Est-ce-que vous vous souvenez de la première fois où vous avez entendu parler de la sensibilité Freinet ?
Oui, Oui, c’est un souvenir affectif, c’est un ami tout simplement qui était instit Freinet qui était plus âgé que moi, qui était instit alors que j’étais encore à l’école normale et qui participait aux réunions du groupe Freinet 49. J’en avais entendue parler, mais je n’avais rien vu de pratique et tout, et puis j’ai commencé à aller aux réunions, toujours c’est à ce moment que j’ai connu les gens, ça fonctionnait sous forme de réunions c’est vrai qui étaient très conviviales, dans le 49 toujours, je ne sais pas si c’est le cas dans d’autres départements et quand il y avait des réunions, il y avait une ’bouf’ après etc et j’ai commencé, uniquement parce que je connaissais cet ami, à contacter ces gens qui sont devenus en fait des copains autant que des aides de coopération pédagogique et quand l’année d’après j’ai commencé vraiment à avoir une classe, quand j’ai attaqué dans ma classe, je me suis dit, puisque j’avais un CP, que je ne commencerai pas comme ça avec un livre comme ça ce faisait, mais que je pratiquerai la méthode naturelle de Freinet.
Donc au départ, c’est un ami personnel qui, lui, faisait parti du groupe.
C’est mon mari maintenant. Bon j’allais aux réunions avec lui sans trop participer, bon j’avais pas de classe alors c’est un peu différent.... Donc c’est carrément affectif si vous voulez, c’est pas le hasard heu... je crois qu’en fait ça se fait beaucoup comme çà, je ne sais pas, je crois, moi je crois qu’on est accroché par quelque chose quand c’est quelqu’un qui a du sens affectif pour soi-même qui vous en parle, je trouve que c’est bête d’ailleurs, quand quelqu’un va vous parler de quelque chose si, personnellement, vous n’avez pas d’attache avec cette personne si en gros vous n’avez pas ’d’atomes crochus’ avec elle, vous n’allez pas écouter la chose alors qu’elle est peut-être en train de raconter un truc, enfin moi je crois.
Alors justement a propos de ces ’atomes crochus’ qu’est-ce-que vous retrouviez dans le groupe...?
Bon alors moi je me suis tout de suite dit c’est vrai que c’est comme çà qu’il faut que je bosse, ça correspond à ma façon, cette façon active de travailler, non passive, je me suis dit, ils ont raison, c’est évident, ils ont raison et puis après quand j’ai été vraiment en situation de faire la classe, il y avait quelque chose qui fonctionnait assez bien dans le 49, mais peut-être trop bien pour d’autres raisons, c’est que moi j’allais voir des gens le soir, des instits qui avaient le même type de classe que moi et j’arrivais vers six heure, j’allais dans leur classe et le soir on mangeait chez eux et c’est-à-dire, c’était quand même très affectif, c’est-à-dire que pour certaines personnes qui étaient un peu étrangère au groupe par contre... quelquefois c’est le reproche inverse d’un groupe qui était très serré affectivement, de copains qui s’entendaient bien ensemble, peut-être pas assez justement structuré mais plus fondé sur bien ’bouffer’ on discute, peut-être trop lié à l’affectif, mais pour moi çà a fonctionné parce que j’ai trouvé que ces gens là étaient des gens qui me disaient, si tu as un problème tu viens, allez viens ’bouffer’, on va discuter et tout, et moi c’était plus que lire des livres et des choses comme çà, c’est un petit peu comme çà que j’ai compris les choses.
En fait il y a deux choses dans ce que vous dites, je pensais que c’était comme çà qu’il fallait travailler, donc par rapport à l’affectivité et à la passivité et puis il y a le côté affectif par rapport aux gens.
De la coopération, on peut peut-être approfondir les deux côtés, le côté affectif par rapport aux gens, qu’est-ce-qui vous plaisait chez eux en fait ?
C’était des gens qui vivaient un peu comme nous en fait, comme nous, je veux dire qui avaient les mêmes centres d’intérêt qu’on rencontrait également au spectacle, il y avait aussi d’autres choses, il y avait aussi que, à un moment, il y a eu une maison en commun qui s’est achetée avec beaucoup de gens qui appartenaient au groupe Freinet et puis ce qui me plaisait chez ces gens là outre le côté passion du boulot, en fait, c’était des gens avec qui je m’entendais bien...
Oui parce-qu’en fait on creuse l’idée de départ qu’en fait on va vers quelque chose parce-qu’on rencontre des gens avec qui on se sent bien.
C’était çà, c’était çà c’est-à-dire, c’était des instits qui dénotaient complètement de l’instit qui ne me plaît pas du tout, que je rejette et tout et puis avec ceux-là et bien on était d’accord sur pleins de valeurs si vous voulez, autant par rapport à l’éducation que l’enseignement, mais aussi la façon de passer ses vacances, de ’bouffer’, de vivre, d’élever les enfants quoi.
Et quand vous pensez a ces valeurs, est-ce-que vous pouvez en parler plus précisément....Bon vous avez adhéré a ce groupe et en même temps, vous vous sentiez bien mais aussi vous partagiez des valeurs communes..?
Oui.
Est-ce qu’il y a des choses qui vous viennent à l’esprit comme çà un peu spontanément ?
Je dirais par rapport aux enfants, libre expression des enfants, expression optimalisée des enfants autant, dans la classe, que par rapport a l’éducation personnelle des enfants. J’aurais tendance a définir çà par la négative, non classissisme, refus de tout ce qui était dogmatique, classique... c’est pas évident..
C’est pas évident parce que en fait il y a ce qui est du domaine de, on était parti du groupe de ce qui vous plaisait chez les gens, leur vie, les loisirs etc.. Est-ce qu’il y a des valeurs plus générales, sur la vie en générale et puis des valeurs qui sont peut-être plus liées a l’enfant.
Oui, c’est le cas.
Alors on pourrait peut-être séparer les deux, finalement.
C’est pas facile....Bon déjà il n’y avait aucun esprit de compétitivité entre nous, c’est pas des gens, je sais pas qui voulaient briller, on savait qu’on était à égalité, qu’on était là pour s’entraider et c’était pas des gens qui, dans leur vie personnelle, avaient un profil de carrière, qui voulaient prouver des choses, alors çà c’est quelque chose que je trouve bien. L’entraide, la coopération, c’est pas parce que tu as dix ans de moins que tu es moins bonne etc... moi aussi quand j’ai démarré, je pédalais, donc on est là pour t’aider c’est bien, alors çà c’est peut-être plus des valeurs professionnelles que personnelles, c’était des gens quand même en gros qui refusaient tout ce qui était hiérarchie etc... l’idée d’un modèle et respecter ce que l’inspecteur dictait et çà se retrouvait dans des gens qui au niveau syndical, avaient des actions engagées dans les syndicats, d’une tendance assez extrémiste disons.
Et qui vous correspondait bien a vous ?
Oui,oui,
Y avait-il des engagements politiques?
Non, non, pas politique, parce que le politique, çà mène vraiment vers le verreux. Non, non. Le syndicat était divisé en tendances, y’avait une tendance beaucoup plus anarchiste qui s’appelait l’école émancipée et qui revendiquait des valeurs qui quelque fois pouvaient avoir des interférences avec le mouvement Freinet. Il y avait des personnes qui se trouvaient bien dans ce mouvement syndical qui était contre la hiérarchie, l’inspection etc... et je sais que pour moi, c’était important qu’on se voit parce que quand l’inspecteur venait c’est tout juste s’il ne disait pas que c’était de la ’merde’, il y a des instits qui se sont fait ’saquer’, on leur a dit que c’était nul, ça faisait dix ans qu’ils faisaient la classe, on leur a baissé leur note et tout et on se réunissait pour se remonter le moral, parce que quand on est tout seul et qu’on a l’inspecteur qui... c’est nul.. la, la, la, on aurait tendance a le croire et quand on ’rebouffait’ on se disait çà va il existe des gens qui et çà je sais que c’était vachement important pour moi parce-qu’autrement quand on est environné de gens qui fonctionnent complètement différemment, on se dit bon c’est moi qui débloque où.. et ça c’est important de retrouver des relais, du fait qu’on les voyait, qu’on bouffait ensemble oui, oui c’est çà, moi je crois, c’est ce que je dis moi quelque fois aux jeunes qui veulent démarrer je leur dis repassez parce que si vous restez tout seul vous allez être environné de gens qui fonctionnent complètement différemment et puis vous allez laisser tomber, faut être fort en quelque sorte, faut y croire et si on est seule, on peut se faire bouffer par la grosse inertie de la majorité, très facilement. Si on ne prend pas des sortes d’aides affectives, bon ba ça c’est pour moi..
Mais çà correspondait bien a votre personnalité?
Quoi ?
Et bien le fait de bien aimer le côté affectif, relationnel.
Oui, oui, je crois et puis j’ai tout de suite sentie... et puis j’aime les gens qui ont une idée qui s’y tienne qui vont au fond même si c’est difficile à vivre et qui sont prêt à dire, si tu as un problème tu viens et je crois que le groupe un peu c’était çà, même si d’autres gens qui n’ont pas réussi à rentrer dans le groupe en on fait le reproche après, parce que quand le groupe est très cohérent, c’est très dur pour d’autres personnes de rentrer dedans. Je connais des gens qui disaient, bon d’aller aux réunions, c’était pas évident, parallèlement aux réunions, une vie affective, de gens qui se connaissaient bien qui passaient même des vacances ensemble, donc je crois que c’est dur, même pour des étrangers. Que moi çà fonctionnait bien, bon j’étais vraiment en ’atomes crochus’ avec ces gens-là, j’étais bien quand j’allais manger chez eux, quand j’allais dans leur classe, je les rencontrais ailleurs et pour moi ces gens là, je trouvais que c’était des gens qui avaient choisis une idée et qui s’y tenait malgré les écueils, certains avaient vraiment eu des ennuis et j’aimais bien ce côté euh...
Donc si on reprend ce qu’on a dit sur quelques raisons de votre adhésion au groupe, c’était sentir entre ces gens de l’entraide...
Oui, oui..
Et puis chez eux finalement, une volonté de suivre une ligne de conduite de s’y tenir..
Oui, d’y être assez fidèle. Oui, oui moi je crois, oui même moi, je ne suis pas prête à renier çà, même si quelquefois, je ne fais pas exactement ce que je veux, mais j’ai pas du tout envie qu’on dise quelque chose sur Freinet, surtout qu’en général, ce sont les gens qui ne connaissent rien qui...au contraire si quelqu’un critique la méthode Freinet et dit, j’ai beaucoup pratiqué, mais je trouve que..
Donc fidélité à une idée et puis les contenus de ces idées c’est par exemple refuser la hiérarchie, refuser une certaine compétition, donc ça renvoie à l’entraide quelque part, refuser un modèle idéal...
Oui exactement..
Alors est-ce-qu’il y aurait d’autres idées pour étayer çà ?
Et puis des gens qui étaient prêt à bosser, à s’investir, parce que... mais c’est pas..
Mais pour vous c’était un petit peu un intérêt de voir qu’ils étaient actifs...
Oui, de toute façon c’était indéniable, à partir du moment où on choisit çà on comprend que la classe, elle n’ est pas finie à quatre heure et demie, donc ça aurait pu être rebutant si j’avais été paresseuse, j’aurais pu dire non, non merci, je laisse tomber. Je crois qu’il y a des gens qui laissent tomber pour çà. Ils disent, c’est fou, c’est trop de boulot, je pourrais pas. Mais dans la mesure où moi çà m’intéressait, moi j’ai jamais sentie çà comme.. enfin quelquefois j’en ai marre mais dans la mesure où c’est une pédagogie qu’on choisit. Bon je veux dire, je refuserais d’être à sept heures dans ma classe pour faire des choses bêtes qu’on m’obligerait a faire, je veux dire, je suis très anarchiste, dans la mesure où c’est quelque chose qui me plaît, qui plaît à mes enfants que je trouve très vivant dans la classe, pour moi c’est pas un sacrifice le boulot à ce moment là. Si on m’oblige à faire quelque chose de bête, je dis non à ce moment là et quand vous parliez de paresse ou pas paresse, çà correspondait bien à votre nature. Oui quand çà me plaît, je vais jusqu’au bout, je me donne les moyens pour y arriver et je crois qu’ils y a beaucoup de gens qui ne le font pas, c’est-à-dire ils ont une idée et on les rencontre après et puis ils disent qu’ils n’ont pas réussi.
Quand vous vous souvenez au niveau du groupe est-ce que leur capacité de travaille vous impressionnait?
Oui parce que quand j’ai visité une classe... on voit tout de suite si le maître bosse, quand on voit la bibliothèque à l’époque, il n’y avait pas de bibliothèque bien tenue avec des fichiers et tout, des enfants qui s’inscrivent sur les plans de travail et tout bon ba on est impressionné.
Donc vous vous rappelez avoir été impressionné...
Ah oui, oui, avoir tout de suite compris que la pédagogie Freinet, c’est une pédagogie du travail, du travail de l’enfant, mais aussi de l’instit, il faut organiser parce que c’est beaucoup plus compliqué que quand le livre est tout ouvert et que le môme suit bêtement sur son livre et qu’il tourne la page tous les jours. Dans la mesure où c’est une pédagogie qui essaie de tenir compte de ce que l’enfant apporte de leur vécu et de leur affectif, c’est forcément différent dans toutes les années et dans toutes les classes, et cette année, je fais la même chose dans l’esprit. Mais les terrains et tout, c’est pas la même chose puisque ce ne sont pas les même enfants alors c’est dans ce sens là que ce n’est pas du tout cuit tous les jours.
Y’a-t-il d’autres valeurs ?
Oui toujours les valeurs d’ordre général... là il aurait fallu que j’y réfléchisse avant, parce que j’ai pas une aptitude à analyser, j’ai pas un cursus philo au contraire, je suis plutôt une matheuse.... je ne suis pas une littéraire.... Qu’est-ce-qu’on a dit?
Peut-être essayez de revoir ce groupe dans votre tête, bon vous m’avez dit au fond, un groupe qui s’entraidait, qui n’avait pas le sentiment de compétition qui avait une certaine chaleur ?
Oui chaleur, c’est çà. En fait du partage. Non mais c’est vrai parce que en plus on rigole bien.
Donc idéologique ment un refus de hiérarchie de modèle, une volonté d’agir et puis une fidélité aux idées, un recours au travail.
Oui c’est bien tout çà, c’est juste tout çà... Des gens non imbu de leur statut, çà je crois qu’il faut le dire parce que çà implique... pas la modestie par rapport au fait qu’on ait choisi le mouvement Freinet parce-qu’on se croyait quand même nettement plus fort que les autres et on s’y croit toujours, (rire) non mais la modestie par rapport à un rôle à tenir dans le village. On était contre l’idée de l’instituteur... que les parents pouvaient venir nous voir, qu’on était fait pour dialoguer, on allait vers eux on frappait aux portes quand on les voyait pas assez, on faisait des réunions, un souci de dire, je ne suis pas le maître, je suis prêt à vous écouter... bon peut-être un refus de l’image traditionnel du maître. Il y a des instits qui vivent pas très bien leur rôle d’instit parce que ils disent : ’oh ! on n’ est plus considéré comme autrefois’, alors nous çà nous faisait vraiment rire, on trouvait très bien qu’on ne soit plus considéré comme autrefois. Au contraire, c’est très encourageant que les parents osent frapper à la porte.
Plutôt en voyant l’enfant dans la classe, quelle idée avez-vous de ce que vous comptez apporter à l’enfant?
Alors là, je vais peut-être encore avoir tendance à dire des non-choses, je crois que c’est plus facile pour moi de dire ce que je hais, ce que je refuse, ce que je ne veux pas pratiquer par exclusion. Je refuse la machine à gaver, donc l’enfant tu t’assoies, tu te tais, tu m’ecoutes. Parce que je pense que les mômes arrivent avec pleins de vécus : la veille, ils se sont disputés, ils arrivent en fait ce ne sont pas des élèves, ce sont des enfants, quoique quelqu’un ait dit, on a que des élèves, on a jamais d’enfants, à partir du moment où ils rentrent en classe ils sont forcément élèves, bon moi j’essaie qu’ils restent enfant ils ont une vie, j’essaie de tenir compte de çà, ce qui n’est pas évident. Bon en gros quand ils me disent mon chat est mort, pourquoi ça ferait pas un texte qu’on écrit au correspondant, j’essaie de faire rentrer le plus possible leur vie personnelle affective dans la classe, bon c’est peut-être plus facile quand on a des petits. Alors je sais pas moi je me dis l’enfant, je veux pas dire, je veux rien savoir de toi. C’est pareil en classe, j’essaie de redévelopper des valeurs auxquelles je tiens, c’est-à-dire la non-compétition, la non-compétition en classe, j’ai beaucoup d’activité qui ne sont pas notés qui sont par définition non- compétitive puisque pendant qu’il y en a un qui fait quelque chose, l’autre fait forcément autre chose donc je vois pas comment on pourrait comparer, donc toute l’organisation de la classe, implique une non- compétitivité et une non-hierarchisation des résultats même si par moment il y a bien des choses communes qu’on leur distribue et ça il y a des instits qui ne peuvent pas comprendre çà, parce-qu’ils ont l’idée qu’il faut forcément les classer et s’il n’y a pas un classement, que travail implique classement ou une note, une hiérarchisation. Alors çà moi non.
Dans les petites classes, c’est çà, qu’il y ait à la limite une envie de travailler, pas uniquement pour me faire plaisir, mais pour lui même. Une chose que je trouve affreuse, c’est les mômes qui demande est-ce que ce sera noté et si on répond non et bien ah non. Si c’est noté, je m’applique, si c’est pas noté, je m’en fou. Je fais en sorte qu’ils aient de l’intérêt à ce qu’ils font quelque soit la sanction et même s’il n’ y en a pas et surtout parce que, en plus, il y en a pratiquement jamais. Gratuit à la limite, enfin pas vraiment gratuit parce-qu’ils y trouve une satisfaction et quelque fois ils sont quand même content de me faire plaisir, mais, et puis surtout, l’idée qui me tient quand même presque plus à coeur, mais çà n’est plus pédagogique, c’est essayer de donner le plus possible du sens au travail. C’est-à-dire leur faire comprendre pourquoi on apprend à lire, pourquoi on écrit et trouver des situations vraies de lecture et d’écriture bon je veux dire quand on donne un livre triste à un gamin qu’on lui dit tu lis etc qu’il ne sais pas pourquoi on lit çà, que c’était le même que son frère l’année dernière. Quand déjà on lit un texte qu’on a reçu de correspondant ou d’amis, il y a un côté affectif là encore qui revient et qui va soutenir ou nourrir l’envie d’apprendre puisque, en gros, si c’est quelque chose qui les intéresse, ils vont avoir envie de bosser. Donc par là, je leur fait comprendre que l’idée de travail peut être liée a l’idée de plaisir, voilà c’est çà, alors çà c’est une idée fondamentale il n’ y a pas d’antinomie pour moi entre travail et plaisir. Chez certains, on travail donc on en ’bave’, si on a du plaisir, c’est que c’est pas sérieux, alors çà non, moi c’est tout le contraire. J’essaie d’utiliser des situations de plaisir, des situations positives où ils se retrouvent bien pour les faire travailler.
Donc leur donner...
Une motivation..
Une envie, un intérêt, qu’ils prennent plaisir à ce qu’ils font et qu’ils comprennent pourquoi ils le font, donner du sens.
Oui, donner du sens le plus possible, bon c’est pas faisable dans toutes les activités, certaines activités, je me dis ah c’était triste un peu dénué de motivation quoi. Je trouve qu’avec les élèves de CP, c’est possible, j’ai onze CP et six CE1. Donc j’essaie que l’enfant ne s’ennuie pas en classe, je dis bien j’essaie, qu’il ait envie de venir à l’école, çà paraît banal, mais c’est quand même fondamental, même si malgré çà, bon il y en a je sais, qui préfèrent rester chez eux, mais enfin s’ils avaient le choix, ils resteraient tous chez eux quand même, sauf peut-être ceux qui s’ennuient trop. Ils ont pas le choix et j’essaie de leur rendre leur quotidien le moins ’embêtant’ possible.
Donc si on se résume par rapport aux valeurs que vous avez sur votre activité, c’est quand l’élève arrive en classe, je le considère comme une personne qui arrive avec son vécu et donc j’essaie de lui donner envie de prendre plaisir à son travail et puis par ce biais lui donner du sens. Et puis l’absence de compétition. C’est-à-dire que votre organisation de classe fait qu’ils ne sont pas en compétition.
Oui, jamais ils cachent ce qu’ils font, jamais ils disent oh tu n’y arrives pas, et bien je dis, il n’y a qu’à l’aider.
Est-ce-qu’il vous vient autre chose à l’esprit, vous voyant avec les enfants?
Aussi des valeurs, comme c’est une classe où on organise des choses, ils se déplacent, ils vont à l’atelier, donc moi j’attache beaucoup d’importance à tout ce qui est organisation sociale du groupe, c’est-à-dire, ranger ses affaires, ne pas embêter quelqu’un quand il est en train de faire quelque chose d’important, disons que la classe c’est un lieu de vie, comme à la maison, comme n’importe où et j’essaie de mettre en place, à la limite, des règles de vie, d’instruction civique à la limite. Quand quelqu’un parle, je ne lui coupe pas la parole, j’écoute, j’attends que ce soit mon tour.
ça renverrait à quelle ... ?
Le respect d’autrui.
Et quand vous dites, faut pas embêter quelqu’un et puis à côté ranger ses affaires, ce serait quoi çà ?
Disons là c’est plus disons qu’on en fait une petite sorte de règle de vie et ranger les affaires çà fait obéir aux règles de vie, çà fait partie des choses qu’on a décidé qu’on devait faire en classe. Donc quelqu’un qui ne range pas ses affaires, c’est quelqu’un qui ne se tient pas aux règles de vie qu’on a décidé, parce que quand madame x va faire le ménage çà va tomber par terre, çà va gêner le fonctionnement de la classe. Le soir chacun a quelque chose a ranger dans la classe, mais çà ils aiment bien, une sorte de contrat quoi. Je me suis engagé à faire çà, je le fais.
Est-ce que çà renvoie à la coopération ça?
Ah oui je trouve.
Donc on a parlé du respect
Parce que je crois qu’on ne peut pas faire abstraction de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent du fait que y’en a un qui s’est brûlé aujourd’hui, bon c’était sa préoccupation d’avoir la main brûlée, fallait que je fasse avec.
Et alors comment vous situez les apports de connaissances par rapport à ça ?
Oui je comprends....(silence)
De toute façon j’ai le programme à suivre donc j’ai quand même comme but de faire en sorte qu’ils aient des acquisitions, c’est les savoirs, mais je suis aussi attaché à des savoirs-faire, moi je trouve aussi important d’être capable de composer un texte, de le mettre dans la presse, d’encrer bien, de mettre la feuille au bon endroit.... que de faire un exercice bête de grammaire, je crois pas trop à certains exercices, alors pour moi c’est facile parce que je me sens pas fautive, il y a des choses qui sont faites, qu’on nous demande dans le programme que je trouve bête ; alors, je ne les fait pas, çà ne me gêne pas parce que je trouve çà bête. Donc par rapport aux connaissances, je fais quand même, mais j’essaie de trouver les moyens les exercices qui me semblent correspondre le plus à ce qu’un petit bout de chou de sept ans... parce que pour certaines choses... il ne comprend pas pourquoi on lui demande çà c’est bête, c’est abusif, c’est trop, c’est pas çà un enfant de sept ans, alors je sais pas dès fois, j’essaie de trouver des outils un peu plus alléchants. Au lieu de refaire toujours dans le même livre, je vais varier, je vais avoir des fiches, pareil en calcul, je vais acheter des cahiers où c’est présenté d’une autre façon, j’essaie de varier les outils, donc ça ça fait partie peut-être des choses importantes, la variété des outils dans les classes Freinet. Un outil pouvant être un fichier de lecture.
Et par rapport à toutes ces valeurs, comment sont-elles ... ? Vous avez dit au fond, il y a les savoirs, les savoir-faire, les valeurs, comment situez-vous tout ça?
C’est pas facile. Les savoirs ont de l’importance aussi, j’essaie qu’ils sachent le plus quand même par rapport au fait que je suis payée pour leur apprendre des choses, mais en leur faisant avaler la pilule de la façon la moins dure possible si vous voulez aller par-là. Bon par exemple quand il faut faire de la lecture à haute voix, je trouve très triste que les gamins soient tous avec le même livre, ceci dit c’est pas spécial à Freinet, mais ceci dit c’est quand même Freinet qui l’a dit le premier, alors maintenant Freinet on le retrouve partout on pompe sur Freinet, je trouve çà très bien, mais quand Freinet à démarré quand y’avait des gens qui ’bossaient comme çà dans les années soixante, soixante-dix, ils se faisaient taper sur les doigts. Tout ce que Freinet a pensé dans les années 192O, çà y est petit à petit çà rentre....Oui alors je disais qu’il y avait le savoir, que j’étais payé pour çà..... Oui parce que quand même, je trouve qu’il y a des écoles où c’est très triste, voilà, vous pouvez mettre çà, voilà vaincre la tristesse : le quotidien des mômes est très triste. Ils sont toujours assis, bon c’est dur pour un enfant, moi j’essaie de varier les choses, bon à l’atelier ils se lèvent, ils font des choses différentes, ils s’inscrivent, ils choisissent ce qu’ils veulent faire, oui
C’est ça aussi, cette idée de choisir, je pense qu’ils ont des envies les mômes, ils arrivent avec des envies, à cause de ce qu’ils ont vécus, de ce qu’ils aiment et j’essaie de tenir compte de leur envie de leur désir pour faire rentrer çà dans la classe et comme leurs envies et leurs désirs sont aussi des choses positives pour positiver les activités de la classe puisqu’elles sont liées à des sentiment à des envies positives, alors oui donc c’est çà l’idée qui me revient, de lire ensemble tristement, bon ba au lieu de lire ensemble tristement, c’est plutôt un élève tous les matins qui choisit un livre qui le prépare et le lit devant les autres, bon c’est un petit peu de faire passer un savoir, c’est-à-dire savoir lire à haute voix, au lieu de le faire tristement tous ensemble, y’a une autre façon de le faire qui est moins ennuyeuse et moins triste et plus motivante.
Enfin j’essaie à chaque fois de réfléchir de me dire quelquefois quand j’entends parler de pratique, je me dis mais c’est bête çà pourquoi on fait çà, parce-qu’en fait la classe Jules Ferry s’est installée dans l’urgence, personne n’a réfléchi, on a alphabétisé tout les Français sans réfléchir comment on s’y prendrait et puis Freinet il s’est dit, c’est pas possible, c’est pas comme çà que çà fonctionne un enfant, il a des envies, faut que je parte de ses envies donc c’est positif et ça va donner un sens au travail et il va avoir envie de travailler et çà on commence simplement à comprendre ça.
Autrefois on croyait que l’enfant c’était un entonnoir qu’on bourrait, ça ne servait à rien, Freinet il a dit : ’on ne fait pas boire un cheval qui n’a pas soif’, alors le but à ce moment là, c’est de donner envie au cheval d’avoir soif. Parce que à ce moment on se dit si on fait pas boire un cheval qui n’a pas soif, sous-entendu, les enfants qui n’ont pas envie d’apprendre, on ne peut rien faire avec eux, donc c’est très pessimiste, alors faudrait le commenter en disant, le travail de l’instit étant de donner, de faire en sorte que les enfants aient soif. Parce que à ce moment là si on me dit s’il a pas soif j’ai rien à faire, c’est dommage et il y a des enfants qui n’ont pas tellement soif, qui n’ont pas envie tellement alors à ce moment là c’est un peu à nous, puisque après on va leur donner à boire, de faire d’abord qu’ils aient soif pare-feu c’est vrai que çà sert à rien de leur donner à boire s’ils n’ont pas soif, et enfin c’est vrai que moi j’ai des enfants qui n’ont pas tellement envie d’apprendre à lire, à écrire et c’est à nous dans les méthodes Freinet d’essayer de leur donner cette envie, ne serait-ce que par la correspondance, bon parce que c’est mon dada depuis vingt ans, bon je vois pas comment je pourrais fonctionner sans correspondance et quand un môme reçoit une lettre d’un copain, il a forcément envie, il se rend compte qu’il ne peut pas le lire, qu’il a besoin de la maîtresse bon de plus en plus il se rend compte qu’il y a pleins de mots donc l’idée d’une lecture est forcément positivée puisque c’est lié à un vécu très positif, très fort et comme il faut savoir lire pour. Ca dit : ’ la lecture c’est pas si bête puisque çà m’aide à faire quelque chose de bien, d’intéressant pour moi’, alors que si c’était rébarbatif, que si c’était lié à quelqu’un qui les engueulait, l’envie se perdrait, parce que ce serait lié à une expérience négative, donc j’essaie de lier tout çà a des expériences positives. Ca peut-être aussi fabriquer des livres qu’on envoit à d’autres écoles, on en reçoit et on se rend compte qu’ils ont fait des choses que d’autres jugent bien.
Et cette correspondance çà provoque des liens d’attache entre les personnes : ce qui renvoyait tout à l’heure à l’affectif..
Oui peut-être et puis moi personnellement, j’aime bien, on va aller les voir, je ne le connais pas l’instit puisque l’appariement s’est fait par une recherche sur Minitel et je suis contente de découvrir quelqu’un que je ne connais pas, autant que les enfants, j’aime bien ça. En fait j’ai la même démarche avec lui qu’avec les enfants, les enfants quand ils envoient le courrier, moi j’écris toujours à l’instit, bon ce qui se passe dans la classe et en fait les enfants ont bien vu que je faisais des choses avec l’instit que j’avais des choses à lui dire à chaque fois, moi ça me plaît bien ça et c’est enrichissant en plus... de voir quelqu’un qui fonctionne un peu comme soi, mais c’est jamais complètement pareil donc c’est bien quoi. Ca aussi dans la méthode Freinet ça n’est pas dogmatique. On fonctionne en groupe classe, comme on fonctionne dans nos groupes adultes, communauté.
Qu’est-ce qui porte votre action ?
Par exemple, j’aime beaucoup la classe que j’ai parce que justement je trouve que y’a beaucoup de responsabilités. Quand on voit les classes de CP qui sont tristes, je trouve ça très ennuyeux, parce que l’enfant il arrive... Je trouve que l’instit de CP à justement une grosse responsabilité de ne pas imprégner sur l’enfant, l’idée que la classe est forcément triste, compétitive, qu’on aura des mauvaises notes, qu’on sera puni et c’est dans ce sens là que je crois vraiment à ça, que le CP m’intéresse dans ce sens là et puis que c’est aussi une classe où justement par rapport à l’apprentissage de la lecture, je crois que la vie de l’enfant et les expériences, il peut y avoir plus de passerelles pour l’utiliser. Alors je sais pas si je réponds à votre question, pas du tout même. Moi j’ai envie de faire une classe active, point final. C’est-à-dire que même si ça nécessite de préparer des choses et tout, j’ai pas envie de m’ennuyer pendant la classe non plus, parce que je crois aussi que quand la classe est triste, l’instit s’ennuie beaucoup quoi, je trouve ça vraiment ennuyeux, si je devais être assis et faire la même chose chaque année, je ne serais plus instit. Ah non je trouve çà bien notre métier parce que à la limite, on a un programme des choses qu’ils doivent savoir, mais on est complètement libre de la méthode, même si quelquefois on s’est fait taper sur les doigts, mais à la limite, on nous tape sur les doigts, mais on continue, on nous a jamais empêché de faire ce qu’on voulait, l’essentiel étant qu’ils sachent écrire des nombres, qu’ils sachent rédiger. Si nous on se débrouille sans livre, avec des correspondants et tout, pas forcément prendre le livre que tout le monde a, on peut et ça me plaît parce que j’aime bien l’idée d’une initiative, oui, je suis quelqu’un qui décide, qu’aime bien avoir des initiatives alors comme c’est un boulot qui me laisse des initiatives, çà me convient et la méthode Freinet ça ce n’est pas être assujetti à des livres, à des décideurs qui s’appellent des éditeurs et puis qui ne connaissent rien et les gens de chez Freinet édite des fichiers, des outils et qui sont fabriqués dans les classes, çà je trouve çà bien aussi, j’y participe, je trouve ça. Ce qui m’intéresse aussi chez Freinet, c’est la réflexion sur la pédagogie, parce-qu’il y a des instits qui ne réfléchissent pas. Ca veut pas dire qu’il y a que des gens de chez Freinet qui réfléchissent à la pédagogie... heureusement d’ailleurs.
Dans votre nature vous aimez bien vous interroger, vous remettre en cause...
Oui, j’ai pas envie de faire des choses qu’on m’oblige, j’ai envie de choisir, j’aime bien choisir, je subis pas, je suis pas quelqu’un qui subit, je crois pas, j’aime pas qu’on me dicte ma vie, mes loisirs. J’aime bien décider et faire des choix.
Et quand vous voyez les enfants en tant qu’adulte, en vous projetant, quelle idée vous avez de ce qu’ils pourront devenir. Est-ce que vous avez une idée de ce que vous aimeriez qu’il soit dans sa personnalité... là c’est un peu l’idéal du type d’enfant ou d’adulte...
Oui, oui, je comprend, oui mais je crois qu’on a pas à, et çà va être ’banal’ ce que je vais dire, çà va être des valeurs positives et tout le monde à envie que les enfants soient comme çà. Par exemple, j’ai envie que ce soit quelqu’un qui, je trouve que c’est bien d’être très sociable par exemple. Qu’il soit capable de travailler avec quelqu’un, d’écouter, mais bon c’est pas grâce à moi qu’ils seront comme çà. Y’a pas que moi qui pense çà, de toute façon on est mal ’barré’, parce que de toute façon, les gamins maintenant ils ne pensent qu’aux diplômes, écraser le voisin pour être plus sûr de réussir, bon ba çà moi c’est pas quelque chose.. mais je vois pas, un enfant qui aurait été dans une classe Freinet, je serais curieuse de le revoir, parce que il faut être très résistant maintenant pour échapper à je ’ bosse’ pour l’examen. C’est la peur du chômage aussi çà se comprend et çà annule tout ce qu’on a pu mettre en place en gros, d’éviter d’écraser le voisin pour réussir, parce que c’est çà, si on veut être premier, faut bien écraser l’autre quand même.
Donc c’est un petit peu l’idée d’un adulte qui soit.. là on retrouve l’idée d’un adulte qui soit respectueux
de l’autre oui, on écrase pas pour mieux monter ba oui. Parce que quand je vois des gens, je me dis c’est fou, je crois que personnellement..bon c’est facile, on est instit, il y a des attitudes où l’autre a été écrasé pour mieux exister, il y a des choses qui passent pas alors bon, peut-être çà, mais j’ai pas la prétention, même si je les ai deux ans.
Je crois qu’on peut-être fort sans avoir l’esprit de compétition, par exemple j’aimerais que ce soit quelqu’un qui sache défendre son point de vue, c’est être capable de dire non je pense çà et ne pas avoir peur de le dire. Soutenir un point de vue, çà c’est des choses qu’on peut faire dans les grandes classes. Défendre un point de vue, çà on apprend pas aux enfants. Tu penses ça tu as cinq minutes pour expliquer pourquoi c’est bien. Par exemple on le fait sur un livre, bon j’ai aimé un livre, je dis pourquoi je l’ai aimé. J’ai pas envie de faire ça, je dis pourquoi. Tu as choisi telle peinture, tu me dis pourquoi tu l’aimes, quels sont ceux qui ne l’aime pas, toi tu ne l’aimes pas, veux-tu nous dire pourquoi tu ne l’aimes pas, bon je les habitue...je pense que c’est bien qu’en classe on puisse donner son point de vue et le justifier. Alors je pense qu’on peut être fort sans avoir l’esprit de compétition. Bon je suis capable de prendre la parole et de défendre un point de vue, bon ça c’est quelque chose qui me plairait plus tard, défendre un point de vue non violemment, sans casser la ’g’ à l’autre.
Si l’on reprend un peu Freinet, est-ce-que vous avez eu l’occasion de lire des choses sur Freinet?
Oui lire des choses et aller à des congrès par exemple ou des mini stages de deux trois jours, les congrès moins. C’était encore un peu l’idée des stages auto-gérés, l’autogestion oui on pourrait mettre... le groupe était autogéré. Ca veut dire qu’il n’y a personne qui impose la fréquence des réunions le budget, les cotisations, les lieux où il faut se réunir. En arrivant la première chose que l’on faisait, c’était de se réunir et de faire le planning ensemble.Toujours un peu l’idée qu’on est pas un entonnoir à gaver nous non plus, que nous aussi, on a le droit de choisir où on a envie de travailler et de s’investir un peu la même chose qu’en classe quoi. Le soir on se réunissait, bilan, chacun racontait à l’autre ce qui c’était passé, ce qui n’avait pas marché, on décidait si on arrêtait ou si on continuait, un peu comme dans la classe quoi.
On va prendre un autre versant. Comment peut-on comprendre que vous ayez adhéré aux idées Freinet ? On a vu que çà renvoyait un peu à votre nature, est-ce que dans votre histoire personnelle il y a d’autres choses qui vous paraissent en lien ?
Non parce-qu’en plus, j’étais une très bonne élève, j’étais très bien adaptée à la scolarité, donc c’est ennuyeux qu’il y ait des instits qui soient d’anciens bons élèves, parce-qu’ils ne comprennent pas qu’il puisse y avoir des élèves qui s’ennuient, qui ’se font suer’. Moi je me suis jamais ennuyée, j’étais très bonne élève avec des années d’avance et tout, donc j’aurais pu dire, je reproduis ce que j’ai vécu, mais non. Par rapport à l’éducation non.
Par rapport à une éducation religieuse ?
Alors non pas du tout, non.... Non je crois que c’est le fait de ma nature. Je suis quelqu’un d’actif, il y a le côté quand même, la pédagogie Freinet c’est une pédagogie active quand même et ça ça me plaisait quelque part. L’idée de ne pas subir, d’être actif et que mes enfants soient actifs aussi.
Quand vous êtes dans les groupes, est-ce que vous réfléchissez à ce qui est de l’ordre de la philosophie...
Non, plus à la pratique, moi je suis plus praticienne que... peut-être trop même. J’ai une idée, je réfléchis, comment va-t-on réussir à la mettre en place, qu’est-ce-qu’il me faut ? etc...
Est-ce que vous pensez que vos collègues ont un peu la même philosophie sur ce qu’est l’enfant son devenir, enfin ce dont on a parlé?
Oui je trouve qu’on étaient assez homogène dans notre façon de sentir les choses, y’avait pas de dissident.
Mais vous n’en parlez pas..
Non parce-qu’elle est implicite, implicite. Il y avait peut-être des copains qui étaient peut-être non directif, il y avait eu une tendance non directive et moi je n’en fais pas partie. Je veux dire au contraire, il faut que la classe soit organisée. Il y a çà, on a un contrat, on doit le faire. Mais ces gens là, ils ne sont pas restés.
Vous faites toujours partie du groupe ?
Oui mais j’y vais moins et puis le groupe s’est effrité pour des raisons personnelles, certains ont quitté l’enseignement. Le groupe est formé de gens qui ce sont complètement renouvelés et n’a plus la même valeur, enfin n’a plus la même valeur. Disons, quand j’y vais c’est pour une aide purement matérielle technique alors qu’autrefois j’y allais parce-qu’il y avait un côté plus affectif. Alors que maintenant ce sont des gens, ils sont instits, ils pensent comme moi et puis on se voit et puis c’est tout, c’est fini.
Ca fait combien de temps que vous êtes dans cet esprit de travail?
Et bien çà fait vingt ans, puisque j’ai commencé en soixante-treize.
Et est-ce-qu’on peut dire que vous restez dans la sensibilité Freinet ?
Ah oui, oui, je ne dénigre pas. Je trouve que tout ce qu’il a fait, dit c’était génial. Je trouve que tous les principes qu’il avait trouvé au début du siècle, c’ était vraiment révolutionnaire, parce-qu’il avait tout compris, je veux dire on trouve çà dans les instructions officielles maintenant, mais il avait vraiment tout compris, alors que le pauvre, c’était pas à la mode. Il avait compris que l’enfant n’était pas un robot, qu’il ne fallait pas le gaver, fallait lui faire faire des choses qui avaient du sens, qu’il travaille. C’était la pédagogie du travail, l’imprimerie. J’imprime, je fabrique un livre, je l’envoie et quand ils savaient ce qu’ils faisaient là oui. Mais çà, moi j’y crois toujours, je veux dire, j’ai pas envie de leur faire faire des choses bêtes, c’est pourtant plus facile quelquefois. Personne nous dit tu fait çà pare-feu c’est plus facile, non, non. Tout le monde sait très bien que c’est pas plus facile.
Et vous vous sentez motivée par votre métier?
Parce que je peux le faire comme çà, si demain on me disait c’est fini tu ranges tout ça, tu prends un livre de lecture, le même que le voisin, ah non je m’ennuierais. Ah non, je veux dire faut qu’on y crois, je veux dire on ne peut bien faire passer les choses que quand on y crois. Si on m’obligeait à faire un truc bête, auquel je ne crois pas, je vois pas comment je pourrais le faire passer et c’est dans ce sens là que la liberté pédagogique on ne pourra pas l’enlever, parce-qu’on a compris qu’on était d’autant plus efficace, qu’on croyait à ce qu’on faisait. Et puis il y a des choses que je ne veux pas faire, je saurais comment les faire, mais je ne veux pas les faire et ce serait pourtant plus facile.
Par exemple, des façons de fonctionner. Par exemple avoir tous le même livre et l’année prochaine je reprendrai toujours la même chose, des histoires tristes et tout. Je veux dire c’est çà tous les CP et alors tous les matins je saurai qu’on ouvrirait le livre page tant, et les gamins là-dedans, ils n’ont pas de place puisque tout est décrété par avance. Alors que la vie, elle est là. Bon il y a deux jours on a été à A... on a rédigé un texte, on l’a écrit aux correspondants, çà a un vrai sens, la vie elle est rentrée dans la classe. Si on me dit d’utiliser un manuel, moi là-dedans je ne suis plus qu’une marionnette. Je trouve que c’est çà qui est bien dans notre métier, c’est qu’on peut le faire d’une façon active.