Vous enseignez en quelle classe ?
Alors moi ici ça fait CE1 jusqu’au CM2.
Est-ce que vous vous souvenez de la première fois où vous avez entendu parler de la méthode Freinet ?
C’était à l’IUFM anciennement école normale, mais c’est pas à ce moment là que j’ai pris contact avec l’ICEM. J’ai pris contact avec l’ICEM plus tard lorsque je me suis rendu compte de ce que ça représentait en visitant des classes, mais ça, ça a été un an et demi après.
Et qu’est-ce qui vous a impulsé a aller visiter des classes au départ ?
C’était dans le programme classique des IUFM, il nous était proposé de visiter des classes, des classes où on pratiquait des pédagogies différentes et puis c’est en visitant en fin de compte ces classes-là, que j’ai accroché, ça il faut remonter en 1981, 1982.
Et quand vous vous souvenez de ces moments où vous avez visité les classes, qu’est-ce-qui vous avait intéressé, accroché?
Ce qui m’avait intéressé c’est déjà en rentrant dans la classe, le fait de voir que tous les enfants n’étaient pas simplement en rang d’oignon, donc ça c’est ce qui sautait aux yeux et puis après dans la discussion qu’on avait eu, parce que là c’était une visite de classe, mais en dehors du temps scolaire, donc c’est dans la discussion avec l’enseignant, donc y’a eu un contact, ça aurait été un contact avec une autre personne peut-être que j’y serais venu que plus tard.
Donc ce contact avec cette personne ça avait bien accroché ?
Oui, oui,
Est-ce-que vous vous rappelez de ce moment, qu’est-ce-qui vous avait bien plû dans la discussion ?
Ce qui m’avait accroché le plus, c’était le fait que l’enseignant s’attachait à travailler, disons avec un travail personnalisé, que le savoir n’était pas déversé à l’enfant et que lui intervenait dans son savoir, qu’il participait.
Et vous disiez tout à l’heure, si ça avait été une autre personne ça n’aurait peut-être pas passé, est-ce-qu’il y avait des aspects de sa personne qui vous plaisait bien?
ça avait l’air d’être quelqu’un de trés tolérant de trés pondéré déjà au premier abord.
Et ça, ça vous correspondait bien...?
Oui, par rapport à ce que je recherchais.
Est-ce-que à partir de là vous avez eu envie d’aller un petit peu plus loin, est-ce-qu’il y a eu d’autres choses ?
Cette personne a été un peu un détonateur et j’ai toujours continué à la voir et je continue à la voir régulièrement, pas elle toute seule, parce que après le champ c’est un peu élargi, mais c’est vrai que je continue toujours à l’avoir un peu comme référence sans que ce soit un culte de la personnalité....
C’est une personne qui vous a un peu donnée envie de continuer dans cette voie?
Oui, oui.
Et après comment ça s’est passé pour vous ?
Et bien en fin de compte, comme c’était la dernière année où j’étais à l’école normale, en fin de compte, il a fallu plonger dans le bain si on peut dire et je ne me suis pas mis dès la première année à appliquer des techniques Freinet, à travailler en pédagogie Freinet. En fin de compte, une année s’est passée où j’ai essayé de mettre quelques petites choses en place mais très très simples, surtout la première année. Il a fallu que je sois rassuré par d’autres personnes pour me lancer là-dedans.
A l’époque qu’est-ce qui vous attirait pour avoir envie d’aller vers la pédagogie Freinet ?
Moi ce qui m’intéressait, c’était les relations enseignants enfants, je me voyais mal déverser, déverser toute la journée du savoir avec des enfants juste devant moi qui écrivaient, qui avaient un côté passif, cela me paraissait assez triste comme enseignement donc, même sans parler de l’intérêt de l’enfant, j’y voyais un intérêt pour moi-même. Dans le travail, je trouve que cela m’apportait davantage d’avoir des contacts plus directs avec les enfants.
Et qu’est-ce-que vous ne vouliez pas faire ?
Je ne voulais pas tomber dans le côté, dans un côté répressif de l’école, dans un côté, enfin tout ce qu’on entend un peu dans la pédagogie traditionnelle quoi, ça, ça me gênait, même si on a tendance a y tomber un peu malgré nous, il ne faut pas se faire d’illusion, mais y’avait ce côté répressif, ce côté aussi notation dans l’évaluation qui m’intéressait pas du tout, donc en fin de compte, le côté personnalisation du travail, le côté évaluation, le côté contact avec l’enfant, en fait que j’ai cherché à avoir des techniques différentes.
Quelle idée aviez-vous de la notation?
C’était sur les brevets tels que c’était pratiqué en pédagogie Freinet et aussi en partie dans la pédagogie institutionnelle, là en fin de compte, j’ai tout de suite euh.. en fin de compte, je n’ai jamais donné de note.
Parce que pour vous qu’est-ce-que ça représentait la note ?
Ce qui me gênait dans la note, c’était l’absence de référent et pour l’enfant et pour moi et pour les parents, c’est-à-dire qu’une note donnée ne correspond à rien en ce qui concerne ce que sait faire l’enfant ou ce qu’il ne sait pas faire, c’est-à-dire que s’il rapporte un carnet de note à la maison avec un cinq en orthographe, les parents vont se dire : il est certain que sont niveau n’est pas terrible, mais ça ne dit pas ce qu’il sait faire et ce qu’il ne sait pas faire, ça ne donne pas de références suffisantes et en fin de compte c’est pas positif quoi, alors que dans le système de brevet, il y a toujours un côté positif : l’enfant sait toujours au moins faire quelque chose.
C’est quoi le système de brevet?
C’est un système d’évaluation, les enfants passent régulièrement dans la semaine durant les séances d’activités personnelles, ils passent des exercices, des tests qui correspondent à des notions et programmes en français en mathématiques. Les enfants les passent au fur et à mesure en fonction de leur choix de leur niveau et c’est pas moi qui décide qu’aujourd’hui on va faire un contrôle sur tel sujet. Ils doivent en passer au moins un en français et en mathématiques chaque semaine. Ils cochent au fur et à mesure dans leur cahier chaque brevet qu’ils ont réussi.
Donc la notation ça ne vous convenait pas, parce que ça permettait pas d’avoir une bonne référence de ce qu’ils savaient faire, ça avait un côté pas trop positif. Le brevet ça permet de se situer par rapport à lui et par rapport à son rythme personnel, parce que tout le monde ne passe pas les mêmes brevets en même temps même s’ils sont dans la même classe.
Vous disiez aussi que vous étiez contre l’aspect répression de l’école, qu’est-ce-qui vous gêne là ?
Ce qui me gênait un petit peu, c’était l’absence de participation des enfants à la vie de l’école. Cela faisait qu’il y avait automatiquement un côté répressif qui intervenait. En fin de compte, l’école c’était les adultes qui décident de tout ce qui peut s’y passer et ce que je trouvais intéressant dans la pédagogie Freinet c’est que les enfants pouvaient intervenir sur la vie de l’école.
Par exemple concrètement.
Concrètement il y a le conseil qui a lieu ici dans la classe tous les vendredis où l’on discute de tous les problèmes de tout ce qui peut-être conflit entre les enfants et de toutes les propositions qu’ils peuvent avoir en ce qui concerne le travail, en ce qui concerne les problèmes de règlement dans l’école, c’est leur donner une possibilité d’intervenir, proposer des thèmes de travail qui les intéresse, voir si c’est possible, quelquefois c’est pas possible de les faire, mais au moins essayer de discuter qu’il y ait des décisions qui soient prisent
Le côté répressif que je voulais dire c’est que en fin de compte quand il y a des conflits entre les enfants, j’essaie de faire en sorte d’abord qu’ils en discute entre eux et ensuite, qu’ils viennent l’écrire sur la feuille de conseil et ensuite c’est discuter ensemble au conseil, donc y’a pas le côté sanction avec automatiquement la punition donnée par l’adulte. ( Moi je décide que se sera çà et avec un autre ça pourrait être autre chose.).
Autrement vous disiez, ce qui vous plaisait bien dans Freinet c’est la relation enseignant enfant, est-ce-que vous pourriez en parler de ça en fait.
Disons que ce qui me plaisait, c’était qu’il y avait une relation qui pouvait être duelle, disons qu’avec la personnalisation du travail, ça permet d’avoir des contacts à certains moments de la journée avec un ou deux enfants en particulier et non pas constamment avec un groupe. C’est-à-dire que dans la journée y’a des moments d’activité personnelle où les enfants ne font pas les même activités, choisissent leurs activités en fonction d’abord de ce qu’ils ont envie de faire à ce moment là et aussi de certaines obligations qu’ils ont durant la semaine et moi ça me permet durant cette période de travail d’être plus prêt de certains enfants qui sont en difficultés et que je vais prendre à ce moment-là en soutien.
Et ça c’est une idée qu’il y avait chez Freinet qui vous avait bien intéressée?
C’est-à-dire que la deuxième année quand j’ai commencé a vouloir mettre des choses en place, je suis rentré directement dans le groupe départemental de L et puis on avait des réunions en fin de compte mensuelles à peu près et dans lesquelles on débattait parfois a bâton rompu, parfois sur des thèmes bien précis. Il y avait un échange de courrier qui se faisait aussi et donc ça permettait un petit peu de repartir disons sur de nouvelles bases, de ne pas se démoraliser, parce que c’est vrai que quand on se lance un peu dans une pédagogie comme ça on peut très vite se démoraliser si on a pas de contacts avec d’autres enseignants.
Pour faire partie de ce groupe là en fait c’est un peu la personne qui vous avait dynamisée qui vous a donnée envie de faire partie du groupe ?
Oui, j’ai pris contact avec la personne qui m’avait fait connaître l’approche Freinet et puis...
Donc ça vous convenait bien, vous disiez ça vous remontait le moral quand ça marchait pas trop.
Oui y’a toujours besoin d’avoir des contacts avec des collègues qui travaillent un peu comme nous, parce que en fin de compte le problème qu’on a c’est qu’on est complètement dispersé dans la nature, y’en a pas deux qui sont dans la même école, donc on a toujours besoin de se retrouver pour se remonter le moral, pour se conseiller.
Et qu’est-ce-que vous y trouviez comme satisfaction dans ces rencontres départementales ?
Les satisfactions permettaient de se rendre compte qu’on était pas tout seul à avoir les mêmes problèmes, donc de pouvoir s’épauler, en fin de compte chaque fois que je partais de la réunion et bien ça m’avait remonté le moral, parce que, je m’étais rendu compte que les problèmes que j’avais en classe, j’étais pas tout seul à les avoir et c’est vrai que c’était pas vraiment toujours en en discutant avec les collègues d’école que ça m’aurait donné envie de continuer, les autres m’auraient plutôt donné envie de laisser tomber, plutôt que de continuer.
Et au point de vue des types de personnes qui étaient dans le groupe...
Ce qu’il y a c’est qu’il y a pas deux pédagogues Freinet qui ont la même pratique de la classe quoi, cela veut dire que chacun pouvait amener quelque chose a l’autre, comme y’a pas vraiment un moule, y’a pas vraiment un modèle bien précis, donc c’est un petit peu aussi ce qui fait aussi la richesse et que on fonctionne chacun dans la pédagogie Freinet avec notre propre personnalité.
Et çà, çà vous convenait bien ?
Oui, parce que je ne serais pas rentré dans un moule où il faut faire çà comme çà et pas autrement.
Et quand vous voyez vos élèves vos enfants que vous avez en classe, quelle idée vous avez de ce que vous contribuez à leur apporter, en terme de finalité générales ?
Les grandes idées, ce sont un peu des idées de solidarité parce que c’est vrai que tout le fonctionnement de la pédagogie Freinet, tout repose un peu là-dessus, solidarité, d’autonomie, çà repose essentiellement sur çà, pour moi ce sont les deux piliers.
Solidarité, çà veut dire quoi pour vous?
Solidarité çà veut dire que ce qui se passe, c’est que dans la classe y’a donc 90% du temps de travail, les enfants doivent s’aider entre eux c’est-à-dire il est pas question de tricherie ou quoi que ce soit, les enfants travaillent ensemble, çà veut dire que çà demande tout un apprentissage et à aucun moment, il faut qu’un enfant sauf quand il passe les brevets, là il doit travailler tout seul, durant tout le reste du temps, il doivent s’aider, lorsqu’il y en a un qui est en panne, il doit aller demander de l’aide aux autres et surtout pas rester a sa place à attendre que le temps passe et qu’on passe à la vérification du travail. C’est çà que j’entends un peu par solidarité, c’est l’entraide quoi, qui entraîne automatiquement un sentiment de solidarité enfin ci-possible et puis c’est vrai que dans tout ce qu’on peut faire dans la vie professionnelle on travaille jamais tout seul dans son coin, on a toujours besoin des autres et moi, c’est ce qui me choquait toujours un peu à l’école c’est que il fallait travailler chacun à sa table et surtout pas regarder ce qui se passait à droite à gauche, devant derrière, essayer d’y arriver tout seul tout seul, jusqu’au jour où on sortait de l’école et on arrivait dans la vie professionnelle et où là il fallait tenir compte des autres et après les enseignants du secondaire où à la FAC s’étonnaient que les étudiants ne sachent pas travailler avec les autres ou les employeurs en ce qui concerne les employés et c’est vrai que ça ça ne s’apprend pas du jour au lendemain si on ne l’a pas vécu à l’école.
Et l’autre aspect c’est l’autonomie pour vous çà voudrait dire quoi ?
Alors l’autonomie, pour moi ce serait plutôt être capable d’investir après seul ce qu’on a appris avec les autres, c’est-à-dire savoir tirer profit de ce qu’on a appris en fin de compte pour le réinvestir dans un autre domaine, à un autre moment.
Quel genre d’apprentissage ?
Ba sur le plan scolaire çà peut être tout simplement des notions qu’on apprend en français en mathématiques, savoir les réinvestir et çà peut être aussi sur le comportement, les situations d’entraide et bien savoir les réinvestir à d’autres moments et dans la vie courante, mais çà c’est à un niveau plus lointain.
Est-ce-que vous voyez d’autres croyances, d’autres valeurs qui sont véhiculées dans la pédagogie Freinet auxquelles vous adhérez ? Alors on a dit beaucoup de chose, l’aspect entraide, l’aspect solidarité, l’aspect autonomie, un certain type de relation enseignant enfant à travers le rejet d’un côté répressif, l’aspect de la notation.
J’ai l’impression qu’on retombe toujours soit sur l’autonomie, soit sur l’entraide, soit sur la solidarité, ça va être des détails qui vont retomber dessus, y’a le côté participation des enfants, bon je crois qu’on en a parlé déjà.
Alors par rapport aux savoirs, comment vous vous situez quand vous vous voyez agir. Il y a les contenus et à côté, il y a toutes les finalités plus générales, toutes ces valeurs dont on parle, comment vous vous situez dans votre rôle d’enseignant ?
Ba, on a un programme qu’on est bien obligé de respecter de toute façon, maintenant se programme il est toujours assez souple, une souplesse qui permet de travailler avec la forme que l’on souhaite. En fin de compte concrètement dans la classe comment çà se passe quoi en ce qui concerne les apprentissage ?
Non...Qu’est-ce-qui vous passionne le plus dans votre métier à travers cette pédagogie Freinet ?
Ce qui m’intéresse le plus dans les activités que je fais en classe avec les enfants ou au point de vue finalité. Parce que dans la finalité, on va retomber sur le côté autonomie, solidarité... de façon plus concrète alors non...
D’une manière dans votre métier quand vous vous voyez agir qu’est-ce-qui porte votre action, qu’est-ce-qui vous passionne ?
(Silence).....Qu’est-ce-qui fait carrément que j’ai voulu faire de l’enseignement ?
Ce qui m’a peut-être poussé à faire de l’enseignement c’est en fin de compte que moi, je ne me suis jamais trop plu à l’école, je m’en suis rendu compte par la suite et j’ai un petit peu souffert de toute cette pédagogie traditionnelle, c’est vrai que le dimanche soir et le... Enfin, j’ai pleins de souvenirs comme ça d’émissions de télévision par exemple que je n’aimais pas parce que ça me rappelait qu’il fallait que j’aille me coucher que le lendemain, il y avait de l’école, pleins de choses comme ça et j’ai l’impression que tout çà s’est un peu accumulé au fil des années et c’est un petit peu après en analysant un peu tout ça que je me suis rendu compte que çà avait sûrement joué..
Quelque part, vous aviez envie de donner le goût de l’école ?
Oui c’est peut-être aussi parce que tout ce que j’ai subi disons à l’école au point de vue type de pédagogie a peut-être fait aussi que j’ai peut-être recherché autre chose. Arrivée en sixième, j’ai redoublé ma sixième et je crois que je manquais de maturité, un peu jeune donc pas à l’aise non plus, donc je crois que tout ça, ça jouait. ça ne m’intéressait pas trop d’aller à l’école.
Ayant le projet d’être enseignant vous avez bien adhéré à la pédagogie Freinet, compte-tenu des idées qui étaient véhiculées qui vous convenaient mieux...
Oui, tout le rapport avec les droits de l’enfant.
Entre les finalités que vous visez, est-ce-qu’il y a quelquefois des moments dans la classe où vous êtes un peu en contradiction avec ce que vous voudriez faire ?
Oui, çà arrive tous les jours parce que c’est vrai qu’il y a des moments aussi où.. Moi je vois là dans une classe où il y a quatre groupes, CE1, CE2, CM1, CM2, C’est vrai que c’est un petit peu la course pas tellement avec le.. c’est pas encore tellement avec le programme, mais avec un emploi du temps qu’on s’est fixé et c’est vrai qu’il y a des moments où je suis obligé de prendre la décision de supprimer telle activité aujourd’hui, quelquefois y’en a qui rouspètent, mais c’est vrai que c’est moi qui prend la décision, alors c’est vrai qu’après-coup, je me dis, il faudrait peut-être en discuter avec eux, mais c’est vrai que d’un autre côté, on en fini plus, on a l’impression de perdre du temps a bavarder (pause.) C’est vrai que c’est un peu la course à l’emploi du temps qui fait que on prend des décisions et puis c’est vrai qu’on peut pas non plus passer son temps à discuter de tout, y’a des moments où on est bien obligé de prendre des décisions sinon toute la journée on la passerait en bavardage, alors c’est vrai que quelquefois y’a des moments où je prends certaines décisions de supprimer certaines activités plutôt qu’une autre et je me rend compte après-coup que quelquefois je supprime plus certaines activités que d’autres et que en fin de compte, il n’y a pas de raisons valables pour supprimer plus cette activité que l’autre, sinon moi peut-être qui inconsciemment la supprime parce que j’ai peut-être moins envie de faire celle-ci que l’autre quoi, çà arrive, enfin çà c’est un exemple.
Est-ce que vous auriez d’autres exemples ?
Quelquefois çà m’arrive de prendre une décision à propos d’un enfant quand y’a un problème comme çà, enfin c’est vrai que cette année j’en ai trois qui sont particulièrement pénible et il m’arrive quelquefois au lieu d’en discuter en conseil de prendre une décision à propos d’un gamin qui est insupportable avec l’autre, ils n’arrêtent pas de se chamailler tous les deux alors au bout d’un moment.. si çà se passe pendant la récréation par exemple, j’en envoie un au bout de la cour et l’autre à l’autre bout etc, mais sans en discuter avec eux. Bon c’est vrai que dans l’absolu en fin de compte j’aurais peut-être pas procédé comme çà, maintenant quelquefois il ne faut pas non plus.
Comment vous gérez ces contradictions, les grandes idées et les moments où c’est difficile de les appliquer...
Ba j’essaie, c’est-à-dire que je fais en sorte que ce genre de problème se pose le moins souvent possible, maintenant j’essaie aussi de me dire d’une certaine façon, bon çà peut paraître un peu comme une fuite mais que bon on a tous un petit peu plus ou moins nos contradictions et que je ne vais pas en faire une maladie non plus sous prétexte que à un moment j’ai pris une décision, alors que peut-être j’aurais pu....
Donc vous gardez quand même vos grandes idées qui motivent votre action....
Oui, sans être forcément.... avec l’acceptation quelquefois de moment de dérive.
Mais ces grandes idées vous les gardez tout le temps ou quelquefois elles sont fragilisées.
Non elles sont pas fra... quelquefois elles seraient peut-être fragilisées dans le sens ou on a souvent besoin d’avoir des résultats immédiats dans le comportement des enfants et on voit qu’il n’y a rien qui s’arrange et c’est là justement qu’il y a besoin d’en discuter avec d’autres avec d’autres enseignants pour voir un peu ce qui va ce qui va pas et peut-être qu’il y a besoin de changer des choses dans la classe et que si on voit personne, on a tendance à avoir des oeillères et à ne pas voir certaines choses qui se passent dans la classe et qui auraient peut-être besoin d’être changées quoi.
Dans ces réunions est-ce-que vous discutez des finalités et/ou de votre pratique?
Non moins des finalités que des pratiques de classes ou des problèmes qui se posent en classe, les finalités..
C’est implicite
Oui
On est tous sur la même longueur d’onde, mais en fin de compte c’est davantage de nos pratiques pédagogiques qu’on discute, davantage de choses concrètes, bien qu’on ait toujours besoin un petit peu de revenir à la théorie, mais ça tourne quand même plus souvent sur le concret.
Et autrement les idées de Freinet, vous les avez découverte en discutant, est-ce que vous avez eu l’occasion de lire des choses?
Alors moins je les ai découverte d’une façon un peu bizarre, parce que à l’école normale on devait choisir un mouvement pédagogique ou un pédagogue sur lequel travailler et moi j’avais choisi Freinet et lorsque j’ai choisi Freinet en fin de compte j’avais lu un ou deux bouquins de Freinet et puis j’adhèrais pas du tout, çà ne me plaisait pas du tout, y’avait pleins de choses qui ne me plaisaient pas.
Vous vous souvenez de quoi ?
Oui c’était tout ce qu’il pensait du cinéma, des jeux, pour lui, à partir du moment ou on sortait, je trouvais qu’il avait un côté un peu optu. A partir du moment où on sortait de tout ce qui est travail, y’avait automatiquement déviation, bon y’avait un côté idéologie communiste de l’époque qui était très strict et pour donner des exemples un peu précis comme ça, pour lui les jeux automatiquement faisait oublier aux gens leurs problèmes, donc il ne fallait pas jouer, même pas jouer aux cartes, parce que jouer aux cartes ça faisait oublier ses propres problèmes, le cinéma c’était aussi faire croire que les choses n’étaient pas comme elles sont. Y’avait des choses comme ça, alors en fin de compte c’est ce qu’il avait écrit dans les années vingt-trente et qui aussi ont évoluées aussi après. Mais moi j’avais pris comme par hasard deux bouquins sur toute cette période-là et qui m’avait vraiment, j’ai trouvé beaucoup d’intolérance et bon j’ai appris aussi par la suite que Freinet il a eu des périodes un petit peu en dents de scie et que c’était aussi un personnage pas toujours tolérant disons que j’étais parti là-dessus et c’est après en lisant d’autres bouquins ou en rencontrant des gens que certains n’avaient pas lu ces bouquins-là n’y attachaient aucune importance, ce qui les intéressait c’était tout ce qui se passait par la suite, moi je m’étais attaché un peu par hasard à cette période. Ba en fin de compte quand j’avais fait le travail sur la pédagogie Freinet, je n’avais pas tout vu de la pédagogie Freinet et j’en avais vu qu’une partie ce qui avait fait que ce n’était pas vraiment objectif, je m’en suis rendu compte après.
Est-ce-que vous avez en tête des personnes clés qui sont en pédagogie Freinet et qui vous ont..vous parliez de cette personne vous aviez visité sa classe, qui vous -a particulièrement marqué et aidé réellement dans votre travail ?
Oui, surtout cette personne-là
Qui reste une référence importante pour vous ?
Oui,
Par quel côté ?
C’est une référence importante, parce que chaque fois que j’ai besoin de, chaque fois que dans une réunion, on se retrouve ensemble à discuter etc, c’est vrai que il m’apporte toujours quelque chose, c’est souvent un référent qui a l’air de trimbaler une certaine sagesse comme çà autour de sa pédagogie.
Autrement du point de vue de votre éducation, est-ce qu’il y a des liens à votre avis entre votre éducation et puis votre inscription dans la pédagogie Freinet.
Moi j’ai l’impression qu’il y en a aucun, nono non aucun. Moi mon éducation, elle a été très traditionnelle dans le sens où j’avais un père qui était absent toute la semaine et quand il rentrait le week-end bon y’avait quand même un côté assez strict, y’avait pas forcément le droit à la parole. Ce qui m’a fait un peu basculer comme çà si on veut, c’est peut-être ce côté prise de conscience de la violence, de l’injustice à l’école quand j’étais gamin.
Vous parliez tout à l’heure d’un aspect politique très marqué au niveau Freinet. Est-ce-que de votre côté ça fait référence à une adhésion syndicale ?
Non j’adhère à aucun syndicat, même si je suis plus proche disons d’un syndicat comme le SGEN, mais disons, mais référence en pédagogie rejoignent un petit peu certaines références en politique mais sans que ce soit vraiment marqué sur un parti ou sur un autre.
Est-ce-que vous avez d’autres activités extérieures à part votre travail ?
Je fais parti d’Amnesty International.
Pourquoi faîtes-vous partie d’Amnesty International ?
Disons de façon un peu primaire, pour apporter moi ma pierre un petit peu à certaines convictions que j’ai en ce qui concerne les droits de l’homme, la peine de mort, donc pour essayer d’apporter un peu moi ma contribution.
çà vous prend beaucoup de temps ?
Disons trois soirées, un peu de temps à la maison pour le courrier.
Vous avez une responsabilité dans ce mouvement ?
Non, je suis membre et puis je participe aux différentes actions, mais je n’ai pas une responsabilité particulière à l’intérieur du mouvement.
Et à l’origine qu’est-ce qui vous a poussé a choisir Amnesty spécialement, vous connaissiez des gens ?
Non c’est en fin de compte davantage là sur un côté idéologique et puis çà fait déjà pas mal de temps, bien que je connaisse personne que je m’étais renseigné sur Amnesty quand même en lisant.
Donc, côté idéologie, ce serait quel genre d’idéologie par rapport à ça ?
En ce qui concerne le droit de l’homme, la peine de mort.
Donc un côté un petit peu plus humain par rapport...
Oui en fin de compte qui se retrouve aussi dans la pédagogie Freinet.
Oui, vous pensez qu’il y a une cohérence entre votre adhésion à la Amnesty Internationaleet...
Je ne sais pas s’il y a une cohérence vraiment, mais il n’y a pas d’incohérence. Y’a des liens bien sûr.
.... Je crois que j’ai fait le tour... Voyez-vous d’autres choses à dire spontanément sur votre travail ? Sur votre raison de votre adhésion à Freinet, le fait que vous continuez, vous continuez toujours dans cette...
Oui, ba je continue, c’est ça, parce-qu’il y a des valeurs en lesquelles je crois dans la pédagogie Freinet. Ces valeurs-là, en fin de compte, j’aurais pu les retrouver peut-être dans d’autres mouvements pédagogiques et puis je suis pas euh... dire la pédagogie Freinet c’est tout bon ce qu’il ya à côté est à laisser de côté, c’est pas çà, non, non. C’est vrai qu’il y a d’autres pédagogues. J’aurais rencontré par exemple un enseignant qui aurait travaillé avec les méthodes Decroly, j’aurais peut-être pu adhérer aux méthodes, bon mais en fin de compte on retrouve des points communs entre Decroly et Freinet.
Donc au départ ça a bien été la rencontre avec un enseignant qui vous a permis...?
Oui, oui et puis c’est vrai que ce qui était intéressant dans la pédagogie Freinet était d’avoir un groupe auquel s’adresser, des personnes ressources. Je crois que j’aurais eu beaucoup de mal a me lancer, dans une pédagogie comme çà tout seul uniquement en bouquinant
Et l’ambiance du groupe vous convenait bien ?
Oui, l’ambiance du groupe me convenait, oui ce qui est intéressant aussi dans le groupe, y’a aussi des conflits de générations entre ceux qui arrivent proche de la retraite , qu’on vécu mai soixante huit qui fait qu’il y a un petit décalage. Y’a des personnes qui quand il y avait des stages continuent à organiser des festnos, nous on en avait vraiment rien à faire alors quelquefois ça provoquait des petits conflits à l’intérieur du groupe. Je me rappelle au début l’attachement à tout ce qui était côté végétarien, culture biologique qui a tendance à s’estomper un petit peu, même si c’est intéressant eux ils en faisaient carrément une religion, ça avait un côté fatiguant un peu.
y’avait peut-être les grandes idées qui restaient et..
Voilà, c’était le côté un petit peu trop strict avec lesquels ils l’appliquaient, à la limite de l’intolérance, si les autres ne faisaient pas ça.
ENTRETIEN N° 10.
Enseignant en CM1-CM2. Pratique la pédagogie Freinet depuis 15 ans
....Est-ce que vous vous souvenez... est-ce que vous pouvez vous remémorer, finalement la première fois où vous avez entendu parler de la pédagogie Freinet et de Freinet ? Ca correspondait à quelle situation ? Est-ce que vous vous souvenez de ça ? Et en fait, après on va peut-être pouvoir...
Alors, le moment précis, je ne saurais pas dire, mais je sais que j’en ai entendu parlé dans ce qu’on appelait à ce moment-là , les écoles normales, donc dans ma formation en 1976. Alors, qui nous en a parlé ?... On avait des professeurs... de pédagogie générale qui étaient totalement compétents... pour ne pas dire autre chose... Alors, est-ce que c’est lui qui a évoqué ça et que ça a donné des titres. Parmi les collègues, parce que c’est arrivé pour certains parmi les camarades et les maîtres, je ne crois pas qu’il y en avait qui avaient déjà eu des expériences, qui connaissaient des gens de la pédagogie Freinet, donc c’est par là qu’on en a entendu parlé, alors peut-être d’autres prof... la prof de psycho... C’était en cours, et puis en effet, au cours de notre première année, je crois, on est allé un jour, faire une sortie quasiment en car, encore que moi, je n’ai pas du prendre le car, parce que je ne sais pas, j’ai du arriver en retard, je suis arrivé en voiture dans une école (dont le camarade que j’ai retrouvé plus tard au sein du petit groupe Freinet) où il y avait lui et sa femme qui travaillaient avec des japonais, donc ça c’était vraiment la petite école de campagne, alors on est arrivé à trente bons hommes là-dedans. C’est vrai que c’est effrayant de voir ça, mais enfin, rétrospectivement, moi je n’ai jamais accepté une chose pareille, on a jamais accepté des arrivées telles, même sur une plus grosse école, on en reparlera peut-être tout à l’heure...
Là on arrivait vraiment nombreux, n’empêche que tout le monde avait été assez suffoqué de voir cette organisation, de voir l’autonomie quand même des enfants, même si on était pas, nous là-dessus, il y en avait qui travaillaient, je m’en rappelle dans les couloirs, qui faisaient des enregistrements, qui s’entraînaient pour une pièce de théâtre ou qui préparaient des exposés, enfin un fourmillement absolument surprenant. Je crois que l’ensemble des collègues avaient trouvé ça extraordinaire tout en se disant : Comment je pourrai faire quoi ? Surtout, ayant vu un petit peu comment ça pouvait se passer dans les classes, je pense qu’on l’avait déjà vu et puis en ayant vu d’autre part les classes... les présentations qu’on faisait dans les petites écoles d’application, c’est vrai que ça semblait beaucoup plus... un peu galère... assez irréaliste et fait par des pédagogues d’exception.
Et en fait, qui est-ce qui vous avait emmené voir cette école, c’était un formateur ?
C’était un des formateurs, sans doute, mais je ne saurais pas dire lequel. Je sais qu’il y avait quelqu’un... Il y avait un formateur qui était pratiquement à la retraite, sinon à la retraite et qui venait... qui était un homme très cultivé, très... Est-ce que c’était lui qui avait mis ça sur place, parce que lui, nous emmenait... Il nous avait emmené chez G, il nous avait emmené dans les musées, c’est lui qui organisait aussi la semaine de formation avec les organismes extérieurs du genre MJC, on allait dans les MJC, on allait dans les centres de vacances, dans les centres sociaux, je ne sais plus comment elles s’appelaient, c’était très intéressant, et c’était peut-être ce gars-là, je ne saurais pas dire, je me souviens comme professeur, la prof de psycho peut-être, qui était assez ouverte par rapport à ça, mais ce n’était pas le prof qui était membre de Freinet.
Et quand, parce qu’on va essayer de creuser. Quand vous vous rappelez... Là, vous évoquez ces personnages qui vous emmenaient, qui étaient très dynamiques finalement, c’est quelqu’un qui a compté pour vous dans votre formation ? Vous vous rappelez de ça ou vous l’évoquez comme ça ?
Dans une formation qui était très ... très mal fichue, très insatisfaisante, où rétrospectivement... C’était 1967, donc est arrivé 68 aussi, donc il y a eu des mouvements, il y a eu quelque chose comme ça, mais nous après on est revenu l’année suivante sans beaucoup de motivation, alors, il y avait des petits groupes très politisés dont je faisais plus ou moins partie, et puis il y avait les groupes plus... qui en même temps étaient intéressés par la pédagogie d’ailleurs, il faut le reconnaître puis il y avait les groupes plus informels et les gens.. la grosse passion à l’école normale c’était quand même de jouer au foot et de jouer aux cartes et pour certains de boire des canons, hélas !
D’accord.
Donc, la formation, c’était pas... je ma rappelle donc la prof de psycho, bien oui, parce que ça m’intéressait bien la psycho de l’enfant et puis autrement... parce que justement on sortait du cadre des cours typiques et on allait et en même temps, on se rendait compte, enfin moi, je me rendais compte que c’était plutôt par ce biais là que j’apprenais des tas de choses, je m’en étais déjà un peu rendu compte avant, mais bon... que c’était par ce biais là qu’on apprenait en fait des tas de choses, qu’on s’ouvrait à des tas de choses plutôt que simplement en écoutant des cours pendant des heures ! donc certainement que ça devait jouer parce que c’est un peu... Alors, c’est un attachement aux personnages, certainement... une forte personnalité, il faut.. on y reviendra hein, la pédagogie Freinet, c’est quand même pas complètement neutre, même si on se veut une pédagogie coopérative, on se rattache à un nom et le rôle du maître est très important en pédagogie Freinet, il faut le reconnaître, et ce personnage sans doute à joué, mais c’est pas tellement ce qu’il nous a appris dans les termes d’apprentissage en tant que tel, mais ce qu’il nous a permis d’apprendre quand même à être... de se cultiver. C’était vraiment une ouverture à des cultures diverses !
C’est ça, son attitude d’ouverture.
Voilà, il nous emmenait à un endroit où bon, il pouvait nous expliquer ou nous confier, nous mettre en lien avec quelqu’un qui pouvait nous présenter quelque chose, c’était pas lui en tant que tel. Je ne me souviens pas de ses paroles mêmes, peut-être qu’il en prononçait beaucoup !
Donc c’est peut-être lui qui vous avait emmené voir cette classe ?
Peut-être, ou alors un autre, bon bien là, cette classe-là, c’est vrai que c’était un moment quand même... où on s’éloigne d’abord de la ville, où on voyait quelque chose de très original par rapport à ce qu’on avait pu voir ; ensuite que certains ont pu retrouver dans ces stages de formations, ils se sont retrouvés dans des écoles où ils ont retrouvé des choses peut-être qu’il y avait des rapports, encore que... mais j’ai jamais bien discuté à fond, mais j’étais dans une école où j’ai retrouvé des clichés, où j’ai vu qu’il y avait des systèmes d’organisation qui étaient un peu... qui se rattachaient à une pédagogie de ce type-là !
Et quand vous vous rappelez vos études, vous avez parlé de ces études qui n’étaient pas bien foutues, là, vous dites bon, on buvait des canons, en fait on était plutôt là pour jouer aux cartes, et en même il y en avait quelques-uns qui étaient politisés dont je faisais partie, qu’est-ce qu’il y avait comme animation de ce côté-là ? Ou qui vous, vous animait déjà à l’époque ? Vous avez parlé de mai 68, est-ce que vous pouvez décrire au fond, comment vous vous situiez à l’époque ?
Oui... C’est-à-dire qu’il y a des attaches avec des personnes, avec des collègues... Moi, je suis issue d’un milieu de la classe... une classe moyenne... des parents fonctionnaires, fonctionnaires à un petit échelon, mon père était relieur, il s’était placé dans la fonction publique, ma mère était employée aux PTT, bon, donc je me suis toujours senti sur une base dans les lycées (parce que moi, je suis allé au lycée jusqu’au bac) donc, je me suis toujours senti.. j’étais dans un lycée très bourgeois, et en fait, je me suis toujours senti très décalé par rapport à tout ça ! Donc, moi, j’étais plus sensible, à non pas, à une culture ouvrière, parce que je ne suis pas... j’ai un oncle qui était au P.C., j’ai un oncle qui était plutôt... un agnostique, qui était intéressé par les problèmes personnels plus que par les problèmes politiques ! Disons qu’il y avait dans la famille une sensibilité de gauche quand même, il faut le reconnaître, hein ! Avec une partie de gauche catholique, bon !
Donc, j’étais intéressé par tout ça ; moi, j’ai été formé à... au dialogue, bien justement, parce que j’ai fréquenté... même si après... parce que j’ai eu la chance de rencontrer je crois aussi, un homme qui m’a beaucoup marqué, c’était le curé de la paroisse, qui était un homme très ouvert, qui accueillait les jeunes, non pas pour faire des réunions avec de la catéchèse, parce que déjà, on avait entre quinze et dix-sept ans, dix-huit ans et personnellement, je ne croyais plus en Dieu, mais où on... je ne fréquentais plus du tout l’église, mais on discutait avec lui, c’était quelqu’un d’ouvert... on parlait des problèmes d’économie mondiale, il nous faisait voir des revues bien sûr d’inspiration chrétienne, je me rappelle de “ Croissance ”, à ce moment-là, c’était “ Croissance des Jeunes Nations ” Les revues tiers-mondistes, en fait, lui il se situait dans la lignée de Vatican ll, etc. Bon... et c’était un homme qui nous a permis de beaucoup dialoguer, de beaucoup discuter, donc c’est sans doute une formation que j’ai eue, plus importante sans doute que... enfin, aussi importante, parce que c’est difficile de mesurer, mais certainement, c’était des moments qui nous permettaient non pas d’écouter la paroles des enseignants comme dans les écoles classiques, comme au lycée, mais de nous-mêmes de pouvoir parler, on était cinq, six, c’était des petits groupes de réflexions et de discussions libres, qui étaient vraiment... qui certainement nous intéressaient, puisqu’on venait de nous-mêmes. Il y avait la base de volontariat, c’est peut-être pas non plus neutre, hein ! On venait toutes les semaines... toutes les semaines, on se retrouvait une heure et demie, deux heures à discuter ! Alors, je me rappelle de ça, de croissance, je ne peux pas dire tous les thèmes qui ont pu être évoqués, mais c’était quand même quelque chose qui était important, ou je participais, où j’étais moi-même... par rapport aux jeunes, j’ai fait... moniteur de colonies de vacances, quoi ! A ce moment-là c’était les colonies de vacances traditionnelles, donc c’était très ouvert sur la nature, au milieu des bois, avec beaucoup, beaucoup de liberté quand même pour les jeunes.
Moi, j’ai du participer en tant qu’enfants et après, je suis allé plusieurs fois en tant qu’autre et c’est vrai que c’est une formation qui m’a marqué et je pense que c’est ce qui a fait que j’ai été attaché à un certains nombres de valeurs, de liberté, de choix... d’ouverture, de paroles... L’importance de la parole, de libération de la parole, qui... de tolérance, parce que c’est un monde très tolérant. Son homme de..., enfin le monsieur qu’il avait pris, qui l’aidait à la paroisse, c’était un gars que je connaissais, enfin un voisin qui était un vieux du P.C., un militant avec clairon et tout, mais ils s’entendaient tous les deux très, très bien ! Il faisait venir des jeunes qui n’étaient eux, même pas baptisé ni rien, mais à qui... qu’il aidait pour une sans du tout faire du prosélytisme, mais c’est vrai que certainement... bien voilà, il y a un attachement aux personnes, ça c’est sûr, mais il y a des valeurs de liberté, je crois, d’ouverture.
Donc là, vous évoquez là peut-être une autre personne qui a compté c’est à partir de la question ou vous disiez que dans cette formation de l’école normale vous étiez...
Ah, oui, la formation de l’école normale, on n’a pas eu une vrai formation, on était très mécontents de cette formation. Je sais que les jeunes actuellement sont très critiques par rapport à cela, il y a du bachotage et des choses comme ça. Il y en a qui ont l’impression de ne rien faire par rapport à ce qu’ils ont pu faire au par avant. Nous c’était quand même très léger, avec des cours intéressants ; en histoire et géographie, il y avait des cours très intéressants, je me rappelle. Bon, vous ne retiendrez pas tous les mots grossiers que je peux employer, je ne me suis pas gêné, je suis à l’aise, je parle très librement !
Oui. En fait, vous avez quand même évoqué ce passé, vous aviez quel âge, là, quand vous avez fait partie de ces groupes croissances, en fait, vous étiez jeune, quand même ?
Oh, on avait entre quinze et dix-huit ans !
Et puis après, il y a eu...
Et puis après à l’école normale, je devais avoir... je suis rentré à dix-neuf ans à l’école normale ou à vingt ans, peut-être, voilà. Et à l’école normale, j’ai trouvé des gens du P.C., des gens des groupes MAO, bon, moi je n’y étais pas, mais c’est vrai que je n’ai jamais été en un parti politique, mais ça m’intéressait, j’étais sensible à... on parlait beaucoup de la guerre du Viet Nam ou de choses comme ça. Au niveau pédagogie, on était pas passionné de pédagogie, on ne parlait pas de...
Disons, quand vous disiez groupes politisés, vous vous étiez plutôt de gauche par rapport à ce passé, mais c’était pas dans un parti spécialement...
Ce n’était pas dans un parti, ce n’était pas dans un groupe, je n’étais pas syndiqué à ce moment-là, je me suis syndiqué en rentrant à l’école normale, parce que ça me semblait normal de me syndiquer Je me suis syndiqué à ce moment-là au syndicat national des instituteurs OSNI, bon, puis j’ai changé plus tard, parce qu’il y avait des collègues qui déjà étaient dès le premier jour avec tous les papiers...des collègues de la promotion qui étaient déjà... qui n’étaient pas encore instit, mais qui déjà... qui avaient une formation militante de par les parents, etc. Donc c’est vrai que je discutais avec eux, qu’on se retrouvait pour discuter d’ici de là, pour... je ne pourrais pas dire quelles étaient les discussions, hein mais ça tournait certainement pour des problèmes politiques, autour du ras-le-bol de De Gaulle qui pouvait exister, bon, c’est mon quartier aussi, moi, j’étais connu comme quelqu’un qui était plutôt sensible pour les idées politiques, qui était sensible aux choses littéraires, mais bon ! J’étais quand même un peu dans la frange politique, même si j’étais pas écarté.
C’est ça ! D’accord, donc revenons à ce fil conducteur. C’était ce moment où vous avez rencontré la pédagogie Freinet à travers une classe que vous avez vue. Et si on essaie d’aller plus loin, est-ce que vous vous souvenez ce qui vous a justement séduit dans cette classe, même si vous n’avez pas été très longtemps, même si vous étiez trente, est-ce que vous revoyez la situation ? Est-ce que là, ça été le moment où vous vous êtes dit, ah bien, ça, je ferais bien ça, quoi, ou pas ?
Oh, moi je pense que c’est venu essentiellement... d’abord, je ne sais pas comment, mais d’abord ça doit être des textes que j’ai lus. Je pense que quand même, il y avait au niveau des idées, j’avais du lire des choses, et c’est au niveau des idées qu’il y avait déjà une adhésion ! Au milieu des idées, du personnage de Freinet, sans doute, du côté politique de Freinet, alors bon, c’est sans doute lié aussi à 68 ou des choses ont été reprises, sûrement des articles que j’avais du lire, l’école buissonnière qui était passée à la télé...
Par hasard ? Vous étiez tombé dessus par hasard ?
Parce qu’on avait du en parler quand même en classe, si vous voulez ! Je veux dire à l’école normale que j’en ai entendu parler, hein mais bon, je n’étais pas... juge ! On en a entendu parler, on a peut être fait un cours dessus, mais c’est pas un cours qui m’a marqué, c’est plutôt une sensibilisation générale et par les idées. Comme j’ai vu la classe, je savais à quoi.. je savais un peu à quoi j’allais m’attendre, je crois et c’est vrai que j’ai vu concrètement comment ça se passait, et dans ma classe, ce qui m’avait frappé, bien c’était la personnalité en effet de l’instit certainement et puis sa douceur quand il parlait, quand il s’exprimait, sa profonde conviction ça sûr que certainement ça avait du transparaître, après je l’ai revu, alors c’est difficile de dire ce que.. Alors, c’est difficile de faire la part de ce que j’ai ressenti à ce moment-là et puis après ce que j’ai su et ce que j’ai retrouvé encore avec lui, mais c’était ça et puis dans l’organisation de... il devait y avoir les coins, les nombreux coins de la classe où les enfants travaillaient en activités... assez libres ! Je me rappelle de ça, les enregistrements, il me semble. Il y en a qui préparaient un enregistrement, il devait y avoir un petit coin jardin sans doute, dans la classe, dans la cour. Je me rappelle ça, ça m’avait frappé, le couloir où ils répétaient une pièce. Donc l’utilisation du couloir. Il devait y avoir tout un coin peinture dans le couloir, je ne sais pas ! Mais c’était une utilisation de tous les recoins, je n’ai jamais pu le refaire, moi personnellement, mais bon ! Et une multiplicité d’activités, voilà ce qui m’avait frappé.
D’accord, donc vous parlez de ces deux éléments, la personnalité de l’instit et puis l’organisation, l’espace, la fourmilière vous disiez.
C’est ça, oui, c’est ce qui m’avait frappé !
C’est ce qui vous avait frappé quand vous revoyez l’espace, quand vous revoyez...
Et avec... et sans pagaille ! Une fourmilière... Une fourmilière parce que c’était très organisé, ça semblait organisé, ça ne semblait quand même pas ... Les enfants (c’était les enfants de la campagne, etc.), ils n’avaient pas l’air trop perturbés par l’arrivée d’une cohorte de... une cohorte de grands, d’adultes qui soient là pour... je trouve ça assez admirable, parce que les enfants sont vite perturbés par trois ou quatre personnes qui sont là, ça perturbe beaucoup, hein !
Alors, est-ce qu’on peut reprendre un petit peu ça ?
Ah oui ! Je suis très... je suis très coq à l’âne, hein ! Vous inquiétez pas !
Ah non, mais c’est très bien. Donc vous m’avez dit par rapport à la classe, vous vous rappelez de ce maître et puis de cette organisation, hein. De cette personnalité du maître. Est-ce que vous pouvez m’en reparler de ça, de cette personnalité du maître, parce qu’en même temps, vous m’avez dit : sa douceur quand il parlait, sa profonde conviction avait du transparaître et en même temps, j’ai su des choses après, etc. et au fond, c’est ça que j’aimerais bien savoir : qu’est-ce que vous avez su après ? Quel était ce qui vous a tout à fait intéressé ? Qu’est-ce que vous avez reconnu chez cette personne-là ?
C’est mon premier contact, alors, en fait... pour faire le point de la pédagogie Freinet, c’est plus tard, d’autres personnes avec qui j’ai marché. Lui, il m’a paru c’est vrai, une grande douceur dans sa façon de parler, il parlait très lentement, il était très calme. Bon, c’est vrai qu’il avait une tête plus caractéristique, donc une certaine originalité, hein. C’est une originalité dans son être lui-même... Oui, sa conviction... Je pense qu’il avait du nous expliquer les choses et il avait l’air vraiment d’y croire et d’être persuadé que ce qu’il faisait c’était bien, bon et puis, c’était un peu un mythe ! Alors en même temps, il y avait... je suis reparti et j’ai su par réaction des collègues, c’est un peu ce que j’ai évoqué tout à l’heure, c’est à dire que ce personnage, il était... il semblait tellement mythique, tellement plein de douceur, tellement empreint de sa conviction et tout semblait tellement aller de soi dans la classe et être d’un niveau déjà d’obligation tellement merveilleux, qu’en même temps, tout le monde est ressorti admiratif et en se disant : ce sera impossible à faire, voilà ! C’était un peu une image mythique. Comment il peut faire cela avec une classe ? Une classe chargée, des locaux qui ne sont pas forcément terribles, il laisse les enfants sans surveillance, comment il gère tout ça, alors qu’il y a des programmes ?
Donc, il y avait un espèce... là, j’ai ressenti ce qui me marquera beaucoup plus tard, le mythe de l’enseignant Freinet, un homme extraordinaire. Pour être enseignant Freinet, il faut être extraordinaire... L’impression aussi qu’il consacrait sa vie totalement à sa classe, à son école. L’impression qu’il baignait dedans, qu’il y était... Quand vous aurez compris qu’il était là dès sept heures du matin, qu’il finissait, que le mercredi il emmenait peut-être les enfants, (ou le jeudi à ce moment-là, c’était encore le jeudi) il emmenait les enfants en sortie dans certaines activités en plus, c’est tout le côté en plus de la conviction laïque, etc. Bon, c’est vrai qu’apparemment, c’était un gars qui était totalement pris dans la pédagogie, et nous, à ce moment-là on n’avait pas envie d’être pris dans la pédagogie totalement. On avait vingt ans, on savait qu’il y avait à aller faire ce boulot, et c’était pas forcément un boulot pour lequel on avait tous des vocations. Je peux pas dire que parmi les camarades, j’en ai vu beaucoup qui avaient la vocation ! Moi, j’avais choisi ça, parce que ça m’intéressait de travailler avec les jeunes enfants, mais j’étais pas persuadé que c’était le métier idéal, qui allait tourner un moment ou l’autre vers l’enseignement, ça m’avait vraiment semblé intéressant, mais je pensais pas que c’était quelque chose d’aussi passionnant que ça ! Donc, j’avais ressenti sa passion avec à la fois une répulsion, voilà ! Donc, c’était un peu... Alors, il était tellement convaincu, que j’ai repris plus tard, que c’était quelqu’un qui même dans sa vie, au point de vue... il était aseptique... il faisait même un jour de jeune par semaine, donc lui, il était vraiment très lié à... il avait sans doute beaucoup suivi... je ne sais pas du tout s’il avait beaucoup été avec Freinet en milieu national, mais c’était un de ceux qui croyait au végétarisme, au naturisme, qui etc. peut-être pratiquait-il avec ses enfants, je ne me rappelle plus s’il m’avait raconté ce que Freinet il faisait, le chaud et le froid, coucher dans la mare glacée... enfin des trucs que personnellement, bon, on en reparlera plus tard, le côté pastoral de la pédagogie Freinet, j’ai un peu laissé, là. On est plusieurs à avoir... à être revenu parfois... sur une autre branche, voilà, hein.
Oui, donc c’était ça dont vous parliez, cet engagement très profond, peut-être très lié à Freinet et à son histoire entre...
Oui, et avec peut-être une profonde conviction humanitaire, humaniste, voilà. Beaucoup trop de..., mais beaucoup trop, c’était un peu la pression et puis sans doute pour certains, je pense qu’il y en a qui avaient ressenti beaucoup de chose... pas un certain sectarisme, mais un certain... bon, il fallait vraiment rentrer là-dedans, quoi. On rentrait... l’impression qui ressortait c’était qu’on entrait en pédagogie Freinet comme on rentrait en religion. Hein, bon !
Oui, mais justement à ce propos, parce que vous dites il était très, très humain, humanitaire, etc. mais pas du tout du côté, (puisque Freinet ne l’était pas), pas du tout du côté catho, justement religieux, était-il de ce côté-là ou pas ?
Je ne sais pas.
Vous ne savez pas, ha oui.
Non, non, on a jamais été intimidé, hein. On était un groupe, il y en a qui sont partis, on s’est revu, et puis lui, non, mais je pense que...
Vous ne saviez pas ses convictions par rapport à...
Non, je ne connais pas les convictions religieuses, hein, les convictions religieuses des gens, non. Il y a beaucoup de gens dont ceux que je connais qui ont des convictions... ou qui sont athées ou... La plupart des gens ont une formation catholique ou protestante à la rigueur, religieuse mais qu’ils ont laissé tombé ou qu’ils pratiquent de loin. Il y en a encore sans doute qui croient, hein, mais bon, la plupart eux, indifférents par rapport à ça, puis d’autres surtout, récemment par rapport à ceux qui travaillent en banlieue, il y en a pas mal qui sont très impliqué dans la banlieue lyonnaise, surtout à M., on est une grosse école qui travaille et puis d’autres collègues... plusieurs écoles en fait, hein.
Oui, Maryse m’en avait parlé.
Donc, là, ils sont très remontés par rapport au fait religieux par rapport au problème...., ils sont très anti religieux en ce moment, hein. Alors, moi, je ne partage pas totalement ça, parce que on peut pas mettre un objet de discussion sur le rôle de la religion dans les guerres. Est-ce que c’est la religion qui est dans les guerres ou est-ce que c’est... bon, c’est vrai que des fois, sous des oppositions religieuses, se cachent d’autres oppositions beaucoup plus complexes que ça. Enfin, voilà, alors ça c’est en annexe ! Mais, il était de toute façon... très rattaché à Freinet, mais Freinet du côté naturaliste, très attaché à une certaine orthodoxie de la pensée de Freinet.
D’accord.
D’après ce que disent certains camarades, après, je pense, oui.
Donc, vous étiez ressorti à la fois, c’est super bien, c’est bien, mais ça va être difficile, c’est presque inabordable, quoi !
Voilà, c’était l’impression que c’était inabordable, que c’était réservé à des gens d’élite et puis des gens qui consacrerait tout leur temps pour ça.
Alors, qu’est-ce qui s’est passé pour vous après, justement, dans votre itinéraire ?
Eh bien, après... il y a 68 après et on a repris, mais très critique par rapport à l’enseignement... encore plus critique qu’avant, mais en fait les petits groupes se sont reformés. Après on s’est retrouvé dans les classes. On a fait... la deuxième année, on était deux mois dans une classe. Personnellement, ça c’est mal passé.
Deuxième année d’école normale !
Deuxième année de formation, on se retrouvait en situation pendant deux mois dans une classe. Personnellement, ça c’est mal passé, j’ai pris la suite d’un collègue très organisé, qui avait une classe double, dans une banlieue un peu huppée avec beaucoup d’enfants un peu... Je n’ai sûrement pas travaillé assez, sans doute, et bon, c’est vrai que je lui ai fichu un peu sa classe en l’air, enfin, il a du rattrapé. Je l’ai revu après, il m’a dit, mais non, ça va bien, ça allait bien, mais bon, je n’ai pas maîtrisé les choses. Mais lui, il avait déjà une organisation très... Je n’ai pas du faire deux mois, j’ai du faire cinq ou six semaines. Alors lui, il avait déjà une organisation très rigoureuse avec des ateliers, avec des systèmes, avec des jalons, beaucoup de travail individualisé. Je ne sais pas après comment au point de vue ouverture d’esprit, au point de vue paroles aux enfants... je ne l’ai jamais vu fonctionner en classe. J’ai su après qu’il faisait des choses, je pense que c’était ouvert. Je n’ai pas pu analyser cette chose-là, mais sur le côté organisation de la classe, c’était très organisé !
Et c’était une classe Freinet -là ?
C’était pas une classe Freinet. C’était une classe qui pratiquait une partie des techniques Freinet. Lui, il n’a jamais été au groupe Freinet officiellement. Il n’y est pas venu après, mais c’était quelqu’un qui était ouvert par rapport à ça, qui sur son école se retrouvait avec des gens proches du mouvement Freinet plus ou moins et qui a pratiqué des journaux scolaires, une direction d’école ouverte, etc. Donc, qui était quelqu’un ouvert dans sa pratique, mais c’était aussi des quartiers avec des élèves de villes, même si c’était la banlieue résidentielle, et on ne pouvait pas faire non plus les mêmes choses qu’en campagne, très certainement.
Et vous êtes arrivés dans cette classe par hasard ? Dans votre deuxième année.
On faisait des remplacements dans cette deuxième année. Je suis arrivé par hasard. Alors, par contre, j’ai fait après quinze jours dans une classe dans la Z.U.P. des M. qui a ce moment-là n’était pas célèbre, mais où il y avait des enfants avec tous ces problèmes, mari, etc. J’ai fait quinze jours. Là, je suis arrivé, on m’a accueilli à bras ouverts, parce que le mec, n’avait pas été remplacé depuis plusieurs jours, il n’était pas du tout organisé, lui. Donc au contraire, j’avais des trucs très... j’avais une classe très traditionnelle avec un manuel et au contraire, j’ai pu rentrer dans son système pour ce qui était du plus général et proposé un petit peu autre chose qui me plaisait, et je suis rentré quand même dans une système très traditionnel pour tenir ma classe. Parce que des problèmes de... Pour moi, je crois qu’il y a des problèmes de discipline qu’on a quand on arrive, quand on est jeune, et des problèmes de N... dans le groupe. donc, par rapport à mes croyances et mes convictions... enfin, moi, c’était pas des convictions, mais à mes idéaux de liberté et tout, je me suis rendu compte qu’il y avait d’abord un problème, c’était d’obtenir la classe, entre guillemets, hein, de mettre en place des choses et quand on arrivait comme ça, eh bien, c’était pas simple ! Voilà. Donc après, je suis retourné faire un an aux M, j’ai été nommé dans la même école, où là j’ai fait une classe traditionnelle avec certainement... j’avais du proposer les techniques du texte libre, j’ai fait des petits conseils, mais mon enseignement restait traditionnel. J’ai du faire des conseils, des choses comme ça, j’ai déjà proposé des expressions écrites variées, j’ai du faire des petits... non, j’ai fait une classe traditionnelle. J’ai fait mon service militaire, j’avais déjà deux enfants, et puis j’ai pris, bon j’ai eu la chance... j’ai demandé un poste sur ma ville, à St F. où je suis et à St F. il y avait une classe unique. Alors j’ai demandé cette école où il y avait à la fois... ça s’appelle L.... où il y avait eu ... elle avait été ouverte en 68 et c’était le fruit d’une collaboration normalement au départ entre le groupe Freinet du R. que je ne connaissais pas et D. qui était directeur du laboratoire de psychopédagogie à L. et qui avait mis en place... qui avait voulu faire une expérience de comparaison entre les pédagogies Freinet et d’autres pédagogies et il avait mis en place, il avait négocié avec une commune qui avait... et il avait négocié pour que cette expérience se mette en place.
Pour en parler brièvement, donc, c’était l’idée que sur un même groupe scolaire, il y aurait une moitié du groupe scolaire qui aurait des pédagos au titre traditionnel, une autre moitié des pédagos du groupe Freinet et que il y aurait des étudiants qui viendraient chaque année évaluer les réussites des enfants dans un certain nombre de... données typiquement scolaires et dans un certain nombre de données plus créatives, etc. Bon, alors je n’évoquerai pas des choses sur lesquelles je suis plus crédible, c’est-à-dire comment évaluer les choses, quels sont les critères d’évaluation, est-ce qu’il y a des choses qui sont mesurables, est-ce qu’il y a des choses qui ne le sont pas ? Bon, mais en tout cas, c’était une très mauvaise idée de vouloir comparer deux populations sur un même lieu. Alors, bon les gens du groupe Freinet avaient déjà dit d’ailleurs, mais ça devrait se faire, on devrait pouvoir comparer. Une école, bon soit on était une école Freinet, on nommait une équipe et puis une école d’un autre quartier, etc. Là il va y avoir des influences et ça n’a pas manqué de se passer ! En tout cas en 68, donc ça n’a pas été créé, au lieu que ce soit une école expérimentale, il n’y a jamais eu de statuts d’école expérimentale, donc en fait les groupes, il y avait eu au début des instits du groupe Freinet et c’était pas forcément ceux qui étaient les plus motivés qui étaient venus au départ, c’était ceux qui étaient un peu intéressés.
Il y en a parmi le groupe officiel qui s’étaient désolidarisé un peu de l’entreprise en faisant tout ça, il y en a au bout de quelques années étaient partis, moi je suis arrivé en 71 et j’ai été nommé du côté traditionnel. Moi, je ne faisais pas partie du groupe Freinet, mais j’aurais pu être à la limite être nommé, parce qu’il se trouve que le groupe Freinet, il n’avait pas du tout la maîtrise des nominations. Donc, se sont trouvés au début des gens qui étaient placés, mais comme après l’école est passée de huit classes, elle est montée jusqu’à seize classes petit à petit, au fur et à mesure que ce quartier ce construisait, il y a donc eu de l’autre côté des gens qui n’étaient pas du groupe Freinet qui ont été nommés, donc c’était quand même un problème parce que ça s’appelait Freinet et là-dedans il y avaient des gens qui en effet essayaient de travailler un peu en suivant ce que proposaient les autres, mais n’était quand même pas du groupe. En plus, différents problèmes qui faisaient que... voilà ! Alors, pendant un an j’ai travaillé d’une façon très traditionnelle, la deuxième année aussi, d’ailleurs, enfin, assez traditionnelle hein, et puis j’ai rencontré...il y a eu... si il y a eu quelqu’un qui m’a fait franchir le pas, enfin, poussé dans un certain sens, c’est l’inspecteur, pour une fois, ça a servi, on verra d’autres aventures avec d’autres inspecteurs qui se passeront moins bien et qui m’a dit, mais écoutez, vous devriez aller voir un peu ce qui se passe avec les gens de l’autre groupe, là. C’est vrai qu’il y a des influences quand même, hein, parce que bon, ce n’est pas noir et blanc, parce que tout de même, vous êtes jeune, vous pouvez changer les choses, votre pédagogie est très sérieuse, très tout ça, mais bon, il y a des choses que vous pouvez faire quand même qui soit plus ouverte que ça, allez voir un peu avec eux, ils sont ouverts, ils sont prêts à travailler, je les connaissais hein.
Bon, il y avait des gens avec qui j’avais pas accroché. Et puis, il y a une année, ça doit être à la rentrée...73, il s’est trouvé qu’il fallait créer une quinzième classe, c’est très rigolo, c’est des hasards très bizarres. Hors, cette quinzième classe que serait-elle Freinet ou traditionnelle ? Parce qu’il y avait de grosses histoires à la fois de familles qui ne voulaient pas être en ci ou ça. Il y avait D. qui disait que ceux qui viennent de la maternelle, les uns ils vont dans tel truc et autre, si on a un frère, on y va, mais il y avait quand mêmes des familles à problèmes, qu’on séparait . Il y avait encore tout un tas de passe-droits et choses comme ça et donc faire une classe... il y avait après des histoires avec les gamins, parce que il y avait une cour qui était un peu plus haute que l’autre, donc ceux d’en haut soit disant qu’ils jetaient des pierres à ceux d’en bas, enfin, ils... Il y avait des parents qui soutenaient, qui avaient créé une association, hors ça semait un peu la zizanie entre les parents. C’était pas évident hein ! Alors, donc en 73 c’est quand même là que les choses se sont passées, c’est-à-dire que j’ai accepté de prendre cette classe qui soit comme ça à mi-machin, et en fait les copains... bien j’y suis allé et à la première... à la réunion de pré-rentrée, je suis allé et eux ils faisaient l’après-midi et Freinet faisait une réunion de pré-rentrée et bon, c’est vrai qu’à cette réunion de prérentrée, l’après-midi je suis allé et j’ai rencontré deux gars... il y avait deux gars nouveaux qui étaient nommés sur l’école... deux barbus, pas comme moi, parce que à ce moment-là je n’avais pas la barbe, deux barbus chevelus, qui faisaient très soixante-huitards, très pompes, qui avaient un discours très ouvert, très critique vis à vis de... la pédagogie Freinet, fermés dans leur coin, etc. très... avec une parole très facile... Enfin, il y a un courant qui passait et je suis rentré chez moi en disant bon, ça y est, je viens de trouver des mecs absolument sensationnels, vraiment je suis sur les mêmes passes qu’eux, je ressens dans ce qu’ils disent tout un tas de choses, ça va être super, vraiment, je suis rentré complètement enthousiasmé et c’est vrai que c’est de là que c’est parti.
D’accord.
Donc, c’est là que j’ai rencontré des gens qui faisaient moins peur que... qui disaient on ne vient pas faire de la pédagogie Freinet, qui disaient, nous on vient travailler ici en équipe, on veut travailler avec ceux qui sont là, on veut mettre des choses en place, on veut mettre un journal d’école en place, on veut... bon, il avaient des projets collectifs....ils disaient bon, on verra après si on peut... Il faut pas qu’on dise qu’on fait de la poésie Freinet puisque de toute façon on a pas les moyens de la faire, on a pas obtenu le statut d’école expérimentale, etc. il faut qu’on voit ! Ils étaient un peu politisés, un peu syndiqués, plus que les autres, j’ai ressenti plus, un tempérament plus vindicatif, plus agressif. Par rapport aux convictions d’autres camarades, c’étaient des gens qui parlaient en thermes plus politiques peut-être. Voilà, alors ça je l’ai ressenti et moins en thermes de conviction personnelle, mais plutôt en thermes de choix politique, de futur pour les enfants, pour les générations, bon de choses un peu utopistes qui me plaisaient bien, voilà.
Et donc en 73 vous avez pris cette classe, mais est-ce que vous vous souvenez ce qui vous a finalement poussé à prendre cette classe dont vous disiez qu’elle était un petit peu bâtarde... enfin, c’est pas le mot, mais qu’est-ce qui vous a poussé ? Pourquoi vous, vous avez pris cette classe ?
J’ai pris la classe parce que d’abord, il y avait des gens que je connaissais, que j’aimais bien dans l’autre groupe, hein, il y avait eu une collègue aussi qui était passée, qui a été en remplacement sous mon côté, qui avait mon âge, qui a été en remplacement de l’autre côté, qui était très, très sympa, on s’aimait bien et qui m’avait dit... et qui après elle allée faire un remplacement de l’autre côté, du côté Freinet, et donc on avait des relations personnelles qui faisait que l’on discutait bien et qu’elle me dit : tu devrais venir avec eux, tu devrais passer, etc. il faut que tu fasse le choix. La confiance que m’avait donnée l’inspecteur, bon, jusqu’à maintenant, j’avais rencontré une hiérarchie assez tatillonne, bon, j’étais pas craintif par rapport à cela, parce que le nôtre, je m’en suis toujours un peu moqué, mais en temps que jeune, je n’étais pas sûr de moi, donc j’avais trouvé qu’il me dise de faire ça, ça a du quand même m’aider, d’abord, j’ai des camarades qui ont de très bons souvenirs de ce mec là. Bon, c’est vrai que c’était un inspecteur qui arrivait, qui avait... on le prenait pour un représentant, donc, c’était déjà bon signe. C’était un mec discret et il paraît qu’il était à la retraite, mais ils a travaillé après sous C. et il était très, très apprécié, parce que c’était un gars je pense qui mettait en valeur les choses, plutôt que de voir les choses négatives, il voyait le positif et il mettait en avant le côté positif des choses, plutôt que ça. C’est lui qui m’avait dit bien allez donc voir un peu l’autre équipe !
Oui, c’est ça. Donc en fait vous étiez en traditionnel, mais déjà vous aviez une sensibilité Freinet, l’inspecteur qui vous avait poussé un peu.
Oui, il y avait des choses, voilà et c’est vrai que c’est idiot, mais je pense qu’il y avait surtout la copine, là je pense qui avait joué, mais ça, j’en ai conscience maintenant, de l’influence de l’inspecteur, je peux pas dire, j’en ai conscience, c’est pas... mais également de sentir quand même la confiance de l’administration, c’est important de pouvoir parler en prêtre ou d’autre choses, mais ça donne... ça permet de faire des choses alors que quand on se sent toujours bloqué par ce genre de chose, bien soit on suit, soit on se bagarre et l’on passe beaucoup plus de... on perd du temps dans les bagarres qu’on pourrait gagner pour faire avancer un certain nombres de choses plus concrètes.
Et donc, vous avez évoqué ces deux personnes-là, qui ont été importantes pour vous. Vous avez rencontré, vous aviez des bases communes, des convictions communes. Est-ce que vous pouvez en reparler de ça en concret, dans le fond, dans le fondement. Outre le fait qui disait on va faire ce qu’on peut, même si on n’a pas le matériel, mais on va s’engager, mais on va faire quelque chose, peut-être pour un idéal politique, mais au fond, c’était quoi ces fondements, qu’est-ce qui faisait que vous étiez d’accord avec ces... Est-ce que vous pourriez un petit peu développer ? Quand vous revoyez ces situations avec ces personnes-là ?
Eh bien, c’est au coup de foudre. Alors, là, je crois que c’est...
Oui, c’est un peu comme vous l’avez évoqué, ça été vraiment...
C’est des personnalités qui m’ont beaucoup frappé, et puis après, bon bien c’est par exemple un truc qui m’a beaucoup frappé, c’est d’aller... de venir un soir pendant l’étude dans la classe d’un copain et de voir le copain pousser un coup de gueule contre un gamin. Se fâcher contre un enfant, peut-être même lui flanquer un coup de pied aux fesses, parce que ça a du lui arriver. Je ne sais pas si c’était ce jour là, mais c’est après que je l’ai revu donner un coup de pied aux fesses à un gamin qui commençait à le faire monter jusque là, hein, mais en tout cas le coup de gueule, je me suis dit bon bien voilà, un instit Freinet, c’est pas quelqu’un qui est comme ça, qui navigue au milieu d’une classe, d’un groupe avec... et puis tout se passe bien, où c’est vraiment merveilleux, ou tout semble organisé, où les gens sont cool et tout, parce que j’avais l’impression que même ceux du groupe à côté, ils avaient tendance à être cool, il y en avait qui étaient un peu stressés, mais des gens très doux, etc. ils semblaient très ils étaient pas à mettre les poings sur la table à dire ce qu’ils pensaient au gamins, à dire à bien là tu exagères et tout.
Je me suis dit ah, bien tiens, la pédagogie Freinet, c’est pas que quelque chose de mythique, la réalité, c’est aussi que c’est la classe et que il faut des fois mettre des barrières et pas se laisser marcher sur les pieds, etc. Donc, je me suis dit bien au fond, décomplexes-toi, toi, tu te fâches et tout, il t’arrive de pouvoir supporter des choses et revenir et c’est en discutant que je l’ai vu, de refaire des choses très traditionnelles, mais bon, c’est normal, la première chose, c’est déjà de pouvoir survivre, donc... voilà, donc là, c’est quelque chose qui m’a beaucoup frappé ! Et je crois que c’est la parole vraie de ces gars-là qui m’a frappée, c’est-à-dire, ils parlaient sans se cacher, ils disaient en quelque sorte leurs craintes, ils disaient qu’ils venaient pas comme ça, ils ne s’amenaient pas avec des convictions en s’affirmant... Vous savez, nous les PME Freinet on va être les meilleurs ! Bon, peut-être après, est-ce que ça se disait de ci, de là, selon les personnels avec qui il fallait... selon la logique, la stratégie à développer pour gagner sur tel ou tel point, mais bon, ils avaient un langage de vérité, et puis, c’est vrai qu’il y avait des atomes crochus qui se... pour pas dire, hein. Parce ce qu’il y en a un c’est encore mon meilleur ami, bon !
Parmi ces personnes-là ?
Oui. Sur les deux, il y en a un, c’est toujours mon meilleur ami. Pendant longtemps, je pouvais dire j’avais un ami. J’emploie difficilement le mot ami, et c’est vrai que c’était lui, donc, c’est vrai que comment définir un ami ? Pourquoi on s’attache à quelqu’un ? C’est très complexe !
C’est sûr, mais malgré tout, vous disiez il y avait des bases communes, des idées...
Alors, quelles étaient les bases communes, quelles étaient les idées ? Eh bien je pense par exemple, je pense qu’il y avait la liberté. Bon ce mot liberté, il vient comme ça, mais c’est symbolisé par des mots comme par exemple quand on s’est installé ensemble l’année d’après pour travailler, le mot qui ressortait, c’était bien tiens, on va mettre, on va hisser le drapeau noir sur le deuxième étage, bon. Le drapeau noir ou le drapeau rouge, mais c’était le drapeau noir. On mettait toujours entre le côté gauche et le côté à Mao syndicaliste, hein. Donc il y avait ce côté-là, à la fois de gauche mais une gauche libertaire, même si mes camarades n’étaient pas politisés non plus, ils n’étaient pas au quartier, hein. Après on a des camarades, des Maoïstes qui sont venus travailler sur l’école, mais qui n’étaient pas dans le groupe vraiment, mais qui nous ont influencés aussi ! Mais très anti hiérarchiques, ça c’est vrai ! Appréciant par exemple, l’inspecteur précédent, mais après, on s’est bagarré contre notre autre inspecteur qui était un... Bon, tout de suite on a fait une bagarre qui a duré des années contre la hiérarchie, la volonté de travailler en équipe et c’est vrai qu’il y a un collègue qui a beaucoup montré, qui savait écouter les autres, qui savait mettre en place des choses, ce que personnellement, je ne sais pas faire. Moi, je suis allé dans le sens de certaines choses, mais bon ! Je ne sais pas vraiment... je ne peux pas animer une équipe d’école, non c’est pas mon job. J’aime bien faire les choses dans mon coin. donc, il y avait toute cette partie de... je crois que le mot liberté, oui, c’était ça, c’est un sentiment de beaucoup de liberté et puis un petit peu de... oh, c’était la tendance à charrier de l’eau, un peu de dérision, voilà. Oui, je crois qu’ils avaient un recul sur les choses, c’est-à-dire par rapport à la pédagogie Freinet, ils pouvaient se moquer d’un certain nombre de choses et ça s’est montré avec parfois un côté un peu très critique, avec le côté un peu dérisoire des choses vis-à-vis de soi-même ou vis-à-vis des autres aussi à des fois. Mais même vis-à-vis de soi-même, de l’humour et ce dont on manquait par exemple, je crois certains autres camarades. Je ressentais pas ce côté humour, ce côté recul par rapport à des choses, savoir à des moments, même si paraît-il pour certain on apparaissait très sérieux, on était sérieux, mais en même temps, on se marrait !
Et cette dérision, vous l’évoquez surtout par rapport à vous-même, mais autrement, par rapport à l’institution scolaire, elle y était aussi ?
Oh, par rapport à l’institution scolaire, beaucoup de critiques par rapport à tout ce qu’ils pouvaient faire, par rapport au directeur de...du général de l’établissement, enfin de l’école qui était un vieux bonhomme en blouse grise, très bon, il y a eu beaucoup, beaucoup de moqueries par rapport... et puis très critique par rapport à l’organisation précédente avec le soutien des parents, par rapport à cette vision d’une pédagogie Freinet qui soit... par rapport à l’expérience même, ils étaient très critiques, très, très critiques par rapport à l’expérience même, hein. Alors, il y en avait dedans qui n’y était pas, qui étaient restés depuis le début, d’autres qui restaient parce qu’ils étaient venus sur l’école, ils trouvaient sympa, ils avaient trouvé leur place, mais ils n’étaient pas persuadés que la situation soit idéale par rapport à la pédagogie Freinet et puis il y en avait qui étaient partis à cause de ça et eux, ils ont été très critiques, tout de suite très critiques par rapport à ce qu’avait mis en classe S., ça c’est continué un an, jusqu’en 73 et puis je crois qu’en 74 , ils se sont arrangés pour que ça s’arrête !
En fait, ce que je n’ai pas compris, c’est qu’ils sont arrivés comme ça de l’extérieur ou ils...
Parce qu’il y en avait qui partaient.
Parce qu’il y en avait qui partaient et après ils sont restés en poste alors ?
Voilà, à la fin d’une année, en 72, il y a un couple qui est parti, donc il y avait deux postes qui se libéraient et eux ils ont choisi de monter. Ils se connaissaient tous les deux, ils n’étaient pas dans la même école, mais ils avaient travaillé ensemble, ils sont montés tous les deux pour constituer une équipe sur l’école, voilà. Ils voulaient travailler en équipe sur l’école, ils voulaient d’abord travailler tous les deux peut-être avec d’autres, mais bon, voilà.
Donc, d’accord, donc après vous, quand on reprend le cheminement, vous avez peut-être commencé à intégrer un peu le mouvement Freinet avec eux pendant...
Voilà, alors du coup, bon, bien c’est vrai, comment ça ce fait après, je suis... j’ai du travailler dans ma classe, on s’est pas rencontré... on n’avait pas la possibilité de se voir de classe à classe, donc moi, je me suis débrouillé dans mon coin, on discutait de temps en temps, on venait aux réunions, il y avait une réunion par semaine au groupe Freinet, donc il y avait une réunion de deux heures environ le vendredi.
Donc c’était le groupe de votre école ?
Le groupe de l’école se réunissait, il y avait des réunions d’équipes sur l’école du groupe Freinet, ce qui n’avait pas lieu du tout de l’autre côté, j’étais le seul maître du groupe, bon enfin, et donc, j’y allais et donc là, j’ai appris, il y avait des projets communs, on discutait de ce que l’on pouvait faire, le journal, je ne sais pas... des animations et puis eux, ils discutaient de la venue des normaliens, est-ce qu’on les accepte, est-ce qu’on les accepte pas, il y avait un certain nombre de choses qui venaient et puis ils m’ont invité aux réunions du groupe. C’était peut-être la deuxième année en 74 ou 75, je suis allé aux réunions du groupe.
Du groupe Freinet dont eux faisaient partie.
Du groupe Freinet dont eux, faisaient parte. Je suis venu au groupe Freinet. Bon, c’était très politisé à ce moment-là, le groupe d’ailleurs s’est divisé parce que il y avait une parité très politique. Le groupe pour dire à subit à ce moment là... il y avait eu des divisions là-dessus. O., c’est le gars qui était le sous-direct qui a fait, qui a tué les gens quand même. Donc, Olivier était prof dans un lycée, avait mené des pédagogies un peu ouvertes, et surtout avait semé la merde parce que c’était le gars du secours rouge, enfin, qui était très à l’extrême gauche, très... bon. Il avait foutu dehors un inspecteur et il était viré de l’Education Nationale, donc, il était venu voir le groupe Freinet pour être... il devait avoir un syndicat, etc. et le groupe l’avait soutenu, mais ça avait divisé le groupe ! Moi, je suis arrivé à une première réunion où il était là, et où il y avait des discutions, il était rentré dans une psycho qui travaillait l’I, enfin bon, je suis arrivé dans un groupe où il y avait des discussions politiques, mais où justement, il y avait des gens qui regrettaient, mais bon, où trop de politique et qui ne travaillaient pas la pédagogie et là, c’est les années où il y a eu des changements, où il y en a qui sont partis, parce que il y avait qui disait qu’on soutenait le débat entre l’esprit Freinet et le côté politique de Freinet et les techniques Freinet. Donc, des camardes qui trouvaient qu’on parlait pas assez dans les réunions de groupe de technique, qu’on parlait pas de pédagogie, qu’on parlait trop de chose trop, voilà ce que j’entends.
Et par rapport à la politique, (j’ouvre une petite parenthèse, vous disiez tout à l’heure cette idée d’idéal d’enfants par rapport à la politique c’était quoi à l’époque, c’était quoi les grandes idées par rapport à la politique) ?
Bien que la pédagogie Freinet formait les citoyens de demain pour une société socialiste, idéale, avec le grand mythe qui était derrière qui était quand même la Chine qui à ce moment-là n’était pas vécue comme Maoïsme, c’était pas se concéder derrière Mao. Même la révolution culturelle, il y en a qui y croyait, alors bon, tout en étant critique par rapport... aux cultes de la personnalité, encore ça c’est autre chose, mais il y avait pas de gars qui voulait refaire la même chose, mais il y avait quand même une sensibilité de gauche ou d’extrême gauche, hein, où il y avait des gens... il y avait quand même dans le groupe du Rhône, je ne sais pas si on était cent venus, mais dans d’autres groupes, il y a eu des groupes politiques qui sont venus, la ligue révolutionnaire qui est venue, qui a essayé de s’investir, disons qu’après 68, il y a eu plein de gens dont... alors, je ne sais pas, d’autres, vous en ont peut-être parlé, dans le mouvement Freinet, il y a beaucoup de gens qui sont arrivés, des réunions qui regroupaient autrefois des 50 personnes, entre 68 et 72, on regroupait jusqu’à 200 à 300 personnes, qui venaient, qui cherchaient des réponses à un certain nombre de choses. Où ils ne les ont pas eu ou ils sont restés, et il y a des gens qui sont venus sur des convictions éminemment politiques et il y en a qui ne sont pas restés, parce que la pédagogie Freinet c’est aussi très pragmatique et très pédagogie, mais il y en a qui sont restés. Dans le R., je ne crois pas, mais mes camarades étaient quand même une sensibilité de gauche, sensibilité plus, comme je l’ai dit, mais ils bon, c’était pas... ils n’avaient pas de carte, hein ! Les camarades avec qui j’ai travaillé, ils n’adhéraient pas à un parti politique, ils étaient critiques au sein du syndicat, ils étaient critiques au sein de l’école, ils étaient critiques au sein du groupe Freinet, voilà. Il y avait une sensibilité quand même et on défendait O., non pas parce que c’était un gars de l’extrême gauche, mais parce qu’il avait été attaqué par la hiérarchie, donc il y avait une... on privilégiait la lutte hiérarchique au... à la rigueur pédagogique quoi !
Et vous disiez donc, vous critiquiez à l’époque le fait que c’était trop politisé et justement qu’on s’impliquait pas assez dans la pédagogie et...
Il y avait deux tendances au sein du groupe. Le groupe à ce moment-là c’est un peu cassé. Il y en a qui sont repartis, les anciens entre guillemets sont repartis à l’OCCE, alors, ça s’est fait sur plusieurs années et puis, il y a un nouveau groupe qui s’est reformé autour de gens qui étaient plus des soixante-huitards, quoi.
l’OCCE c’est à dire ?
Office de la Coopération à l’Ecole, hein ! C’est à dire des coopératives scolaires, c’est une association où il y a plein de gens du mouvement Freinet, nous on y est, mais notre coopérative, pour gérer des sous, il faut qu’on soit affilié à la... c’était créé par P., quelqu’un de 1930, de la même génération que Freinet, mais qui lui, à voulu organiser les coopératives avec tout... avec la gestion par les enfants, etc. donc beaucoup au niveau des idées et tout ça, mais en fait, il y a beaucoup de gens qui sont allés au CCE parce que... disons que tout le monde... une majorité de classes allait au CCE pour pouvoir être couvert au point de vue financier, au point de vue assurance et puis, après, il y en a pas eu qui sont vraiment militants, et ceux qui sont venus au CCE, en fait, ils sont très proches de nous, hein. Donc là, il y en a qui sont partis plus là, parce qu’ils ont pensé que la pédagogie, elle se ferait là, et que nous on était trop politiques. Il y en a qui disent c’étaient des réformistes, alors que nous, on était des purs et durs de la pédagogie Freinet. C’était notre vision un peu, bon !
Vous, vous étiez plutôt dans le clan un peu politisé.
Ah oui, parce que j’étais avec mes camarades très, très critique par rapport à cela. Donc, mais moi, à ce moment-là, je ne l’ai pas ressenti comme ça, hein, moi j’ai marché avec eux et donc en fait, c’est après que le groupe s’est renforcé, c’est à dire que dans les années 76 on a relancé des stages départementaux qui ont permis de recréer un groupe départemental, enfin de relancer un groupe dont les principales personnes qui y étaient à ce moment-là y sont encore, c’est à dire que ça fait vingt ans que sur le groupe du R., on a une ossature qui existe.
Et les autres, qu’est-ce qu’ils sont devenus ?
Bien, les gens, soit ils sont impliqués à l’OCCE, soit personnellement, il y en a qui sont devenus conseillers pédagogiques ou ont amenés des choses, soit il y en a qui ont continué à nous suivre un moment, hein, soit il y en a qui ont... alors il y a plein de gens qui ont continué à faire de la pédagogie Freinet, mais qui ne participaient plus à l’institut coopératif d’école moderne, hein, à la coopération. Et nous... moi étant venu de... ayant travaillé avec des gens qui privilégiaient l’équipe, on avait tendance à privilégier c’est sûr le côté coopératif. Alors, en plus dans les années 75, on a rencontré des gens sur Vaux en Velin qui eux, étaient venus à la pédagogie Freinet non pas par conviction, mais en cherchant des réponses à leurs problèmes dans la zone où ils travaillaient. Donc qui on s’est retrouvé... Enfin, moi, je n’y étais pas, qui ont retrouvé des copains de La Gravière dans une réunion et ils se sont aperçus qu’ils cherchaient dans des voies parallèles. Donc, il y a eu une union, il y a eu du travail ensemble et ensuite le groupe s’est constitué un peu à partir... en partie à partir de ça.
Oui, oui, alors ça, c’était en 75 vous disiez.
Oui, en 75. Je reviens là-dessus, parce que c’est vrai que si la PNJ c’est une... dans le gros on a une conception de la PNJ Freinet c’est vrai qu’elle est particulière, très coopérative, je crois, très, très basée beaucoup sur les équipes, sur le partage, sur les réseaux, sur le groupe et je pense que c’est très important, je pense qu’il faut à la fois qu’il y ait une personnalité. Moi, j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités qui ont permis la liberté, qui avaient du recul sur elles-mêmes sans doute, du recul sur les choses, qui savaient se moquer... qui ne se prenait pas trop au sérieux quand même, même s’il y a des moments où c’est un peu trop pris, et que certains provoquaient un peu des cassures, mais voilà, c’était quand même un peu ça et je crois que si le groupe il continue, c’est parce que nous dans notre... je ne sais pas si d’autres militants l’ont évoqué, dans certains groupes départementaux, parce qu’au début j’ai beaucoup fréquenté l’union nationale, il y avait des personnalités beaucoup trop fortes, qui ont étouffé les nouveaux et qui les ont empêché de se développer ce qui fait que les groupes ils regardaient machin, il y avait cent machins qui avaient la parole et la personne qui oserait critiquer ça, qui avait une autre vision de la pédagogie Freinet, qui... parce qu’il y en a plusieurs, hein. Selon l’endroit où l’on est, on ne peut pas avoir la même, hein, on pouvait pas se permettre. Nous on a eu la chance de pouvoir se rencontrer parce qu’on a vidé les autres, ils sont partis plutôt.
Donc la coopérative, le partage entre vous , donc ça dure tout le temps, c’est-à -dire que vous continuez à vous voir en groupes et à échanger vos idées et à travailler en équipes.
Il y en a qui travaillent en équipe sur certaines écoles, hein, c’est le rôle de plusieurs écoles de travailler en équipes. Trois, une équipe en primaire sur V, deux équipes en maternelle. On a eu pendant longtemps une équipe en I.. donc en I... et puis autrement, bien les gens sont isolés, il y en a qui sont par deux, qui travaillent ensemble, mais surtout on a des réseaux, on a un travail, on a des réunions communes, on a un journal, un bulletin, on a un bulletin, on a des réunions une fois par mois qui sont pas strictement pédagogiques, hein, mais on a des secteurs de travail, maternelle, enseignement spécialisé. Il y a un travail d’équipe qui se fait, il y a des réseaux, il y a des formations, on a des week-ends, on a des stages en été tous les deux ans, donc là, il y a un renouvellement des gens du groupe. Là, il y a un travail d’équipe important qui continue à se faire, voilà.
Donc là, vous étiez en 75. Alors reprenons. Actuellement vous êtes enseignant en fait en quelle classe ? Est-ce que vous voulez en parler ? Cette pédagogie, vous la pratiquez depuis combien de temps ? Est-ce que vous avez changé de classe depuis 75 jusqu’à maintenant ? Comment pour vous personnellement, sans parler du groupe maintenant !
D’accord. Alors moi, j’ai changé... souvent de classe, de par l’optique qu’on avait prise... j’ai accepté des classes de différents niveaux. J’ai pris différents niveaux de classe sous la même école. Je suis resté dix-neuf ans sous la même école. Donc, là, j’ai pris des classes de différents niveaux, des classes où souvent.... Ce que j’ai du mettre en place dans mon travail, c’est pas mal de travail individualisé, personnalisé ou personnel, donc beaucoup avec du travail avec des fichiers. Bon moi, je suis un peu là-dessus. J’ai développé plus le côté parole dans la pédagogie Freinet, le côté... donc les conseils, les moments de présentation des travaux, les moments d’échange. Il y a ça qui est très en place. Je suis très bavard, mais je laisse aussi beaucoup la parole aux enfants, donc l’expression écrite autour de la correspondance, autour de textes libres ou pas libres, parce qu’au moment ou j’utilise le mot autour de l’expression écrite, donc beaucoup de situations comme ça, par contre, j’évite de tomber dans le privé parce que je suis pas par rapport... j’ai toujours travaillé dans des banlieues avec des classes chargées, 25 et bien plus, 30 - 35 et parfois pas de.... dans la classe, pas de possibilité du... dans la classe, donc des classes, même s’il y avait des travaux en groupe, des classes en groupes, mais pas forcément l’espace pour constituer des ateliers, mais par contre en utilisant les lieux autres dans l’école, c’est à dire A B C D des salles de travaux manuels qu’on avait pu mettre en place, donc quand même des possibilités de ce côté-là, donc voilà, j’ai travaillé à différents niveaux, j’ai accepté beaucoup de doubles classes, hein, parce que c’est quelque chose qui n’est pas toujours apprécié, moi avec ma formule individualisée je passe au moins une partie du temps où l’enfant, il n’a pas besoin de... quel que soit son niveau, il peut avancer sur un cliché s’il veut, mettre un fichier, c’est plus facile pour certain, plus difficile pour d’autres, etc. voilà, donc j’ai changé de niveau de poste à ce moment-là.
Et là, actuellement vous êtes en ?
Je suis en CM 1 - CM 2, sur un temps plein.
Et donc, vous vous dites là, encore maintenant, vous dites bien enseignant Freinet ?
Alors, moi, je fais partie... longtemps, on se disait pas enseignant Freinet, on n’osait pas dire, on ne voulait pas dire Freinet. Depuis, j’ai appris que même Freinet c’est une mythique, il y a certains copains qui l’ont connu, ils disent que Freinet il disait il avait jamais ....Freinet qu’à 50 %, hein, c’est à dire que entre ce qu’il écrivait, il y a des fois des choses...il y avait aussi des moments... ça relativise un certain nombre de choses aussi malgré tout. Il a toujours dit aussi qu’avant de commencer les choses, il fallait bien assurer ses prises avant de monter, que bon, voilà, un certain nombre de choses qui sont importantes pour voir la solution. Si les gens me disent mais ce que vous faites, j’en ai entendu parlé et ma belle-soeur m’a dit que vous faisiez de la pédagogie Freinet et tout ce que faisait les enfants. Je dis oui, en effet je pratique le groupe Freinet. Bon, il y en a qui le savent, mais je suis pas venu justement dans l’école, on avait trop une étiquette dans l’école précédente, puisque ça datait de 68, même si ça s’était arrêté, etc. puisqu’on savait qu’officiellement on n’avait plus voulu...les étudiants de l’école normale, on avait fait tombé ce côté là. Ici, bon, je suis un instit comme les autres, j’y tiens et moi je tiens à cette banalisation de la pédagogie Freinet, c’est-à-dire que on est des pédagos comme les autres, tout simplement, nous on se revendique d’une pédagogie qui a un courant de pensée qui a un certain nombre de convictions, respect de l’enfant, mise en place de techniques pour le faire avancer, l’enfant une personne. Bon, ce qui revient un peu dans le texte de... J sur l’éducation qu’il y a eu, sauf que pour un certain nombre de choses, c’est encore nous qui pratiquons et qu’on n’est pas nombreux à le pratiquer ! Enfin, c’est notre conviction. C’est-à-dire que entre les discours et la réalité, on est peu à... Et là, il y a eu des articles contre l’enseignement... contre les enseignements modernes, etc... les accusant de... qu’ils soient la cause après de violence et de la dégénérescence de société, alors qu’on sait très bien qu’il y a, à peu près 15 % d’enseignants qui pratiquent des pédagogies.... en gros, parce que je suis pas non plus... c’est pas tout blanc ou tout noir, mais, voilà.
Oui, et par rapport à... justement, il faudrait là, qu’on revienne justement sur ces convictions. Vous les avez nommées : respect de l’enfant, l’enfant comme un personne, travailler à la personnalisation, l’individualisation, la parole, l’échange, l’expression libre, etc. Est-ce que vous pourriez reprendre un petit peu tout ça, c’est--à-dire au fond, faire un peu la synthèse (c’est difficile) mais quelles sont vos convictions par rapport à l’enfant que vous voulez promouvoir, quitte à prendre quelques exemples dans votre classe ou reparler de ça. Alors, moi je veux bien qu’on prenne peut-être chaque chose que vous avez dit ou comme ça, je ne sais pas ? Vous parlez par exemple du respect de l’enfant.
Alors, le respect de l’enfant... c’est déjà le respect.... le respect de l’enfant c’est considérer non pas... c’est la place de l’enseignant par rapport à l’enfant. C’est-à-dire l’enseignant c’est pas celui qui sait tout, hein et puis l’enfant c’est celui qui vient se faire... donc ça c’est un peu les choses qu’on répète mais c’est bien de les redire, donc c’est l’idée que bon, bien c’est l’enfant qui va apprendre et que l’enseignant il est là pour l’aider. C’est l’enfant qui apprend, hein ! Donc, il est pour l’aider, lui donner des informations ou l’aider à canaliser ces informations. L’enseignant, il est là pour l’aider à apprendre, mais pas l’enseigner, voilà ! Nous on parle par exemple ; je pense que quand on parle, on parle. Les enfants de notre classe ne parlent pas des élèves d’une autre classe. C’est très rare qu’on emploie le mot élève, hein. On peut l’employer hein, chez mes élèves, souvent on dit... je pense que... il y en a d’autres qui pensent comme ça ! Il me semble que c’est quelque chose... de toujours parler de l’enfant, pas d’un élève, l’élève machin, élève truc. Donc, il y a cela, celui qui apprend, donc essayer de mettre en place les structures pour qu’il puisse apprendre, donc organiser la classe ou organiser les temps de classe pour qu’il apprenne. Lui donner des outils pour qu’il apprenne, pour qu’il structure plus tard, plutôt que de vouloir tout lui donner. Alors les outils, c’est par exemple lui donner des revues ou des livres qui soient à sa portée ou pas forcément, mais les aider à s’y retrouver, donc à savoir des choses très simples. Savoir respecter l’enfant c’est savoir plutôt lui apprendre à utiliser le dictionnaire plutôt qu’à etc. Le respect de l’enfant c’est lui donner un certain nombre de libertés, hein pas toutes.
Par exemple le libre pipi. La liberté d’aller faire pipi quand il en a envie. Bon, ça veut pas dire qu’il parte n’importe quand ! Mais dans un certain nombre de règles, qu’il puisse y aller, donc c’est respecter les droits des enfants, on est des militants des droits des enfants, donc un certain nombre de droits. Le respect c’est le droit à la parole, c’est-à-dire qu’il puisse se faire entendre, alors pas besoin de... le cadre, mais qu’au moins sa parole puisse être entendue, alors une certaine parole, c’est pas dire toutes les paroles, parce qu’ils sont pas obligés de tout dire non plus, il y a des choses qu’ils peuvent garder ! Il peut y avoir aussi des choses qui ne se disent pas, il peut y avoir des blocs qui peuvent se faire, il peut y avoir des allées ou des retours, des avancées ou des reculs, hein, on est pas comme ça. Par exemple le respect de l’enfant ça peut être aussi la mise en place d’un conseil, de parler. L’enfant, il doit pouvoir se défendre s’il est attaqué par un autre, il va pouvoir dire les critiques qu’il a à dire, voilà, ou il doit pouvoir présenter un objet qu’il a ramené de chez lui, si c’est pour les plus petits par exemple et auquel il tient, le présenter aux autres, dire pourquoi il l’aime bien, présenter... parler de ce qu’il a fait, parler aussi de sa famille quand il parle à son correspondant, lui expliquer comment ça se passe, ça peut être... le respect de l’enfant en ce sens que... tout enfant en soi à une certaine richesse, qu’il y en a qui sont beaucoup plus en difficulté et pour lesquels on ne peut pas faire grand chose, parce qu’il y a plein de choses qui ne dépendent pas de nous, mais qu’au moins dans le cadre de la classe qu’on essaie que chacun ait sa place. C’est pour ça qu’on croit à l’hétérogénéité, c’est-à-dire qu’il faut pas forcément qu’il y ait les mêmes... tous les enfants soient au même niveau.
L’hétérogénéité, c’est-à-dire ?
C’est-à-dire qu’il n’y ait pas des classes de niveaux, il y a les bons d’un côté, les moins bons de l’autre, hein. C’est l’idée aussi que dans la classe, il y en a toujours qui vont être plus avancés sur certaines choses et puis d’autres moins avancés pour certaines autres et c’est l’idée aussi que plus tôt, en général, quand on sait eh bien on aide celui qui sait et celui qui ne sait pas. Alors, c’est pas pour tout, il y a des moments où moi, je leur demande des contrôles qui soient individuels, mais on va privilégier aussi le travail de groupes. Il y a des moments où on puisse s’aider sur certaines notions. Il y en a un qui avait aidé le copain, parce qu’untel a pas compris, demander et se faire aider, donc, il y a pleins de choses comme ça. Voilà.
Qu’il se sente exister, qu’il ait sa place, vous avez dit en fait, qu’il ait sa place dans le groupe en même temps.
Voilà, que chacun puisse être reconnu sur quelque chose. Alors, il y en a il sont plus reconnus, parce qu’ils sont capables de se débrouiller au niveau sport, ils sont mis en valeur, ou en peinture ou en dessin. On participe. S’il y a un journal à faire... Quand on fait un petit journal, il y en a un qui a fait un texte, bon, bien son texte il est choisi ou etc. Il y en a un autre s’il écrit, il va lui proposer de... bon, bien j’ai des enfants par exemple qui se propose pour aller taper le texte chez eux à l’ordinateur. On peut taper ici, mais il y a une règle, si on n’a pas le temps ici, on propose s’il n’y a pas d’atelier qui puisse le faire, il propose d’aller le taper le soir, il y en a un qui va dessiner, il y en a qui se baladent parfois pour aller se faire faire un dessin par un copain, alors parfois la ballade, il faut intervenir ! pour aller se faire régler... par exemple quand ils font des exercices, des fois ils en font à deux systématiquement. Par exemple, j’ai des exercices que je fais faire à deux, ils peuvent travailler à deux. Quand ils travaillent sur un projet, pour préparer un petit exposé ou une petite exposition ou quelque chose comme ça, ils vont travailler à plusieurs, en groupe, donc c’est là qu’il y a des situations d’entraide qui sont importantes.
Ca rejoint un petit peu ce que vous disiez tout à l’heure sur... que c’était l’enfant en fait et pas l’élève. L’enfant !
L’enfant, voilà ! Je crois que c’est un enfant, c’est des enfants qu’on voit devant nous, on essaie de voir... Moi, j’essaie de voir leur personnalité, rencontrer les parents pour savoir préciser les choses s’il y en a qui ont des difficultés. Essayer de positiver les choses, on voit les choses de façon positive, ça se fait aussi même parfois, pas pour tout, même dans les sports de réussite, on va positiver en notant pas le nombre d’erreurs, mais en notant le pourcentage de réussite par exemple, hein etc. ou des choses comme ça. Positiver l’adhésion ; quand on voit les parents, parfois il y en a certains parfois, il faut les alerter, ça arrive aussi, il y en a au contraire il faut montrer que l’enfant il a des qualités, donc c’est mettre en avant plus les qualités que les défauts, je crois que c’est une vision qu’on a qui est importante, hein ! On les connaît entre nous on va dire oh machin on en a marre, mais dans la vie de tous les jours, on va essayer de mettre en place des choses quand même on est des gens... on n’est pas fait en fer, hein, on n’est pas des surhommes, donc... mais, il y a ça. Par exemple, c’est de mettre aussi... c’est permettre aux enfants d’apprendre à s’écouter entre eux, à se respecter, à se donner la parole. On donne beaucoup de formations à la vie sociale. C’est-à-dire que dans le groupe, ils vont apprendre... à tour de rôle, il vont avoir des petits services, même chez les tout petits, hein, ils vont avoir des petits... je parle de ça, parce que j’ai préparé une intervention pour ce soir pour essayer de dire à tous les niveaux où ça pouvait se situer, mais donc, ils ont des services où ils sont reconnus, ils ont des responsabilités. C’est toi qui est responsable d’aller porter les cahiers, d’aller dans les autres classes, donc il y a des responsabilités qu’on a à tenir. A travers ces petites responsabilités, c’est soi-même qu’on construit. On donne la parole aussi aux autres, alors il y a les moments de réunions de gestion, plus d’école, de la classe où on parle des lois, des choses comme ça. Là, ça va être plutôt sur l’élection, on va voter, apprendre à faire des choix et à voter pour certains camarades qui nous représentent. Nous on a par exemple le conseil municipal d’enfants, donc il y en a qui se sont présentés au conseil municipal d’enfants (tout le monde n’y est pas) et puis chacun son tour on va avoir l’occasion par exemple quand on présente les textes, quand on présente les poésies, quand on présente des livres, il y en a à chaque fois qui vient et qui donne la parole, donc il y a un certain rituel et on apprend à donner la parole, c’est à toi, qui veut présenter une poésie, alors tu peux venir, qui est-ce qui a des questions, qui est-ce qui a des critiques à faire ? Qui a des commentaires ? On apprend tout cela et après seulement, eh bien c’est sûr il a des petites choses très simples qui apprennent aux enfants à se sentir plus à l’aise, à s’exprimer, par exemple. C’est un petit exemple...
Oui, tout à fait, oui.
Qui me vient à l’idée comme ça, mais...
Oui, donc en fait, on était parti tout à l’heure à la fois sur la façon dont vous voyez l’enfant et votre rôle et j’aimerais bien qu’on reprenne un petit peu cet aspect... prenons par rapport à la façon dont vous voyez l’enfant, mais vous en avez déjà parlé, mais quel regard vous avez dit positif, ça c’est plus dans votre rôle, mais quel regard vous avez justement sur l’enfant, finalement. Si on essaie de creuser un petit peu. Comment vous voyez cet enfant-là ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Alors, chaque enfant est différent.
Même s’il peut y avoir des contradictions.
Chaque enfant est différent, donc déjà, c’est voir que... et à la fois, il faut réagir face à un groupe.
Voir la différence et en même temps.
Voir la différence et m’obliger de jouer par rapport à un groupe d’enfants, hein. C’est aussi leur donner... je ne suis pas très... je ne suis pas comme ça. La pédagogie Freinet, elle est très dialectique, c’est-à-dire qu’il y a une chose et qu’il y en a une autre aussi et si on respecte l’enfant c’est parce qu’à la fois il faut que le maître ait mis les conditions pour que ça se fasse, hein ! Bon le conseil, il ne se fait pas comme ça. Il tombe pas comme ça dans la classe. On va pas dire ah bien, tiens on fait le conseil, non. Ca se met en place tout doucement, les structures se mettent en place doucement.
Oui.
Alors, ma vision de l’enfant ? Je n’ai pas de vision de l’enfant et tant que tel ou alors une vision de l’enfant idéal ou quoi ? On se situe dans la tradition Rousseauïste hein. On est plus près de l’idée comme ça. Moi je dirais on voit l’enfant comme Rousseau, on voit l’enfant qui se construit et c’est ce que j’ai dit tout à l’heure, l’enfant c’est lui qui se construit, c’est lui qui va apprendre donc, on sait qu’on est là, mais un petit homme, on fait de l’éducation, on participe à l’éducation et pas à l’enseignement, moi je crois que c’est notre conviction quand même. Je ne sais pas si c’est écrit dans les textes, mais ça a toujours été quand même quelque chose dans la pédagogie Freinet.
C’est peut-être des choses différentes de ce que d’autres militants Freinet pourront dire, hein, parce qu’on a tous des situations, on a tous vécu très différent, ça j’en suis persuadé ! Donc, pour l’enfant, c’est pareil. Donc, l’enfant il arrive avec son vécu familial, avec son appétit face à l’école, avec ses problèmes physiques, psychologiques, etc. donc bien ça, c’est tout des choses à prendre en compte. Ce qu’on essaie de prendre en compte, je peux voir et puis qu’on essaie de faire progresser. Alors, moi j’ai pas une vision... Alors je crois... enfin, j’ai confiance dans l’enfant. J’ai tendance à avoir confiance dans l’enfant et dans son avenir et je pense que c’est pas que l’école qui va créer l’avenir de l’enfant. Ca c’est une grande conviction. Je pense que l’école elle a un rôle certain, que l’influence... ça a de l’influence, mais qu’il y a plein d’autres influences qui jouent et que l’enfant aussi, il... enfin l’adulte, le futur adulte, il se construit à travers plein d’expériences qu’il peut avoir dans l’école, mais aussi hors de l’école, heureusement.
Donc, l’école elle n’est pas le seul moyen de salut et ça c’est quelque chose de très important et puis par rapport à l’enfant aussi. L’enfant est une personne et moi je pense que dans la pédagogie Freinet, on privilégie... l’annoncée de l’enfant par rapport à lui-même que par rapport à des normes. Bon, on est tenu un peu par les programmes, mais les programmes, c’est quelque chose qui est indicatif et donc... je vis prendre un exemple par rapport à un petit C.P. aux enfants. Où en sont vos enfants ? Où ils en sont en lecture ? Moi j’ai jamais pu réponde de façon précise. Alors, comme je disais à mes collègues, si vous voulez savoir combien de sons j’ai étudié, je peux à la rigueur vous dire ceux qu’on a rencontré, parce que je ne les ai pas étudié temps par temps, mais il y a des enfants qui sont déjà arrivé à lire des petits livres de 20 pages, d’autres qui déchiffrent et d’autres qui vont jusqu’à seulement dominer certains mots, dominer un texte plutôt que déchiffrer, parce que je n’ai pas travaillé sur le déchiffrage. Donc, c’est difficile de toujours situer les choses. Donc on est plutôt sur l’avancée de l’enfant par rapport à lui-même, donc c’est une stratégie qui est difficilement mesurable et puis on enferme les personnes futures et moi je pense qu’il est plus important pour quelqu’un de réussi sa vie que de réussir sa scolarité. Et que c’est pas forcément parce qu’on a pas réussi complètement sa scolarité, encore que ça dépend aussi des motivations et des ambitions des parents, hein, qu’on rate sa vie ! Et au contraire, il y en a qui peuvent avoir très bien réussi leur scolarité, même supérieures, pour finalement pas forcément réussir leur vie, hein ! Donc, je pense que nous, on est là pour aider les enfants à avancer par rapport à eux-mêmes et donc... pas seulement réussir leur vie scolaire.
C’est ça, donc vous dites à plusieurs reprises vous avez dit... l’enfant... en faire une personne pour le futur. En fait, qu’est ce que vous pensez de l’idée de cette personne pour le futur ?
Quelqu’un qui plus tard soit... à l’aise avec lui-même, ce sont des mômes, ça c’est simple. A l’aise avec les autres, qu’ils puissent avoir des rapports humains assez faciles, qui se trouvent un boulot qui lui permette sinon de s’épanouir, au moins de vivre de façon descente, qu’il soit un futur démocrate, qui respecte les autres sans forcément les aimer... encore que le mot amour, même Freinet le prononçait... Qu’il travaille pour l’éducation à la paix, enfin quelque chose comme ça, voilà. C’est que plus tard, il soit un bon citoyen, mais pas au sens respecter simplement les lois ou la patrie, mais qu’il puisse prendre lui-même... soutenir ses propres convictions, voilà et pouvoir... dans la classe aussi, pour l’enfant c’est avoir du désir pour apprendre et ça c’est important. Il y a des gamins quand même qu’on a récupéré. Bon, des fois, on nous en a refilé qui étaient en mauvais état, mais on a quand même récupéré. Alors, ça veut pas dire qu’on récupère... Sur une autre école, précédemment, on prenait des gamins qui avaient d’énormes difficultés psychologiques et tout ça. C’est ce qui se passe dans les écoles un peu parallèles Montessori, etc. Ils sont obligés de négocier pour ne pas en avoir trop, parce que bon, à ce moment-là l’école, elle n’est plus hétérogène puisque si j’ai trop de cas psychologiques... enfin bon, voilà ! Donc voilà, pour l’enfant, je ne lui demande pas plus tard... alors je sais qu’il y avait des espérances un moment, il y en a qui regrettaient, ha, ha, ha...
Il y avait des vieux militants Freinet en même temps qui regrettaient qu’après tel gamin qu’ils avaient formé, il soit allé travaillé plus avec la paroisse qu’avec les syndicats, mais bon, c’est à chacun après de faire sa vie en fonction des choses, hein. Personnellement, c’est vrai que des anciens élèves qui finissent à l’armée, c’est vrai que ça me choquera peut-être un peu, encore que maintenant notre armée française, faisant plutôt un jeu de tampon, peut être vécue de façon plus positive, mais enfin, bon tiens, ça aussi c’était une de mes convictions, on était antimilitaristes ! Ca va dans va dans la hiérarchie évidemment. Ca, c’est sous le drapeau noir, quoi ! Mais donc plus... Mais moi, je... alors c’est vrai que en classe on va développer... on va permettre des textes d’enfants qui peuvent être des textes politiques entre guillemets, comme certains le font remarquer, par exemple : le racisme, s’il y en a un qui fait un texte en attaquant les autres sur le plan du racisme, bon bien, on permettra aux autres de répondre ! Si jamais il y en avait un qui... Bon, ça ne se fait pas, parce qu’ils sentent un certains nombre de convictions qui passent. Mais, à la fois, s’il y a des choses qui se passent, s’il y a des injures qui se profèrent, on va... je rappelle la loi française aussi, hein ! C’est important de faire savoir les lois de la république qui agissent d’abord celles de l’école avant de faire savoir celles de l’école et celles de la classe, hein ! Bon, ça c’est sur le plan des lois. Mais c’est aussi un respect de l’enfant de lui faire connaître les lois. Ses droits, ses devoirs qu’il doit avoir dans une école. Donc nous on va essayer d’expliciter les lois. C’est pour ça que dans l’instruction civique (mais ça c’est autre choses) moi je suis privilégié à C. pour faire faire de l’instruction civique que d’en apprendre. Ca c’est encore une annexe !
D’accord. C’est sûr qu’il y a eu plein de choses qui ont été dites, là, d’intéressantes par rapport à votre idée d’enfants. Dans votre rôle, vous avez dit c’est pas justement un rôle d’enseignement stricte, mais on revendique finalement d’être des éducateurs. On a envie de faire de l’éducation. Alors, c’est ça que je voudrais encore creuser, revenir. En faitele programme, d’accord, mais je ne suis pas simplement enseignant, je suis éducateur en fait, hein. Alors, qu’est-ce que vous êtes et qu’est-ce que vous cherchez finalement à faire passer ? C’est quoi ça ?
Bien on est éducateur dans le sens où on met en place des structures qui doivent permettre à l’enfant... Bon, bien on est éducateur dans le sens où en apprenant à l’enfant à lire et à écrire, à s’exprimer par écrit, on lui donne des armes pour se construire lui-même parce qu’en même temps qu’il écrit... ou par exemple c’est frappant pour les petits... de la même manière qu’un bébé c’est en parlant qu’il apprend à parler et c’est en marchant qu’il apprend à marcher, de la même manière, un enfant c’est en écrivant et en lisant qu’il apprend à lire et à écrire, hein ! Bon alors, moi j’ai des plus grands maintenant, alors j’ai moins d’exemples comme ça, mais on sait qu’à travers les textes écrits des enfants, ils se construisent eux-mêmes. Je vais prendre un exemple personnel : mon fils, quand il était en grande section de maternelle et après en C.P., ils avaient leur cahier avec leurs dessins et ils dessinaient et ensuite... au début, ils faisaient dicter à la maîtresse la phrase qu’ils devaient symboliser le dessin et petit à petit, ils mettaient les mots qu’ils connaissaient, etc. et pendant toute une année, ou une partie de l’année, il a vécu... il a écrit l’histoire de la caravane qui se promenait...(je ne sais pas pourquoi d’ailleurs) de pays en pays, d’endroit en endroit, et après c’était la péniche qui se déplaçait d’un endroit... C’est une construction à travers les dessins qu’il faisait, à travers la reconnaissance aussi qu’avaient les autres quand il faisait des dessins humoristiques. Il s’est construit une personnalité.... c’est vrai que c’est un futur humoriste... et c’est à travers ça que je pense qu’on fait de l’éducation, parce que l’enfant se construit lui-même. Là où il se construit aussi, c’est quand on met du travail individualisé, on lui donne le choix de s’organiser sur un certain nombre d’activités ou de choisir l’ordre où ils vont les faire, donc ils vont apprendre à organiser leur travail. Education dans le sens où il y en a que d’anciens élèves me disent ce que j’ai retenu c’est justement l’organisation du travail, il y en a qui me disent ce que j’ai retenu, c’est que j’ai appris beaucoup plus ou des parents qui me disent ah bien notre fils, il sait beaucoup mieux, dans votre classe, il a appris à s’exprimer, à s’épanouir, à prendre la parole.
C’est vrai que moi, j’ai connu des collègues qui ont pris des enfants en C. P. qui n’avaient jamais dit un mot en classe de toute la scolarité et qu’à la fin du C.P. parlaient beaucoup plus librement en classe, sans avoir complètement maîtrisé leur timidité, mais qui étaient capables quand même de faire ça, donc, il y a le côté parole, le côté écrit qui permet d’avoir des armes pour plus tard, le côté social dont je parlais, qui permet de s’affronter aux autres, de s’adapter. Je panse que c’est des choses importantes et puis on est éducateur dans le sens où on leur donne des choses qui sont dans le programme ou pas dans le programme, mais on leur donne des... qu’on leur permet par exemple de s’exprimer, de bâtir un sujet. Il y en a un qui veut parler de l’Arménie... il va bâtir son truc sur l’Arménie, qu’on lui donne les éléments pour le bâtir, bien, ça lui apprend à parler de ses racines, certainement parce qu’il les recherche ou d’autres parlent des animaux qui les passionnent, à organiser son travail, à organiser sa pensée, donc à bâtir un certain nombre de choses. On est éducateur dans le sens où ils apprennent aussi à se tolérer les uns les autres, à s’accepter, à accepter leurs différences plus ou moins bien, plus ou moins facilement, plus ou moins difficilement, c’est tout un tas de choses qui sont dans le domaine éducatif, hein ! Si on peut développer le côté artistique, c’en est un, quoi que chez moi c’est pas le cas. Le côté recherche aussi, je suis très passionné par le côté documentation, puisque je ne sais pas si je vous l’ai évoqué par téléphone, mais ma conviction m’a quand même amené pour .... à prendre pendant six ans, j’ai été ’demi’ au service de l’ICEM, hein pour faire les revues BTJ. Ca veut dire quand même... Ca veut dire que mes convictions étaient suffisamment établies pour pouvoir quand même passer beaucoup de temps sur la pédagogie Freinet.
Vous dites que vous étiez ’demi ’... ?
Demis ’mis à disposition’, ca veut dire à mi temps j’étais à mi temps pour l’Education Nationale et à mi temps je m’occupais de la revue BTJ, la revue pour enfants et puis à mi-temps, je faisais la classe.
D’accord. Sur L?
Sur L. Au niveau national, c’est-à-dire que je travaillais sur Lyon, mais il fallait que je descende à la maison d’édition, il fallait que j’aille aux réunions nationales, etc. Ca implique quand même...
Et à l’époque donc, puisque vous évoquez ça, on peut le prendre, même s’il faudra qu’on revienne... En fait, ça correspondait à quelle conviction pour vous de prendre cette responsabilité ?
Bien un travail d’équipe entre enseignants et que j’avais déjà fait. J’ai été dans des groupes nationaux aussi, dans des groupes départementaux et nationaux, donc j’étais dans ce secteur de travail et dont les camarades précédents s’en allant, il fallait continuer le... ça.
C’est ça. Par rapport au journal lui-même ou par rapport à l’aspect documentaire ?
Aspect documentation.
Qu’est ce qui vous... plaisait là-dedans ?
Bien, c’est l’idée que ce sont des revues qui sont adaptées au niveau des enfants. Alors, maintenant, il y en a d’autres qui sont pas mal, qui sont bien parfois, mais c’est vraiment adapté au niveau des enfants. En plus, les critiques qu’on a actuellement sur la façon de faire. Ca c’est pas simple, parce qu’il y en a qui ont des missions un peu égarées, même avec les pédagos, les pédagos Freinet, les anciens qui dirigent les maisons d’édition, on peut avoir des distensions entre nous et des désaccords, des choix différents, mais voilà, sur le côté documentaire, parce que je pense qu’à travers la documentation... enfin Freinet, s’il a créé des DT c’était un moment où il n’y avait pas de journaux adaptés, de livres adaptés pour les enfants. Il y avait soit le manuel scolaire, soit des livres d’un niveau beaucoup trop élevé, hein, pour lesquels il fallait un médiateur, donc c’était la volonté de créer des revues où l’enfant puisse travailler de façon libre. Donc, c’est toujours dans cette même optique de l’autonomie de l’enfant, de liberté, d’ouverture de ..... Donc la documentation, c’est une source pour s’informer sur le monde, sur les réalités physiques aussi, sur la science et pouvoir en faire profiter les autres aussi et aussi pour soi-même.
Et qu’est-ce qu’il y a d’original finalement pour vous dans ces DT par rapport aux manuels scolaires traditionnels où les choses sont trop élevées, et c’est quoi l’originalité de votre point de vue ? L’intérêt ?
C’est qu’avec une un enfant est capable de se débrouiller ! C’est tout bête, hein.
Est-ce qu’on peut prendre quelques exemples ?
C’est-à-dire que sur un sujet... il veut faire un sujet sur un animal qui s’appelle le lynx par exemple, il peut prendre la BTJ et il peut la pomper carrément et être capable même en ayant pompé strictement le livre, la petite revue, d’expliquer ce qu’il y avait dedans, alors que les enfants qui peuvent prendre d’autres types de revues, ou d’encyclopédies, s’ils ne sont pas capables de maîtriser, ils vont repomper la même chose, mais ils ne seront pas capables d’expliquer ce qu’il y a. Ensuite, c’est une revue qui a un plan assez... c’est suivi, c’est découpé par doubles pages, etc. donc ça permet à l’enfant de se structurer quand même dans l’organisation. Après, il peut prendre modèle. Même si par exemple, il a choisi le lynx ou je ne sais pas quoi, s’il veut rajouter des éléments ou prendre d’autres éléments ailleurs, il peut prendre quand même un modèle de plan là-dessus qui lui permet de dire en gros les choses essentielles et de structurer son esprit et son futur exposé. Voilà, moi, c’est un peu ma grosse conviction, hein
C’est ça et donc, la première conviction, c’est expliquer ce qu’il y a dedans. Je vois bien ce que vous voulez dire quand vous faites ça, ça veut dire quoi ? Est-ce que vous pouvez me le dire ? Expliquer ce qu’il y a dedans et il est capable de lire et de comprendre, c’est à dire ?
Lire et comprendre, c’est-à-dire qu’il va pouvoir parler de la disparition du lynx et si par exemple il va dire un mot... je ne sais pas... par exemple il va parler d’un... c’est le mot qui me vient, hein. Il va parler de la prolifération de petits rongeurs, du rôle du lynx, eh bien si les autres ils disent mais prolifération, qu’est-ce que ça veut dire, eh bien il va pouvoir expliquer que c’est... que ça veut dire que s’il n’y a plus de lynx, tous les petits rongeurs, ils vont continuer à s’accoupler et à s’agrandir et il y en aura plein. Ca il sera capable de l’expliquer parce qu’il aura vu un schéma à travers qu’il aura lu normalement (si c’est bien fait) une petite astérisque qui le renverra à ça et qu’on aura pas employé prolifération d’ailleurs, mais que le concept, lui aura été accepté à l’intérieur et ça c’est...
La question par rapport à l’enfant, finalement la façon dont vous le voyez, etc. on a pas mal parlé de ça puis autrement votre... position d’éducateur plutôt que d’enseignant... faudrait peut-être qu’on reparle de ça, c’est-à-dire... même si on a déjà beaucoup parlé. Donc comment vous voyez cet enfant ? Et puis ce programme, et puis en même temps vos idées pour l’enfant, comment vous, vous vous situez ? Comment vous vous qualifieriez, si vous aviez un mot à dire sur... comment vous êtes, vous ? Là, vous dites il y a d’un côté l’enfant et puis de l’autre côté il y a ce que vous voulez lui faire passer et vous avez souvent parlé de votre position... l’enfant se construit tout seul, etc. alors, comment vous vous situez ? Comment vous vous positionnez, finalement ?
Bien... alors je dirais des fois, on est un peu l’animateur de la classe.
Animateur, vous utilisez ce mot-là.
Oh, il me semble que ça s’utilise. Des fois, on utiliserait bien médiateur, mais je ne saurais pas la définition du médiateur tel que le... je ne fais pas de la pédagogie de la médiation et puis je me vois plus... le mot médiateur, je trouve que c’est un mot qu’on utilise plus dans des relations peut-être plus individuelles. Alors, je me trompe peut-être.
Est-ce que vous connaissez un peu la pédagogie de la médiation ?
Non, très mal.
Mais vous avez entendu ce mot-là, médiateur.
Oui, bien c’est... on entend remédiation, ce qu’on aime pas trop ! On aime pas trop, parce que ça fait un peu médicalisé et c’est vrai que si certains enfants, hélas, on peut trouver des systèmes, il y en a d’autres par contre, nous on aime bien quand même... on est bien critiques par rapport à la courbe de Gausse, de toute façon dans une classe, etc. il faut que tout soit de niveau, donc, à chaque fois, il y a des collègues qui vont arriver avec... très gentils, avec qui je m’entends très bien, ils vont arriver avec cinq ou six cas dans leur classe. Je veux bien croire que cinq ou six cas c’est dramatique, mais bon, on est dans des quartiers où on voit... si on met sur une école par rapport à d’autres. Moi, je me verrai bien animateur, dans le sens que on met en place un certain nombre de choses pour que... et puis on fait des activités, on fait des leçons aussi pour que l’enfant progresse par rapport à lui-même, pour que ce soit lui qui fasse après ses efforts, donc, qu’on va lui donner des outils, qu’ils soient des livres, des dictionnaires, des maîtrises, des techniques de base en math pour qu’en calcul, en arithmétique, pour qu’ensuite, il puisse maîtriser des situations et avoir une lecture de déblaiement, qu’il ait les outils pour ça.
Et en même temps, vous dites animateur. Est-ce que c’est donner les moyens et laisser faire ?
Animateur, dans le sens aussi que c’est nous qui mettons en place les choses. C’est-à-dire que si l’enseignant, il était pas là, les clichés ne se mettraient pas en place, s’il y a un journal scolaire, il ne se mettra pas en place... il est là aussi pour gérer la classe, le groupe, régler les tentions. S’il y a un conseil où l’enfant prend la parole, il le fait sous contrôle du maître, c’est lui qui est quand même le garant du respect des lois. On donne aux enfants un certain nombre de pouvoirs... Bon c’est un mot.... mais l’enseignant il est là, derrière pour organiser. Par exemple l’enfant propose de faire un exposé, l’enseignant, il doit être là avec lui pour discuter avec lui du sujet de son exposé, pouvoir l’aider à recentrer sur quel sujet... la teneur de son exposé. Par exemple ceux qui veulent faire un exposé sur la nature, je ne vais pas accepter un exposé un exposé sur la nature, il faut que tu précises ton sujet, enfin, on arrive à préciser tout ça, l’aider à bâtir un plan, lui donner ou lui proposer des documents qu’il puisse adapter, qu’il puisse utiliser, discuter avec lui de la forme de l’exposé qu’il fera, est-ce que ce sera un tout petit peu oral, est-ce qu’il montrera des livres, est-ce qu’il aura des images qu’il peut coller sur différents panneaux, on peut faire une petite exposition, etc. Donc, c’est en cela qu’on est animateur, en conseil de coopérative, on est animateur dans le sens que c’est pas nous qui donnons la parole, mais on peut la donner d’ailleurs en début d’année, mais on est derrière pour recentrer les débats si les enfants ne peuvent pas le faire pour prendre les notes, même si en parallèle, il y en a d’autres qui les prennent et rappeler les décisions, hein. si on veut mettre en place... bon, avoir des correspondants, comme j’en ai cette année, c’est moi qui les trouve les correspondant, c’est pas les enfants eux-mêmes. Il se peut qu’il y en ait qui me disent, moi je connais tels enfants et tout, on peut écrire à des enfants, mais en classe, c’est nous qui maîtrisons, là on est animateur ! Alors, si vous voulez que je développe, je peux peut-être encore prendre des exemples, mais peut-être que ça suffit !
C’est comme vous voulez !
Là, je pense qu’on est animateur pour mettre en place... si par exemple... je fais la correspondance avec le Burkina Fasso, hein, à cause... parce qu’il y a un groupe Tiers Monde qui est là, qui est sur la ville, qui... c’est moi qui ai mis en place, qui est relancé en début d’année, la correspondance, parce qu’il y a des enfants qui ont participé l’année d’avant, et il y a des choses qu’ils peuvent dire, mais pour les autres, entendre parler, ça ne suffit pas. Donc, mon rôle va être par exemple de reprendre contact avec le Tiers Monde pour qu’il vienne nous présenter le montage diapos, et qu’à partir de là, les enfants puissent revoir complètement ce dont on parle. Alors, là est mon rôle. La gestion aussi de l’envoi... des envois aux correspondants. Veilleur à ce que tous les enfants aient bien donné leur lettre, que tous les correspondants avaient une lettre à l’arrivée. Faire des choix quand il y en a qui se lancent à vouloir faire des cadeaux, expliquer pourquoi on ne veut pas faire de cadeaux, etc. Chaque fois on a un rôle très important. Voilà.
Donc, voilà ce rôle d’animateur. Mais dans ce que j’ai compris, c’est à dire que vous avez... vous êtes animé vous-même par des objectifs, des valeurs pour l’enfant. On en a beaucoup parlé.
Oui.
Qui ne sont pas simplement à prendre des contenus scolaires, mais aussi faire une personne à construire.
Voilà !
vous êtes pas simplement enseignant, mais vous êtes aussi éducateur. Vous êtes animateur, mais par rapport à ces fondements-là qui vous animent ?
Voilà. Exactement. C’est pas l’animateur... On est pas là pour occuper les enfants pendant... c’est vrai que... c’est pour ça qu’on hésite parfois à employer le mot animateur. On est pas un animateur socioculturel, hein puisque les enfants sont là. On a une obligation vis à vis de l’Education Nationale, d’ailleurs, on est dans l’Education Nationale, on est bien enseignants du public. Donc on a un certain nombre de contraintes, par rapport à une demande sociale, pour le passage en sixième, etc. à un certain programme, qui maintenant est fait en capacité et tout... faudrait en parler... mais qui nous convient sans doute mieux sur un certain nombre de choses que dans... mais on est là par rapport à ça, mais c’est une animation pour que... toujours au service des apprentissages. Qu’ils soient des apprentissages en effet, qu’ils soient plutôt des savoirs, on en fait aussi à travers ça, par exemple si je pense que sur l’Arménie c’est intéressant, c’est parce qu’aussi à travers ça, l’enfant l’Arménie ça va lui permettre lui, de s’élever, ça va permettre aux autres d’avoir un certain nombre d’éléments, il doit parler du régime, de l’évolution qu’il y a eue, de la monnaie, de l’endroit où ça se situe, donc ils ont des connaissances géographique. On situe un autre pays du monde, où est-ce qu’il se trouve, etc. Est-ce qu’il peut y arriver. Donc, l’animateur, il est toujours avec... moi, je m’estime animateur, mais avec des objectifs, qui sont des objectifs scolaires, mais en termes de savoir, mais aussi de savoir-faire et de savoir-être. Bon, c’est là quand on parle de savoir être, c’est vrai que c’est là qu’il développe la personne et tout, hein, ça c’est sûr. Mais c’est ce qui nous est demandé d’ailleurs, même maintenant dans les instructions officielles.
D’accord. Et au fond, si on avait à comprendre cet engagement là, dans la durée, ce que je voulais vous demander, c’est lié à votre histoire finalement, personnelle, les rencontres, etc. même si on n’a pas vraiment déployé d’autres... votre histoire personnelle. C’est vos convictions qui sont peut-être liées à votre propre histoire, mais est-ce que ce serait lié aussi, ça c’est une question que je me pose à un regard critique sur le système traditionnel, parce qu’on n’a pas parlé de ça. Est-ce que... on a parlé de votre engagement dans Freinet, mais quel regard vous avez sur le système traditionnel ? Est-ce que vous faites Freinet parce que ça correspond à vos convictions et que le système traditionnel, vous l’avez un peu tombé finalement ou est-ce que vous avez vraiment une idée critique par exemple du système traditionnel ou pas ?
Alors, j’ai eu des critiques du système traditionnel, mais bon, je refuse le schématisme. C’est personnel, hein. C’est-à-dire qu’il n’y a pas des gens tout blanc et puis d’autres tout noir. Il n’y a pas les bons d’un côté et puis les mauvais de l’autre, mais bon, moi j’ai vécu... moi je sais que j’ai des enfants, j’en ai qui ont suivi, qui ont eu la chance de suivre une pédagogie Freinet, dans le primaire, j’en ai un qui a eu la chance de ça. J’en ai un autre qui en a suivi une partie, et puis qui après, c’est retrouvé un instit très sérieux, mais traditionnel. Très sérieux, hein ! Bon, il a appris un certain nombre de choses dans le respect du programme qu’il s’est empressé, immédiatement d’oublier. Donc, je pense que ce qui est resté, c’est peut être un certain sérieux dans le travail et encore j’en doute parce que finalement, il n’a pas bien plus envie d’apprendre que celui qui avait fait de la pédagogie Freinet. C’est dur, hein ! Ca c’est un exemple très concret, parce que les enfants qui ont suivi la pédagogie Freinet et qui suivent une voie très comme ça, hein ! J’en ai une qui rentre en math sup à Paris, hein ! Il y en a une autre... enfin, bon. Donc, il y a des enfants qui suivent et continuent à apprendre et puis il y en a qui prennent une autre voie comme tous les autres... Excusez-moi, j’ai perdu le fil !
Bien si, c’était par rapport à vos enfants qui avaient fait la pédagogie Freinet et puis d’autres, la méthode traditionnelle.
Ah oui. Sur la méthode traditionnelle.
En fait sur la méthode traditionnelle, ils ont oublié des choses.
Ils ont oublié des choses et donc il y a des choses qu’on doit absolument leur faire voir et qui ne sont pas de leur niveau, donc je pense que là, il y a un forçage qui existe, hein. Donc, ça, c’est ce que disent certains profs quand on les rencontre. Oui, c’est bien beau, mais il vaut mieux que vous leur en fassiez entrer plus pour qu’il reste un minimum. Bon, donc, ça c’est l’enseignement traditionnel et c’est vrai que bon, je ne me bagarre pas là-dessus parce que j’ai pas envie de crocheter les choses, mais c’est pas pour les personnes, c’est pas les personnes en tant que telles, mais c’est vrai qu’il y a des façons de voir qui font que ça ne fait pas avancer les choses, parce que les enfants, en fait, qu’est-ce qui ressort de la formation qu’ils ont eue, c’est bien et puis nous. Qu’est ce qui ressort, c’est bien. Les apprentissages beaucoup plus globaux qu’on a eu. Savoir écrire, savoir penser, savoir s’organiser... savoir un certain nombre de données. Il y a plein de données qu’on a oubliées, hein. En histoire, il y a plein de choses qu’on a oublié. L’essentiel, c’est d’avoir un certain nombre de repères et de pouvoir ensuite retourner sur des éléments et savoir s’en servir. Donc, il vaut mieux construire des outils. Donc en cela les cottes traditionnelles au sens où on voudrait uniquement respecter uniquement le programme et faire passer les choses avec le forçage, nous on pense que... moi je suis persuadé que... bien, c’est pas suffisant. Par exemple sur l’apprentissage de la lecture, c’est vrai qu’il y aurait des choses à dire, hein. C’est vrai que l’apprentissage, maintenant, de la lecture ou les pré apprentissages en maternelle qui sont parfois trop tôt pour certains enfant, ça peut avoir des conséquences qui ne sont pas bonnes !
Par exemple, je peux reprendre un exemple sur la méthode dite traditionnelle, la grammaire traditionnelle, telle qu’on l’apprend à l’école primaire... La demande d’un inspecteur par exemple qui vient de nous proposer de travailler plus sur une grammaire de texte, enfin avec des choses différentes. Actuellement, c’est ridicule de vouloir faire absolument dès le CE 1 déjà des leçons de grammaire en tant que tel, alors qu’ils vont les refaire en CE 2 ou CM 1 ou CM 2, des choses qu’on va être obligé de mettre en place, parce que c’est pas complètement fixé, et que d’autre part les profs de collège, se rendent compte qu’au niveau encore de quatrième, il y a des notions que soit disant ils devraient connaître à la fin du primaire et qu’ils maîtrisent pas du tout. Donc, mieux vaudrait... notre idée c’est que mieux vaut prendre son temps. On n’est jamais assez patient ! Et je crois que même nous, hein, on a tendance des fois à vouloir absolument... alors qu’il y a une chose, il faudrait pouvoir attendre. C’est vrai que le monde social est tel, que l’on ne peut pas, mais ma conviction, c’est ça. Donc l’école traditionnelle, c’est pouvoir tout faire enfiler, même si on en recrache l’essentiel.
C’est ça. Et vous dites être assez patient, ça ce serait un peu l’idée Freinet ?
La patience, c’est chacun avance un peu à sa vitesse et nous, on dit pas tous capables, comme dit le CEN, parce que... le Conseil d’Education Nouvelle qui lance un peu un slogan, enfin il s’est un peu calmé là-dessus peut-être. Tous capables, mais tous capable de quoi ? Et on pense pas que l’égalité, c’est un principe, mais dans les réalités, on est tous très différents selon le milieu social ! On a un milieu social, le moment où on est né, la place dans la fraterie , enfin, il y a beaucoup de..., il y a tellement d’éléments qui font que... c’est conforme, il faut que chacun puisse avancer sans écraser l’autre, donc c’est ça aussi. Et donc, on essaie de faire respecter ça pour que ça avance.
Et d’ailleurs tout à l’heure vous avez dit l’enfant il a un appétit face à l’école, vous le représentez comme ça l’enfant ? Il a envie d’apprendre ? Comment vous le voyez de ce côté là ? Là je reprends un petit détail que vous avez dit tout à l’heure !
Bien, oui, l’enfant il devrait avoir l’appétit d’apprendre, alors, dans nos sociétés actuelles, qu’est-ce qui peut le motiver pour apprendre ? Il y a des problèmes. Alors, il y a des appétits d’apprendre qui n’existent pas, parce qu’il n’y a pas la motivation familiale, hein ! Il y a des appétits qui n’existent pas, parce qu’il n’y a pas les modulations sociales quand il y a le chômage au bout. Donc en ce moment, il y a de gros problèmes qui se posent et puis bon. Il y a aussi des appétits qui se ferment, c’est à dire que l’école coupe des désirs, hein. Et des enfants, si on leur fait apprendre... si on veut leur faire passer des choses trop tôt, il y a des désirs. D’ailleurs, il y a un copain qui a écrit un livre qui s’appelle “ Le désir retrouvé ”. C’est important d’avoir cette volonté. Ca c’est le côté pédagogique institutionnel qui cause plus de ceux qui ont travaillé. Plus avec des enfants en difficultés scolaires, donc, il y a tout un tas de chose comme ça. On sait que les camarades qui travaillent dans les... qui sont allés en coopération, par exemple, ils ont vu des enfants... des fois ils disent on a des enfants, c’est pas du tout... ils sont vraiment assoiffés d’apprendre, hors, nous on a le problème, les enfants ils peuvent avoir un appétit pour apprendre, je pense que ça existe, mais c’est vrai qu’ils sont aussi en même temps sur saturés dans certains nombres d’informations qui leur arrivent, d’informations ou certains ne maîtrisent même pas la différence entre information et fiction, donc il faut leur apprendre aussi... notre rôle, c’est de leur apprendre à analyser, à comprendre les choses. Bon, par exemple, je travaille sur l’actualité et puis après, c’est important de pouvoir avec des petits journaux pour enfants, de pouvoir présenter, lire la presse et expliquer et comprendre pourquoi, comprendre le monde à partir de ça ! Donc, nous on a un rôle à la fois de garder cet appétit, parce qu’il y a un appétit de savoir qui existe, bien sûr, il y a des enfants qui sont devant leur télé et tout, c’est pour ça qu’on hésite pas à partir aussi de choses banales mais qu’à travers cette banalité... c’est à travers cette banalité même que l’enfant, il va comprendre un certain nombre de choses qu’il va pouvoir se remettre en confiance lui-même et réapprendre un appétit de savoir et d’apprendre.
Et donc, c’est ce que vous avez dit tout à l’heure, leur permettre d’avoir le désir d’apprendre. C’est en fait un objectif important pour vous.
Oui, pour certains. Pour certains, redonner le désir d’apprendre. C’est vrai que tant d’auteurs sont là pour ça.
Et pour certains, c’est à dire ceux qui sont peut-être plus en difficulté ?
Pour des enfants qui sont en difficultés ou pour des enfants qui sont... en difficultés scolaires pour aller vite. Alors il y en a que ça peut être parce que chez eux, un désir d’apprendre, parce qu’ils ont pas envie d’apprendre à l’école, parce que chez eux, on leur en fait faire trop, où ils ont trop d’activités en dehors. Il y en a c’est parce qu’ils sont trop laissés à eux-mêmes, donc ils n’ont pas d’envie et donc ils sont un peu apathiques, quoi. Bon, c’est l’enfant zappeur. Pour aller vite, parce que ce sont bien sûr des schémas et puis... où alors, ces ceux en effet qui ont vraiment des difficultés scolaires et qui rentrent pas dans le systèmes, il y en a, et c’est pas toujours évident, et on n’a pas non plus de recettes miracles. On a des échecs en pédagogie Freinet, c’est simple. Il y a des enfants, on va pas... si l’enfant, il a trop de difficultés par ailleurs, j’ai travaillé avec des copains qui travaillent dans des instituts pédagogiques, bon, bien, il y a des enfant qui sont arrivés en effet à la fin de leur cinq ou six ans, des enfants qui étaient dans des classes où ils avaient toujours refusés d’apprendre, ils avaient pas appris à lire, ils étaient considérés comme débiles ou caractériels à un point et qui ont appris à lire tout seul, au bout de trois ans d’IMP..en plus, hein.
Donc, moi, j’en ai un, il a appris à lire, brusquement il a décidé d’apprendre à lire, il a pris ce qu’il lui fallait, il a pris des trucs, il s’est débrouillé tout seul. Un jour, il a décidé qu’il avait besoin d’apprendre à lire. Il y en a un autre, par contre, moi je l’ai vu en réunion... pour les journaux, on se retrouve avec plusieurs groupes, un enfant qui à huit ans, n’arrivait pas du tout à se situer ne serait-ce que dans la semaine, qui arrivait pas du tout à dire que vendredi, voilà et qui tout petit arrive à... l’autre fois à la réunion pour le journal a pu arriver à dire ou bout de trois ou quatre ans, hein, par rapport à la première fois où je l’avais vu, et l’avoir régulièrement dans ces réunions et tout le travail qu’il y avait eu, à expliquer aux autres que le journal, il fallait qu’ils envoient le journal avant, qu’ils envoient les pages d’une maquette avant pour qu’ils aient le temps de tout remettre et ensuite de passer à la photocopieuse, etc. en expliquant des durées dans le temps. Donc là, il y avait un travail par rapport à soi-même, par contre, il ne sait toujours pas lire, mais il a appris au moins ça.
Et en fait, cette attention pour les enfants en difficultés, est-ce que c’est... mais c’est peut-être parce que là, j’infère, hein, est-ce que c’est une attention qui est... est-ce que vous avez par exemple cette attention particulière pour les enfants ? Est-ce que c’est une sensibilité particulière pour les enfants par exemple en difficulté, ou pas ? Ou est-ce que dans Freinet à votre avis, est-ce qu’il y a, par exemple les enfants en IMP, etc. Donc, là je ne sais pas je suis en train de me poser la question, est-ce que ça renverrai ou pas... où dans une classe, est-ce que vous dites, il y a tout le monde.
Voilà, il y a tout le monde et donc c’est vrai, mais en attendant, on a tendance à ne pas laisser de côté les enfants en difficulté !
Mais sans pour ça...
On s’en occupe. Mais c’est-à-dire que notre forme de travail, avec des systèmes, avec des moments collectifs et puis des moments où il y a du travail individualisé sur les fichiers, ça permet de voir quelles sont les difficultés des enfants. C’est-à-dire de voir ceux qui travaillent sur quelque chose de bien précis, par exemple quand ils écrivent un texte, tous les textes, pratiquement, je les corrige avec eux, c’est à dire que je ne prends pas mes textes à la maison et que je les corrige et que je leur rends les copies, je prends... je me débrouille pour laisser des temps, leur donner des outils de lecture, par exemple en lecture autonomes, ils ont des questionnaires et peuvent s’auto corriger pour pouvoir avoir le temps de discuter avec eux, comment ils construisent leur texte, donc c’est là que les enfants en difficultés, je vais prendre plus de temps avec eux, parce qu’il y en a qui n’arrivent pas à mettre en ordre leur histoire, par exemple. Je vais discuter avec eux, trouver la solution, c’est pas une attention de ma part, particulière, par contre, on a des instructions d’enseignement public, d’enseignement général, des instructions ont mis en avant pour les pédagogies, pour les classes particulières, avec des enfants en difficultés, un type de pédagogie proche de la pédagogie Freinet. C’était par exemple le cas des classes de transitions, il y a une quinzaine d’années. Ca avait été mis en place par un ancien des mouvements Freinet. Elles sont passées dans la cadre de l’inspection, etc. et puis en général ça avait été, pour les classes de perfectionnement, quelque chose comme ça, c’est ce qui avait mis un peu en avant. Donc, c’est vrai qu’il y a des collègues qui se sont mis dans cette structure, parce que ça les intéressait. Enfin, personnellement, moi, je n’ai jamais envisagé de m’occuper des enfants, de changer de poste, de m’occuper d’enfants en difficultés.
Par contre vous dites, quand j’en ai dans ma classe... est-ce que c’est un peu ce que vous appelez l’aide individualisée, c’est à-dire selon les personnes.
Voilà, j’essaie de trouver des solutions. C’est dans le cadre de l’individualisé. Ou bien, je vais trouver quelqu’un qui va les aider par exemple. Celui qui ne saura pas construire son texte dans l’ordre, je vais lui dire, bien tiens, je vais demander à machin tu ne veux pas venir avec lui essayer que vous fassiez un texte ensemble. Moi je crois beaucoup à l’imitation. C’est-à-dire qu’il y a des écrits, on les fait ensemble. Par exemple on fait un compte rendu d’une sortie, au lieu que chacun fasse son petit compte rendu, ce que je pourrais leur demander parfois, pour faire un petit contrôle traditionnel dont on a besoin par rapport à la vie sociale, mais le compte rendu, on va le faire ensemble. Une lettre collective envoyée aux correspondants, on fait les idées ensemble, donc en même temps qu’on fait ça, il faut que ça serve de modèle pour ensuite réécrire, donc, il y a des investissements comme ça. Il y a des enfants qui voient leurs camarades comment ils font eux-mêmes, et ils peuvent reprendre modèle. Mais bon, il y en a parfois qui ont de tels niveaux de difficultés, que ça ne leur suffit pas, ça. Mais enfin, en gros, il y a les choses qui avancent, hein !
C’est ce que vous disiez de la coopération, du partage et qu’on peut apprendre en imitant, etc.
On peut apprendre en imitant. C’est pour ça que nous par rapport à d’autres pédagogies... alors, je ne sais pas si c’est en gestion mentale, etc. nous on dit individualisation, mais coopération, et en ça pourtant que la pédagogie Freinet, des fois elle est vue comme... elle est fichée, hein. Mais c’est important aussi qu’il y ait des moments en effet où il y ait individualisation sur un certains nombre d’outils de travaux, d’expression écrite ou quelque chose comme ça, mais il y a aussi des moments collectifs, où on peut faire un travail collectif et où on remet ensuite ensemble, on réexplique les démarches. Pour quoi j’ai fait comme ça ? Moi j’y suis arrivé parce que j’ai fait ceci et toi, comment tu as fait ? Par exemple en mathématique, c’est typique sur un problème, par quelle opération on est passé ? On est passé par différentes opérations, il y en a qui ont dit on travaille dans les têtes, etc. et ça on pense que c’est des démarches qui ensuite sont réinvestissables par les autres enfants, voilà.
Oui. Je reviens un petit peu sur l’individualisation parce que vous en avez parlé au départ puis on est pas revenu là-dessus. La question que je me pose c’est est-ce que c’est typiquement Freinet ou est-ce que c’est vous qui avez mis ça en place ou bien est-ce que c’est parce qu’on en parle beaucoup aussi dans la pédagogie moderne, là, finalement. Alors, c’est quoi ? C’est un peu tout ça ? Ou c’est Freinet au départ ?
Ah c’est très ancien, c’est Freinet. Pour moi, c’est Freinet. C’est-à-dire que l’individualisation, elle s’est mise en place il y a très longtemps, dans les années... dès 1930, il avait créé un fichier de travail coopératif, donc, il y avait des fiches Freinet. Les fiches du travail réalisé du mouvement Freinet trainent dans les classes depuis des années. Avant, il n’y avait que ça. Il n’y avait que le mouvement Freinet qui avait créé pratiquement des fichiers auto-correctifs, hein.
Et qu’est-ce qui à la base comme idées de l’individualisation, finalement ?
L’individualisation, chez Freinet c’était aussi l’idée... bon, il avait travaillé aussi avec le plan W. D., là... même sur la programmation. C’est pour ça qu’il y a beaucoup d’enseignants Freinet, pas moi, parce que je ne maîtrise pas, qui utilisent des logiciels où les enfants avancent et où on leur répond, non pas c’est tout faux et repart, mais on leur redonne des aides petit à petit, donc des logiciels qui leur permettent d’avancer. Donc l’individualisation, c’est vraiment une problématique dans la pédagogie Freinet depuis très longtemps, je pense que c’était dès qu’il a vu que les enfants ils étaient... dès qu’il a descendu de son estrade et qu’il a vu que tous les enfant ils n’avançaient pas au même niveau et qu’il a vu... qu’il y avait des textes libres, il y avait les temps de parole dans la classe, etc. mais pour les faire avancer, même par rapport à l’écriture, leur faire maîtriser les règles d’orthographe, etc. il fallait qu’il y ait des aides. Alors, on peut se servir de manuels et puis renvoyer à telle ou telle page du manuel, d’une façon individualisée, en renvoyant les uns à telle page, les autres à telle autre.
Mais pourquoi, qu’est-ce qui se passe dans l’individualisation, je ne comprends pas là. C’est le maître qui...
Alors, là, c’est l’intervention du maître qui voit en fonction... déjà, c’est un parti pris. C’est vrai que c’est un parti pris. Moi, je le prends comme parti pris, mais il va falloir que je laisse aux enfants un temps de travail individuel d’environ à d’heure par jour où ils vont pouvoir travailler seul ou à deux ou trois sur des fiches d’entraînement pour renforcer un certain nombre de notions au pour en découvrir d’autres. Donc ça, c’est parce que je pense que c’est l’enfant qui apprend mieux par lui-même, donc c’est pas forcément en faisant tous la même leçon au même moment qu’on va... Il y en a sur une leçon... par exemple en mathématique, je vais faire une leçon sur les fractions, il y en a qui aussitôt vont pouvoir faire les exercices d’application très bien et puis se sera O.K., mais je redonne par ailleurs un fichier dans lequel, il y aura des fractions en plus, des additions, des choses que l’on aura déjà faites depuis un moment, mais qui permettront de se renforcer, de renforcer ce que l’on a déjà appris, de consolider, de se réentraîner, et qui ensuite permettront d’accéder à la notion qu’on avait peut-être pas en début d’année par d’autres cheminements, voilà par exemple, c’est ça. Donc, et moi, c’est vrai que c’est une conviction forte que ce travail individualisé fait avancer les enfants, d’abord ils aiment bien travailler comme ça, ça leur donne de l’autonomie, parce qu’ils choisissent au moins le moment où ils vont faire leur travail, même si des fois, c’est programmé. Enfin, moi je le programme en début de quinzaine avec eux, je leur dis il faudrait faire ça, ça et ça et puis donc, ils avancent ensuite... ils aiment ça, ça les aide à s’organiser, à aller chercher dans les lieux où est ce qu’il faut qu’ils trouvent, etc. et à s’auto corriger. Alors, derrière il faut que l’enseignant aussi vérifie que l’auto-correction elle se fait bien, qu’ils comprennent bien. Ca leur donne de l’autonomie, parce qu’ils n’ont pas toujours besoin de venir se référer à l’enseignant. Donc ça, ça fait partie de l’idée qu’on apprend par soi-même, hein. Ca reste là-dedans, dans cette optique, c’est pour ça qu’il l’avait mis en place. Et puis aussi quand on a différents niveaux... dans une classe, on a différents niveaux d’entants, alors ça répond à la pédagogie des classes uniques et des classes à plusieurs niveaux aussi, donc au niveau pratique pour l’enseignant d’avoir les outils, alors on peut en avoir qu’on a adapté soi-même ou en avoir des fois qui sont tout faits, parce que des fois c’est tout de même plus pratique, hein, et puis comme dans une classe, même si vous avez tous les enfants d’un même âge, il y a quand même forcément des différences entre eux, donc ça répond aussi à cette différence.
C’est ça. Donc vous dites l’individualisation, finalement répond à la différence et puis vous avez dit aussi, elle permet l’autonomie. Donc on retrouve ces trois notions : individualisation, différence, autonomie.
Voilà.
Mais autonomie, finalement, vous l’avez utilisé deux fois depuis qu’on parle, et c’est quoi pour vous l’autonomie, c’est un peu dur parce que... ce serait quoi en fait ?
L’autonomie, c’est arrivé à devenir... à se débrouiller seul dans certaines circonstances, sans avoir... Bien, c’est franchir, hein. C’est que plus tard, devenir autonome, c’est avoir son espace de liberté. Par exemple sans être de la pédagogie Freinet... je vais prendre un exemple extérieur, l’association Handicap International, en permettant à des handicapés dans les pays du Tiers Monde de créer leurs propres prothèses, des prothèses adaptables avec des matériaux du pays, qu’ils puissent réparer eux-mêmes, leur redonne une autonomie, pour pouvoir se réinsérer dans la société. Eh bien nous, on veut donner l’autonomie aux enfants, leur donner une capacité de se débrouiller seul, les apprendre à grandir pour ensuite pouvoir devenir des adultes responsables, citoyens, participants de la société où ils auront à la fois besoin des autres, parce que on apprend pas seul, hein. Et où ils sauront quand même prendre leur espace de liberté. Je crois que ça va avec le mot liberté ?
C’est ça, oui. Donc vous l’associez en même temps au mot liberté de l’être humain. Ca c’est important, vous l’avez dit plusieurs fois.
Oui.
Alors, si on revient quand même à tous ces fondements, puisqu’on est revenu un peu sur des... valeurs. Je ne sais pas comment utiliser le mot.
Oui, sûr.
Le mot valeur vous conviendrait éventuellement !
Sûr, oui, oui.
Il y a quand même un certain nombre de valeurs qui ont été mis... dont vous avez parlé, le respect de la personne, son autonomie, sa liberté... le fait de partager, etc. on pourrait presque dire, ça renvoie à quelque chose de spirituel, derrière. On pourrait dire alors, ça renvoie à la religion, mais alors Freinet, il n’est pas dans ce champ-là. Avec tout ce que vous m’avez dit là, anti... etc. donc comment se situer par rapport à ça, parce qu’il y a des fondements qui sont de l’ordre des valeurs. Alors, comment vous, par exemple, vous vous situez ? Est-ce que ça correspond à simplement une philosophie de l’homme ? Est-ce que pour vous ça correspond à des convictions plus profondes ? Comment vous, personnellement, vous vous situez ?
Bien, ça correspond à la philosophie je pense à une vision de l’homme des lumières, hein, de l’homme de la révolution française, les grandes idées, elles sont là : la liberté, la liberté pour plus tard. L’égalité, bon bien c’est le respect de la différence, c’est les droits de l’enfant, la reconnaissance de l’enfant comme une personne, etc. et puis la fraternité, c’est l’espoir utopique, très utopiste d’une société plus égalitaire qui ne serait pas une société de type concentrationnaire, mais qui serait une société plus... mais qui ne serait pas non plus une société capitalisme sauvage, qui serait pas animaux de la jungle, mais qui serait une société de coopération d’entre aide et par exemple dans le futur, les pays du Tiers Monde pourraient se développer, etc. et ou se serait pas le pouvoir... le pouvoir de l’argent ne serait pas dominateur, etc. Il y a tout un tas de convictions qui sont derrière.
Oui, de fondements, de convictions.
Qui sont derrière, mais qui ne sont pas religieuses, mais qui sont en effet les convictions spirituelles qui dépassent... qui sont des foi dans l’homme.
Vous utilisez le mot foi, mais c’est pas une foi qui est référée par exemple à une adhésion à une religion ? Mais alors pour vous, ça ne correspond pas du tout à une religion ?
Voilà. Non, non, pour moi ça ne correspond pas du tout à une religion. J’emploie le mot foi, parce que j’ai quand même une petite formation religieuse, mais c’est une confiance en l’homme. Je pense qu’on se situe dans la ligue des droits de l’homme. On a beaucoup de militants qui sont à la fois de la lutte des droits de l’homme ou de SOS Racisme ou du .....et des choses comme ça, hein. Il y en a qui sont Amnystie Internationale, bon. Le mouvement Freinet est un mouvement international qui... on est rattaché à plein d’autres pays. Il y en a qui sont militants aussi de l’espéranto, donc c’est quand même... il y a plein de choses qui sont liées, hein. Donc, c’est vraiment une croyance dans les échanges entre les peuples, etc.
C’est ça, très humain, un petit peu humaniste !
Oui. Notre maison d’édition par exemple était avant une coopérative, hein. Une coopérative avec des actions comme tout le monde qui étaient récupérées auprès...de plein de militants avec de nombreux appels pour la soutenir. Elle est devenue une société anonyme qui est basée... où c’est des groupes départementaux où des individus bien précis qui ont été appelés à verser des parts. Ces parts ne sont pas achetables, elles sont... la gestion est faite par des anciens du mouvement Freinet qui réinvestissent tous les bénéfices dans l’entreprise elle-même, donc c’est pas du tout... c’est encore une conviction pour continuer une entreprise qui s’est mise en place... une volonté de la poursuivre et je crois que oui, derrière, il y a une foi dans l’homme, lequel est Freinet, une foi dans des convictions... Lui, il parlait... lui il était au P.C. et puis après, il s’est fait virer, mais il avait une conviction utopiste de... pour l’avenir d’une société égalitaire.
Oui, des plus égalitaire. C’est ça, donc pour vous ça correspond à une foi dans l’homme, vraiment à une confiance en l’homme, mais pas ancrée dans une croyance religieuse par exemple, malgré le fait que vous dites... au départ de l’entretien, vous avez dit j’ai eu avec le curé de la paroisse, etc.
Oh, moi, j’ai une formation catholique.
Vous parliez de groupes catholiques etc. hein ?
J’ai eu une formation assez religieuse, comme d’autres collègues qui sont venus au mouvement Freinet.
D’accord, mais, tout ça par exemple, vous avez mis ça de côté et puis vraiment, vous n’avez plus de croyance. Croyance en Dieu par exemple, ça ne correspond pas du tout à ça, ?
Non, non. Il n’y a plus rien de métaphysique chez moi.
Il n’y a plus rien de métaphysique, mais c’est une croyance dans l’homme !
Voilà, la croyance dans l’homme. Je crois que la formation judéo chrétienne m’a formé à l’homme et je ne rejette pas du tout une croyance en l’homme profonde et voilà.
Donc en fait vous dites quand même ça vient de votre formation. C’est là que j’arrive pas à...
Oui, mais je crois que ça vient en partie de cette formation-là.
Au départ.
Pendant longtemps, moi... il y a d’autres collègues qui rejettent violemment la formation judéo chrétienne tout en fait en... moi je pense qu’il ne faut pas la rejeter, c’est quand même la base de notre civilisation ! On a été formé par ça. Alors qu’ensuite on ait été formé par ça que plus par d’autres convictions, par d’autres... Moi, si j’ai quitté, c’est que dans ma famille, mes parents... ma mère était catholique, mais elle confond souvent catholicisme et superstition, elle le sait, je lui ai dit. Je me moque assez d’elle pour ça, mais je donne des fois des conseils aux catholiques, hein. Je suis suffisamment gonflé pour me le permettre, mais par contre, mon père, je crois qu’il la suivait pour faire plaisir, pour ne pas être en opposition avec elle, mais j’avais un oncle qui était lui agnostique, qui croyait en un Dieu, mais lui, il ne croyait pas à la religion des .... et un oncle et une tante qui eux étaient athées, n’ont pas été militants. Bon, ils n’ont jamais essayé de nous influencer, mais je le savais quand même. Dans les discussions, ça revenait à un moment ou à un autre, donc, c’est vrai que moi j’ai été formé plutôt sur un idéal de tolérance.
D’influence plutôt catholique.
Mais c’est vrai que j’ai eu une influence catholique, je suis allé au caté, bon.
Ah oui, vous aviez en fait... vos parents pratiquaient ou non.
Ah oui, si, si, je suis allé aux louveteaux, je suis allé à tout ça. Mais j’ai des copains qui eux ont été que dans le système très laïque et beaucoup... plus ou moins, on n’en parle pas souvent entre nous et j’ai des copains très militants, très, très militants, très forts pour d’autres choses et qui ont été formés, qui ont même été adhérants de l’action catholique étudiante pendant un moment. donc, il y a plein de choses...
Mais qu’ils ont rejeté après.
Oui. En tant qu’adultes, ils sont repartis sur d’autres choses, etc.
Ont gardé des valeurs vous dites judéo chrétiennes ou...
Voilà, je pense qu’ils ont gardé des valeurs, mais je pense que les gens... les militants laïcs ont... moi, j’ai rencontré des gens qui à mon avais, avaient les mêmes valeurs que moi, parce qu’ils avaient une foi dans l’homme, dans l’avenir de l’être humain, de la croyance dans le progrès. C’est pas les même valeurs que moi j’ai pris dans les valeurs judéo chrétiennes. Certainement, j’ai rejeté les valeurs de la sainteté, les notions de péché, bon, il y a certains nombres de notions que certainement je ne partage plus, mais la notion de quelque chose de divin, etc. les notions de foi dans l’homme, bon, bien ça c’est sûr qu’on les partage et bon Freinet il parlait du matérialisme pédagogique... c’est vrai que derrière le matérialisme, le pragmatisme de la pédagogie Freinet, il y a quand même un certain nombre de valeurs qui sont des valeurs de type spirituel hein c’est logique, ça c’est sûr.
Oui, des valeurs humaines quoi !
Des valeurs humaines, profondément humaines, des bases simples, la simple vision des choses de façon terre à terre et je crois que ça le situait tout à fait dans le siècle de lumière, dans la....je crois que c’était ça et il a travaillé avec les grand éducateurs du début du siècle, il les a rencontré, donc il était tout à fait là-dedans, et nous, même si on n’est pas toujours des lecteurs, si on n’a pas le manuel, le missel Freinet, c’est certain, qu’on se réfère à des idées, même si les idées, les convictions ne sont pas celles de Freinet en 1925, en 1950 on n’est pas en train de relire ce qu’il à dit à cette époque-là. La pédagogie elle a évolué en fonction de la réalité, hein. Voilà.
Vous avez un peu parlé de votre histoire personnelle avec vos parents, est-ce que vous voyez... on n’a pas tellement abordé ce cours-là... est-ce que vous voyez des épisodes de votre histoire personnelle qui pourraient être mis en relation spontanément avec votre intérêt par rapport à la pédagogie Freinet par exemple, à part votre histoire avec votre éducation ?
Non.
Vous ne voyez pas de... malgré qu’en fait vous avez parlé de beaucoup de choses, vos engagements dans des groupes, etc. étant jeune.
Oui, mais c’est ça.
Mais tout ça vous le mettez en lien ? Vous le mettez en lien avec la pédagogie Freinet, tous ces épisodes personnels que vous avez vécus ?
Oui, moi je crois que pour ce qui est par exemple de la liberté, d’être allé dans cette colonie pendant des années... passer 40 jours au milieu des bois avec relativement peu de contraintes, dans les classes, il y a une contrainte, hein. Mais c’est quand même un épisode où on apprend des choses sans quelles soient... et où on se forme, sans qu’il y est justement... comme quand on est à l’école avec des grandes lignes, etc. des suivis et tout, et il y avait des temps où on avait la liberté d’aller construire des cabanes, d’aller discuter, d’aller regarder dans les bois ce qui se passait, d’aller observer les choses, beaucoup de discuter, même de jouer de façon libre. En fait on apprenait des grands des jeux plus compliqués, même des jeux de cartes ou... je ne sais pas, on fabriquait des petits instruments de musique, (je ne suis pas un grand bricoleur !) c’est là que j’ai appris des choses pour me débrouiller.
Donc, là, vous étiez sensible à la liberté, à ce moment -là, ?
A la liberté. Ca j’y ai été très sensible ! La seule année, je m’en rappelle encore, c’est pour ça que même dans les classes, des fois, la seule année où ça m’a cassé les pieds, c’est quand il y en a qui ont voulu faire des ateliers pour nous occuper avec la poterie et le machin et que moi, je rêvais de retrouver ma liberté chérie, on faisait rien ! Il y en a qui pouvait dire bien il est malade et tout ! bon voilà.
C’est ça, et donc en fait vous avez retrouvé ça chez Freinet ?
Eh bien oui, je trouve que cette liberté est importante ! Par exemple la liberté aussi de pouvoir nous enseignants, qu’on a, qu’on se donne, de pouvoir casser la monotonie de la classe s’il y a un élément qui arrive. La pédagogie Freinet c’est aussi une pédagogie de l’événement.
C’est- à- dire arrive la lettre des corres. on va pas tout arrêter comme ça, mais on va prendre le temps, même s’il était prévu de faire une leçon d’histoire, on va repousser la leçon d’histoire et on va prendre le temps de regarder la lettre du corres, de regarder ce qu’il nous a envoyé, de repartir. On redémarre comme ça ! Un entretien où les gamins raconte des choses, eh bien, ça va peut-être être l’occasion, en tout cas dans les petites classes où ils apprennent à lire, c’est à partir de ça que sont créés les textes, enfin une partie des textes. C’est à partir de là que peuvent se créer le texte qui sera l’objet du travail de lecture, etc. Donc, c’est vraiment une pédagogie de l’événement et où en fait, on sait que tous les gens disent, les gens... le développement des classes vertes, des classes nature, des choses comme ça, c’est des moments privilégiés, à la fois pour la construction de l’unité d’une classe, des moments collectifs qui sont importants, de vie sociale et en même temps de découverte d’un milieu qui font que les enfants, ils apprennent autrement et qu’ils apprennent des tas de choses, sans que se soient des leçons officielles. Quand ils vont voir une ferme, ils découvrent des choses, quand ils vont dans la nature, qu’ils voient la rivière, etc. il y a des enfants qui ont beaucoup de contact, quand ils jettent une branche dans l’eau, qu’elle avance, qu’elle flotte, qu’elle suit le courant, on découvre des phénomènes de physique, des petites expérimentations que les enfants dans la vie, chez eux, n’ont pas tous l’occasion de faire, donc c’est des choses importantes, tout le monde le reconnaît ça. Nous, on essaie dans nos classes, pas de recréer ça, mais Freinet, il partait des après-midi visiter le milieu. A partir du vécu, des choses comme ça.
Du vécu, du concret.
Donc c’est important d’avoir ça. Il y a peut-être beaucoup de choses que je redis, mais la pédagogie Freinet, c’est vrai, elle est très, très riche. Par exemple, moi, j’ai pas employé le mot tâtonnement expérimental, que certains mettent beaucoup en avant. C’est vrai que ce tâtonnement expérimental, bien, c’est ça.
C’est ça, c’est ce que vous venez de dire.
C’est quand on apprend à un enfant à lire, à écrire, à partir de ce qui se construit, à partir de ce qu’il voit, etc. et où il vérifie ses hypothèses. Alors il vérifie ses hypothèses, ah oui tiens ! En lecture, c’était frappant quand j’étais en C.P., c’est ça qui était frappant, l’enfant disait, bien tiens regarde là-haut, ils ont du mettre la date, il y a les chiffres et puis regarde, on est en octobre et là-bas c’est écrit octobre, c’est écrit pareil, donc ça doit être écrit octobre. Alors, il y en a un qui disait, c’est o, ça commence pareil, est-ce que c’est bien les mêmes lettres ? C’est là qu’on émet des hypothèses, on les revérifie, etc. Alors, le tâtonnement expérimental, on emploie souvent le mot à propos de science et tout, mais c’est plutôt une méthode, enfin un système qui peut se faire sur plein d’autres choses. C’est le système qui est employé et pour Freinet c’était un système... quand il employait le mot méthode naturelle, c’est parce qu’il pensait que c’était dans la nature de l’homme, hein ! Longtemps, je n’ai pas osé employer ce mot là, parce que c’est vrai que je voyais pas bien ce qu’il voulait dire par là, mais j’ai relu les textes qui me permettaient de mieux le préciser et c’est vrai que ce tâtonnement, c’est quelque chose pour laquelle l’enfant est... les expériences de Montagner, avec les bébés, où il filme les bébés, ils font voir les bébés qui grimpent, comment ils avancent en tâtonnement et en coopération. Ce qui nous fait dire évidemment tout ce qui va dans le sens.
Et en fait, tout ça, ça permet d’avoir une intelligence des choses. Et, ce serait quoi pour vous cette intelligence ? Parce qu’à plusieurs reprises vous avez parlé de... il faut qu’ils comprennent. Alors c’est quand vous avez parlé de la BTJ, au fond c’est pas simplement leur donner à lire et qu’ils comprennent rien, mais en fait qu’ils puissent redire s’ils ont compris ce qu’il y a dans le texte et puis en général il faut que par rapport à l’école traditionnelle, ils amassent plein de choses et ils ne comprennent pas. Alors est-ce qu’on pourrait un petit peu en reparler de ça. Pour vous ce serait quoi les rendre intelligent, ce serait leur faire comprendre ? Est-ce que vous pourriez développer ça ?
L’intelligence, je crois qu’il y a plusieurs formes d’intelligences. Nous on serait plutôt pour développer toute la partie... alors c’est le cerveau gauche qui est la partie des raisonnements et tout ça, c’est bien ça et puis, bon, je ne sais plus, mais il y a des trucs sur la... nous on serait de développer en effet la partie seulement du raisonnement logique, mathématique et où l’enfant, il y a une certaine... pour apprendre, on suit une certaine ligne puis on va y arriver, hein, mais on en est à faire une pédagogie qui croit à la création et où pour arriver au même but, on peut prendre... chacun peut prendre différents chemins. Alors, il y en a qui appellent ça la loi ....etc. d’autres qui appellent ça autrement, hein et donc nous notre pédagogie, elle va développer une intelligence qui n’est pas forcément une intelligence qui serait strictement raisonnée, mais qui peut être aussi de l’intuition, qui peut être une intelligence qui se base sur une imitation, Freinet, il en parlait beaucoup. C’est étonnant, mais bon, souvent on l’associe à ça. De création ; on imite à partir de... on crée à partir de ce qu’on a déjà lu, de ce qu’on a imité, on va pouvoir reprendre modèle sur tel ou tel copain, qui serait une intelligence de la confrontation, qui serait une intelligence qui permettrait la critique, le recul par rapport à soi-même, le recul par rapport à ce qui a été faire, le recul par rapport aux autres.
C’est une pédagogie de la création, hein ? Donc, ça c’est important pour vous ? Chez Freinet ou ?
Chez Freinet, il emploie le mot création. Alors bon, on a une revue maintenant qui s’appelle création, qui de plus est une revue artistique, qui reprend les poèmes et tout ça et c’est vrai que le mot création... la création ça peut être simplement créer un texte, un petit texte à partir de choses qu’on a repiqué à un copain, mais on recrée quelque chose. Bon, moi j’en ai cette année, qui sont très portés sur le côté poétique des choses. Alors, il y en a c’est le côté poétique, il y en a c’est le côté jeu, jeu de mots, jeu de la poésie, donc il y en a qui ont inventé beaucoup de poèmes autour des gens de la classe, donc, il y a Jérémie fait ceci, Jérémie fait son lit, enfin des bêtises de ce genre là. Il y a création dans la mesure où on trouve un ’guimique’ qu’on peut répéter, sur lequel on peut jouer, on crée quand même des rimes, etc. et puis il y a un moment où moi j’interviens en leur disant, là, ça devient lassant, il y a répétition, on retrouve... La création elle est quand on réussit à recréer quelque choses d’original par rapport à quelque chose d’autre et pas seulement à répéter.
Oui, c’est ça.
Il peut y avoir aussi des phases de répétitions, on a besoin de pouvoir recréer.
Vous disiez confronter et prendre de l’autre, on créé, mais à partir de quelque chose.
Voilà, on crée, mais à partir soit de la culture de la classe elle-même qui apporte... chacun apporte ce qu’il connaît, ce qu’il a, soit aussi de choses extérieures qui peuvent nous venir. Je peux dire l’exemple par exemple sur la vidéo ou les montages diapo du groupe Tiers Monde. Voilà, on a des éléments extérieurs... les livres sont des éléments extérieurs ou la télévision qui va nous apporter un autre éclairage sur un sujet, qui va permettre de réamorcer les choses. Et il y a création dans la mesure où par exemple quand on prépare un exposé, on est obligé de recréer des choses, reprendre des textes plus compliqués pour les refaire de façon simple. Se reprendre un photo pour pouvoir la réexpliquer, retrouver un légende pour cette photo. Alors cette création, elle n’est pas toujours, toujours présente, il ne faut pas non plus exagérer. Donc il y a des choses aussi je vous dis d’entraînement, de répétitions, sous certains nombres de notions, mais il y a une partie quand même de créativité. Alors que dans certaines classes, il y en a qui le mette énormément en avant.
Et c’est ce que vous voulez développer.
Oui, c’est important, c’est le côté créatif. On sait que même si monsieur Evendini avait raté son expérience, il avait quand même relevé que les classes Freinet étaient quand même des classes de créativité avec beaucoup plus de succès que les autres, même sur le plan des acquisitions scolaires c’étaient à peu près pareil, sur le plan de la créativité, il y avait apparemment... bon, on peut dire aussi qu’il y a des jeunes qui ont suivi un peu la pédagogie Freinet, qui sont plus dans des domaines de communication, dans des métiers de communication, que ce soit enseignement, commerce, etc. ou en effet, journalistes ou quelque chose comme ça. Enfin, ça c’est mes collègues qui ont suivi les plus grands. Moi, mon expérience personnelle aussi. Où bien des métiers de la création da la musique ou de la peinture ou des choses comme ça, il y en a qui sont là-dedans. Il y en a on ne sait pas ce qu’ils sont devenus, il y en a qui font de la création... vous savez un mécanicien quand il retrouve une panne, il ne fait pas la création d’un nouveau moteur, mais en fait, il vient de déceler quelque choses qu’un autre ne décèlera peut-être pas forcément, puisqu’un bon mécanicien c’est celui qui retrouve les bonne pannes, hein. Et moi j’ai l’exemple non pas de quelqu’un qui a suivi la pédagogie Freinet mais d’un petit beau-frère qui s’est fait sa pédagogie à lui, c’est lui qui a le moins bon cursus scolaire si on veut, mais qui était capable à 14 ans de remonter des moteurs, de redémonter, de les recréer et tout, bon bien c’est vrai qu’il est arrivé à se faire une très bonne situation parce que c’était un... donc, il y a des créations qui sont très manuelles. On a un chantier qui s’appelle “ Créations Manuelles et Techniques ” à travers du bricolage, se dont je monte beaucoup. Je pense qu’il y a des gens qui créent des choses et donc, c’est tout un pan qui est aussi important dans la pédagogie Freinet.
Y compris l’aspect manuel, vous dites.
Y compris l’aspect manuel que personnellement, je ne développe pas assez, comme l’aspect technologique.
Vous disiez, oui au début de l’entretien que c’était pas assez...
Et ça, c’est un de mes manques, mais je pense que ça, ça a rapport avec la polyvalence de l’instructeur, que moi je ne crois pas à la polyvalence de l’instructeur, je crois à l’équipe, donc même si par exemple je fais partie d’une équipe Freinet, on partage... on essaie de se partager nos compétences sur un certain nombre de domaines.
D’accord.
Ce qui n’est pas toujours facile, mais bon, voilà.
Et tout à l’heure vous disiez lui transmettre le respect, la communication, l’implication, ça permet de faire un citoyen finalement. Et alors, par rapport à la créativité, finalement, pourquoi la créativité ? Pour faire quel type d’enfants ?
Bien un enfant qui ait sa propre personnalité puisqu’on a employé le mot de la personne, qui ne se coule pas forcément dans le moule, un citoyen c’est pas quelqu’un qui respect simplement les lois, c’est quelqu’un qui peut ensuite participer à une association, participer à un conseil municipal et proposer de nouvelles choses pour sa cité ou pour son groupe, prendre en charge une équipe de sport, enfin, il y a différents modes de réalisation de soi-même et puis de participations que j’appellerai citoyennes !
C’est ça, donc en fait la participation est donc tout à fait en lien avec la possibilité de créer, avec la création. Participer, s’engager s’impliquer et créer.
Voilà, et créer. Voilà, c’est créer une association si on en a besoin, c’est créer un monde de musique, ça peut être créer une structure ou créer une entreprise, pourquoi pas hein ? Ca peut être... je ne sais pas moi... Alors, c’est pas tout le monde qui va devenir créateur, hein. Et puis ce mot création, mais une personne qui se fait... une personne qui crée ses propres recettes de cuisine, qui à partir des recettes de cuisine arrive à refaire ses propres recettes, je vais dire c’est une création aussi, c’est une recréation hein ! De cette façon, les grands peintres, ils se sont copiés les uns les autres. Comme B., il est sorti E., hein. C’est pour ça que la pédagogie Freinet c’est aussi une pédagogie de l’expression libre, mais pas de la non directivité. Ca c’est important à dire, parce que moi, j’ai vu fonctionner des ateliers par exemple de l’expression libre sur un centre social où les enfants ils avaient que du matériel et l’animatrice, bien je suis là, je propose le matériel et je fais rien, tant que le groupe lui-même apportait des choses, était suffisamment nombreux, d’âge différent, etc. ça a bien marché et il y a un moment, je sais que les enfants qui y sont allés, se sont complètement désinvestis et ennuyés, parce qu’il n’y avait pas d’apports nouveaux du groupe et il n’y avait pas de volonté de l’adulte d’apporter aussi des choses. Nous aussi en temps qu’adulte, on a un rôle. La pédagogie Freinet, c’est une pédagogie aussi où le maître à une place importante. Ca c’est une de mes convictions. C’est un peu en annexe.
Oui, oui, tout à fait.
Ca fait partie de l’intelligence, là, c’est intéressant. La création, mais la création c’est vrai que c’est un des thèmes. Alors, il y a des gens qui le mette plus en avant que d’autres, que même que la communication. La communication, il y a des enseignants... la technologie, il y a des enseignants du groupe Freinet qui sont très, très pointus dans le domaine des recherches au sein de la communication, qui utilisent des fax, qui utilisent le Minitel, qui sont branchés sur Internet qui en fait sont très critiques pour le moment par rapport à ce qu’on peut y faire. Ils arrivent à des relations très lointaines, il y en a qui font... moi je fais un peu de communication, je fais des échanges de films vidéo, avec des échanges de cassettes. Bon ça, ça se fait.
Donc, il y a bien cette idée de faire une personne qui communique, qui s’implique, qui communique et qui crée, quoi.
Oui, qui communique. On pense que d’abord pour apprendre il faut placer un peu l’idée de Freinet. On pouvait pas que faire que l’école, le traditionnel c’est aussi une des critiques qu’il faisait. Il faisait semblant...il faisait semblant d’écrire... bon, ça se fait encore hein. Ecrire une lettre. On ait semblant d’écrire une lettre au Maire. Bon, dans la pédagogie Freinet on ne fera pas semblant d’écrire au Maire, on écrira au Maire pour dire on voudrait vous rencontrer, on voudrait savoir ceci ou cela, voilà.
Et alors, ce que je voulais vous dire, c’est que tout ça, ça doit vous demander beaucoup d’implication, alors beaucoup d’implications dans votre classe. Est-ce que ça vous demande beaucoup de travail à côté ? Est-ce que... Comment vous gérez tout ça ? Parce que vous disiez au début de l’entretien que vous aviez vu un maître côté un peu mythique et finalement il passait sa vie et à l’époque vous vous êtes pas mis tout de suite dans Freinet, le temps à passé, maintenant vous êtes Freinet et au fond, est-ce que vous vous êtes beaucoup impliqué ? Comment vous gérez ça ?
Ah, oui, je me suis beaucoup impliqué quand même dans l’école, c’est-à-dire que ça prend du temps, la gestion du travail individualisé prend du temps pour pouvoir suivre tout ça. Les lignes de courbes prennent du temps, mais ça dépend aussi des années et du nombre d’enfants, ça dépend des moyens aussi qu’on a au niveau pédagogique et des outils qu’on peut avoir, ça dépend des périodes de l’année, sur ce quoi on s’est lancé, disons que cette année j’ai trois correspondance, mais ça c’est passé. Ca fait beaucoup à gérer parfois, donc, il y a du travail en correction, mais surtout en préparation et puis en disponibilité. Donc des fois... ça c’est valable pour tous les enseignants. Il y en a qui ne sont pas pédagogie Freinet et qui s’impliquent beaucoup aussi, hein. Mon implication, elle n’est pas que sur le domaine de la classe, elle est sur le domaine aussi de l’école, hein, c’est à dire bon être... je le suis un peu moins cette année, parce que j’ai d’autres implications ailleurs, et qu’il faut prendre... mais l’implication elle peut être aussi à l’extérieur, c’est à dire implication dans le domaine du quartier, faire la liaison entre école et quartier, ce qui m’est arrivé.
Ce qui vous est arrivé ?
Oui, ce que j’ai fait. Donc, j’étais au centre social. Après ça été l’implication dans le domaine communal, donc je suis conseiller municipal.
Et vous l’êtes encore ?
Oui, sur ma ville, pas sur celle-là. Par choix au point de vue organisation. Il y a des collègues aussi qui sont très impliqués dans les associations par exemple la gestion de la bibliothèque de l’école ou bibliothèque de village, dans la gestion... dans le lien avec les associations extérieurs à l’école, le lien avec les MJC, le lien avec tous les intervenants qu’il peut y avoir, donc ça, ça entraîne c’est vrai des implications au niveau du temps. Bon, mais pour moi, ça se gère plus avec une vision citoyenne de l’école, c’est à dire que l’école, elle n’est pas isolée, elle doit être... elle fait partie de l’ensemble de la société, donc ça entraîne à apprendre des choix et après c’est vrai que les choix peuvent... l’implication elle peut se situer aussi parfois un peu trop en dehors de l’école. Il y a des moments où il faut savoir gérer. Mais ça, c’est personnel.
D’accord. Et donc, vous dites qu’à un moment donné, vous étiez moins impliqué dans l’école par rapport à la mairie et donc, maintenant vous avez d’autres implications à l’extérieur, vous avez d’autres choses.
Voilà.
Et qu’est-ce que vous avez comme autres engagements, maintenant ?
Le conseil municipal.
C’est le conseil municipal. C’est ça surtout qui prend beaucoup de temps.
C’est surtout ça, voilà.
Qui prend beaucoup de temps. Parce ce qu’à l’époque, vous ne faisiez pas partie du conseil municipal. Vous étiez ?
J’ai été dans une association de... dans plusieurs associations, ce qui fait que... associations de quartiers ou inter ville, ce qui fait que ça prend aussi du temps. Alors c’est vrai que je sais aussi, par rapport à mon implication personnelle, c’est vrai que ma façon de diriger les choses dans une réunion ou ma façon de m’impliquer, elle est quand même aussi liée à ma façon d’être, etc. mais aussi à la pédagogie Freinet. C’est-à-dire que diriger les réunions, c’est ce qu’on fait aussi quand on se retrouve ensemble et en classe on utilise les techniques d’animation de groupes qu’on a pu utiliser en adultes et la formation qu’on a... Et donc notre formation qu’on a... c’est important aussi, on est en réseau avec d’autres enseignants et donc on se conforte entre nous. Si on est isolé, on peut voir les autres, on peut en discuter, on sait qu’il y en a d’autres qui font la même choses que nous, donc ça c’est important, la pédagogie Freinet par rapport à d’autres pédagogies peut-être. Je n’en sais rien, je ne connais pas, mais par rapport en tout cas aux pédagogues qui se mêlent nulle part... il y a des enseignants je pense qui ont essayé de faire des techniques Freinet, qui sont partis sur des choses, qui ont tenté des choses et qui ont échoué. Or, si on se retrouve seul, si on n’est pas relié avec des gens avec qui discuter... en effet, on va avoir tendance à arrêter, à faire autre chose en disant ça ne marche pas, or, si on est dans un groupe, on va pouvoir se dire nos échecs et nos réussites. donc, s’il y a les copains qui disent moi, la correspondance ça n’a pas marché et puis que l’autre en effet, mais moi, par contre la correspondance, ça marche, et il dit si ça n’a pas marché vers toi, c’est peut-être parce qu’il y avait ceci, il y avait cela. Là, il y a peut-être ça qui a manqué. Bon, il y a plein de choses comme ça. Ce réseau est très important. C’est très important d’avoir un réseau de gens sur lesquels on peut s’appuyer, avec lesquels on peut discuter un moment ou un autre, même si c’est sur un plan informer et pas forcément etc. avoir des revues aussi qui montrent que les choses sont possibles, qu’on voit qu’on n’est pas les seuls à partager nos convictions. Ca c’est très important de ne pas rester isolé.
Oui, d’accord. Et vous disiez quand je suis au niveau de la mairie, ça peut être lié à la pédagogie Freinet, mais aussi.
Dans ce sens que par exemple je suis en train de monter... je suis dans l’opposition, mais je suis en train de monter au conseil municipal d’enfants sur la commune. C’est vrai que je pousse dans ce sens là et que je mets des... pas des barrières, au contraire, mais je renie les craintes que je peux avoir par rapport à un certain nombre de conceptions que j’aies, c’est à dire que les délégués, il faut qu’il y ait un gros travail au niveau des enseignants pour que derrière, il y ait des délégués, qu’il faudra faire attention aux rapports qui seront faits, qu’il soit plus possible fait par les enfants eux-mêmes pour que se soit lisible et non pas fait comme.... par l’inspecteur de mairie qui fait les rapports ce qui fait que les enfants quand ils lisent ça, sauf l’intello de service, les autres ils ne maîtrisent pas du tout ! voilà, c’est là où je dis que bon... et puis dans ma façon d’envisager les travaux au sein des commissions, de pouvoir redire les moments où je parle de tel ou tel niveau, ma formation dans la pédagogie Freinet me semble importante, au sens où aussi c’est pas si simple que ça. C’est-à-dire l’implication syndicale, l’implication dans les associations, les prises de responsabilité ici ou là, font qu’on se forme, hein. C’est ces choses-là qui nous forment.
D’accord. Alors vous dites c’est lié à la pédagogie Freinet tout ça et vous dites aussi c’est lié aussi un peu à mon tempérament peut-être. Alors est-ce que vous pouvez m’en parler un peu de ça ? Comment on vous voit ? Qu’est-ce que vous auriez à dire un petit peu de ça ?
Oui, c’est-à-dire que moi, je suis quelqu’un de communication, qui aime bien communiquer, qui aime bien discuter, qui est assez ouvert, qui aime bien bavarder, donc mon tempérament me porte à aller à des réunions, hein. Donc à participer, à prendre des responsabilités, à suivre les responsabilités que j’ai à assumer et puis à... bon, je ne suis pas grand créatif, mais bon, je peux écrire. J’écris des articles dans des revues, j’écris pour le conseil municipal maintenant, je rédige le bulletin municipal, bon voilà. Donc c’est lié sans doute à ça, mais c’est surtout au niveau de la communication. C’est vrai que je pense que la pédagogie Freinet ça m’a intéressé parce que c’est vrai qu’il donne la parole et que je pense que c’est important d’avoir la parole, qu’on l’exprime après par écrit, par oral, par les créations qu’on peut faire, par même l’expression corporelle ou le côté sportif des choses, hein. Il y a des enfants qui sont très sportifs et c’est là qu’ils s’épanouissent hein ! Comme.... c’est intéressant.
Oui. Est-ce que ça vous est arrivé d’être sûrement en échec par rapport à votre pédagogie Freinet, soit dans votre classe ou en échec par rapport à d’autres qui viennent vous contre dire ? Vous parliez tout à l’heure qu’il y avait des inspecteurs qui étaient intéressants, d’autres moins. Alors est-ce que vous avez eu des situations comme ça ? Est-ce que vous pouvez m’en parler un peu ? Des situations de conflit par rapport à la pédagogie Freinet. Ca c’est autre chose.
Oui, alors, situation de conflit... c’est pas par rapport à la pédagogie Freinet, c’est par rapport à l’autoritarisme, donc l’autoritarisme d’un inspecteur qui vient. Bon vous travailliez en équipes l’année dernière, vous êtes organisé comme ça, moi pour cette année vous pouvez continuer, mais à partir de l’année prochaine, j’en veux plus. Première rencontre avec un inspecteur qui tout de suite, sans savoir exactement comment on fait, comme on s’organise, quel type de travail... comment on s’est réparti, dit je ne veux plus de cette répartition-là ! Bon alors tout de même ! Et qui ensuite met des bâtons dans les roues en descendant les collègues les plus jeunes. Moi, il m’avait descendu ma note. Je m’en fichais ! Le fait est que c’était moi le plus jeune de l’équipe, donc c’est moi qu’il avait descendu. Il est réputé, il est resté cinq ans sur la circonscription et puis après il a été au niveau de l’inspection académique, donc il a continué à faire des blocages et à être insupportable, hein. Tant et si bien que quand il a eu une attaque, les gens espéraient qu’il ne se remette pas, hein ! Je me suis aperçu que le haïssait un petit peu moins qu’autre fois, mais oui, c’est des termes comme ça, alors ça amène souvent... c’est ce qui amène à des bagarres syndicales avec les parents d’élèves et tout, plus fortes que la pédagogie à un moment et c’est un peu dommage quoi ! Et puis ça, c’est les oppositions... avec les parents, c’est pas sur... j’ai peut-être la chance d’être dans une école où la pédagogie Freinet était déjà connue et donc les parents, ils savaient. Il y en avait qui pouvaient apprécier plus ou moins selon la réussite des enfants, c’est toujours pareil ! Donc il est difficile de démêler ce qui peut nous être reproché par rapport à ça et par rapport généralement au niveau de l’enfant, des réussites, des choses qu’on aurait dites ou pas dites. Maintenant des échecs par contre, des échecs de non réussite, c’est des échecs... pas tous les jours, mais dans une année, si par exemple, il peut y avoir des déviations dans un groupe.
Cette année, j’ai des enfants qui ont volé... qui ont volé systématiquement des affaires. Il y a des affaires qui ont disparues, il avait été amené des bonbons et des gâteaux pour un goûter, qui étaient restés... il y avait des restes, eh bien ça été piqué dans le placard quand on était pas là, après, il y en a qui pendant qu’on était au vestiaire, dans la salle de sport, sur une sortie, on piqué des pommes et des machins, ça a fait une vrai crise ! Il y a des moments de très, très graves problèmes hein, qui entraînent à se demander si on va pas arrêter Avec nos coopératives on discute des sentiments alors que par derrière, s’ajoute d’autres choses. Donc il y a des moments où on est en fort doute, toujours ! Par rapport à... on parlait aussi de l’individualisation de travail, du travail dans des classes à deux cours, c’est vrai qu’il y a certains enfants quand je peux les remettre dans une classe à un seul cours, certains enfants, je pense que ça peut leur être bénéfique parce que on a, à la fois des enfants qui sont... il y a des enfants qui sont trop couverts, qui sont pas assez cadrés, donc des fois il vaut peut-être mieux, tant pis ils ne bénéficieront pas de ce que je peux leur apporter au niveau ouverture et tout, mais ils l’ont par ailleurs, mais ils ont besoin au contraire de rentrer dans un système un peu plus guidé, même si moi je pense qu’on a des exigences et tout, mais en tout cas il y en a qui sont vite lésés ! Un copain qui employait l’expression un peu triviale, un peu rapide de chasser les touristes, mais non, c’est vrai qu’il faut faire attention à ce que les enfants, il fassent un véritable travail hein ! Et donc, il peut y avoir des dérives où certains n’arrivent pas à rentrer là-dedans. C’est un apprentissage ou certains... c’est pour ça que moi j’ai des systèmes que j’ai amélioré au fur et à mesure pour les aider et savoir ceux que je dois aider en priorité. Par exemple, s’ils se débrouillent bien au bout d’une quinzaine, s’ils ont respecté le contrat qu’ils avaient, ils vont avoir un feu vert qui leur permet de continuer à se débrouiller seul sans venir me voir et d’autres au contraire un feu orange et un feu rouge, qui leur donneront des priorités pour venir me voir souvent, pour que je les aide, pour que je leur dise, eh bien là, tu en es là, attention, il ne te reste plus que trois jours, donc il faudrait que tu finisses ça d’abord, peut-être la poésie que tu as à copier, tu peux l’emmener à la maison parce que ça, c’est juste à copier, tu n’as pas besoin de l’aide de personne hein. Je vais leur donner des consignes de ce type là, des aides de ce type là, je vais leur dire travaille avec untel, il pourra t’aider, voilà.
D’accord. Vous évoquez là, deux ou trois petites choses, des problèmes qui sont des problèmes... vous évoquiez parce que je vais reprendre ça, ce doute. Des fois, vous pouvez douter. De quoi vous doutez quelque fois ? Quels sont moments où vous vous remettez en cause peut-être ? Est-ce que vous pouvez m’en parler un petit peu de ça ?
Bien les doutes, par exemple, c’est quand on sent que le groupe... que les réunions qu’on tient où on parle ensemble d’un certain nombre de lois qu’on a définies ensemble avec les enfants et bien sûr le maître il est pas net dans ses définitions aussi, eh bien c’est les enfants qui sont arrivés à les définir au sens où on a des moments où on peut critiquer les copains, leur dire ce qui ne va pas et où malgré tout on s’aperçoit, mais ça on sait, qu’il y a des choses qui se passent en dehors de nous. Il y a des blocages, donc on se dit comment... est-ce que cette réunion elle est suffisante ? Est-ce qu’il faut en faire plus ? Où au contraire, est-ce qu’il faut arrêter de la faire momentanément en disant on suspend pour mettre le couperet en disant bon, vous ne voulez pas rentrer dans ce système là, eh bien on va attendre que ça revienne, que l’ordre il revienne. Il y a toujours des moments... on est seul, hein ou alors, il faut pouvoir discuter avec les collègues et les gens qui sont en équipes, il vont discuter, ils vont pouvoir voir tiens, eh bien moi, je fais comme ci, je fais comme ça. Il y a des fois, il faut prendre des décisions très rapides, donc il faut décider. Il y a des fois on est dans le doute. Est-ce qu’on a pris la bonne décision ? De même vous voyez, certains enfants, est-ce qu’on a bien fait de les confier, de les faire aider par untel, est-ce qu’on a bien fait nous, de passer du temps avec eux, est-ce qu’il aurait pas fallu lui laisser plus de temps ? Il y a des moments aussi ou nous-mêmes, on fait des forçages, hein. On dit bon, bien ça, il faut quand même que tu l’ai acquis, on dit allez entraînes-toi là-dessus. Bon, moi je leur donne des obligations. Travailler la mémoire, donc il y a des choses qu’on apprend par coeur, des auto dictées, etc. bon, bien ça aussi, il y a des fois je me dis est-ce que ça sert, est-ce que ça sert pas ? Des fois par rapport au programme aussi, est-ce qu’il faut respecter le programme parce que c’est écrit, est-ce quand même je vais leur parler avant la fin de l’année du subjonctif et du conditionnel en sachant que de toute façon, ils ne le maîtriseront pas ? Donc, c’est des questions que je me pose quand même hein ! En fait je le fais en... c’est intéressant, mais je le fais sans faire des exercices systématiques, etc. mais bon, ce sont des questions qu’on se pose chaque fois. On va laisser untel partir en sixième, c’est des questions que tous les enseignants se posent, hein.
Est-ce que ça vous arrive de doubler (?)la pédagogie Freinet ou non ?
La pédagogie Freinet, je ne la double (?) pas. Je crois que les intuitions de Freinet sont de plus en plus corroborées par tout un tas de... que ce soit au niveau psychiatre, dans l’étude du cerveau, comment on apprend, etc. La petite enfance qui montre comment les enfants apprennent, que ce soit les psychopédagogies qui mettent en avant les pratiques, etc. Alors de temps en temps, on va faire au niveau des médias... et moi je continue à avoir confiance dans les idées....
Vous continuez ? C’est de plus en plus ou c’est...
Ah oui, c’est une conviction qui est très profonde depuis que je connais... depuis une dizaine d’années, je connais des gens au niveau national qui ont fréquenté Freinet, donc à la fois, les idées du personnage Freinet, elles sont mixtes, mais par contre au niveau de ce qui peut se faire, j’ai une grande foi, une grande confiance là-dedans, en sachant que la pédagogie Freinet c’est quelque chose qui n’est pas vérouillé.