ENTRETIEN N° 7
Enseignant en primaire (CM1-CM2). Pratique la pédagogie Freinet depuis 15 ans.

• Vous pratiquez cette méthode Freinet dans votre classe, en CM1, CM2.

• Je ne sais pas si on peut parler de méthode Freinet les gens qui travaillent dans cette sensibilité là en fait je crois que les gens sincères ils disent euh... surtout pas, je travaille dans un mouvement, je travaille avec une sensibilité, je travaille avec d’autres gens dans une certaine direction en m’inspirant de mais on ne travaille pas en utilisant des techniques de Freinet par exemple.. bon correspondance scolaire, imprimerie etc... mais on se dit surtout pas pédagogue Freinet et je ne sais pas s’il y’a une méthode, je sais pas, je crois que c’est plus une sensibilité plus une façon d’être et de vivre à la limite et une façon de regarder le monde et de vouloir donner un petit peu de ce qu’on croit quoi.

• Est-ce-que vous vous souvenez de la première fois ou vous avez rencontré ce courant en fait...

• Quand j’étais tout petit...

• Est-ce-que vous pouvez m’expliquer ?

• Oh j’en sais rien, on rencontre par les Franca, les Cmea.

• Mais vous vous souvenez de la première fois ou vous avez entendu parler de ce courant ?

• Pas vraiment peut-être simplement à l’école normale, c’est-à-dire que je connaissais des gens, des instits un peu que j’avais croisés à travers différentes activités et puis à l’école normale quand je suis arrivé. Quand je suis arrivé à l’école normale, j’avais déjà fait un certain nombre de, enfin j’arrivais de la Fac, je ne sortais pas du bac et j’avais surtout pas envie de retrouver ce que j’avais vécu au lycée, bachoter, apprendre des trucs ’c’ et à pas donner mon avis. Là, à cette période là on a fondé une classe coopérative à l’école normale avec les gens qui rentraient en formation professionnelle, à l’initiative, il faut quand même leur rendre justice, de trois ou quatre profs, qui avaient envie de bosser un peu plus sur la coopérative, sur la classe coopérative et à partir de là c’est crée le stage etc.. et je suis allé en stage chez des copains, des gens des instits qui appliquaient un peu ce que je fais maintenant, qui avaient des techniques Freinet etc...

• Qu’est-ce-que vous appeliez classe coopérative en école normale ?

• C’est-à-dire, on prend en charge sa propre formation et on essaie de vivre la même chose qu’on pourrait vivre dans une classe. Exemple concret, on a été visiter la manufacture d’allumettes de Trélazé et on s’est dit bon ba voilà, on va étudier la manufacture d’allumettes de Trélazé pendant ce premier trimestre, on va travailler là-dessus. On était vingt-cinq, on s’est partagé la manufacture, les uns travaillant sur l’historique, les autres sur le syndicalisme, les autres sur la fabrication d’une allumette, les autres sur la technologie d’une machine très précise etc... dans différentes directions et après on s’est dit chaque groupe de deux de trois ou un seul, a dit bon ba moi j’ai besoin du prof de français pendant trois heures, du prof de techno pendant quinze heures, du prof de maths pendant deux heures etc... et on a dit au prof ba voilà nous on a besoin de vous tel jour alors ce qui est complètement à l’inverse de la réalité qui est le prof de français il devait prendre cette classe là le lundi de neuf à onze.

• Donc vous viviez ce que vous alliez faire vivre aux enfants.

• Absolument, absolument.

• Qui est-ce-qui avait eu l’idée de faire cette classe coopérative ?

• Il y avait trois-quatre profs qui ont proposé çà, ils connaissaient Freinet, Decroly, Montessori, ils connaissaient les classes coopératives et ils nous ont proposé, mais ils se sont très vite vus débordés par nous et en particulier cette classe finalement était des gens qui avaient tous vingt et un, vingt-deux ans qui avaient tous fait deux-trois ans de fac avant, donc des gens qui avaient un peu plus de réflexion qu’on a à dix-huit ans, qu’avaient un petit peu bourlingué à droite à gauche et qui n’avaient pas du tout envie de travailler suivant le même système et en même temps y’avait des instits du département qui travaillaient suivant la pédagogie Freinet et qui avaient envie de faire un stage à l’école normale, mais qui avaient envie de faire un stage, leur stage, ils voulaient faire leur stage ensemble et choisir eux aussi leur thème de travail et travailler à l’école normale et se prendre en charge eux-mêmes alors qu’actuellement et depuis longtemps, on propose un stage art plastique à huit places, on s’y inscrit on est pris, on est pas pris, eux ils avaient envie de travailler ensemble, çà faisait trois pôles qui sont réunis et les normaliens sont allés en stage dans les classes de ces instits là.

• Et qu’est-ce-qui à fait que vous, vous avez été intéressé par cette perspective ?

• Moi je crois surtout, c’est que j’avais surtout pas envie d’être commandé par des gens, je suis rentré à l’école normale, deux jours après être sorti du service militaire et l’anecdote était que j’ai fini mon service militaire par huit jours de trou, donc j’avais surtout pas envie qu’on me dise, il faut faire telle rédac etc et le premier contact à l’école normale, à été la directrice qui est rentrée dans cette grande salle et qui nous a dit, j’aimerais bien lorsque je rentre qu’on se lève, alors çà non, je ne voulais pas faire instit pour çà, je voulais pas faire instit comme les instits que j’avais vécu quand j’étais môme. C’est çà qui m’a, peut-être parce que j’avais reçu une éducation pas libre, mais qui m’a permis de me prendre en charge d’avoir des responsabilités des choses comme çà, je crois que c’est çà il me semble.

• Est-ce-que vous pensez à certains points de cette éducation ?

• Non, je n’ai pas de souvenir... c’est un concours de circonstances quand même, il faut dire y’a quand même un concours de circonstances, après y’a une volonté. Je veux quand même dire çà, c’est que par rapport aux gens qui demande des stages ou qui veulent venir voir comment on travail, quand j’ai fait çà moi, j’avais pas cours le samedi matin, j’allais dans la classe des copains le samedi matin, mais vraiment j’y allais, c’est-à-dire que j’y allais à huit heures le matin et puis j’allais voir le copain et il me disait : tu veux faire quoi ce matin ? Tu veux faire les maths du CE2 ou le français du CM1 , bon ba admettons que je fasse le français du CM1. Voilà t’as les bouquins qui sont là, j’avais pensé étudier à peu près telle notion à toi de te débrouiller, je suis là et volontairement quoi bénévolement, je m’investissais, j’essayais de faire, je me prenais en charge, je prenais en charge ma formation. J’attendais pas qu’un prof me dise à l’école normale voilà alors l’enseignement du français en CM1 c’est telle chose et telle chose et vous irez en stage dans la classe d’application d’à côté.

• On vous le permettait parce-qu’il y avait cette classe coopérative...

• Ba le samedi matin, on avait pas cours, donc là j’entravais pas le, on nous a permis difficilement d’aller en stage chez des gens chez qui on voulait, ça ça c’est pas reproduit après et comme beaucoup de gens dans ce groupe avait cette volonté, le groupe l’avait. Je connaissais très très bien le directeur de l’école normale j’allais très souvent dans son bureau pour régler les problèmes, y’avait tout le temps des problèmes qui étaient complètement contraires au fonctionnement habituel d’une telle boîte.

• Et après l’école normale avez-vous eu une formation Freinet ?

• Non, non, y’a pas de formation. Non on va voir les copains qui font la classe et puis les copains qui font la classe, ils se réunissent de temps en temps ils travaillent dans un groupe départemental bien souvent, ils vont à des journées d’études nationales, ils vont à un congrès national, ils travail dans des secteurs ou des chantiers nationaux par correspondance avec d’autres gens. Donc on arrive et on se met dans le coup, Quand j’étais à l’école normale, j’ai fait mon premier congrès de l’école moderne, çà se passait à Nantes, c’était facile, je suis allé au congrès de l’école moderne à Nantes, c’était sur mon temps de vacances et j’y suis allé, j’ai rencontré des gens. Par hasard y’avait C.. qu’était un prof de l’école normale du Mans à l’époque et qui maintenant est écrivain, poète et qui travaillait à L’I... et qui animait çà je m’en souviens très bien un atelier à ce congrès sur la pédagogie Freinet dans les écoles normales. J’étais là, j’étais normalien, je suis allé dans ce groupe quoi et puis voilà et puis après on va à un autre congrès et puis etc... et puis on se trouve un peu embricadé quoi, entre guillemet parce que c’est pas du tout une secte, certains de l’extérieur voit peut-être çà comme une secte, on s’en sort! enfin on en sort comme on y rentre facilement si on veut pas y travailler, on dit aux gens, moi je ne veux plus y travailler et puis c’est tout.

• Et qu’est-ce-qui vous paraît essentiel dans les idées qui sont véhiculées par...

• Moi je crois qu’il y a, oh y’en a plein sans doute, çà c’est difficile, c’est difficile de répondre à une question comme çà.

• Enfin celles qui vous viennent à l’esprit spontanément..

• Bon par exemple, le respect de l’individu, le respect de l’individu et respecter et respecter l’individu, l’enfant, la classe coopérative c’était la même chose, prenne en charge sa formation, soit motivé, s’intéresser à ce qu’il fait, c’est à partir de cette motivation là qu’il va apprendre et je crois que çà c’est hyper fondamental comme on pourrait dire maintenant. Je viens de lire le livre ’ comme un roman. ’ de daniel Pennac, et j’ai retenu une phrase, il ne faut pas forcer la curiosité, on ne force pas la curiosité, on l’éveille, mais çà je crois , c’est vachement çà. Il parle pas du tout de la pédagogie Freinet dans son bouquin ou très peu, je crois que c’est çà, c’est laissé le môme avoir envie de laisser faire et puis l’épauler quoi, être là, être vachement à l’écoute être prêt très près de lui, c’est très difficile d’être là au moment où il a besoin du coup de pouce, de l’aide quoi. Qui le fera avancer un peu plus loin, qui l’aidera, mais le maître n’est pas centre de la classe il est un individu, y’a le respect de la parole, le respect de l’individu, bien sûr faut pas se leurrer, y’a la part du maître et de temps en temps le maître il dit, moi je décide qu’on fera çà et puis il est hors de question de faire autre chose, parce que là j’ai pouvoir de décision, mais dans la démarche intellectuelle, je veux dire par rapport aux maths, au français, par rapport au programme d’une façon générale, c’est plus facile de le faire en éveil par petit travaux par exposée etc...qu’en maths ou qu’en français et dès que je peux, on travaille avec le vécu du gamin, çà aussi c’est une notion importante, avec son vécu. Exemple concret qui est peut-être caricatural mais qui est très vrai c’est, on fait un marché au mois de septembre, les gamins sont allés dans le magasin voir les prix, on a regardé sur le journal, les prix des légumes vendus aux halles de rungis, il a fallu dire ce que c’était que ces halles, on s’est renseignés, on a regardé à droite à gauche les documents qu’on avait, on a essayé de comprendre sur le journal, entre parenthèse, c’est pas de la tarte.On a essayé de comprendre les prix, on a essayé de peser, kilos, livre, qu’est-ce-que çà fait quoi et puis on a fait le marché et puis c’est eux les gamins qu’on servi, ils ont fait leurs étiquettes, bon on sait qu’un kilo de patates, çà fera trois francs quinze, ils se sont faits des tables avec bon un kilo-cent, un kilo-deux-cent et à chaque fois le rapport au prix, ils ont cherché çà, ils se sont débrouillés avec ces prix là et puis avec leurs calculettes, çà c’est de la pédagogie vrai quoi, on fait des maths sans s’en rendre compte et je fais pas une leçon sur les monnaies parce que ma leçon elle à été dix fois faites le jour du marché, c’est ce que je veux dire quoi. Y’a des fois ou j’ai rien sous la main et il faut bien faire une information que j’appellerais plutôt une conférence, un cours et puis on va rattacher çà à autre chose quoi.

• C’est ce que vous appelez, respecter leur désir..

• Leur motivation...Parce que je crois qu’on apprend bien que lorsqu’on est motivé, même nous, moi souvent je fais référence à moi, je me dis, mais euh çà oh p.. c’est pas possible ça ça m’intéresse pas, par contre si j’allais faire telle enquête, ça ça m’intéresserait. Bon un gamin, deux qui veulent se lancer à étudier St Lambert et bien ils vont prendre leurs magnéto et leur micro ils vont prendre leurs blocs, alors ils vont aller interroger peut-être dans la rue, ils vont aller interroger la secrétaire de mairie, ils vont peut-être faire un courrier au maire et essayer d’inviter le maire pour qu’il parle des institutions dans la commune, combien y’a de conseillers municipaux, je sais pas, ils vont peut-être essayer d’aller interroger un vieux pour savoir les métiers qu’il y avait dans la commune, plutôt que moi, prendre un document de la commune et dire, bon voilà à St Lambert y’a tant d’habitants, tant de conseiller etc.., bon notez bien, il y aura intéro demain, alors ce truc-là bon peut-être qu’ils vont le savoir mais ils s’en foutent de ça et moi aussi en plus, je veux dire apprendre comme ça, je m’en fou. Par contre si je vais interroger et rencontrer une vieille personne dans la rue qui me raconte comment on faisait les fûts les barriques, comment on les transportait, comment on allait chez le viticulteur etc...ça ils vont retenir et l’étude qu’ils auront faite sur Saint Lambert, c’est ça qu’ils retiendront et ça ils le retiendront fortement, ça sera quelque chose pour eux, ça sera l’histoire pour eux, çà sera vrai, le nombre d’habitant euh... par contre qu’ils sachent le retrouver, qu’ils sachent regarder dans un calendrier des postes qu’ils sachent où aller à qui demander, quoi demander...

• Au départ de l’entretien vous m’avez dit au fond, la pédagogie Freinet, c’est plus une façon d’être et de vivre et vous avez commencé par me dire au fond c’est d’abord respecter l’individu en partant de son vécu de ce qu’il a envie etc...Est-ce-qu’il y aurait d’autres idées fortes pour vous qui rendraient compte de cette façon d’être et de vivre...

• Une école ouverte aussi, çà c’est quand même une idée forte et çà rejoint beaucoup les techniques je pense que çà c’est des très grosses idées, autant le maître il n’est pas le centre de la classe, autant l’école elle n’est pas refermée sur elle-même, elle est une petite partie de tout ce qu’il y a autour quoi et la correspondance scolaire, les échanges écrire recevoir, demander toutes ces liaisons, y’a des gens qui ont travaillé là-dessus, j’aide, je reçois et çà c’est quelque chose de fondamental aussi je crois et autant au niveau des adultes d’ailleurs aussi parce que à l’ICEM y’a un secteur échange et communication qui est très très fort, donc écrire aux correspondants. On ne détient pas le savoir dans sa classe, donc on a besoin de communiquer, de rencontrer d’autres gens, on a des correspondants en Bretagne qui nous racontent la pêche et bien nous on ne sait pas, on va leur demander, ils vont nous écrire, ils vont nous raconter, ils vont nous envoyer un album, ils vont nous envoyer des photos, quand on ira, ils nous feront visiter etc..., nous on les reçoit et c’est l’échange et on apprend comme çà quoi je crois que c’est çà, c’est l’idée de la coopération. Je crois que çà se rejoint avec le tout début, le respect de l’individu, la tolérance, la coopération, l’entraide, bon çà c’est quand même des sacrées valeurs et qu’on essaie de faire aussi au niveau adulte, je fais souvent référence aux adultes parce que il me semble que... bon bien sûr, on enseigne ce qu’on est et moi je travaille dans un groupe départemental au même titre que les enfants travaillent sur un projet et avec d’autres copains instits et bien on partage nos désillusions, nos joies et nos peines....! et nos tâtonnements, çà c’est quelque chose d’important dans la démarche tâtonnante, on avance petit à petit, on apprend et puis y’a des moments on recule, on avance pas-à-pas.

• Donc à la fois vous m’avez dit respect de l’individu, travail à partir de son vécu, une école ouverte centrée sur l’idée d’échange, de communication d’entraide en fait et quand vous voyez vos enfants devant vous en classe, quelle idée vous avez du type d’enfant que vous voulez promouvoir... au fond cet à quoi vous pensez contribuer pour ces enfants ?

• L’idéal vers lequel, l’objectif idéal...

• Pas l’objectif idéal, mais l’idée que vous vous faîtes de l’enfant...

• Ba c’est de faire des gens un peu moins consommateur, un peu moins mouton blanc quoi, qui aient un peu plus de réflexion, qui est un peu plus de critiques face à tout que ce soit politique, qui réfléchissent un petit peu, qui ne se laisse pas un peu trop bouffer par la majorité par la masse, par le meilleur orateur qui passe quoi, mais qu’ils essaient d’avoir un regard un peu critique sur ce qu’ils font, pourquoi ils le font, comment ils le font. C’est aussi une question que je me pose souvent moi aussi en tant qu’adulte, mais ça veut pas dire que je ne fais pas des choses comme tout le monde, ou que je ne me laisse pas influencer et que je ne regarde jamais la télé ou je ne sais pas quoi, mais de temps en temps, je me dis, bon écoute, regarde, tu réfléchis un peu à ce que tu regardes, tu es un peu consommateur complètement passif là essaie d’ être un peu plus actif, de te prendre un peu plus en charge, d’être un peu moins passif etc...Moi je pense que c’est un peu çà qu’on souhaite, qu’ils soient plus autonomes dans la vie et qu’ils essaient d’être un petit peu moins tributaires ou liés aux grandes décisions, aux médias.

• Etre plus autonome, çà voudrait dire quoi ?

• Ah ! Qu’ils choisissent, qu’ils se sentent un peu plus libres de choisir ce qu’ils ont envie, ce qu’ils veulent vraiment quoi. Qu’on ne choisisse pas à leur place, qu’ils choisissent eux-mêmes et qui se laissent pas manger, moi je ne me laisse pas manger par mon inspecteur, ça ne m’attire pas d’ailleurs que des félicitations, mais c’est ça aussi, bon quand y’a quelque chose à renvoyer qui n’est pas obligatoire, c’est pas sûr que je le renvoie parce que je veux savoir pourquoi faut que je le renvoie. Essayer de se poser des questions, quand on fait quelque chose bon pas tout le temps, mais peut-être un petit peu moins passif dans la vie, un peu plus...

• Mis-à-part cet état d’esprit que vous voulez transmettre est-ce-qu’il y a d’autres choses à promouvoir chez l’enfant ?

• Y’a sûrement pleins de choses, j’ai un peu trop parlé...

• Enfin çà c’est le principal pour vous, c’est ce qui est important?

• Oh oui, c’est la finalité... avoir des envies aussi je crois mais ça ça vient avec, c’est autre chose, mais s’ils sont critiques, ils auront des envies quoi, ils n’auront pas peur de faire quelque chose même si tout le monde pense que personne ne le fait.

• Développer leur désir de faire des choses..

• ouais, ouais...

• Leur motivation...

• Mais alors pas pas des envies je ne sais pas d’avoir la cuisine aménagée quoi, ce n’est pas de ces envies là que je parle, c’est justement de se dire bon j’ai envie d’une cuisine aménagée, mais est-ce-que j’ai pas d’autres envies, est-ce-qu’il y a pas des choses qui ont plus de valeur pour moi quoi, mais plus de valeur philosophique ou, pas essayer de paraître comme le voisin, avoir un regard un peu plus distant face à ces choses là. Bon si j’ai envie de bouquiner un soir où il y a un beau film et bien tant pis, je ne regarde pas le beau film, si j’ai vraiment envie de bouquiner.

• Vous parliez un peu de valeurs philosophiques là à l’instant, est-ce-que vous pensez qu’il y a une certaine philosophie de l’homme là derrière cette pensée pédagogique ?

• Ah oui, oui, çà sûrement, non mais sûrement, célestin Freinet, il avait des idées très arrêtées sur l’homme.

• Quelles sont ces idées, est-ce-que vous les épousez ?

• Oh ba oui, on a quand même tous des idées de rendre un petit peu l’homme meilleur, de penser que c’est quand même tellement ’c’ de faire la guerre, qu’on pourrait vivre ensemble facilement, si on est prêt à faire de la correspondance, à rencontrer des gens, çà veut dire qu’il n’y a pas de différence entre des gens de différentes couleurs ou entre des gens qui habitent différents quartiers, y’a des différences mais je veux dire qu’il faut promouvoir ces relations, ces communications surtout pas faire des ghettos, des choses comme çà quoi et je pense que la société actuelle va de plus en plus vers l’exclusion d’une partie de la population, alors çà c’est sûre qu’on ne peut pas aller vers çà quoi. On tend vers un monde meilleur, on aspire à un monde meilleur. Au niveau adulte, j’essaie de vivre çà, j’ai un peu cette référence, je pense que vraiment on ne peut pas faire la classe, y’en a qui le fond, mais alors çà je dis y’a quelque chose qui va pas chez eux. On ne peut pas être d’une certaine façon dans la vie et puis faire sa classe autrement, c’est absolument impossible, parce que dans une classe, on s’investit énormément, donc çà c’est absolument impossible. Alors moi je pense à mon niveau, j’adore voyager peut-être un peu moins maintenant parce que c’est plus difficile avec les enfants, mais ’ai beaucoup voyagé et j’ai adoré rencontrer des gens comme çà, mais en me faisant le plus petit possible, en essayant de ne pas les déranger en planquant mon appareil photo et en ne sortant que sur autorisation, un respect de l’individu et rencontrer des gens pour essayer de faire qu’il y ait des amitiés qui se créent, des échanges qui se créent et je pense qu’à connaître des gens noirs ou de Russie ou des Américains, je pense qu’on comprend un peu mieux certaines choses et si on les comprend mieux on admet plus volontiers, on est plus tolérant sûrement je crois.

• Mais cette façon de vivre l’ouverture ou du moins l’éveil à tout ce qu’il y a autour de vous de manière autonome, vous dites, vous l’avez eu étant plus jeune, et au fond çà correspondait chez vous à un état d’esprit, est-ce-que c’est bien en lien avec.. çà semble bien en liens avec ce qui est promu dans l’esprit Freinet quand même et est-ce-que c’est une raison de votre adhésion. Vous parlez d’autonomie chez Freinet et vous votre propre personne ?

• Ah oui, oui oui.

• Est-ce-que vous voyez une connivence entre la méthode et votre propre personne ?

• Ah oui, absolument, oui tout à fait tout à fait..

• Vous auriez des exemples à donner qui caractérisent votre personne par rapport à votre itinéraire et qui rend compte un peu de...

• Pouille, pouille...! j’sais pas c’est plus un état... euh... j’aime me retrouver avec les gens du groupe départemental, j’aime ces ambiances de congrès, j’aime ces séances de travail, j’aime parce que y’a un partage des gens et puis y’a une honnêteté des gens qui sont capables de dire : ’Et bien moi je fais des maths depuis quinze ans et ça m... de plus en plus et puis il va être temps de me dire comment il faut faire, parce que je vais bientôt être à la retraite’. J’ai entendu des gens dire : ’ça, ah! la division, je n’y arrive pas cette année ça ’foire’, comment vous faîtes vous ?’, moi j’entends pas euh, en dehors du mouvement enfin en dehors des gens qui gravitent ou qui travaillent là-dedans, j’ai jamais entendu un maître d’application dire, j’ai jamais entendu un prof à l’EN dire, si vous ratez une leçon etc..., c’est complètement tabou ça, on a pas le droit de rater, alors ça c’est le tâtonnement expérimental des gamins, c’est leur recherche, on a le droit de rater et moi j’aime rater finalement peut-être, non j’aime réussir, mais j’aime ces expériences-là où on essaie, on travaille, c’est concrètement.

• J’ai travaillé pendant plusieurs années sur la partie magazine de BTJ ba des fois on se faisait ’eng’ par d’autres collègues en disant qui c’est qu’a pondu les pages magazine de la dernière fois, c’est complètement nul, la recette qu’à été mis, vous vous rendez compte vous as utilisez euh .... Une fois c’était arrivé sur la pâte à sel et y’avait un copain de je ne sais pas trop où en disant c’est un scandale, y’a des gens qui meurt de faim et vous utilisez de la farine, du lait, comment peut-on faire pour mettre çà dans une revue de la CEL, la coopérative de l’enseignement laïc fondé par Freinet, jamais on aurait pu penser çà etc... Et ba ça c’est bien, parce que on fait quelque chose et puis bon ba on se remet en cause et hop on recommence, on remet notre métier, notre courage et hop on recommence et on re-tâtonne et çà cogite encore et sur des choses vraies, c’est pas de la masturbation comme çà intellectuelle pour le plaisir et des réunionites pour le plaisir, mais c’est du concret, c’est sur le terrain, c’est vrai quoi. Bon évidemment c’est théorisé de temps en temps, on essaie de prendre un peu de hauteur, on en a besoin, mais euh parce-qu’on ne peut pas tout le temps être sur.. mais çà on en a besoin et j’ai pas d’exemples précis parce que je crois qu’il y en a pleins d’exemples comme çà et çà j’aime bien travailler sur le concret, discuter, retrousser les manches, y’aller quoi.

• D’accord et est-ce-que vous faîtes partis en dehors de l’école et de toutes vos responsabilités, d’autres associations, avez-vous d’autres engagements ?

• Oui ce soir, j’ai conseil d’école à six-heures, je fais du sport, je suis militant syndical, j’ai pas de responsabilité au syndicat encore que çà commence à venir puisque ce matin j’étais à une réunion avec l’inspection académique..

• Politiquement vous êtes...

• Politiquement je n’ai aucune carte, non non je n’ai aucun engagement politique...

• La militance syndicale, çà une vocation pour vous euh.....

• C’est pour faire que l’école soit mieux quoi, moi je crois.. je fais ce métier par choix, j’ai choisi d’être instit alors que j’étais promis à un brillant avenir comme pharmacien. En faculté de pharmacie, le lendemain des résultats où j’étais reçu, j’ai dit j’arrête, çà me plaît pas, çà me fait ’chier’ d’apprendre des bouquins comme çà etc, comme j’avais été maître d’internat pendant deux ans et que j’ai habité longtemps l’école normale des garçons, mes parents y travaillant, mais à l’époque je ne voulais pas faire instit, je pense que çà à joué...

• Vos parents étaient instits..

• Non pas du tout, je suis le premier de ma famille à être instit, mes parents travaillaient dans le personnel de l’école.... et donc je suis passionné par le métier alors le syndicat, c’est tout naturel aussi que syndicalement j’essaie de... je crois à des idées, je crois à une certaine école quoi... çà me fait vraiment ’chier’ de voir certaines autres écoles ou d’autres instits ou d’autres façon de travailler quoi, alors le syndicat est aussi un moyen peut-être de rendre plus juste un certain nombre de choses, de faire évoluer les choses et puis je pense que l’histoire syndicale est tellement forte pour prouver qu’on a absolument besoin de gens comme çà. Je ne me sens pas investi de quelque chose, mais je me dis toi t’a pas le droit de pas être syndiqué et de pas essayer de faire quelque chose ton père il a fait des grandes grèves, ton grand-père était ouvrier, il est né au début du siècle, il en a ’chié’ et toi t’a ton magnétoscope et ta’bagnole’ et des machins des trucs, tu peux bien essayer de faire un petit effort pour oeuvrer, mais c’est aussi rencontrer des gens, c’est aussi essayer d’aller plus avant dans ce qu’on croit, alors je suis militant syndicale donc...

• Et vous dites : ’au fond c’est pour faire un certain type d’école, qu’est-ce-qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à un type d’école, une école qui soit..’

• Je suis pour l’école, pour une école euh.. je suis pour je que je disais tout à l’heure de D Pénacle là, la phrase quoi, on ne force pas une curiosité on l’éveille. Quand je dis çà, je pense par exemple, une copine me disait que dans son école la la classe de petite section, la copine elle n’avait pas encore sorti les peintures. Quand je vois mon..j’ai un petit garçon qui a deux ans et demie qui est à l’école dans la commune où j’habite, bon il a du peindre deux ou trois fois depuis le début de l’année et il a ramené six dessins, je me dis que çà c’est pas vrai là déjà a mon avis, on force la curiosité, on l’éveille pas, on la force, déjà on embrigade les mômes, déjà on réduit leur champ de vision déjà on supprime leur tâtonnements, leurs premières expériences, déjà là a deux ans, sans doute déjà avant, bien avant mais on reste dans l’école. Là on est entrain de former des individus consommateurs, pas des individus qui savent se prendre en charge, non on va leur amener un jour deux pots de peinture avec deux pinceaux et ce sera untel et untel qui iront faire de la peinture, il pourront en faire que sur une petite feuille, ils ne pourront pas en faire plus de deux, voilà et on leur donnera un cadre, çà c’est pas vrai, çà m’énerve, déjà je sens que çà m’énerve, çà je peux pas croire ça je dis ça c’est pas possible ça, on va pas former des individus responsable adultes si on commence par leur dire que le soleil est jaune et qu’il faut peindre le soleil jaune là-haut, parce que c’est pas vrai, le soleil est jamais jaune. J’ai vu par exemple sur la mer du nord, en mer du nord, le soleil n’est jamais jaune et le ciel n’est jamais bleu. Non mais je caricature, mais ça ça me fiche en rogne à l’école quoi, c’est çà, je veux dire, je m’en fiche, bon je m’en fiche pas mais je veux dire, je respecte le travaille des gens, je vais dire, j’ai pas été casser la baraque à l’instit de mon gamin là parce que c’est pas du tout mon rôle, je l’ai vue, je la connais un peu, je lui dis rien,peut-être que je lui dirai de temps en temps, je lui glisserai un truc, je ne sais pas, mais je veux vraiment euh, je la laisse libre si moi là je suis parent, si vraiment ça ne me plaît pas, je peux... ? d’école, mais quand même quoi, déjà là ça m’inquiète.

• Et du point de vue de votre propre itinéraire scolaire, vous disiez au fond, j’ai pas envie de donner ce que j’ai reçu, parce que je n’étais pas trop d’accord etc...

• J’étais un élève assez brillant (rire.), non, non j’avais le prix d’excellence, le prix d’honneur, j’ai sauté le CE2 allègrement et j’ai fini avec un an de retard au Bac, bon je me suis cassé la figure au bac. Je me suis planté en quatrième et au bac. Mais non, une scolarité relativement normale. En primaire je ’gazait.’ Je me souviens comment étaient les maîtres et ce qu’ils nous faisaient subir..

• Est-ce que justement par rapport à ces enseignants que vous avez vécu pendant votre scolarité, est-ce que vous avez le souvenir d’enseignants qui vous ont euh... soit que vous avez rejeté ou qui vous ont intéressé ?

• Ah oui, ah oui, oui oui

• Par exemple...

• Bon j’avais un maître de CP qui prenait les enfants par les cheveux ici et qui soulevait les enfants comme çà je me souviens extrêmement bien et cet instituteur qui est maintenant en retraite, est devenu conseillé pédagogique et je me suis toujours promis en étant instit que si jamais j’étais dans la même circonscription que lui, je ne lui laisserai pas franchir la porte de ma classe, çà c’est jamais passé tant mieux pour tout le monde, je crois que çà aurait pu finir mal, mais çà j’ai jamais pu accepter çà et puis l’autre exemple c’est un prof de français de français en troisième qui est vraiment devenu un ami très cher et que j’admirais beaucoup et que j’admire encore beaucoup, mais toute la classe l’adorait, surtout les filles d’ailleurs.

• Qu’est-ce-que vous admiriez comme qualité chez lui... il représente un peu un modèle pour vous maintenant ?

• Il a représenté. Maintenant j’ai un peu plus de bouteille donc on a franchi l’étape élève prof. Mais oui, non, non. Il a représenté quelqu’un qui savait écouter les élèves, qui savait les intéresser qu’était vraiment à l’écoute des gens et qui se donnait énormément, quelqu’un qu’on pouvait trouver n’importe quand, qu’était là le soir, qui était là le matin qui faisait son boulot, çà se sent bien quand on est élève, surtout quand on arrive au collège....qui savait faire passer des choses avec.. pas des techniques modernes dans le sens magnéto machin, mais des techniques d’animation moderne et qui, c’était un prof de français qui faisait énormément de théâtre ou qui faisait de la poésie avec une guitare ou des choses comme çà et çà c’était tout nouveau pour nous mais çà nous a donné vachement envie quoi, ce livre de Daniel Pennac, si vous ne l’avez pas lu, il faut le lire, ’comme un roman’, c’est sur la lecture et il raconte que dans une classe quand il est arrivé que les étudiants euh... à la question : ’Est-ce que vous aimez lire ? levez la main ceux qu’aime lire personne ne levait la main et y’en a qu’il lisait à voix haute simplement pour donner cette envie de lire comme ça. Je veux dire, il arrivait à faire passer des choses et ça tout le monde voulait faire prof de français à la fin de l’année.

• Et pour vous, est-ce que vous avez repensé, en tant qu’enseignant à cette personne là ?

• Ah oui, oui.

• Est-ce que c’est quelque chose qui vous a conforté dans votre motivation à être enseignant ?

• Oui, oui, y compris ses échecs et les claques qu’il se prend au cours de ses postes ou ses différents postes, mais c’est sûre, c’est quelqu’un qui a marqué énormément, mais troisième c’est l’époque où on est ado et c’est une époque où on a vachement besoin d’un confident je parle pour les garçons, mais il était en même temps le confident de beaucoup et de moi en particulier et il a été très longtemps confident, quand j’ai arrêté la pharmacie, je suis allé lui demander conseil, enfin conseil, on en a causé, j’avais pris ma décision mais... c’est la preuve que sans doute que j’avais vraiment confiance, que c’était quelqu’un à qui je pouvais dire des choses que je ne pouvais pas dire à mes parents ou à d’autres copains et ça ça c’est important aussi.

• Et dans votre itinéraire est-ce-qu’il y a eu d’autres personnes comme ça ressource qui ont contribué.... ?

• Non, non. Quand je vois quelqu’un qui fait vraiment quelque chose, j’ai pas envie de faire ça, ça me redonne du tonus, cet exemple de ne pas avoir sorti les peintures en petite section je me dis, quand j’en aurais marre du CM, je vais prendre une petite section parce que y’a du boulot à faire quoi.... c’est qu’il y ait au moins un minimum quoi qu’on ne détruise pas les individus qu’on en fasse au moins un peu un minimum entre en faire tous les jours et puis ne pas en faire du tout ou en faire plein, plein ou en faire pas du tout, y’a en faire tous les jours. Quand je vois quelqu’un qui a mon avis détruit le môme ou plutôt que d’éveiller le môme, fait le contraire, ça, ça me renforce dans ma passion d’enseigner.

• Vous enseignez depuis combien de temps ?

• Quinze ans.

• Et vous êtes toujours aussi tenace et convaincu par rapport..?

• Absolument..

• A votre pédagogie... ?

• Absolument, non çà fait treize ans que j’enseigne pardon.

• Avez-vous cherché à prendre d’autres voies, vous êtes-vous informés d’autres perspectives ?

• Que d’être enseignant ?

• Non par rapport à l’option Freinet ?

• Oh euh, on essaie de lire un peu à droite à gauche, ce qui se dit, ce qui se passe.... mais je peux très bien correspondre avec quelqu’un qui travaille pas dans un groupe départemental de l’école moderne par exemple, alors là non, non tout à fait, je ne sais pas, on a travaillé l’année dernière avec le groupe départemental 49 sur des livrets de lecture, qu’on a fabriqué cette année notre classe est affiliée à une OCCE, office central des coopératives d’école, c’est une coopérative scolaire et c’est moi-même qui est proposé à l’OCCE qui regroupe des classes coopératives du département, 95% d’entre elles ne sont pas des ges qui travaillent dans la pédagogie Freinet, j’ai proposé d’aider à réaliser d’autres livrets et à animer un groupe une réunion un mercredi, pour que si y’a d’autres gens qui ont envie de créer ces livrets, travaillent aussi et échangent avec nous, heureusement faut surtout pas, ah non alors là au surtout pas, l’idée d’ouverture, ce serait complètement raté, si je suis pas capable de faire çà, je suis pas capable d’ouvrir avec mes gamins.

• On était parti de cette question, qu’est-ce qui vous engage à continuer justement ?

• C’est que j’ai l’impression d’être de plus en plus à l’aise tout en ayant l’impression d’en savoir de moins en moins.

• C’est-à-dire ?

• C’est-à-dire que jamais j’aurai répondu comme ça y’a dix ans, parce que je savais pas quoi, c’était le brouillard dans ma tête, je pense que je ressentais des choses y’a dix ans, maintenant je ressent les mêmes choses, mais je suis un petit peu plus capable de les expliquer, alors ça ça me motive un peu plus, mais plus on accumule de l’expérience, plus je me rend compte que c’est quand même sacrément difficile de faire changer quelque chose et que moi-même, je deviens de plus en plus vieux quoi, non,non si c’est vrai, si,si, on est très très vite dépassé par la société quoi, par les jeunes, par les gamins. Bon ils réagissent pas du tout comme il y a dix ans et encore moins que ce que je pouvais être moi à leur âge,j’aurais pas répondu le centième comme çà a mon instit que je me serais tapé tous les verbes ou je ne sais pas quoi. Et je me suis rendu compte de çà une année ou j’ai enseigné le français à Londres en tant qu’assistant, bon çà fait déjà un moment de çà, j’étais jeune à l’époque, quand j’ai parlé des pink-flyod, les jeunes ils m’ont regardé comme çà, c’est quoi çà ? de quoi il nous cause celui-ci, ils ne connaissaient pas et là j’ai pris un coup de vieux, je veux dire dans ce sens là c’est difficile quoi, nous entre nous dans le groupe école moderne on s’appelle les vieux ’cons.’, c’est-à-dire qu’on ressasse un peu toujours en plus les mêmes choses, on devient un peu, jour après jour de plus en plus anciens combattants, c’est un peu çà quoi, on croit à un idéal et puis plus on avance, on y croit toujours, mais plus l’idéal est loin, je ne sais pas plus on avance, moins on se rapproche.

• Alors on parlait d’idéal au départ, est-ce que c’est ce qui reste quand même premier pour vous, entre transmettre un contenu, transmettre un savoir et puis, forger chez l’élève un certain état d’esprit.. ?

• Ah oui, mais c’est pas du tout transmettre un savoir, non ça c’est très clair dans ma tête, je ne le dis pas fort parce que la demande des parents et moi quand je suis parents c’est pareil, enfin c’est pareil, un peu moins quand même. Je ne peux pas le dire à mes parents là que je ne suis pas là pour leur apprendre les tables de multiplication, enfin j’exagère un peu, mais là s’ils ne s’intéresse pas eux-mêmes, et si le gamin ne s’intéresse pas et là y’a pleins de possibilités et c’est vrai que je fais parti des partenaires, des gens qui aideront à ce que le gamin s’intéresse, mais si le milieu familial, si le gamin il ne s’intéresse pas au nombre de kilomètre qu’on fait pour aller en vacances, quelle ville on traverse, l’itinéraire sur une carte etc, si il s’intéresse à ça, j’ai pas besoin de lui faire un cours sur les mètres, les centimètres. Je veux dire, du premier coup on aura pigé tout ça, tout ça, ça sera déjà pigé.

• Il faut que ça ait un sens pour lui..

• C’est pour çà que moi je crois plus à enseigner une façon d’être à ce qu’il soit actif, autonome, qu’il se prenne en charge qu’il se débrouille : ’ tu veux faire çà, ba vas-y, cherche, tu va te faire rouspéter si tu cherche dans ce meuble-là, là-haut, réfléchis un petit peu à ce que tu fais, tu veux étudier telle chose, si tu va là, tu va te faire rouspéter, je te préviens, réfléchis un peu, voilà ok. Combien de gamins à huit-neuf-dix ans qui arrivent, c’est leur parents, la mère, j’accuse pas la mère, c’est souvent elle qui s’occupe de l’éducation des enfants, mais c’est les parents qui ont préparé les tickets de cantine, c’est les parents qui ont préparé la serviette, c’est les parents qui ont préparé le maillot de bain et la serviette pour aller à la piscine, on n’y arrivera pas comme çà.

• En fait dans l’entretien, vous avez beaucoup parlé de ce que vous voulez promouvoir, le respect de l’individu, la tolérance, le partage, est-ce que ces valeurs qui sont des valeurs que l’on pourrait qualifier d’humaines sont ancrées pour vous dans une croyance ou pas...spirituelle ou...

• Pas du tout, pas du tout. Mais je crois que la laïcité, développe plus d’idées fortes comme çà que l’école privée si l’on prend les dix commandements euh... je coche pas tout les jours, mais..

• Vous n’avez pas eu d’éducation religieuse...?

• Si j’ai fait ma communion, mon père non pas du tout, ma mère par mes grands parents allait à la messe, bon j’ai fait ma communion puis après... non je suis complètement devenu agnostique, mais euh et donc l’éducation que j’ai reçue n’étais pas si religieuse que çà dans le sens où mes enfants ne sont pas baptisés et ma maman ne m’a jamais parlé de, ni voit aucun...

• Mais ce sont des valeurs qui étaient quand même promues dans votre éducation ?

• Non,non, je crois que c’est plus une croyance dans l’être humain c’est vrai, je crois que c’est plus une croyance humaniste, je crois que c’est plus çà que, je sais pas j’aime bien les bouddhistes où, parce que je sais pas ils ont un certain recul sur.. une certaine analyse du temps de l’homme, mais je sais pas j’avais dix-huit, vingt ans, je suis allé passer deux jour à la communauté de Taizé et j’ai rencontré le frère Roger, j’ai trouvé que c’était un personnage extraordinaire, il avait un regard... on aurait voulu rentrer dans les yeux, je ne sais pas. Bon çà rien à voir avec euh... bon je crois pas du tout, vraiment les questions catho ça me fait ’chier’ et là je trouve que là y’a des croyances, on peut croire en l’individu sans être... sans croire en Dieu.

• C’est une croyance en l’homme en ses capacités, en son évolution..

• Oui,Oui

• Et cette personne que vous avez rencontré à Taizé...

• C’est le frère Roger qui est le fondateur de la communauté de Taizé qui à été quelqu’un pendant la guerre qui a hébergé des réfugiés et qui risquait...Je veux dire, moi j’ai des mauvais rapports avec mon inspecteur, mais je veux dire ces gens-elà ils risquaient d’être fusillés tout simplement, bon... pour avoir donné des choses à des gens.