc, je me suis retrouvé avec un instit, qui lui avait envie que ses enfants aient envie, je me suis branché tout de suite. Je me suis dit : ’ Voilà quelque chose d’intéressant’. J’étais donc très intéressé par cette façon d’aborder les choses.
Mais alors quel à été... est-ce-que vous vous souvenez du moment... c’est par qui ?
C’est JP... qui m’a présenté aux copains du groupe Freinet. Il a vu que j’étais intéressé par la chose.
Est-ce-que c’était parce-qu’il connaissait des gens ou est-ce-que c’était juste parce-qu’il pensait que c’était une pédagogie où les enfants pouvaient avoir envie de etc...?
Je ne sais plus à l’origine. Oui, moi je pense que c’était parce-qu’il avait découvert une autre approche de l’enfant... Il y avait une autre chose qui l’intéressait aussi c’était l’isolement dans la classe et c’était aussi une manière de parler avec d’autres. Il m’avait parlé pas mal de çà aussi, de retrouver d’autres personnes qui cherchent dans leur travail. Alors, c’est vrai que la pédagogie Freinet permet çà puisqu’il y a un groupe constitué.
Donc vous avez été présenté au groupe Freinet et c’est comme çà que vous êtes rentré dedans ?
Oui...Et j’ai mis longtemps à vraiment y participer à fond, parce que j’étais très... comment dire... je suis une personne très indécise. Je suis quelqu’un qui adhère volontiers de l’esprit, mais pas forcément dans les actes tout de suite. J’ai beaucoup de mal, je suis très peu sûr de moi. Donc là, c’était difficile, parce que quand on rentre dans ce genre de travail, après faut y aller, quoi.
Et malgré tout quand vous avez participé au groupe, qu’est-ce-qui vous a séduit ?
Ce qui m’a séduit ? Des gens qui cherchent, qui ont envie de faire des choses, qui ont envie que çà avance dans le travail. Ca c’est clair et net.Je suis resté, pendant les trois mois de stage en situation, j’ai pas beaucoup revu les copains, j’ai parlé de ce que j’ai fait avec mon CP en formation professionnelle, ou visiblement j’ai senti une certaine hostilité de la part des copains. Carrément, alors j’ai découvert là que c’était une pédagogie qui n’était pas forcément appréciée et qui n’était pas officielle loin de là et qui était même plutôt décriée. Alors j’étais surpris. J’étais surpris parce que moi je m’étais retrouvé avec des gens qui avaient envie d’avancer. Qui avaient envie que les choses marchent avec leur gamins. Alors je me suis fait jeter plusieurs fois ou disons moquer par les autres. J’ai retrouvé disons ce que je vivais enfant, je l’ai retrouvé de la part des copains en formation professionnelle, j’explique : Quand j’étais petit, moi je suis un type qui se conformait très facilement petit à l’attitude des adultes. Disons que les adultes disaient que çà c’était une bonne chose, je suivais volontiers. L’école, c’était bien donc j’allais volontiers à l’école, je me pliais facilement à l’autorité ce qui fait que, comme j’avais une grosse soif de connaissance, j’étais toujours disons aux premières loges et très actif dans tout ce que proposaient les instits puisque j’avais eu une motivation en quelque sorte première qui me permettait de faire çà. Ce qui fait que j’ai eu souvent le sentiment d’être considéré comme un fayot par les petits copains alors que c’était pas du tout mon intention, J’étais pas le genre à lécher les bottes de l’instit pour qu’il me donne une bonne note, puisque je m’en sortais sans avoir besoin de... Mais mon attitude induisait de la part des petits copains, une réaction négative, parce que les petits copains s’en sortaient moins facilement que moi. Alors çà j’ai vite senti une indisposition des copains par rapport à çà et j’ai eu le même type d’impression quand j’ai commencé a parler du peu de pratique que j’avais eu pendant trois mois de la part des copains en formation qui eux avaient pas vécu çà. J’ai eu exactement la même impression, çà m’a beaucoup gêné, beaucoup décontenancé et je me suis dit : ’ Mais alors ? Mais qu’est-ce-qu’ils cherchent en voulant faire ce métier ?’.
Moi, ce que je cherchais c’était une espèce de perfection, çà c’est clair. Bon, un côté perfectionniste, çà fait partie du bonhomme. Donc, j’essayais de trouver ce qui convenait le mieux à l’enfant et je me suis aperçu comme çà qu’il y avait des copains. C’est pas ce qui convenait mieux à l’enfant qui les intéressait, c’est ce qui leur convenait le mieux à eux. Et là, je comprenais plus. Pour moi, faire le métier, la pédagogie, c’est d’abord agir vis-à-vis de l’enfant. Bon après, je me suis rendu compte au fil des années qu’il y avait d’autres aspects qui me convenaient bien. Bon, c’est quand même ambigu, il faut dire ce qui est puisque en même temps dans ma pratique personnelle, j’ai toujours eu beaucoup de mal quand les enfants ne pigeaient pas tout de suite ce que je voulais leur proposer. Ca m’a toujours rendu perplexe, c’était le même phénomène que quand j’étais petit d’ailleurs. C’est : ’Je ne comprends pas qu’ils ne comprennent pas. Bon sens, je fais la démarche qui semble le mieux lui convenir, ça ne marche pas, comment çà ce fait ? Je ne comprends pas. et pourtant c’est ce qui me paraîssait être le mieux. Donc un retour après pour trouver la solution qui convenait etc... Cette incompréhension que le gamin ne puisse pas accepter l’école, c’est quelque chose qui m’a toujours désarçonné. J’ai mis très longtemps avant d’accepter que l’on puisse aller à l’école sans vouloir y aller.
Ce qui n’était pas votre cas.
Non çà ne l’a jamais été, c’est maintenant que j’ai du ressentiment vis-à-vis de l’école.
Alors si on reprend la question initiale de ce qui vous a séduit au départ de la pédagogie Freinet, vous disiez c’est aussi le partage entre les gens, le fait qu’ils aient une motivation similaire ? Et si je continue dans ce domaine là, est-ce-que c’est quelque chose qui a été important pour vous la solidarité avec les gens, les liens affectifs, ? Ca semble important dans le mouvement Freinet ?
Oui très. C’est euh, disons qu’il y a deux aspects quand même. Je pense au groupe tel que je l’ai vécu. C’est-à-dire que chez moi, j’avais besoin de discuter avec d’autres instits, c’était un besoin profond personnel, je sentais que ce qu’on me proposait était une voie intéressante, parce que ouverte vers l’enfant, donc je me suis engouffré là-dedans, parce que je voyais bien que disons, je découvrais que la pédagogie n’était pas une science infuse et que c’était pas une science toute faite que paf.. Moi quand j’étais petit, je croyais que tous les instits faisaient la même chose au même moment et quand j’ai découvert que c’était pas le cas, qu’il y avait des instructions officielles qu’il fallait appliquer, mais qu’en même temps que chacun, disons, avait à aménager en fonction de sa personne, en fonction de sa classe etc... chose que j’ai découverte effectivement en formation professionnelle, qu’on me propose un groupe, des enseignants qui cherchent sur leur pédagogie, j’ai dit : ’Chouette, chouette, une autre formation’. Formation que je ne recevais pas à l’école normale, parce-qu’à l’école normale, on avait ..il paraît que le prof qui faisait de la psycho-péda était un prof très bon, très apprécié de ses collègues, mais il était pas du tout apprécié de ses élèves, parce-qu’en fait, il n’a pas su transmettre tout ce qu’il pouvait savoir et dans la pédagogie qu’il proposait, c’était statique, extrêmement statique, ce qu’il..?.. ou alors il utilisait un langage qui était au- delà du mien, çà aussi, c’est vrai. Ca aussi, c’est important que je le dise. A l’école normale, je me suis aperçu qu’on était très peu de fils d’ouvriers, y’avait beaucoup de copains qui étaient de classe moyenne. Donc pas le même type de réaction. Moi je suis rentré à l’école normale, en me disant : ’Je grimpe l’échelle sociale’. C’était clair dans mon esprit. Vraiment, c’était un outil pour avoir le bac, un outil pour être un stade au-dessus par rapport au parents. Il faut dire que c’était le rêve de mon père.
Vous réalisiez le rêve de..
Je réalisais le rêve parental, complètement..
Et on était parti sur le groupe, on était parti sur le groupe en temps qu’unité.
Oui, là je retrouvais quelque chose qui me manquait de la part des copains, c’est-à-dire que au niveau des copains, y’avait une espèce de milieu clos où ils se satisfaisait de ce qui existait déjà, alors que dans le groupe Freinet, on ne se satisfaisait pas de ce qui existait déjà et y’avait d’autres choses, y’avait cet aspect de promotion sociale pour les enfants qui était clairement défini aussi, c’est-à-dire que les copains qui étaient là étaient d’une sensibilité de gauche à fond la caisse, mais en même temps ils appliquaient les idées qu’ils avaient au niveau des enfants. Il y avait une générosité vis-à-vis des enfants qui m’a paru extrêmement importante... alors, je ne pouvais qu’adhérer.
Donc l’aspect du groupe à été important dans la continuation de cette méthode Freinet ?
Oui pendant longtemps oui çà a été important. Y’a une autre chose aussi : Bon pour moi, le... comment dire ?, je m’étais petit à petit forgé un petit peu une ligne directrice de mon activité professionnelle qui est due là, par contre, à ma formation religieuse : c’est-à-dire une espèce de générosité vis-à-vis du plus pauvre, bon, çà correspond à la démarche du Christ, c’est clair.. (rire.). Je pense que même si je peux l’exprimer vraiment clairement que maintenant, avant c’était sous-jacent, mais je le ressentais profondément. J’ai toujours souhaiter... D’abord quand je suis devenu instit, je me suis dit : ’J’enseignerai dans des écoles dont je suis issu’. Le milieu populaire c’est un milieu que je connais, j’étais dedans bon, donc j’ai.. Alors çà, j’ai une revendication vis-à-vis de l’école aussi, j’ai toujours mal ressenti les enseignants qui avaient une manière arrogante d’enseigner vis-à-vis des enfants du milieu populaire parce que : il n’y arrivera jamais, c’est qu’un pauvre ’mec.’.
Et ça, vous en aviez rencontrés des enseignants ?
Ca oui, oui, oui, de la part de profs surtout d’ailleurs et j’ai toujours extrêmement mal vécu çà, j’avais à venger le milieu populaire, je l’ai fait..( rire), c’est-à-dire, je n’ai jamais accepté qu’on dénigre des enfants parce-qu’ils n’ont pas des moyens matériels suffisants. Alors des copains qui proposaient des trucs orientés vers l’enfant, çà ne pouvait que convenir à ce que je cherchais quoi..
Et alors vous vous revoyez dans cette situation où vous avez découvert Freinet à travers toute ces personnes peut-être à travers des lectures..?
Très peu, non, non. J’étais... alors là c’est un problème du milieu populaire, çà d’ailleurs aussi. Je ne suis pas un dévoreur de bouquins pour une raison toute simple, c’est que l’école quelque part m’en a empêché, çà peut paraître étonnant. Je m’explique : c’est-à-dire que bon, j’ai eu toujours besoin de beaucoup travailler pour y arriver, même si j’étais doué. Pas sur tout d’ailleurs, parce que à partir de la seconde, çà a été très dur, je me suis aperçu qu’il y avait des copains qui avaient encore plus de facilités que moi. J’ai du beaucoup m’accrocher pour y arriver, j’avais pas le temps de lire parce-qu’il fallait faire les leçons, les devoirs, qui correspondaient à ce que l’école demandait, ce qui fait que je n’avais le temps de lire que des bouquins scolaires, pas le temps de lire autre chose, très peu.
Alors quand vous vous revoyez avec ces enseignants-là qui appliquaient cette pédagogie, qu’est-ce-que vous avez retenu la première fois comme idée majeure qui était véhiculée à travers cette pédagogie ?
L’idée majeure, c’est très difficile..
Enfin quand vous vous situez à l’époque..
Ba il faut être précis, parce que justement quand je me situe à l’époque, c’était un ensemble de pratiques qui permettaient vraiment de motiver les enfants, d’amener les enfants à vivre les choses autrement que ce qui pouvait être vécu d’habitude. C’est-à-dire que quelque- part, ils étaient considérés en tant qu’enfants étant des personnes propres qui pouvaient avoir des idées et qui construisaient leur savoir, çà c’était évident. Maintenant je le dirais autrement parce que j’ai tout mon vécu, c’est-à-dire que, c’est vraiment, ce qu’on dit actuellement dans les instructions officielles, c’est-à-dire : l’enfant au centre de ses apprentissages. Vraiment en même temps, une personne respectée, capable d’autonomie et une écoute attentive de l’enfant, c’est une pédagogie où l’enseignant est amené à une écoute attentive et quand on est à l’écoute on ne peut que servir l’enfant dans le sens dont il a besoin.
Et ces idées ,vous vous les étiez forgées en voyant des enseignants Freinet agir en discutant avec des collègues ?
Ca, oui, petit à petit.
Donc çà, c’était l’idée forte, qu’est-ce-qu’il y a d’autre comme idée dans cette...?
Ah y’a une autre chose qui me euh... y’a tout le côté révolutionnaire de cette (rire) pédagogie aussi qui joue, c’est-à-dire qu’il y avait quand même toute une contestation du système existant, le système capitaliste notamment et puis surtout ce qui le génère, y’a quand même pas mal de copains dans le mouvement Freinet, c’est un mouvement où je n’arrive pas à imaginer des copains votant à droite, çà c’est clair (rire).Beaucoup votaient PC ou PS ou écolo d’ailleurs, enfin auraient voté, parce que l’écologie c’était pas encore... C’est vrai que j’ai découvert que célestin Freinet, par les copains, il était végétarien, naturiste, des choses comme çà, des trucs que j’ignorais complètement,bon qu’il avait de toute évidence des attitudes écologistes. Je me suis frotté à tous ces mouvements- là par l’intermédiaire des copains du mouvement Freinet. Au départ donc j’ai appris à connaître çà comme çà, et c’est vrai que c’est des choses qui m’intéressent. Je ne suis pas végétarien, mais j’apprécie les thèses des végétariens, je ne suis pas naturiste, tout simplement parce que ma femme ne l’est pas et ne le supporterait pas, bon moi je l’aurais fait volontiers : l’écologie est un domaine qui m’intéresse sans plus d’ailleurs, mais c’est quand même un domaine qui m’intéresse aussi, le respect de la nature c’est quand même important.
D’accord, çà correspondait bien à votre personne quoi...
Oui, et c’est un hasard d’être tombé dessus aussi tôt, parce que JP.. à cherché pendant longtemps alors que lui il était déjà naturiste et végétarien et tout çà quoi, plutôt écologiste disons.
C’est un hasard et en même temps, dès que vous l’avez reconnu, vous vous êtes dit c’est çà...
Ah oui tout de suite..
Cette méthode c’est un peu moi quoi.
Voilà, je l’ai découvert très vite disons, c’est un peu ce que je cherche... j’ai découvert très vite que ah!! c’est dans ce sens là qu’il faut que j’aille.
D’accord,
Je suis tombé de plein pied dans ce que je pouvais chercher... Avec un aspect qui manquait d’après moi, c’est Dieu, parce que là par contre, j’ai un complément moi qui me plaît beaucoup auquel je tiens.
Mais j’ai cru comprendre que dans les praticiens Freinet, c’était pas forcément catho justement..
Non pas du tout, c’était même plutôt anticalotin, oui,oui, complètement, c’est-à-dire que la vieille garde est très PC, les nouveaux sont plutôt type anarcho-syndical (rire).. avec post soixante-huitards et tout çà. Si, si ça y’en a eu pas mal, avec des tendances de récupération de type gauchiste, çà existait aussi. Il faut dire ce qui est et y’a eu des conflits qui font par exemple que N.. qui était au PC a lâché le groupes en 1976 un petit peu parce-qu’il y avait ces choses là qui jouaient : c’est-à-dire qu’il y avait des instits très pragmatiques et des instits très utopistes. C’est vrai que moi, je me suis toujours senti à cheval entre les deux. Bon, et N.. était une personne très pragmatique, donc le PCF bien structuré, bien cadré et tout, bon M... par exemple, sans le vouloir, parce-qu’il appréciait beaucoup C et N, tout en ayant un esprit pragmatique, était quand même utopiste dans les idées et faisait avancer le groupe dans un sens que ne souhaitait pas trop C et M par exemple. C’est vrai que célestin Freinet était mort en soixante-six et C et N ont connu Célestin Freinet. Mais il y avait quelque part une absence du père dans le mouvement, qui était nette. Il y a eu disons, pas mal de choses qui ont été vécues où il y a eu des tentatives de prises de pouvoir par des copains plutôt à tendance anar etc...(rire), y’a eu des mouvements pas tristes quoi (rire), bon, j’ai pas trop suivi les affaires. Disons que j’étais mal à l’aise là-dedans dans ce genre de problématique, parce que... j’avais un côté encore enfant, très enfant, maintenant je suis capable de le dire. M.. m’a ’engueulé’ une fois. Il m’a dit : ’ Quand cesseras-tu de faire l’enfant, je ne comprenais pas ce qu’il disait... Bon, maintenant, je sais pourquoi...
D’accord, et alors ce côté catho, çà vous a posé des problèmes dans le groupe où, comment c’était perçu..
Dans le groupe lui-même non, pas dans le groupe lui-même. Disons, c’est au niveau du national et tout : Disons, quand on est dans des recherches pédagogiques, on est amené par les congrès et tout, à côtoyer au niveau national les copains et j’ai découvert là que c’était extrêmement peu connu. Disons le, quand je disais que j’ étais catholique, les copains me regardaient avec.. Bon qu’est-ce-que c’est que çà (rire) ? D’où atterris-tu ? C’était la surprise de la part de certains copains, mais je me gênais pas pour le dire carrément : j’ai jamais eu honte de mes idées. Bon j’attendais le moment pour le dire, quand c’était pas utile, je ne le disais pas. Mais c’était, c’est très laïc au sens quasiment libre penseur, y’en a certainement dans le mouvement Freinet de ces gens là. Je pense à mon inspecteur que j’ai eu, c’est lui qui nous a amenés à une conférence de monsieur De La Garanderie alors que lui est libre penseur et il a quand même mis longtemps avant de mettre de l’eau dans son vin par rapport à ces choses là.
Donc on était parti de : en fait, dans Freinet vous vous reconnaissiez complètement : çà vous satisfaisait il vous manquait Dieu à l’école....
Oui, oui, c’est clair mais toujours avec cette interdiction du prosélytisme puisque j’ai toujours été militant de l’école publique, c’est dire que Dieu à l’école, pour moi c’était l’acceptation de toute les opinions. Mais je suis le genre de personne qui était suffisamment à l’écoute des enfants pour accepter qu’on me parle de l’Islam, qu’on me parle du Catholicisme, qu’on me parle de l’absence de religion avec cet inconvénient dans ce type de démarche, que les enfants pouvaient être amenés à me demander moi ce que j’en pensais. Difficulté de la réponse : non pas que je n’avais pas à dire mon opinion, mais faut-il que je la dise ? L’influence sur les enfants.. Et quand çà m’est arrivé, parce que çà m’est arrivé, j’ai toujours dit : Attention, les enfants ! On a le droit d’avoir les opinions qu’on veut, on peut opter pour, choisir de croire en un Dieu de ne pas croire en un Dieu en plusieurs Dieux, de croire en çà.. La famille nous apprend des choses, si on a une religion, là où on est dans sa religion, on apprend des choses et puis bon, c’est à nous de faire le choix. A chacun de faire son choix, moi j’ai appris telle chose, je crois en Dieu, mais parce que j’ai été formé comme çà. Mais bon, j’ai été amené à le dire, mais toujours en prenant toutes les précautions possibles. J’ai toujours eu peur d’influer le gamin dans une voie qui n’était pas forcément la sienne. Le prosélytisme est une chose que je crains énormément. Disons clairement : dans l’enseignement public, pas de prosélytisme et je suis très à fond pour çà.
Vous revoyant agir avec les enfants, quelle idée vous aviez de l’enfant que vous vouliez promouvoir, c’est-à-dire .... quelle qualité ..., quel idéal vous avez de l’enfant ?
C’est l’idéal de l’homme là (rire.)... quelque part, c’est obligé... Parce que je considère que je suis là pour éduquer les enfants, les éduquer, les instruire, parce que pour moi l’enseignement lie les deux, éduquer et instruire, je ne suis pas le seul à les éduquer, je ne suis pas le seul à les instruire. Mon rôle est prioritairement la structuration, c’est-à-dire que toutes les choses qu’ils savent, les mettre en place et en ordre et les aider à définir un ordre qui puisse leur convenir. Qui convienne à un système général de structuration, les lois scientifiques existantes, la théorie de l’évolutionnisme, pour ne parler que de celle-là parce que je pense aux témoins de Jéhovah. Je sais par exemple qu’aux Etats- Unis on enseigne le Créationnisme et çà, çà me choque, çà me choque, parce que je considère, enfin je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse encore enseigner le créationnisme, bon j’ai peut-être tord à près tout. Disons que quand y’a une structuration, çà va aussi sur des schémas généraux, c’est çà que je veux dire par là et c’est à moi, enseignant d’amener les chemins généraux. Je sais pas moi en biologie, y’a une classification animale, y’a une classification végétale et il faut amener les enfants à imaginer ce type de classification. Quant aux mathématiques, c’est un langage, c’est fait pour aider à mieux comprendre, c’est un outil de travail pour toute recherche, donc quelque part il faut le leur donner, en même temps : il faut les aider à le prendre en main, à le prendre en charge sans qu’ils aient l’impression que c’est une chose obligée, c’est-à-dire le plus possible, les amener à le construire. L’outil mathématique, il faut qu’ils comprennent que c’est à la fois quelque chose qui existe et quelque chose qu’on peut construire et qu’eux-mêmes peuvent inventer des choses en mathématiques, mais qu’il y a quand même un outil de référence qu’on est obligé d’employer parce que tout le monde l’emploi. Donc moi je considère que l’essentiel de mon boulot c’est dans ce sens là.
Donc à la fois les instruire au sens de la connaissance et les éduquer au sens de prendre cette connaissance.
Voilà, c’est d’autant plus mon dada que çà correspond à mon profil psychologique quoi. C’est-à-dire que j’ai toujours eu besoin moi de me structurer, donc j’ai toujours cherché à aider les enfants à se structurer eux-même.
D’accord, là aussi y’a une reconnaissance. Donc vous-même, vous cherchiez à construire votre savoir....
A toujours l’ordonner et le mettre en place.
Un peu une indépendance vis-à-vis du maître.
Euh, non c’est pas une indépendance, c’est mieux comprendre l’ordre du monde et pour mieux comprendre l’ordre du monde il faut pouvoir classer, mettre en ordre justement, il faut mettre de l’ordre. Quand les choses vous arrive toute en vrac en quelque sorte, il faut toujours avoir la possibilité d’avoir un outil pour mettre de l’ordre. C’est dans ce sens là que je travaille aussi avec les enfants, c’est-à-dire leur donner le plus souvent possible des outils qui vont les aider à mettre de l’ordre. C’est par exemple, apprendre à faire un plan, on fait une recherche, par quoi on va commencer, qu’est-ce-qu’on va faire d’abord, qu’est-ce qu’on va faire pendant, et qu’est-ce-qu’on va faire après....
Mais alors y’a une chose que je ne comprends pas, vous parliez au départ de l’entretien, de leur donner des envies, mais à la fois derrière cette structuration, c’est leur apprendre une démarche mentale pour prendre ce savoir
pour prendre les envies, oui, oui..
mais comment gérez-vous ces envies ?
Ah oui, (rire), y’a tout le côté créatif, disons que là on rentre vraiment dans ma personnalité là, faut dire ce qui est. Bon dans le mouvement Freinet, c’est vrai qu’il y a des tas d’aspects, notamment l’aspect créatif et l’aspect responsabilisation et autonomie de l’enfant. C’est-à-dire qu’on fait la promotion de la créativité, on fait la promotion du respect de l’autre de la responsabilisation par le système coopératif essentiellement et on fait la promotion de l’autonomie.Je crois que c’est les trois axes principaux et puis évidemment là-dedans il y a la motivation, c’est-à-dire qu’à partir du moment où l’enfant ce sent respecté. Y’a tout un côté, alors là, je le tire plutôt de l’action catholique des enfants, c’est être à l’écoute et c’est en fait tout ce qu’on fait en pédagogie Freinet, on est obligé d’être à l’écoute des enfants pour les amener à être plus autonomes à les responsabiliser etc..
On va prendre les choses une par une...
Dans l’ordre, oui. (rire...)
Parce-qu’en fait on est en train d’aborder trois choses : Vous avez dit, çà c’est ma personnalité quand on a parlé de création et vous dites : ’ Au fond chez Freinet je retrouve çà, mais y’a aussi quelque chose de mes croyances.’. Alors, si on reprend Freinet, vous dites au fond y’a l’aspect création, l’autonomie, le respect, la responsabilisation. Pour vous le respect dans l’esprit Freinet qu’est-ce-que c’est ?
Le respect chez Freinet c’est justement amener les enfants à parler entre eux suffisamment pour accepter que l’autre soit différent de soit, donc on accepte que le copain ait une démarche différente, on accepte que le copain est une opinion différente, ce qui fait que quand il a à gérer des conflits, les copains ils découvrent que l’autre, il ne pense pas pareil que peut-être bien qu’il faut aussi faire des concessions par rapport à çà, donc on est amené à créer ensemble une règle du jeu pour fonctionner tous ensemble.
Donc ce qu’on veut promouvoir dans la démarche Freinet, c’est cet état d’esprit.
Oui, çà c’est clair, c’est le respect, c’est la démocratie, tout le côté laïc de gauche.
Et l’autonomie chez Freinet ce serait quoi ?
L’autonomie, c’est plutôt un apprentissage à se débrouiller seul, comment dire, se débrouiller seul en s’appuyant sur les autres, mais à s’en sortir sans avoir tout le temps besoin des autres, çà c’est clair aussi, c’est le côté grandissement de la personne. C’est-à-dire qu’on essaie le plus possible d’amener les enfants à prendre en charge par eux-mêmes leurs apprentissages, d’où travail individualisé, d’où travail en petits groupes, recherche seule aussi ou en petits groupes où retour au grand groupe etc...
(pause.)
Oui, on était parti sur l’autonomie, la responsabilisation ce serait quoi ?
C’est tout l’aspect coopération, coopératif, c’est-à-dire que on est dans la classe, on est pas tout seul, y’a des copains, y’a un instit en face de soi. L’instit c’est pas Papa c’est pas Maman, c’est quand même lui le guide, mais en même temps c’est pas lui qui va tout faire. C’est-à-dire ’Mon petit pot tu vas pas toujours demander à l’instit, il a pas que çà à faire les copains aussi qu’il doit aider, il peut t’aider mais il a les copains à aider et il y a des fois où tu dois te débrouiller tout seul. Pour te débrouiller tout seul, soi tu y arrives vraiment tout seul, soi tu choisis de te faire aider par ’machin, truc ou bidule’ qui peut t’aider et puis si ’machin, truc ou bidule’ peut pas et que l’instit peut, tu va voir aussi l’instit. Tu as le choix entre différentes possibilités qui est une documentation existante dans la classe, ses documents personnels, les copains, un ou plusieurs, l’instit, mais pas que l’instit.’. C’est là où il y a la prise de responsabilité, à la fois l’autonomie, et en même temps, on se prend en charge soi, c’est un des premiers grands apprentissages de cette pédagogie là, et puis, comme on se prend en charge soi, on sait qu’on a des besoins. On sait que les copains ont des besoins, que le groupe à des besoins, donc on doit aussi accepter une charge qui incombe au groupe, d’une façon ou d’une autre. C’est-à-dire qu’il y a des fichiers individualisés. Il faut qu’ils soient en ordre les copains peuvent oublier, je peux avoir la responsabilité de vérifier que l’ordre reste dans les fichiers pour que les copains s’y retrouvent. C’est de ma responsabilité, chacun est amené comme çà a choisir une responsabilité qui est à son niveau qui lui permet de sentir qu’il a en charge une partie de l’activité du groupe, donc il y a à la fois responsabilité et autonomie. Pour moi c’est très lié ces deux choses. Donc chaque enfant est amené à prendre des responsabilités à son niveau et y’a toujours une évaluation de çà par les copains et par l’ instit.
Moi, je suis une personne qui reconnaît la créativité, mais qui en même temps n’est pas fichu de l’induire facilement. C’est-à-dire que j’ai beaucoup de mal à gérer la créativité des autres, à mettre en place des moments créatifs. Je suis plutôt structurant que.., j’aurais plutôt la capacité à les aider à se structurer à partir de tout ce qu’ils ont fait.
Alors si on fait un peu la synthèse de ce qu’on vient de dire, on était parti de l’idéal de l’enfant à promouvoir.. c’est donc de leur donner une connaissance de départ, mais aussi d’éduquer leur mental pour bien construire cette connaissance, les faire accéder à l’autonomie, au respect, à la responsabilisation et la création. Est-ce-que çà résume votre idéal de l’enfant, ou est-ce-que vous voudriez ajouter autre chose, au niveau des valeurs..?
Valeurs morales (rire)
Qui conduisent votre action...
Y’a d’autres choses sous-jacentes aussi, c’est permettre aux enfants de dire ce qu’ils pensent, quand ils le pensent et d’oser le dire. Alors là je rejoins aussi l’action catholique en disant çà, mais pour moi çà fait partie intégrante de mon fonctionnement. C’est-à-dire, amener les enfants, c’est vrai qu’en pédagogie Freinet on le fait aussi, on peut être amené à écrire une lettre au maire pour revendiquer quelque chose. Disons, l’action revendicative est quelque chose qui est plus que toléré en classe. Quand un enfant dit : ’ça ça va pas, je trouve que çà va pas’. S’il est amené à dire çà, on est à l’écoute et on essaie de comprendre et on essaie d’analyser les choses pour que çà aille mieux. Pourquoi çà va pas, comment on pourrait faire pour que çà aille mieux et toujours en essayant le plus possible de ne pas donner sa propre opinion.
Donc ce serait l’aspect : Développer l’esprit critique.
Oui,oui,oui çà oui de toute façon c’est lié, pour moi les choses sont tellement liées que c’est pareil quoi... C’est tout le temps, rester à l’écoute et çà je peux dire que le côté écoute, je l’ai beaucoup appris de l’ACE...c’est-à-dire que je pressentais quelque chose comme çà dans la pédagogie Freinet mais la manière dont les copains l’exprime, n’est pas forcément perçu, c’est-à-dire que cet aspect d’être à l’écoute, n’est pas ressorti tel quel, on dira coopérative, organisation coopérative, des choses comme çà, mais .. ou alors on parlera de la part du maître en fait la part du maître, c’est être à l’écoute, mais l’expression être à l’écoute, c’est l’action catholique, en Freinet on dit part du maître, j’ai mis longtemps avant de le comprendre.
Donc çà c’est un petit plus qui serait pas non plus étranger à Freinet finalement...
Non pas du tout...
l’aspect libre expression
Oui complet, çà c’est clair çà, alors là par contre libre expression c’est clair et net
Donc çà rejoint votre idée, dire ce qu’il pense
Lui donner la parole, c’est vrai qu’il y a pas mal de classe qui commencent par l’entretien du matin, mais attention c’est pas du pipeau l’entretien du matin. C’est pas on va les laisser parler pour les laisser parler, maintenant on passe à autre chose, c’est surtout pas çà. L’entretien du matin c’est quand même un outil sur lequel on s’appuie pour le reste de la journée, le reste de la semaine où on engrange certaines réflexions des gamins qu’on va réutiliser après dans une responsabilisation à droite à gauche ou dans une activité etc.. parce que tel gamin a tel problème et puis il faut le résoudre parce que c’est urgent et puis çà marchera pas temps que... Ou c’est quelque chose qu’il a vécu et qui va amener le gamin à une recherche, c’est-à-dire soit les copains, soit l’instit va proposer au gamin une activité à partir de ce qu’il a amené. Donc on engrange des possibilités d’activités à l’entretien du matin. C’est pas le défouloir.
Et l’entretien du matin, c’est classique en pédagogie Freinet ?
Oui,oui.
Alors on va essayer de faire le lien... vous voyez on a essayé de développer un peu ces idées là, on était parti sur les valeurs...
En pédagogie Freinet, oui, oui les valeurs qu’on développe...
De toute façon ce qu’on cherche.. y’a quand même un point d’appui très important, Freinet quand il s’est lancé dans sa pédagogie, c’est après 1918, en 1920 je crois et c’est à partir du ’plus jamais çà’. Donc au niveau de la guerre, c’est clair et net que célestin Freinet a dit : ’plus jamais çà’. Donc, faire l’école autrement et c’est parce que il avait ces idées là dans la tête plus jamais çà, qu’il s’est lancé dans une pédagogie différente, donc faire parler les enfants, s’appuyer sur ce qu’ils vivent et les amener à la démocratie quelque part et les amener aussi à être capable de refuser la guerre en tant que telle. Dans un système comme on connaît en 1918, c’est pas évident, c’est quand même l’idée de base. L’idée de base, c’est quand même : ’plus jamais çà’. Donc çà, c’est vrai que dans ma tête c’est quand même aussi fondamental, nous sommes des anti-militaristes. Bon, on ne l’exprime pas souvent bien sûr, mais toute notre façon de travailler fait qu’il y a quelque -part pour beaucoup de collègues un côté refus du système, on est dans le système et on le refuse à la fois. Célestin à crée sa propre école, il a eu des salades qui fait que il a été amené à le faire, alors que la plupart des instits Freinet pratiquent dans l’enseignement public, c’est un choix qu’ils ont fait, parce-qu’ils estiment qu’il fallait justement modifier le système de l’intérieur, çà aussi c’est clairement dit. Oui c’est toujours sous-jacent dans le fonctionnement, c’est-à-dire que amener les enfants à se prendre en charge, à être autonomes à se responsabiliser c’est toujours avec l’idée que ils vont pouvoir après dire : ’Non, çà, ce n’est pas tolérable et on se groupe pour dire que ce n’est pas tolérable’. Le côté révolutionnaire, oui, oui. Le : ’Plus jamais çà’ oui, clairement. Obéir à un système qui ordonne d’aller ce faire massacrer pour des raisons qu’on est pas forcés d’accepter bon non. On a le droit de dire : ’Et non çà colle pas votre histoire’. Ca aussi, c’est présent dans nos esprits, même si on ne dit plus comme çà quoi. Mais c’est vrai que j’ai démarré avec des idées comme çà aussi. C’était sous-jacent disons dans ma manière de me révolter personnellement, c’est vrai que dans ma démarche personnelle, psychologique, je m’en rends compte maintenant....je fais une psychothérapie, çà aide (rire.)..... je me rends compte que m’étant soumis beaucoup au système, j’étais quand même quelque part révolté par rapport à tout ce que je voyais comme injustice à cause du système. Donc le sentiment de révolte a toujours été assez profond en moi, même si j’obéissais au système.... Alors la pédagogie Freinet, c’était la chaussure qui allait très bien à mon pied, çà me permettait à la fois d’être dans le système et de le contester.... Un fondement psychologique euh....
C’était çà que je voulais un peu approfondir par rapport à toutes ces idées, c’est-à-dire de vous votre personnalité...
C’est clair et net, et çà, je n’ai pu vraiment l’analyser, disons être aussi net dans cette définition que maintenant, c’est çà, avec le recul.
Oui vingt ans.
Et comment faites-vous un lien par rapport aux croyances ,justement ?
Alors par rapport aux croyances....
Y’a-t-il un lien ou pas d’ailleurs...
Il y a disons, euh toujours pareil : l’évangile amène à se tourner vers le plus pauvre, le plus démuni, celui qui a le moins de possibilités. Bon, j’ai été catéchisé, j’ai eu la chance d’avoir, disons, comme directeur de conscience un prêtre qui était lui-même ancien travailleur avant d’être prêtre. Il est rentré au séminaire, il avait vingt-cinq ans, il était chauffeur de car. C’est un type qui avait un charisme époustouflant, donc j’ai vécu pendant pas mal d’années... En fait, j’ai suivi volontiers tout ce qu’il disait en quelque sorte, bon, j’étais très obéissant ....
C’est une personne qui à été importante pour vous dans votre itinéraire...?
Oui, oui, très importante, autant que le directeur de mon école d’ailleurs qui à été mon instit pendant un moment. C’est vrai que ce sont deux personnes qui m’ont beaucoup influencé, donc à la fois le laïc et le religieux.
D’accord.
C’est assez intéressant pour forger la personne. Bon alors, moi qui me moulait facilement dans un système, j’ai suivi à fond la caisse l’idée de la foi etc...Mais alors d’une manière très rude. C’est-à-dire que quelque part, quand j’étais adolescent, j’avais un côté assez intolérant il faut dire ce qui est. C’est-à-dire que j’étais au fond de moi (tout en ne le disant pas trop fort d’ailleurs), je ne suis pas le genre à me montrer, mais par contre, j’en pense pas moins et là j’étais assez manichéen. Il y avait le bien et il y avait le mal. J’étais du côté du bien de toute façon, je ne pouvais pas être du côté du mal (rire). Je me suis aperçu après que c’était beaucoup plus nuancé que çà. Mais donc, Dieu, on ne pouvait qu’y croire. Et ceux qui y croyait mal étaient les pires ennemis. Non pas ceux qui n’y croyaient pas parce que après tout, on pouvait leur apprendre à croire. Mais alors, ceux qui y croyaient mal, alors là c’était vraiment l’ennemi. Donc j’avais beaucoup de mal, disons à accepter les copains qui pouvaient voler, qui pouvaient mentir etc... C’était des choses pour moi assez abominables. Et alors, çà aussi, les gens qui allaient à la messe et je comprenais petit à petit que par ailleurs, ce qu’ils faisaient dans leur vie où ils n’étaient pas très tolérants et que c’était pas bien des gens qui pensaient pas comme eux, c’est marrant, je n’acceptais pas çà, alors que moi de mon côté, j’avais du mal à accepter. L’ambiguïté est intéressante, mais c’est vrai que je l’ai profondément vécu çà : j’ai été souvent révolté de la part des gens qui avaient plus de moyens matériels et qui, ayant plus de moyens matériels, dans les apparences, ne mettaient pas tout en allant à la messe. Disons, ne mettaient pas en pratique les principes de l’évangile où il y avait tout l’aspect du partage : partage à la fois des biens, du vécu, comment dire, d’une certaine générosité..Il y avait pas de prise de pouvoir. Le Christ à lutté contre les prises de pouvoirs. La prise de pouvoir, c’est toujours un truc qui m’a toujours bou!! foutu en rogne et çà, c’était vraiment le côté que j’avais profondément ressenti dans LA FOI.
Mais euh... enfin là, je fais carrément une parenthèse, ça n’a pas rapport avec ce qu’on dit, il y a quelque chose qui m’échappe quand même,: c’est une question pas... peut-être bête, pourquoi les gens du mouvement Freinet, malgré des tas de valeurs qui sont promues, qui pourraient être des valeurs de l’évangile, comment çà se fait qu’ils rejettent çà, est-ce-que c’est une méconnaissance, est-ce-que...?
C’est une méconnaissance... ils ne le rejettent pas disons que çà ne les intéresse pas....disons qu’il y a un aspect intéressant c’est que beaucoup de copains dans le mouvement Freinet ne mettent pas en avant une foi quelconque, çà c’est clair, c’est pas la chose qui apparaît
Oui, une croyance déifiée, mais par contre, y’a des valeurs derrière, humaines...çà c’est certain, y’a des valeurs humaines, ba elles sont évidentes à travers la responsabilisation l’autonomie, tout ce qui est la démocratie euh comment dire, la tolérance, le respect de l’autre, c’est évident, y’a une promotion des valeurs humaines très fortes surtout pas dans le sens de la leçon de morale, alors çà c’est marrant comme tout, dès qu’il y a aspect leçon de morale, les copains ils fuient, mais en même temps, y’a toute une pratique qui amène à ce type de valeur.
( pause.)
Oui, disons que tout ce qui est valeur morale, c’est pris en compte de toute façon au niveau... En fait, on a certainement un côté hussard de la république qui nous est resté, mais pas de la même façon. Ce qui fait que la foi chrétienne bon, les copains qui sont chrétiens, ils sont chrétiens,mais on va pas se préoccuper de çà dans le mouvement Freinet.
Mais il n’ y a pas forcément de rejet.
Il peut y avoir du rejet de la part de certains qui sont athées profondément athées et qui n’arrivent pas à comprendre qu’on puisse fonctionner comme çà, parce que eux, ils vont promouvoir l’aspect révolutionnaire de leurs idées. Et moi, je leur dis qu’il y a des copains qui sont révolutionnaires, çà existe çà... Parce-qu’ils ont une image de la chrétienté qui correspond à toute une structure hiérarchique fausse, c’est complètement faux. Comprendre que l’église c’est non pas une hiérarchie, mais d’abord un peuple, c’est vachement dur, c’est d’autant plus difficile qu’effectivement dans le monde courant, ce n’est pas reconnu comme tel. Quand les médias parle de l’Eglise, de qui parle-t-il , Du pape, des évêques, des cardinaux et tout çà. Bon il n’ y’a pas qu’eux, mais c’est çà qu’on voit et ils ont cette image-là mais alors très fortement marquée. Ils ont du mal a imaginer que l’Eglise çà puisse être autre chose, alors évidemment quand je suis amené à parler de çà, je ne me gêne pas, c’est pas souvent.
Alors, je vais revenir sur les rencontres de personnes qui on été fortes dans votre itinéraire. Là on a parlé des idées, de l’idéal etc... Là, on va aborder plutôt le versant de votre itinéraire scolaire, professionnel, personnel, bien que çà transparaît dans tout ce que vous avez dit avant. Mais justement, la question, c’est : est-ce-qu’il y a eu dans votre itinéraire scolaire, professionnel et personnel, des personnes importantes pour vous qui vous ont marqué, qui vous ont dynamisé. Vous m’avez dit : Il y a deux personnes importantes, le religieux et le directeur d’école. Si on prend le directeur d’école, qu’est-ce-qu’il vous a apporté ?
C’était un matheux structurant au possible, voilà il était très structurant, il m’a appris à m’organiser dans ma tête.
Ce que vous-même essayez de transmettre aux élèves.
Voilà, exactement. Oui,oui, il m’a appris à le faire
Et vous pensez que çà venait un peu de cette relation que vous aviez avec...?
Oui, oui, ah oui, parce que lui, alors là comme instit structurant, il n’y avait pas mieux. Au niveau pédagogique, il avait des idées, j’ai compris plus tard, j’ai appris plus tard que, en fait, il connaissait la pédagogie Freinet : il avait essayé de l’appliquer en partie. Bon, vu comment il l’avait appliqué, il s’était ’gouré’ dans certaines choses c’est sûr. Au niveau des leçons et des devoirs, il avait une pratique un peu particulière : il utilisait les 1300 problèmes de Jaurès, c’est un bouquin où il y avait mille trois-cent problèmes et, euh, on avait la possibilité d’en faire une certaine quantité. Et il y avait des moments où on prenait du temps pour corriger ces exercices, mais on avait le droit de ne pas les faire tous. Heureusement, parce-qu’on avait trente heures par semaine, mais moi comme une andouille, j’essayais toujours de les faire tous, je me tuais à la tâche dans ce genre de truc. Parce que c’est vrai qu’il y a des fois où c’était pas facile, j’ai toujours essayé de les faire tous, c’est dans ce sens là, et dans le fait même qu’il nous donnait le choix de ne pas les faire tous, c’est ce qu’il avait compris de la pédagogie Freinet. Mais çà, je l’ai compris plus tard. Bon, mais en même temps, il s’est’ gouré’, parce-qu’un bonhomme comme moi ne pouvait que ployer sous le poids des exercices.
C’était en quelle classe ?
CM1-CM2, CM2... Alors je raconte : j’ai fait deux CM2. Ca aussi c’est un truc rigolo, le système scolaire est intéressant et si je peste contre, c’est quand même pour des raisons que j’ai vécues. Je suis rentré à l’école en maternelle, je devais avoir cinq ans seulement. Dès l’âge de cinq ans, j’ai appris à lire et j’habitais à M... A l’époque, j’ai été amené à habiter à V... parce que mon père suivait l’usine. Je me suis retrouvé dans un CP où là je savais déjà lire, mais on a décidé qu’au CP, il faut avoir six ans révolus, donc tout en sachant lire, on m’a remis dans une classe pour apprendre a lire. C’est l’année ou on a modifié le système, ce qui fait que moi j’ai été amené à réapprendre à lire, alors que je savais déjà lire et je me suis retrouvé avec plusieurs copains dans le même cas, alors à l’époque...Arrivé au CE1, vers le mois de novembre, une dizaine d’entre nous sont passés au CM1 directement, puis on a fait notre CM2. Et il a décidé de nous faire redoubler le CM2 en disant à nos parents qu’on avait pas assez de maturité. C’était pas faux d’ailleurs. On a fait un deuxième CM2 où on était vraiment “balaise”, en même temps que çà, il commençait à s’ouvrir ce qu’on appelle un GOD, un Groupe d’Orientation Dirigée qui n’était ni plus ni moins qu’une sixième et qu’une cinquième, et il est aller ’tanner’ à l’inspection de l’académie en disant : ’moi je veux un CEG’. C’est-à-dire, aller de la sixième à la troisième à l’époque. On lui a dit : ’ok, si vous avez de bons résultats’. Et en fait, il s’est appuyé sur nos résultats, d’ailleurs à tel point que dans le groupe où on était, ce petit paquet de gamins qui a fait la sixième, la cinquième avec lui comme prof de maths, de sciences, on a eu tellement de bons résultats qu’un psychologue qui était orientateur d’ailleurs est venu. Il avait une batterie de tests, on lui a fait sauter ses batteries dans le sens du haut ! Il s’est fait traiter de fou quand il a dit : ’ Moi je présente deux jeunes de troisième pour le concours d’entrée à l’école normale’. C’était quand même une personnalité cet homme, pour dire.
C’est-à-dire ? Qu’est-ce que vous admiriez chez lui ?
C’est un type qui aimait discuter, qui aimait raconter son vécu, il avait un côté ’bon enfant.’. Vis-à-vis des enfants il aimait bien écouter la contradiction aussi....C’est vrai, mais en même temps, toujours en structurant les affaires. Il aimait aider les enfants à mettre de l’ordre dans leurs connaissances et il donnait beaucoup de plans, beaucoup d’outils pour fonctionner, et çà, j’en avais énormément besoin. Par exemple, les notions de classification. J’ai démarré avec lui en CM2 et j’ai encore, là, dans mon grenier, des cahiers de CM1, et çà je ne l’ai pas retrouvé à l’école par exemple. C’était assez fouillis, disons quand on m’a proposé le travail pédagogique, à ce niveau-là, c’était pas évident.
A l’école normale ?
Oui à l’école normale, c’était fouillis.
Et comme on disait tout à l’heure, le fait après de retransmettre çà aux élèves, çà vient un petit peu de ce maître là ?
Oui, oui,....oui, oui, oui, et au niveau des profs que j’ai mal reçus, c’est certains profs de ce collège-là où ils ’trimbalaient’ une certaine suffisance et peut-être malgré eux un certain mépris des couches populaires. Alors çà, c’est clair que je l’ai extrêmement mal vécu. De même que de la part de certains paroissiens, d’où ma façon de fonctionner, toujours pareil, la révolte, elle est là.
Vous parlez d’animosité vis-à-vis du système scolaire. On va le développer, mais avant , je voudrais revenir sur l’autre personne qui à été importante pour vous, ce religieux....?
Lui, il brassait pas mal de choses, c’est-à-dire à la fois son charisme, sa manière de présenter l’Evangile le genre de type capable de dire, (je ne sais pas s’il l’a vraiment dit), non il ne l’a pas dit, il a bien failli...Il aurait presque pu le dire dans les enterrements tellement il était écouté : ’la vie est belle...’. Jusque là, au moment d’une grande peine, il était capable d’aller jusque là. Et dans la façon dont il le disait, c’était pas un vain mot : On sentait qu’il y avait quelque chose derrière. Il avait vécu des choses lui aussi, pas tristes, notamment la guerre. Il m’a raconté un civet de chat qu’il a fait passer pour un civet de lapin auprès de sa gouvernante, bon (rire)..... des trucs marrants. En même temps, c’est vrai qu’il avait une personnalité. Il explicitait l’Evangile, c’était difficile de ne pas adhérer à ce qu’il racontait. C’est vrai qu’il était sensationnel. Alors ses paroissiens lui disait... Il était capable de faire une homélie d’une demi-heure trois quart d’heure, sur une messe d’une heure, çà rallongeait la messe.
Il a été a l’origine de votre formation religieuse ?
Oui, oui, c’est à dire que je l’ai eu au catéchisme en troisième et quatrième année et puis après, j’ai suivi les trucs de confirmation etc..., je me suis retrouvé d’ailleurs pendant presque deux ans tout seul avec lui à venir en formation (rire). Je suis du genre, je maintiendrai. Il m’a raconté pleins de trucs. Il était très très animateur au niveau de la paroisse, c’est-à-dire, qu’il a énormément fait bouger les gens.
Et pour vous personnellement, si je reviens à la question des apports, vous dites : ’c’est quelqu’un qui avait un certain charisme, au -delà de la connaissance de l’Evangile, Y’a-t-il eu d’autres apports, de type personnel, à quoi il a contribué pour vous dans votre itinéraire ?
Alors, j’y repense là, maintenant, à posteriori. C’est un type qui avait toujours ’porte ouverte’ : c’est-à-dire que son presbytère était toujours ouvert, un pauvre malheureux venait, il avait faim, il était capable de lui donner sa soupe, quitte à ne pas bouffer lui-même, et çà pour moi c’était une personne qui appliquait l’Evangile au plus près, (c’était tellement rare), à sa manière. Bon il n’ hésitait pas à donner son quarante-six au ’cul’ quand il y avait besoin, parce qu’il chaussait effectivement du quarante-six. C’était un grand ’gaillard’, ah il avait une personne, et physique et morale très conséquente.
Et est-ce que, pour vous, cette personne à été motrice de votre propre charisme auprès des enfants, de vos croyances.....? C’ est-à-dire la façon d’être avec les enfants.... C’est-à-dire qu’il vous aurait transmis quelque chose que vous -même allez transmettre aux enfants ?
L’écoute, être à l’écoute, mais çà c’est les deux d’ailleurs. Ces deux personnes- là étaient assez facilement à l’écoute. L’un parce que c’était effectivement son rôle de curé qu’il l’assumait pleinement et l’autre instit parce-qu’ il m’ aimait bien et puis, en plus bon c’est vrai que j’étais bon élève et j’en ai profité. Quand j’avais envie de contester, je ne me gênais pas parce que je savais que je serais écouté.
Donc ,c’était l’écoute..
Oui, oui, c’était l’écoute, c’était surtout çà. Alors, c’est vrai qu’il y a eu d’autres personnes. Parce que j’ai eu des instits, j’ai eu des formateurs au niveau caté, j’ai été aussi ’louveteau’, tout çà, çà a joué, l’apprentissage de la vie en commun, je l’ai fait pas mal en louveteau aussi.
Donc il y a eu d’autres personnes qui vous ont influencé...
Ah oui, il n’ y a pas eu qu’eux. Eux ont été très marquants, évidemment, là-dedans y’a deux personnes que je ne cite pas parce que elles sont fondamentales et évidentes, ce sont mes propres parents... très formateurs et très marquants.
Oui, je voulais y revenir, çà fait un peu psychanalyse notre truc,
C’est pas grave..., çà ne me dérange pas.
Vous disiez : ’je suivais un peu papa maman, ils m’ont donné cette soif de connaissance.’.
Oui, oui...
Alors est-ce-que vous pouvez parler de cette relation entre votre éducation et ce que vous êtes maintenant, et peut-être l’adhésion de loin à Freinet, enfin aux idées Freinet ?
Oui, oui, il y’a des liens, y’a des liens,
Quels liens faites-vous ?
Ma mère et mon père sont les derniers nés d’une famille de sept enfants tous les deux issus de la campagne. Il se sont connus dans une boulangerie, mon père était ouvrier boulanger et ma mère était domestique, mon père avait vingt ans, ma mère en avait quatorze, de fil en aiguille ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. Mais ce qu’il faut savoir de ma mère et de mon père, c’est qu’ils étaient tous les deux bons élèves. C’est-à-dire que ma mère au niveau du français, de l’expression française, de la création, elle a un cahier de poèmes qu’elle s’est fait y’a pas longtemps, donc bien que domestique, elle était bonne en français et elle a toujours eu à coeur qu’on réussisse à l’école, toujours vérifié qu’on faisait bien notre travail en tant qu’enfant et elle n’a jamais hésité à raconter son propre vécu personnel qui est d’ailleurs assez difficile puisqu’elle a perdu son père à l’âge de cinq ans. Il a été gazé à Verdun ..... (pause.)
Oui on était parti de l’idée d’identifier dans votre itinéraire personnel et donc dans la relation à vos parents, et l’éducation...
Oui, je vais continuer sur ma lancée, mon père est sorti troisième du canton au certificat d’étude et son instit avait proposé à mon grand-père qu’il rentre en sixième, ce qui a l’époque était exceptionnel pour des fils de fermiers. Et c’est simple, le grand-père a dit : ’C’est bien gentil ce que vous dites, mais j’ai pas les moyens’. Ce qui fait que mon père est devenu boulanger, alors que il aurait lui certainement aimé être instit, c’est clair.
D’où l’explication du désir...
Ce désir m’a été transmis de deux façons : par mon père, parce-qu’il utilisait systématiquement ma soif de connaissances dans toutes les promenades qu’on pouvait faire etc... Il avait une attitude pédagogique vis-à-vis de ces enfants, et surtout vis-à-vis de moi, je dis ’surtout’ parce que j’étais le plus réceptif à ces choses- là. Ma mère était en adoration vis-à-vis de mon père. C’est vrai qu’ils étaient très très amoureux l’un de l’autre et disons que, à la maison, mon père était souvent absent pour la simple raison que au usine Talbot, on faisait quinze jours de jours et quinze jours de nuits, donc c’était pas toujours évident à vivre surtout avec cinq mômes dans l’appartement et le changement de rythme le rendait malade à chaque fois. Donc c’était pas toujours très facile. Il était assez violent, faut dire ce qui est, çà frappait, il hésitait pas, çà faisait mal d’ailleurs, mais ma mère idolâtrait mon père. C’est-à-dire que de toutes façons, mon père avait toujours raison et quelque part, si mon père n’était pas là elle transmettait la loi du père. Je ne pouvais que rentrer dans le moule où me révolter alors comme j’avais plutôt tendance à rentrer dans le moule, je suis rentré dans le moule, mon frère lui il a choisi de se révolter, et comme je suis rentré dans le moule, j’ai voulu devenir instit.
Alors je dois préciser : mon père est mort en 1969 d’un accident de la route : il était en mobylette et il a été tué par un camion qui l’a fauché. Elle ne s’est jamais remariée alors qu’elle était pas vieille et sur la tombe de mon père y’a : ’tu étais le meilleur des pères et époux, il a suffit d’un camion fou pour que la mort te prenne à nous’. Marquante d’ailleurs parce que çà a valu des problèmes a l’une de mes soeurs qui est en psychothérapie à cause de ce poids du père absent. Bon des choses difficiles à gérer, çà n’a fait qu’amplifier mon envie d’être instit et de réussir, çà c’est clair.
A l’époque vous aviez quel âge ?
J’avais dix-neuf ans et j’étais l’aîné des six. Ah c’était clair çà ne me donnait que plus fortement l’envie d’être instit, avec en même temps une révolte face à tout ce système pourri qui est capable de vous emporter vôtre père alors que bon.. Disons que j’ai découvert pleins de choses vis-à-vis de mon père, qui fait que çà n’a fait que renforcer les affaires. Mon adhésion au mouvement Freinet, puisque j’ai découvert que par exemple, aux usines qui s’appellent maintenant Talbot, on pratiquait un syndicalisme assez spécial qui est le syndicalisme patronal, c’est-à-dire que si tu n’adhères pas au syndicat, tu n’as aucun des avantages en tant qu’ouvrier. Si tu adhères au syndicat opposé type CGT ou CFDT, là, tu risques carrément ta peau ou presque. Réel, je dis pas de ’conneries’ parce que j’ai des copains qui ont failli se faire ’butter’ à cause du fait même qu’ils adhéraient au syndicat. ( pause)
Oui alors je disais, par rapport à mon père : lui son intégrité l’a amené.. Tout ça, je l’ai découvert après sa mort, parce que il ne parlait pas de ces choses là. Il y avait un tabou au niveau du travail, les seules choses dont il m’a parlé de son travail, c’est deux choses : techniquement, comment marche une boîte de vitesse, de temps en temps au niveau professionnel un ami et aussi de temps en temps son contremaître qui était un nul en orthographe. Il était plié en quatre quand il me racontait ses fautes. En fait, j’ai compris après que c’est lui, au boulot c’était pas le contremaître qui montrait au nouveau, ce n’était mon père. Le contremaître ne savait pas faire, alors que mon père il n’était qu’OS, il n’était même pas P1. Il était passé P1 que deux ans avant sa mort, si je ne me trompe pas, alors qu’on lui avait promis de passer P1 dès son arrivée en 57. Alors pourquoi il est pas passé P1 ? Parce-qu’il n’a pas voulu adhérer à un syndicat patronal, voilà, çà je l’ai su après.
Et alors ,le lien avec votre animosité de ce système là...
Elle est là. C’est là-dedans, dans ces choses là, ah oui, c’est toutes ces choses là. C’est toutes ces choses là, c’est-à-dire : un système tel que par exemple, le pouvoir patronal était tellement important qu’il y avait un mal de vivre du point de vue de la population puisque des patrons pouvaient imposer une manière de vivre qui ne correspondait pas au désir des gens. Ca moi, je trouve çà totalement intolérable et inadmissible. Tout en sachant que ces gens- là pouvaient par exemple aller à la paroisse suivre la messe du curé, je ne pouvais pas tolérer çà. Par exemple, un commissaire de police qui habitait en bas du bâtiment où habite ma mère encore actuellement. Le commissaire de police, c’était lui qui faisait le recrutement des ouvriers qui venaient de Tunisie, pour l’usine. Qu’est-ce-qu’il faisait ce type là ? Il faisait des faux papiers aux types pour qu’ils aient leur carte de séjour, c’était 2OOO francs. Des pauvres types qui arrivaient du pays, devaient se débrouiller pour avoir deux-mille balles pour avoir une carte de séjour faîte par un commissaire marron. On voyait des queues. Comment voulez-vous ne pas vous révolter, contre tout ce système ? Ce système qui était, bon c’est vrai il y a quand même eu vingt-cinq ans de droite et moi sachant ces choses là, je ne pouvais pas être pour, c’était pas possible, mon enseignement allait à l’encontre de ce que je voyais dans la réalité, çà ne pouvait que me révolter.
Est-ce-qu’il vous est venu, par rapport à votre projet d’être instit, de vous dire : Au fond, çà va être un moyen pour moi de transmettre cette idéologie, ces idées ?
Oui, oui, oui.
Et qu’est-ce-que vous vous disiez, vous vous disiez au fond....
Ce que je voulais, c’était plus de justice dans le monde. Donc des gens capable de dénoncer l’injustice. Pour qu’ils soient capable de dénoncer l’injustice, qu’ils aitent suffisamment de connaissances pour pouvoir le faire, çà c’est clair. Oui, oui, oui.
Se greffait aussi à çà une éducation religieuse, des croyances....
Voilà. Qui pour moi ne pouvaient être que bénéfique, parce que justement, quelque part je pourrais dire que le Christ était le premier révolutionnaire. C’est pas vrai d’ailleurs, parce que il y en a eu d’autres avant lui. Disons, bon, c’est une dimension importante dans ce que j’ai perçu. Alors que, c’est vrai que dans l’enseignement religieux tel que je l’ai vécu au départ, c’était pas forcément perceptible explicitement. Tout çà c’était du ressenti de ma part. Mais à l’école normale, j’ai eu a défendre le fait que j’étais chrétien. Parce que faut dire que dans une école laïque on ne dit pas beaucoup qu’on est chrétien quand on l’est et puis on dirait plutôt qu’on ne l’est pas quand on ne l’est pas. Donc j’ai eu l’occasion notamment en terminale, en classe de philo, de dire que j’étais chrétien et pourquoi etc...Anecdotique ment, il y avait deux groupes clandestins à l’école normale : les Jeunesses Communistes et les Chrétiens. Tout prosélytisme étant interdit à l’école normale, on n’ avait pas le droit de se regrouper et de discuter et d’ailleurs, dans le groupe de chrétiens, il y en a un qui est devenu missionnaire, et il y a maintenant un des surveillants de l’école normale qui est maintenant prêtre et aumônier au Portugal.
On va revenir sur... donc pour argumenter ce lien, voyez-vous d’autres liens ?
Je continue par rapport à mon père par exemple. Ca m’a beaucoup renforcé dans les idées qui germaient en moi, parce que çà germait en moi, c’était pas explicite comme maintenant je peux le faire.
Oui ce sont des exemples qui expliquent votre révolte.
J’ai compris que quelque part, mon père était une personne reconnue pour sa valeur en tant que personne au moment de son enterrement parce que j’ai été particulièrement surpris du nombre de gens qui sont venus à l’enterrement de mon père. Moi, je me sentais comme isolé dans la cité, étant même un original dans ma manière de penser. J’étais bon élève, je suivais le caté volontiers etc... Les autres, ils s’en foutaient, bon j’étais très manichéen. ’Eux ils sont, méchants moi je suis bon’. Et au cimetière, donc à l’enterrement de mon père il y avait au bas mot, plus de cent personnes. Je pourrais presque dire qu’ils devaient être au moins deux-cent. Il y avait pleins de gens qui étaient des copains de travail de mon père et c’est là que j’ai compris, j’étais tellement surpris du nombre de gens. Donc quelque part mon père était reconnu comme une personne ayant une certaine valeur alors qu’il était mort et qu’il n’était absolument pas militant de quoi que ce soit. Alors, je me demande comment moi, j’ai fait pour être militant, alors que lui ne l’était pas. En fait, sa militance était très personnelle.... Et c’est clair qu’il avait été perçu comme quelqu’un qui se tient à des principes de vie, il était très droit.
Mais autrement, c’était un milieu.... catho...
Mon père n’était pas... bon alors là, c’est intéressant de le dire aussi, mon père et ma mère, je ne les ai presque jamais vus à l’Eglise, je n’ai jamais vu mon père à l’Eglise où alors si aux communions. Ma mère a toujours souhaité qu’on aille à la messe, suivre le caté etc... Mon père a accepté qu’on le fasse. Mon père était en révolte contre l’Eglise hiérarchique, donc j’allais à la messe tout seul avec mes frères et soeurs. Ma mère m’y envoyait, mon père à toujours accepté qu’on y aille, mais il ne s’est jamais présenté comme chrétien. Mais, en revanche, il a toujours toléré ces choses là, ça c’est intéressant aussi, cette idée de tolérance, c’est clair.
On retrouvait certaines valeurs...
Voilà, des valeurs humaines, sans forcément accepter...tout en acceptant à la fois et à ce moment là c’est un plus, je dirais c’est plus qu’un plus mais bon.... C’est fondamental.
Vous faîtes parti d’une association....
Oui, l’ACE..
Toujours mue par l’idée du service, de l’aide aux autres.
Oui, oui, c’est l’enfance, c’est l’éducation... Oui, c’est un mouvement qui historiquement a été géré beaucoup par les aumôniers, c’était anciennement ’Choeur Vaillants, Ames Vaillantes.’.
En quoi consiste votre activité ?
Disons que ça fait partie intégrante de ma vie dans le sens où il s’agit d’enfants. Il s’agit d’amener les enfants à prendre leurs responsabilités, autonomie et tout ça. Beaucoup d’écoute. Il y a tout le côté revendication qui existe réellement, parce que les enfants peuvent être amenés à écrire une lettre au maire pour demander telle ou telle chose. Moi, en ce moment j’ai un club à ma charge : je suis en même temps responsable fédéral. En temps que fédéral, je suis délégué au niveau régional et en temps que fédéral, je fais parti du conseil national restreint qui pourrait correspondre à la chambre des députés de l’ACE, donc c’est l’organe de décision qui gère tout le mouvement d’ensemble.
Avez-vous d’autres activités parallèles ?
Pas le temps. Si, je fais un peu d’aïkido. Par cette pratique j’ai redécouvert mon corps.... Non, sinon, je suis adhérent à un syndicat auquel je voudrais participer un peu plus, je suis au SGEN CFDT. Je suis aussi en ACO, l’ACE c’est les adultes qui oeuvrent avec les enfants, c’est un mouvement d’éducation populaire alors que l’ACO, c’est l’Action Catholique Ouvrière. Là, ce sont les adultes qui se réunissent entre eux pour se raconter ce qu’ils vivent entre eux au niveau associatif et professionnel.
Au niveau de votre personnalité, si vous aviez à dire qui vous êtes ou comment les autres vous voient.
J’étais totalement prisonnier de mon corps et j’ai longtemps vécu comme si j’avais un esprit sans corps. Très longtemps, à tel point que j’ai vécu une cure Tomatis pour m’aider un peu à récupérer mon écoute. Au bout de vingt ans d’enseignement il y avait un côté ’ras-le-bol’. Donc il fallait quelque part trouver les moyens de réparer les affaires parce que je gardais un idéal et j’étais même pas fichu de l’appliquer réellement correctement. J’étais de plus en plus mal à l’aise face aux gamins. Je suis un indécis, et je n’ai pas toujours très confiance en moi bien que j’aie des idées bien arrêtées et en même temps, j’ai du mal à agir réellement comme je l’entends, beaucoup d’obstacles m’empêchent d’aller trop loin, assez loin par rapport à mes désirs. J’ai beaucoup plus souvent rêvé ma pédagogie que pratiqué. C’est un peu ce que je peux dire en résumé et pourtant ! C’est pas faute de bosser. Alors, au niveau physique, j’avais besoin de rétablir les ponts, au niveau de mon corps, j’avais des blocages assez grands.
C’est-à-dire qu’il y a une contradiction un petit peu entre tout le potentiel de révolution, de vouloir changer les choses et puis votre volonté bute...
Oui, oui c’est réel et profond. J’ai toujours été en- deçà. Les mouvements m’ont beaucoup aidés, (ce qui m’a aidé) en action catholique que ce soit O ou E, c’est l’aide de quelques prêtres et quelques laïcs d’ailleurs dans la compréhension de ce que signifiait le respect de l’autre, jusqu’où pouvait aller le respect de l’autre. L’aspect tolérance, l’aspect d’Eglise, l’attitude d’écoute...çà, çà été très très important pour que j’avance vis-à-vis des enfants, et taire mon orgueil aussi parce que je suis un orgueilleux.
Pourquoi avoir quitté le groupe Freinet ?
Je reste sympathisant du groupe, dans le mouvement j’ai même travaillé au niveau national. J’ai travaillé avec des documentalistes ( Freinet) qui pour des raisons philosophiques, c’est ça qui est intéressant aussi dans le groupe Freinet, pour des raisons philosophiques, ils refusaient d’utiliser le classement décimal universel qui est la Dewey par exemple par rapport aux bibliothèques pédagogiques, ça...... C’est quelque part anti Dewey et j’ai collaboré avec ces gens-là notamment pour certaines parties de classement. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Dewey est une parente de la cdu, c’est-à-dire que c’est une adaptation pour les élèves, la CDU ( Classement Décimal Universel) a pour principe de base un classement qui correspond historiquement, c’était le classement crée par les jésuites pour leur propre bibliothèque. Il faut le savoir parce-qu’ils partent de Dieu et de la religion.
Le rapport avec Freinet ?
Et bien nous, on a crée le ’pour tout classer’, plus exactement j’ai fait partie du groupe qui a réadapté le ’pour tout classer’ qui s’oppose... qui est aussi un classement décimal qui se veut universaliste mais non calqué sur une vision occidentale et théologique du classement. Les grandes classes Dewey sont : philosophie, religion, sciences sociales, langage, sciences pures, techniques, arts, beaux-arts etc.., littérature puis géographie et histoire.... Ici, le milieu naturel, (les plantes, les animaux, l’agriculture, l’alimentation, travail et industrie, cité et échange, société, culture et loisirs, géographie et histoire). Alors la différence, c’est que là, c’est un point de vue théologique. La base, la clé, c’est la philosophie et la religion. Pour nous la clé c’est la nature. Le milieu naturel : Et je défends à fond ça, je suis pour ça et contre ça bien que chrétien, parce que d’abord je suis évolutionniste. Ca, c’est une vision créationniste et occidentale du monde. Ca date la création du système CDU, on s’est basé sur eux parce-qu’ils étaient les seuls à l’avoir fait faut le dire mais c’est assez ancien. Là aussi c’est un classement décimal. Mais on utilise un peu la vision que peut avoir réellement un enfant de ce qui l’entoure. C’est-à-dire que lui, il va commencer par voir réellement ce qui est autour de lui. Donc, quelque part c’est une démarche qui correspond mieux et à la philosophie des copains du mouvement Freinet et à la démarche psychologique des enfants. Le mouvement Freinet prend le contre-pied de la CDU en disant que eux c’est une démarche calquée sur la psychologie de l’enfant qui part du monde existant et qui fini sur la pensée à l’inverse de la CDU qui part de la pensée pour construire un monde existant qui correspond à la pensée. Rien que çà, rien que de le dire çà me révolte, le monde existant ne doit pas correspondre à la pensée. Disons qu’ on doit pouvoir penser que d’autres pensent différemment et la CDU induit qu’on ne pense pas différemment, c’est une erreur.
Et on était à la question,: ’Pourquoi avoir quitté le mouvement Freinet ?’
C’est pour une raison purement familiale. Dans mon militantisme dans le mouvement, j’étais amené à prendre des week-end pour aller loin et puis, je participais aux congrès. Je participais assez activement au niveau national. J’ai pas pu continuer parce que ma femme avait besoin que je sois plus présent et donc il fallait que je trouve une autre activité et c’est elle qui a commencé à rentrer dans l’ACE. Parce que elle disait : ’Moi, je veux que tu travailles avec nos enfants. Elle revendiquait le fait que je travaille pour les enfants, mais pas pour les nôtres, ce qui était vrai. Et quand on a commencé les clubs d’ACE, on a commencé avec nos filles. C’est pour ça que j’ai cessé Freinet parce que je ne pouvais pas être militant des deux.