ANNEXE 3.
Transcription des entretiens PEI.

ENTRETIEN N° 1.
Enseignante en SEGPA. Pratique le PEI depuis 10 ans.

  • Est-ce que vous pouvez évoquer cette circonstance ou vous avez entendu parler du PEI, de la médiation ?

  • Moi je fais partie de la première génération de gens qui ont été formés au PEI. Donc c’était une époque où on ne connaissait pas du tout ici en France. Il y avait eu je crois une conférence de monsieur D, qui travaillait dans le cadre de Paris V, je crois à ce moment-là, et moi personnellement je ne l’avais pas entendue. Comment j’ai été amenée à suivre cette formation ? D’une façon tout à fait détournée, c’est-à-dire que le ministère a envoyé dans les établissements de Paris et de la région Parisienne, une circulaire en demandant des volontaires pour participer à une formation dont on ne donnait pas la teneur, parce que ça allait être une expérimentation et que ça avait un côté mystérieux et secret. On expliquait pas du tout le pourquoi de cette formation, les tenants et les aboutissants, les buts, on ne disait rien de tout ça. On disait, je ne sais plus quels étaient les termes exacts, mais que c’était une formation qui s’adressait à des enseignants qui travaillaient avec des élèves en difficultés. Et, nous dans l’institution dans laquelle j’étais, enfin dans l’équipe, ça avait été compris comme une méthode d’aide à la lecture.

  • Moi je me suis portée volontaire parce que je pense, je suis d’un esprit curieux, par nature et donc avec tout le mystère qui entourait cette formation qui était présentée comme une formation longue le côté mystère m’intéressait. Je me suis dit : ’Qu’est-ce-que l’institution a à nous proposer ?’. Et puis aussi, çà correspondait sans doute à un moment où dans le cadre de cet enseignement, personnellement je me sentais un petit peu en bout de course. C’est-à-dire que je constatais, j’avais constaté années après années que les apprentissages ne se faisaient pas, ou qu’ils se faisaient très difficilement et que ce que j’avais pu essayer de développer en termes de projet - parce que à cette époque là je faisais beaucoup de projets - ce qu’on appelait à l’époque des PAE (projet d’activité éducative). J’ai toujours aimé travailler par thème donc j’avais lançé plusieurs thèmes, plusieurs études qui, un petit peu, je dirais, étaient le support de mon travail, mais en même temps, c’était tout à fait passionnant intellectuellement, riche d’expériences. Les gamins semblaient contents, semblaient y trouver leur compte y’avaient des productions vidéo des choses comme çà... mais en même temps en termes strictement d’apprentissage, moi je ne voyais pas d’effet. C’est-à-dire que d’une année sur l’autre, mes collègues me disaient, mais cette notion tu l’as abordée ? Franchement, on a l’impression qu’ils ne l’ont jamais vu. Donc je me disais que s’il y avait quelque chose qui était proposé, c’était proposé en terme d’apprentissage de la lecture, enfin c’est comme ça que je l’avais compris à ce moment là. Dans le cadre de mon enseignement de français, je me disais : ’pourquoi pas’. S’il y a quelque chose de nouveau, ça peut être intéressant allons- y, et je me suis inscrite.

  • Donc moi j’ai été formée par les Israéliens par une dame qui s’appelle LD et puis par Feuerstein aussi bien-sûr. Il avait ouvert cette formation, et donc, je me suis retrouvée dans une formation qui a été complètement déroutante puisque c’était pas du tout la formation qu’on avait imaginé. Ce n’était pas en relation avec ce qu’on avait imaginé. En tout cas, la représentation qu’on en avait. Alors c’est vrai qu’à partir de là il y avait des réactions diverses, parmi les personnes qui se sont retrouvées en formation avec moi et moi j’ai tout de suite bien accrochée... Ce qui m’a le plus accrochée c’était l’idée de faire quelque chose d’extrêmement difficile sur lequel nous même adulte en formation on se retrouve en situation d’echec même par moment, donc pour nous qui sommes considérés comme normalement intelligents, c’est pour nous une difficulté.. et quelle gajeure d’avoir à présenter çà.. d’avoir à former des élèves en difficultés.. dit en grosses difficultés.. vis-à-vis de ce matériel qui à nous, pose déjà énormément de problèmes... Cette idée-là m’a énormement intéressée. J’ai trouvé que c’était un challenge formidable d’imaginer que quelque chose qui nous résiste à nous.. et bien, malgré cette difficulté que ça pouvait représenter pour nous, on allait en plus la proposer à des gosses qui ont des difficultés. Donc ça, ça m’a tout de suite énormément intéressée. Le deuxième aspect qui m’a séduite c’est le fait que les contenus auxquels nous étions soumis n’étaient pas des contenus strictements disciplinaires. Je dis bien strictement, parce que je pense que c’est.. quand on dit que le PEI n’a pas de contenu, personnellement je dis non c’est pas vrai.. il a des contenus.. derrière le travail qui est fait. Mais en tout cas, les modalités de présentation étaient tellement différentes de ce que l’on proposait aux ’gosses’ généralement que pour moi c’était un facteur qui pouvait être déterminant pour ces gosses-là parce qu’ effectivement on leur proposait autre chose, d’autres situations auxquelles ils n’avaient pas de références passées.. de référence en terme d’échec, en terme de blocage psychologique et ça, c’est un deuxième aspect qui m’a aussi énormément séduite. Une autre chose aussi qui était pour moi de souscrire à l’idée que quelque soit la difficulté de départ on pouvait aider une personne à évoluer, à progresser, que l’on enfermait pas dans une certaine image avec une étiquette collée au front d’handicapée ou de personnes qui à d’énormes difficultés et pour lequel on ne peut plus rien faire. Bon, et sans doute si ces aspects là m’ont beaucoup séduite c’est parce que moi même quand j’étais gamine je me suis retrouvée un certain nombre d’année jusqu’au cours moyen première année en situation d’echec scolaire. J’étais une gosse en échec scolaire. Pour des raisons purement psychologiques et bon, il s’est trouvé qu’en tant qu’élève de cours moyen deuxième année, je me suis réveillée, comme on dit, .. j’étais devenue un phénomène dans l’école où j’étais, où il y avait des stagiaires et j’étais devenue objet d’observation, parce qu’un élève qui est en queue de classe et qui passe d’une année à l’autre en tête de classe c’était très bizarre, çà c’était jamais vu, et j’étais donc un phénomène étonnant... Et j’ai toujours eu en tête que derrière un élève en difficulté peut se cacher une personnalité.. peut se cacher des potentialités que l’institution par elle-même n’a pas les moyens si vous voulez de faire croître et progresser et que souvent des souffrances peuvent euh, des souffrances psychologiques.. des souffrances de vie peuvent comme çà, sinon interrompre du moins fortement handicaper la progression d’un élève et que le rôle de l’institution.. où de l’enseignant était de pouvoir permettre à ces gamins-là de pouvoir se révéler avec toute leur personnalité et toutes leurs potentialités...Donc si vous voulez.. c’est très lié à mon histoire personnelle dans le sens où j’ai toujours cherché à démontrer.. çà fait maintenant quinze ans que je travaille dans l’éducation spécialisée...j’ai toujours eu le souci de démontrer qu’on pouvait faire des choses extra-ordinaires avec des gamins que l’on considère à priori comme lourdement déficitaire... voilà.... je ne sais plus quelle était votre question de départ.

  • Ma question de départ c’était à propos de la première fois où vous avez entendu parler du PEI, et vous me disiez que c’était suite à une conférence de Mr D et que ce qui vous a marqué dans cette formation, c’était l’absence de contenus disciplinaires avec quand même la présence de contenu. Pour vous c’était un challenge que d’essayer finalement de faire progresser les enfants là ou pour vous même le matériel était difficile. C’était votre conviction aussi que l’élève peut progresser puisque vous évoquiez votre histoire personnelle finalement puisque vous étiez en échec scolaire. Alors on pourra reprendre ces éléments par la suite. Est-ce-que vous pourriez me décrire votre itinéraire professionnel afin de comprendre comment est intervenue cette entrée dans le PEI ?

  • Bon, au niveau professionnel je suis sortie de l’école normale en 74, après deux ans de formation à l’école normale, j’ai du travailler trois ans en maternelle et en primaire.. ensuite... c’était une époque ou.... comme je faisais beaucoup de syndicalisme et que j’étais répérée dans l’académie de L.. comme un élément pertubateur, tout en étant mis la première année, en classe d’application, comme je pense que j’avais trop remué le cocôtier.. je me suis retrouvée sur des postes de titulaire mobile donc c’était aussi le démarrage de ces fameux postes puisqu’il n’y avait pas suffisamment de postes de titulaires qui étaient offerts pour la première fois aux normaliens sortants et que çà, çà ne me plaisait pas du tout et bien d’avoir à me déplaçer d’un poste à l’autre, c’est pas ce que je voulais... Moi je voulais avoir une classe sur l’année pour faire un travail suivi...

  • Donc à ce moment-là et bien j’ai demandé le stage d’éducation spécialisée pour passer à l’époque ce qu’on appelait le CAEI.. tout çà pour avoir un poste à l’année et puis j’avais une expérience touchante aussi c’était dans le cadre d’un remplaçement dans une école primaire.. j’étais à côté de la classe de perfectionnement j’avais un cours élémentaire à ce moment-là ce qui m’avait énormément marqué c’est que je voyais des gosses avec un instit en blouse grise, avec le bérêt sur la tête que je trouvais horriblement triste et ces gamins faisaient un peu peur. C’était des gamins perturbés, un peu chahuteur et ce qui m’avait profondément marquée..c’était un jour..ces gosses-là avaient été ramasser les fleurs des jardins publics et me les avaient offertes et je m’étais dit tiens.. c’est peut-être un signe pour moi, et l’année d’après je m’inscrivais en stage pour passer ce fameux CAEI. Donc j’ai passé une année en formation à L... pour le CAEI ensuite j’ai travaillé une année dans un GAPP.. non d’abord une année dans une classe de perfectionnement où la-encore la classe m’avait été présentée d’une façon abominable par mon prédécesseur...çà a été une année assez exceptionnelle cette année là..dans cette classe de perfectionnement.. ensuite j’ai passé une année dans un GAPP à L... et puis ensuite j’ai demandé ma mutation sur Paris et donc je suis arrivée en 80.. à la SES du collège où je suis maintenant depuis quinze ans... Donc en suite le PEI c’est en 83 que çà a du démarrer...donc j’ai du faire trois années avec mes “projets” et puis ensuite je me suis formée au PEI.. suite à çà j’ai repris un cursus universitaire..j’ai repris des études en licence maîtrise DEA et maintenant je suis en thèse aussi en sciences de l’éducation à Paris V. Sinon parallèlement j’ai engagé des opérations de formation d’adultes. Bien-sûr formation au PEI.. puisque je suis allée à Jérusalem sollicitée par les Israëliens d’ailleurs.. qui m’ont facilité cette formation à Jérusalem et puis donc formation au PEI, et puis je suis intervenue dans des stages pédagogie de la médiation en particulier sur l’évaluation et puis depuis l’année dernière j’interviens à l’IUFM mais là avec un public tout à fait différent auprès de conseillers pédagogiques du second degré.. Je travaille avec eux sur l’entretien d’explicitation, je sais pas si vous connaissez de Vermersch et puis j’interviens plus sur un aspect..je dirais plutôt didactique.. alors c’est étonnant parce que c’est dans un lieu où ils sont très anti PEI.. ils sont très branchés didactique.. ils n’ont pas du tout d’ouverture sur ce type d’approche.. mais moi çà m’a toujours interessé de faire le lien entre les choses.. et de ne pas penser en terme d’exclusion. Je pense que par rapport à tout ce qui est difficulté d’apprentissage.. je crois qu’il faut faire feu de tout bois.. qu’on ne peut pas se permettre de laisser de côté quelque- chose surtout si çà peut être un apport.. donc moi tout ce qui est apport sur les contenus avec réflexion de type didactique m’intéresse.. au même titre que cette approche- là qui n’est pas la voie de la didactique... Donc tout en étant depuis quinze ans dans cette section d’éducation spécialisée par ailleurs je fais plein d’autres choses.

  • Donc dans cet itinéraire il y a eu quelques éléments marquants dont vous avez parlé au départ, notamment cette classe de perfectionnemnt où les enfants vous avaient offert des fleurs. Mais qu’est ce qui vous avait marqué plus spécialement... vous avez parlé d’un évènement marquant ?

  • Oui mais je ne le savais pas.. c’était à la fois marquant parce que à la relecture en fait.. à la relecture si vous voulez de cet itinéraire.. j’avais pas l’impression que c’était une vocation pour moi de travailler dans l’éducation spécialisée.. c’est-à-dire qu’il y avait un fait institutionnel qui était que je n’avais pas de classe fixe et que je voulais en avoir et que le seul moyen d’en avoir c’était de partir dans l’éducation spécialisée çà c’est le prétexte institutionnel.. mais à la relecture des choses.. je pense que c’était tout autre et que euh.. je crois que j’avais besoin moi de travailler dans ce que je pourrais appeler.. je ne sais pas si c’est le terme mais la réparation.. aider à la réparation et à la restauration de personnes bléssées.. çà c’est de l’ordre de la vocation je pense que c’est une vocation chez moi.. même si maintenant je pense que je vais avoir un itinéraire professionnel un peu différent. Je ne quitte pas cette vocation c’est-à-dire que ce n’est pas parce que je ne m’adresserai pas directement à ce type d’élève que je ne ferais pas une formation avec des enseignants qui ira dans le sens de la prise en compte de l’échec de la difficulté et de ce type de population.. mais à un autre niveau, c’est-à-dire en formant des enseignants dans ce sens là.. çà c’est quelque chose que je ne perds pas de vue et qui est de l’ordre de la vocation je crois même si çà peut se justifier complètement autrement.. bon partir dans l’éducation spécialisée parce que j’avais pas de poste fixe maintenant çà pourrait être.. puisque je suis en thèse il est normale que je quitte une classe de section d’éducation spécialisée qu’on m’offre un poste qui soit à la hauteur de mes diplômes universitaires.. on peut le relire comme çà vous voyez, mais en même temps c’est pas ce qui est premier fondamentalement.

  • En même temps vous avez fait un lien dans votre histoire personnelle avec votre échec scolaire, bon y’a peut-être d’autres liens, on y reviendra peut-être plus tard, y’a un deuxième élément marquant ce n’est peut-être pas le bon mot, mais, c’est le syndicalisme, vous disiez que vous étiez engagée..

  • Je l’ai toujours été..

  • Alors vous faîtes quand même un lien avec le fait que vous ayez eu un poste mobile, alors est-ce-que vous pouvez parler de cette époque du syndicalisme et en quoi vous faîtes ce lien avec ce poste qu’on vous aurait attribué ?

  • Parce que en L... j’ai fondé une section du SGEN CFDT qui n’existait pas à l’époque. Donc j’ai fondé cette section qui était une aventure tout à fait passionnante parce qu’il était pas question pour moi de faire du syndicalisme de type institutionnel comme j’ai souvent considéré et que je considère encore le syndicat des enseignants même si j’adhère encore au syndicat des enseignants et que étant à P.. je ne suis plus au SGEN CFDT, mais dans ma tête être un syndicaliste.. c’était défendre des valeurs, des idées, une certaine conception de l’enseignement plus qu’un statut d’ailleurs.. plus qu’un statut professionnel, mais c’était avoir un... oui une certaine représentation du métier.. et puis c’était une manière aussi pour moi de toujours refuser de faire comme tout le monde.. d’être un mouton.. c’est une image qui m’a toujours personnellement fortement angoissée, je pense que c’est de cet ordre-là, de faire comme, d’être noyée dans la masse.. j’ai jamais voulu l’être, donc c’est pour çà que le SGEN m’intéressait parce que c’était une autre forme de syndicalisme.. c’était s’intéresser à la vie quotidienne de l’école.. c’était dénonçer des phénomènes quotidiens.. c’était dénoncer des dysfonctionnements.. donc c’était convoquer la presse.. faire des déclarations itérambiques sur des organisations de (?), quand vous tombez sur la classe d’application.. l’école normale.. l’institutrice de L..vous ne vous imaginez pas le remue-ménage que çà a pu faire..

  • Pouvez-vous me donner des exemples concrets de ce qui a pu se passer ?

  • C’était par exemple dénoncer le fait que par le biais de la coopérative on demandait le financement de l’école publique et qu’à ce titre-là on ne pouvait pas parler d’école gratuite, donc c’était dénonçer ce type de fonctionnement si vous voulez.. qui je pense est tout à fait d’actualité et le deviendra de plus en plus, mais l’école public gratuite, c’était de dire en fait sous couvert de gratuité.. on fait payer aux gens des choses qu’ils n’ont pas à payer.. qui devraient être payées par les municipalités. Dans une petite ville de province çà porte très très lourdement surtout quand il s’agit d’une école d’application... donc vous voyez par exemple c’était de cet ordre-là.. c’était dès qu’il y avait un remplaçement qui n’était pas fait, dénonçer la surcharge d’élèves par classe.. bon... C’est çà quoi... je ne sais plus.. c’était travailler au niveau du quotidien.. c’est-à-dire dénoncer ce qui au niveau du quotidien rend difficile ou surcharge le fonctionnement d’une école.. c’était euh.. pour moi le syndicalisme.. ce n’était pas des grands idéaux qu’on brasse.. c’était très concrètement dénoncer ce qui quotidiennement était génant pour le fonctionnement d’une école.. donc c’était complètement différent de ce qui se faisait puisqu’à l’époque le SNI en L... et puis je pense que çà doit continuer comme çà.. mais il n’y avait que des positions très générales..ont étaient présents à toutes les commissions pour les demandes de postes..euh..pour moi c’était une administration bis.. pour moi c’était pas une action syndicale.. l’action syndicale çà devait s’inscrire dans l’action..

  • Cà vous prenait beaucoup de temps ?

  • Non.. oui, mais j’ai jamais eu l’impression de surcharge.. j’ai toujours fait plusieurs choses en même temps donc euh.. non çà prenait du temps mais je trouvais que ça m’en prenait pas tant que çà. En tout cas, on avait du temps dans sa vie pour çà.. non j’en ai fait six ans après j’ai rendu mon tablier en me disant je ne veux pas être non plus une syndicaliste institutionnelle même si on m’avait offert un poste syndical au niveau national.. j’ai refusé.. c’est pas çà qui m’intéressait je voulais pas non.. je voulais pas en faire.. j’aurais pu.. là encore un choix de vie là. J’aurais pu devenir syndicaliste professionnel.. çà m’a pas intéressé.. c’est pas çà que je cherchais..

  • Et vous disiez c’était motivé pas des grands idéaux, mais quand même des idées, des valeurs concrètes, une certaine conception de l’enseignement.. et est-ce-que vous pourriez en parler de çà de cette conception de l’enseignement à l’époque que vous aviez par rapport à cet engagement dans le syndicalisme ?

  • Ba c’était euh.. c’était quoi.. surtout pas des classes surchargées.. c’était favoriser le travail en équipe.. permettre que les gens aient le temps de se réunir.. depuis c’est devenu institutionnel.. mais à l’époque çà ne l’était pas du tout.. c’était pouvoir faire des échanges d’une classe à l’autre.. c’est toujours pas fait.. c’était si vous voulez un certain nombre d’années avant, penser en terme de fonctionnement en terme de cycles.. Je veux dire que je me suis complètement retrouvée dans la réforme de 1989.. mais c’était des idées que déjà je défendais il y a longtemps.. donc c’était un suivi plutôt individualisé du gamin.. c’était faire participer beaucoup plus les parents à la vie de l’école.. je veux dire à ce moment-là.. et puis çà l’est encore.. c’était considérer comme et çà l’est encore.. c’était considéré comme quelque chose d’horriblement dangereux d’ouvrir l’école sur le monde environnant et permettre aux gens de l’extérieur de s’introduire dans l’école.. C’était beaucoup plus responsabiliser les élèves.. c’était de cet ordre-là...

  • Donc c’était ce qui était le plus moteur de votre action syndicale ?

  • Ah puis c’est... si.. non.. je veux dire moi j’ai toujours été quelqu’un de gauche.. je veux dire je me suis toujours reconnue fondamentalement dans les valeurs de la gauche.. donc j’y trouvais aussi tout à fait ma place.. Mais c’est plus une conception de l’action syndicale qui était différente qu’autre chose...

  • En rapport avec votre métier.

  • Oui... c’était une conception oui de cette action.. mais je me retrouvais complètement dans les valeurs de la gauche.. euh... dans l’idéologie de la gauche à cette époque là... à ce moment-là j’étais au C qui était l’aile gauche du parti socialiste.. non, je veux dire c’était en relation avec des idées et des valeurs qui étaient défendues par les partis de gauche à ce moment là.. mais dans la manière d’agir pour moi çà n’avait du sens que si sur le terrain.. concrètement on faisait avancer des modes de fonctionnement.. même si par ailleurs j’aimais bien participer à des grandes assemblées où on réfléchissait aux fondements.. à des fondements d’un mode de fonctionnement.. je ne veux pas dire que je le mettais de côté où que çà ne m’intéressait pas.. çà m’intéressait et si vous voulez pour moi faire du syndicalisme c’était pas simplement faire çà..c’était très concrètement sur le terrain faire avançer les choses...

  • Donc politiquement vous étiez aussi engagée ?

  • Oui, tout à fait... Oui.. j’étais engagée dans pleins de choses.. oui...

  • Alors vous avez fait une relation entre cet engagement dans le syndicalisme et puis votre poste de titulaire mobile.. Vous pensez qu’il y a un lien... Qu’est-ce que...?

  • Oui.. on me l’a dit..

  • Vous pourriez parler de cela ?

  • Clairement dit... Quand j’ai passé une année, suite à la sortie de l’école normale.. on m’avait offert le plus beau poste puisque j’étais sortie major.. On m’avait offert une classe d’application et puis comme j’étais pas dans les rangs.. et que c’était pas parce que j’étais à l’école d’application que j’allais me taire et ne pas dire ce à quoi je croyais.. On me l’a très clairement dit.. On m’a dit que c’était pas possible qu’on puisse me garder sur ce type de poste que çà correspondait pas bien à mon profil et que donc.. euh.. l’année d’après je repasserais avec la position..euh avec pas d’ancienneté.. donc.. qu’est-ce-qui restait ? il restait des postes de titulaires mobiles..

  • Qui vous en a informée.. ?

  • La directrice de l’école normale qui était mon inspectrice...c’était assez clair.. mais je le savais... j’avais toujours eu des rapports assez tendus avec cette..

  • Donc çà vous paraissait dans la logique...

  • Oui complètement.. Je veux dire. j’ai passé deux ans à l’école normale.. J’étais pas non plus une élève sage au sein de l’école normale..J’étais assez provocatrice.. On m’avait interdit de me mettre en pantalon.. y’avait une fille en pantalon à l’école normale de fille c’était moi.. je veux dire... je veux dire je savais. Bon, on nous avait interdit d’éditer un journal.. bien-sûr avec d’autres j’avais édité un journal.. bien-sûr avec d’autres ont avaient fait la grève d’un certain nombre de cours.. non.. j’ai toujours été un petit peu.. oui enfin j’ai toujours eu cet aspect- là quoi de refuser de me plier quand je considérais que çà correspondait pas à ce à quoi je croyais.. Bon euh.., je me souviens de ce moment où.. en cours, avec notre inspectrice.. enfin la directrice de l’école normale de filles..comme je m’étais fait remarquée bien-sûr et c’était le moment de faire la première leçon devant des élèves... Bien-sûr y’avait aucun volontaire, celle qui a été désignée pour faire la première leçon c’était moi... mais çà me paraissait normale, c’était logique.. alors à la fois je forçais une reconnaissance parce que je voulais absolument être brillante..élève tout en étant euh.. frondeuse, mais çà toujours été çà chez moi... Je vous montre que je suis brillante, donc vous devez me reconnaître mais en même temps je ne me coulerai jamais dans le moule... Donc il y avait cette chose là qui était très liée, donc quand on relit çà avec ce que sont des gosses de SES, ce sont des frondeurs souvent, ce sont des gosses qui vous remettent en question... Leur seule difficulté c’est qu’à la fois ils remettent en question, mais ils savent pas se défendre d’une certaine manière, où ils se défendent sans être reconnus.. donc d’une certaine manière çà toujours été, leur donner les moyens certes d’être frondeur mais de leur faire reconnaître, je dirais leur capacité.. donc y’a quelque chose qui est très très lié et d’ailleurs j’ai un fils qu’est comme çà.. j’ai un fils qui est comme çà.. c’est çà qui est complètement fou d’ailleurs.. il est comme çà, c’est un gosse où l’enseignant me dit qu’il est capable pendant une heure et demie de tourner le dos au tableau.. mais en même temps c’est un gosse vif intelligent, bon çà va pas être facile.. mais.. Y’a quelque chose-là qui est fortement lié à une histoire personnelle, je veux dire c’est très difficile de déméler ce qui est de l’ordre de l’extérieur de ce qui est de l’ordre d’un cheminement lié à une histoire personnelle qui remonte à très longtemps.

  • Donc çà paraît de l’extérieur assez clair que cet itinéraire et peut-être cet engagement dans la pratique du PEI à une époque est lié à une volonté personnelle et non une pression puisque vous dîtes, au fond, çà vient de moi, de ma personne, de ce que j’avais envie de faire, ce n’est pas une soumission à l’autorité même si au départ c’est l’institution qui vous a proposé cette formation.

  • Absolument, çà c’est sûr.

  • On pourra peut-être revenir un peu à cette histoire professionnelle voire personnelle.. On pourrait aborder un autre volet qui est le volet du PEI de la médiation..euh.. Qu’est-ce-qui vous a séduit dans cette pédagogie.. en fait.. pourquoi cette pédagogie plus qu’une autre est-ce-que vous connaissez d’autres types de pédagogie, vous disiez qu’à l’époque vous faisiez des projets, des PAE ?

  • PAE, Projet d’activités éducatives.

  • Est-ce-que çà a été le hasard de la rencontre avec le PEI ?

  • Oui.. complètement.. mais qu’on saisit où qu’on saisit pas...

  • C’est çà..

  • Je crois que la vie tout de façon c’est çà, c’est une succession de hasards et de carrefours, .. bon maintenant à ces moments-là, là.. c’est là où on a le choix, et c’est ce qui fait qu’on s’engage dans une voie plutôt qu’une autre .. mais bon.. je crois qu’il y a des occasions ou on les saisit, ou on ne les saisit pas, si on en saisit certaines, on en laisse tomber d’autres, moi j’ai saisi cette occasion-là, j’en ai laissé tomber d’autres en terme d’itinéraire de vie.. c’est clair..

  • Vous voulez dire par rapport à l’engagement dans le PEI, vous avez laissez tomber d’autres choses qui vous étaient proposées à l’époque ?

  • Oui, parce qu’à l’époque aussi je faisais du journalisme, j’avais écris pour la revue autrement et euh.. on m’avait proposé un poste à la revue autrement, j’ai refusé.. vous voyez, je veux dire dans la vie on choisit de poursuivre dans une voie, on choisit une chose plutôt qu’une autre..

  • Et vous avez fait le choix d’approfondir en fait cette pédagogie, cette pratique du PEI, puisque vous êtes engagé depuis plusieurs années.. euh.. Qu’est- ce- qui à votre avis.. lucidement, comme çà, consiemment.. Qu’est- ce- qui fait que vous avez choisi d’approfondir plutôt que de dire, ba oui, c’est intéressant, mais je vais plutôt arrêté, faire autre chose.. Bon déjà vous avez donné des arguments, l’enfant pouvait progresser, les contenus disciplinaires..Mais est-ce-que vous pourriez reparler de cela qu’est-ce-qui à fait que vous avez accroché que vous avez continué ?

  • Tout simplement çà énormément fait évoluer le regard que je portais sur les élèves. C’est-à-dire moi j’arrivais à un moment où je voyais plus trop comment poursuivre avec eux, où j’avais constaté que ce que je leur avais proposé ne fonctionnait pas très bien et çà a été un outil formidable de redynamisation de réenclenchement dans une dynamique d’enseignante..

  • D’autre part, çà à complètement changé le regard que je portais sur ces élèves à ce moment-là.. c’est-à-dire effectivement de découvrir que des élèves déficitaires sur un certain nombre de choses, pouvaient apparaître tout- à- coup extrêmement performants sur des choses très difficiles, que j’avais repéré comme très difficiles et euh.. donc, du coup, de voir vraiment ces gosses euh.. avec tout ce qu’ils pouvaient faire et que je n’imaginais pas qu’au départ ils puissent faire, donc, du coup, avec une exigence envers eux, démultipliée, avec un enrichissement en terme de matières proposées à ces élèves, avec le souci de les réorienter dans le cycle normal autant faire que ce peu, au maximun, donc çà a démultiplié mes exigences.

  • Cà m’a aussi demandé de rechercher des contacts avec des gens qui pouvaient m’aider à travailler dans ce sens-là.. c’est-à-dire : c’est bien d’introduire une méthode comme çà, mais si à côté on ne fait rien, c’est-à-dire si on continue à enseigner comme on a toujours enseigné, c’est quelque chose qui tient pas la route...Je veux dire, le PEI qui pose le gros problème du transfert, qui est un problème réel à mon avis.. euh.. transfert qui ne se fait pas automatiquement, çà pour moi c’est très clair, mais si vous voulez c’était le point de départ à toute une nouvelle conception de l’enseignement auprès de ces élèves-là, c’est-à-dire çà remettait en question l’enseignement que je faisais par ailleurs dans les didactiques traditionnelles et si je les remettais en question, je ne voyais pas comment toute seule de ma chapelle je pouvais complètement changer mes manières d’enseigner les mathématiques et le français si j’étais pas en contact avec des chercheurs qui travaillaient spécifiquement dans ce domaine-là, donc j’ai cherché des partenaires pour cet enseignement, j’en ai trouvé, don..euh.. c’est pour çà que j’ai travaillé en partenariat avec B...,avec un monsieur qui s’appelle B... et qui à mis au point un logiciel Maths-Français qui lui même était intéressé par le fait de travailler avec quelqu’un comme moi, parce que c’était une manière si vous voulez d’approfondir chacun notre approche, moi de voir comment je pouvais transférer dans les didactiques et lui ce qui l’intéressait c’était de voir les connivences où les intéractions entre ce que lui avait proposé et ce que proposait le PEI qu’il ne connaissait pas. Donc si vous voulez, convergence d’intérêt qui fait que depuis j’ai travaillé en partenariat, avec aussi, accueil dans la classe de stagiaire, formation de maître quoi...

  • Donc çà a été, en fin de compte, le point de départ à une complète je dirais transformation dans la manière de faire, dans la manière d’enseigner..suite à çà aussi, je me suis intéressée à la pédagogie institutionnelle... de façon aussi à réfléchir au mode de vie du groupe, du groupe d’élèves puisque pour moi çà faisait complètement partie de la même dimension...c’était comment réfléchir sur ses comportements en classe, à l’extérieur de la classe, comment les prendre en compte, comment les analyser, comment poser les problèmes à plat...et les analyser comme on analyserait une feuille de PEI, donc c’était de travailler de façon à développer une certaine cohérence entre l’introduction de cette méthode et puis tout ce qui est l’acte d’enseignement...enseignement de contenu spécifiquement parce que c’est aussi notre rôle en tant qu’enseignant qui est d’enseigner des contenus, mais dans une orientation un petit peu nouvelle, en fait très nouvelle d’ailleurs...qui est de réfléchir à comment on s’y prend quelle démarche et quelle stratégie...analyse des supports... proposer des supports qui le permette, réfléchir à ces supports-là...toujours travailler en terme de recherche de principes, toujours, le domaine d’application...mode de questionnement aussi...style de questionnement. Je cois que le PEI incite beaucoup à çà...c’est pour çà d’ailleurs que j’en suis venue à réfléchir sur l’entretien d’explicitation de Vermerch parce que dans ce domaine- là, on considère toujours que le questionnement euh...est intuitif et va de soi, je suis de plus en plus persuadée que du type de questionnement que vous avez, vous pouvez induire beaucoup de choses chez l’élève et donc çà paraît essentiel çà à travailler.. euh.. surtout si on veut aider la personne à prendre conscience de tout ce qu’elle met en oeuvre sur le plan mental pour réaliser telle ou telle activité, donc j’ai travaillé aussi là- dessus...ba si vous voulez y’a une certaine cohérence dans tout çà, un certain développement, je dirais une arborescence autour de çà quoi...je veux dire au début...y’a eu cette méthode ..euh..bon..qui a changé mon regard sur les élèves ok...changement d’exigence ok..... et à partir de ce moment-là, qu’est-ce-qu’on met en oeuvre pour que l’enseignement soit en cohérence avec ce changement de regard...? C’est bien beau de les voir potentiellement chargés de capacités..mais... par rapport à çà...qu’est-ce-que moi je mets en oeuvre pour que ces capacités soient vraiment...euh...développées euh...afin de les faire passer à autre chose quoi...?

  • Vous voulez-dire dans les matières disciplinaires également ?

  • Oui...Biensûr...Oui... et à m’intéresser à la didactique, du coup moi çà m’a ouvert sur la didactique...

  • Oui...

  • Alors quand les didacticiens me disent.. euh.. oui euh çà va à l’encontre de ce que l’on fait y’a pas de contenu, moi je leur réponds... jusqu’a présent la didactique n’a jamais donnée les réponses concernant les élèves en grandes difficultés d’apprentissage... La didactique c’est toujours intéressée effectivement à comment permettre au sujet de construire ses connaissances, mais çà part du principe que le triangle didactique fonctionne bien... Mais à partir du moment où le triangle didactique ne fonctionne pas, la didactique n’a pas de solution à proposer pour rétablir je dirais le fonctionnement de ce triangle didactique... et c’est là où je place le PEI.. c’est-à-dire pour moi... c’est un outil de restauration du fonctionnement du triangle didactique élève enseignant et contenu...c’est un formidable instrument pour çà... je veux dire pour moi c’est un moyen...

  • Comment comprendre que vous vous soyez engagée dans quelque- chose qui bousculait fondamentalement votre manière d’enseigner, ma question au départ c’était...pourquoi avoir approfondi...le PEI...pourquoi ne pas avoir abandonné au bout de six mois et être passé à autre chose...donc quels sont les fondements profonds de cette adhésion est-ce-que on pourrait explorer çà plus avant... mais déjà on l’a exploré puisque vous avez dit c’est parce que çà m’a fait changer le regard sur les élèves çà m’a permis.

  • J’ai l’impression d’une continuité dans tout çà...j’ai pas le sentiment d’une rupture.

  • Oui... mais vous parlez quand même de transformation...Vous m’avez plusieurs fois dit.. çà été vraiment quelque chose de fondamentalement nouveau...Alors qu’est-ce-qui était réellement de l’ordre de la nouveauté et qu’est-ce-qui était de l’ordre de la continuité...?

  • Moi je crois que ce qui est de l’ordre de la continuité c’est cette vocation dont je vous ai parlé...donc à partir du moment où on a cette vocation je crois qu’on est à l’affût de tout ce qui peut venir enrichir ou apporter de l’eau au moulin de cette vocation...vous voyez... donc j’ai saisi une opportunité... mais..euh... en çà il n’y a pas de rupture, je veux dire moi j’ai toujours eu l’imppression d’être en recherche de nouveauté, en recherche de... en même temps moi j’ai toujours été très passionnée, très impliquée dans ce que je faisais de toute manière...donc çà c’est dans la logique je dirais... c’est dans une logique personnelle aussi : réparer, être dans la réparation, se réparer en étant dans la réparation.. donc euh.. pour moi çà c’est..euh..je veux dire euh oui..c’est, c’est, c’est de l’ordre de la continuité, bon ce qui était la transformation ba c’était effectivement.. euh.. je dirais au jour le jour, au quotidien.... c’était complètement nouveau en terme de démarche.... je veux dire.. parce que.... je n’ai plus fais de PAE.. je n’avais pas... je n’en avais plus la disponibilité même si en terme de temps et en terme d’engagement..même si.. même si c’est quelque chose auquel je crois toujours.. vous voyez ce que je veux dire..

  • Fallait faire un choix, je veux dire en terme énergétique..

  • Je ne pouvais pas de toute façon en terme d’énergie... j’aurais pas pu mener.. ici, parallèlement à çà, un engagement syndical, c’était pas possible, mais çà toujours été fondamentalement aller dans le même sens, c’est-à-dire au sens de défendre les valeurs oui..quelque chose auquel on croit fondamentalement....vicéralement.... mais qui est aussi très mélé à une histoire personnelle.. j’ai du mal à séparer les choses à ce niveau- là.

  • Dans cette pédagogie qu’est-ce qui vous a séduit encore ?

  • Ba si vous voulez, moi la démarche PEI, j’ai essayé, j’essaie d’avoir une démarche de médiation, je veux dire..d’être médiateur, j’essaie d’être une médiatrice, dans le sens où c’est non seulement permettre à un sujet de construire ses connaissances, mais c’est aussi permettre à un sujet de prendre consience de ce qu’il met en oeuvre, de prendre consience de ses potentialités, de ses capacités, c’est aussi de l’aider à sortir d’un espèce de cercle vicieux de l’échec. C’est par certains moments avoir le sentiment qu’on est confronté à des murs, à des passivités, à des refus de voir et c’est ouvrir un monde, c’est..c’est ouvrir des portes, c’est..euh.. mettre des brèches dans des armures dont s’entourent ces gosses parce que.. euh.. pour eux aussi, d’une certaine manière..euh..je veux dire..pour survivre, dans les situations dans lesquelles ils sont, ils s’entourent d’une armure dans une passivité, d’un refus d’apprendre.. parce que c’est le seul moyen qui leur a été donné.. pour pouvoir survivre dans ce monde..et c’est donc leur montrer qu’on peut plus que survivre, qu’on peut vivre et qu’on peut sortir de cet état la.. sans que ce soit dangereux, c’est-à-dire sans que sa propre vie soit mise en danger, parce que tout à coup, on se met à réfléchir, on se met à penser, on se met à revendiquer, on se met à .. et que jutement avoir sa place dans le monde c’est.. aussi exister quoi, exiter pas seulement en terme de reçevoir des coups, mais c’est exister en s’affirmant et.. en se positionnant..en..en ayant des idées et comme je leur disais, moi je veux plus voir des valises, je veux dire, si je vous enmène quelque- part et si vous ne me demandez pas pourquoi on y va ? Et quel est le but qui est poursuivi ? Et qu’est-ce-qu’on va apprendre. ? Je ne vous laisserai pas faire, je ne vous laisserai pas faire, c’était surtout cette idée- là quoi, c’était.... d’une certaine manière permettre de renaître, c’est une nouvelle naissance et on assiste à des nouvelles naissances.. avec ce genre de phénomènes, avec aussi des phénomènes de douleurs et de souffrances parce que prendre consience quelquefois c’est mourir à autre chose, on renaît si on accepte de mourir à une certaine manière d’être et.... c’est vrai que çà c’est un accompagnement qu’il faut pouvoir tenir parce que c’est bien beau de..de casser des mondes mais encore faut-il pouvoir donner les moyens à la personne de se reconstruire et de retrouver sa place, donc c’est quelque chose de tout à fait passionnant que d’avoir le sentiment de permettre à quelqu’un d’.. avoir l’impression que vous aidez une personne à renaître à autre chose..

  • Derrière ce concept de médiation, en fait cette idée du médiateur, çà correspondait bien à votre conception de l’enseignement ?

  • Oui..Mm.. tout à fait..

  • Donc ce mot, cette conception est venue finalement corroborer ce que...Vos convictions antérieures en fait..dans votre histoire..

  • Oui, tout à fait..

  • Et c’est çà qui vous a engagé à aller plus loin, à pratiquer..et..

  • Bien-sûr.. et je veux dire moi çà m’a remis aussi.. çà m’a complètement redynamisée..

  • Mm.. vous disiez, réparer et aussi se réparer.. donc en même temps..

  • Oui.. absolument..

  • Vous disiez c’est arrivé, j’étais à bout du.. de course par rapport à ma profession.. euh.. bon vous pourriez un petit peu parler de çà.. cette..le PEI est arrivé à un moment quand même où..

  • Oui, c’est-à-dire où j’avais essayé des choses.. enfin j’avais essayé oui .. euh.. pédagogiquement.. euh.. j’avais tenté..euh..

  • Vous avez trouvé à travers cette méthode quelque chose qui correspondait bien à vos..?

  • Mais fondamentalement, moi je crois que c’est un formidable outil de formation d’un enseignant.. mais un formidable outil.. que je pense d’ailleurs, même maintenant que c’est plus un outil pour l’enseignant que çà ne l’est pour l’élève d’ailleurs personnellement..Parce que je pense que c’est un outil qui peut complètement redynamiser.. enfin dynamiser un enseignant et du coup le mettre à l’affût de.. euh.. de recherches novatrices, le mettre à l’affût de.. euh.. le mettre en situation d’être un enseignant-chercheur, comme je pense que tout élève ne construit sa connaissance que s’il est mis en situation de chercheur de la même façon, avec une situation problème qui est posée, avec formulation d’hypothèses, avec recherche de stratégies, de démarches, avec vérifications de ce qu’on a obtenu.... validation ou pas des hypothèses etc.. enfin je veux dire.. euh. Donc faire soi même la formation.. pratiquer pour soi éventuellement le PEI ou, moi je pense personnellement que çà devrait faire partie de toutes les formations initiales d’enseignants.. ne serait-ce que pour que l’enseignant lui même réfléchisse à ce que ça fait sur lui.... ce type de formation..

  • Alors là pour moi c’est une intime conviction, je veux dire moi j’ai rencontré beaucoup d’enseignants formés au PEI, qui, pas tous bien-sûr mais un certain nombre qui.... aussi ce sont mis à réfléchir sur d’autres manières de faire de penser les choses.. de..un autre type de rapport aux élèves.... donc.... déjà ne serait-ce simplement par le changement de représentation que l’on porte sur les élèves.. parce que qand on les enferme sur ...., on enferme l’élève sur une certaine représentation qu’on a de lui par rapport à des performances strictement scolaires... quand on découvre tout ce qu’il est capable de faire si on le sort de la simple relation d’enseignement.... je dirais classique avec contenu.. du coup on se dit, il est capable.. donc je vais tout mettre en oeuvre.. pour que on n’en reste pas là, mais aussi qu’au niveau de l’acquisition de connaissances.... puisque je sais qu’il est capable, je vais tout faire pour qu’il acquière ces connaissances..donc je pense, ce changement de regard est déterminant, absolument déterminant.

  • Pour vous, il a été assez déterminant, puisque vous dîtes que vous êtes notamment inscrite dans une démarche de recherche.. Est-ce-que vous pourriez expliquer çà ce lien.. vous l’avez déjà expliqué mais reprendre encore ce lien, cette entrée dans cette pédagogie, dans cette pratique et votre propre itinéraire vers la recherche, éventuellemnt en me donnant des exemples concrets par rapport à votre itinéraire..

  • Ba comme je vous ai dit.. euh.. bon comment enseigner les maths et le français.. çà c’était une question qui m’était posée..ensuite c’était. Que disent les didacticiens qui réfléchissent sur ces contenus, sur des contenus disciplinaires ? Comment voient-ils l’acquisition de connaisssances ? Quels représentations ont-ils de l’élève, par rapport à ces acquisitions ? Réfléchir sur le statut de l’erreur, la place de l’erreur..euh.. suivant le mode d’enseignement que l’on a. Quelle est la représentation que l’on a du sujet ? Donc faire un lien entre un mode d’enseignement et une conception d’apprentissage... donc tout ces aspects-là, je veux dire çà m’intéressait énormément de voir quelles étaient les différentes conceptions qu’il pouvait y avoir là-dessus. C’était réfléchir au contenu. Qu’est-ce-qu’il y a derrière les contenus ? Puisque derrière tout contenu il y a des règles d’actions, des anticipations, des concepts qui sont à l’oeuvre, donc essayer de réfléchir sur tous les contenus qu’on propose, réfléchir aussi sur les modalités de présentation de ces contenus.. euh.. bon une page de PEI, c’est une certaine modalité de présentation qui mérite qu’on y réfléchisse puisque ces pages déclenchent un certain nombre de choses, donc en termes de contenus disciplinaires comment on présente les choses... Quel contenu ? Quelle difficulté y’a-t-il derrière tout ces contenus ? Qu’est-ce-qu’on peut imaginer que cela représentera comme difficultés pour l’élève ? C’était tous ces aspects-là qui moi m’ont mis en situation de recherche et ce sont des questions qu’on trouvait tout à fait en accord avec les questions que suscitent l’introduction du PEI dans une classe.. et puis comment on travaille avec les élèves..l’approche.. je veux dire, j’ai beaucoup transféré l’approche d’une page de PEI sur l’approche d’un contenu disciplinaire.

  • Pourtant vous vous reconnaissez bien comme praticienne..du PEI..?

  • Ah complètement, et quelqu’un d’acharnée..Très engagée, quatre heures par semaine depuis un dixaine d’années.... Non acharnée.. Mais en même temps, je me disais que les questions fondamentales qui sont de l’ordre du transfert, je veux dire parce que pour moi, une méthode n’a de sens que si elle est replaçée dans un contexte, je veux dire si çà reste à l’état d’outil, pour moi çà n’a strictement aucun intérêt, je veux dire, çà n’a du sens que si c’est complètement mobilisé dans une pratique globale, ... vous voyez ce que je veux dire... c’est-à-dire plus de l’ordre de l’état d’esprit général ou de manières de faire..euh.. je dirais dans sa globalité, je veux dire, je n’ai jamais été partisan d’une méthode pour la méthode..

  • Donc au fond c’est pas forçément l’instrumentation en tant que les cinq cent pages, c’est tout l’état d’esprit qu’il y a derrière, tout ce qui est véhiculé au niveau du regard sur l’élève, de, en fait tout ce que vous avez évoqué..

  • C’est-à-dire en fait moi de, d’un ou..enfin.. ss.. au départ c’était un outil et puis c’est devenu comment rendre cohérent toute ma pratique en fonction de çà.. L’outil en lui même, pour moi garde toute sa dimension et tout son intérêt, mais ce que je considérais pour moi comme le travail à faire, c’était à côté..ne serait-ce que pour véritablement donner sa véritable place à cet outil..Au départ, il fallait que je maîtrise l’outil.. donc il m’a fallu deux trois ans pour véritablement maîtriser cet outil.. la manière de l’enseigner en tout cas.. euh.. et une fois qu’il m’a semblé... parce que c’est toujours des appréciations très relatives.. très personnelles..mais quand il m’a semblé avoir la maîtrise de l’outil..que je me suis posée cette question du transfert qui est pour moi une question fondamentale.. parce que un outil pour moi n’est rien de plus qu’un outil..c’est ce qu’on en fait.. je veux dire n’importe quel outil peut devenir une tarte à la crème et rien de plus.. mais donc pour lui donner véritablement sa place, il fallait que je travaille autour... donc travailler autour çà m’a insité à aller voir ailleurs.. mais toujours dans la même lignée, je veux dire pour moi c’est, c’est tout à fait cohérent. Mais en même temps comme je suis quelqu’un de curieux, j’ai vraiment besoin d’aller voir ailleurs parce que sinon je veux dire.. si j’étais restée strictement sur la même chose, je veux dire çà pour moi c’est pas une démarche de recherche et de connaissance... je veux dire approfondir un domaine peut se faire en travaillant sur des domaines parallèles, ne serait-ce que par comparaison par complémentarité, par mise en relation... je veux dire pour moi la connaissance c’est comme une espèce d’arborescence quoi, des ponts qu’on essaie de jeter, des liens, c’est pas un domaine..euh..enfin un domaine pour moi, ne peut se comprendre que par comparaison, par confrontation à d’autres domaines.

  • Alors on revient un petit peu à ce qu’on a dit tout à l’heure..au sujet de ce que vous avez découvert à l’issue du PEI, le statut de l’erreur..Comment enseigner les maths et le français ? La représentation du sujet, donc çà c’est les termes... Est-ce-qu’on pourrait développer un petit peu chaque chose ?..L’erreur on en a pas parlé...le statut de l’erreur par exemple est-ce-que vous pourriez en dire deux mots...

  • Bon dans le PEI, l’erreur c’est on se sert de l’erreur pour apprendre... c’est un objet d’apprentissage..les didacticiens disent en gros la même chose.. il disent en analysant les erreurs des élèves, on a pu voir leur représentation qu’ils ont d’un concept..euh..donc il faut s’interesser aux erreurs des élèves pour déstabiliser des représentations antérieures afin de leur donner de nouvelles représentations...

  • Est-ce-que çà vous en aviez l’intuition avant de connaître le PEI, ou est-ce-que pour vous çà a été pour vous une découverte majeure...?

  • Non si, çà a été important.. çà çà été très important, moi j’étais toujours génée vis-à-vis de l’erreur en me disant quand même on ne va pas sanctionner des élèves parce qu’ils font des erreurs, mais là çà été pour moi une manière de théoriser cette réflexion là.. euh... de donner un nom en terme de processus d’apprentissage.. de faire référence au travaux de Piaget, de Vygotsky, de Bruner etc...donc c’était une manière de théoriser à partir de çà...euh.. l’erreur comme faisant partie du processus normal d’apprentissage d’un sujet.. euh.. dont il faut absolument prendre en compte.. et même justement travailler avec çà, avec les élèves, je veux dire c’est pas l’erreur sanction, mais l’erreur au contraire qui est drôlement intéressante puisque c’est l’occasion d’apprendre... pour les élèves l’erreur c’est la faute, donc y’a une représentation de l’erreur qui est à mon avis catastrophique et qui fait qu’on a beaucoup de travail à faire auprès des enseignants.. parce que qu’un gamin.. je veux dire soit complètement anihilé parce qu’il s’est trompé, qu’un élève masque ses erreurs, je veux dire c’est étonnant..les élèves masquent souvent.. çà veut dire qu’il y a un gros gros gros travail en terme de conception de l’apprentissage qui est à faire, je veux dire nous même on a été très fortement marqué par çà dans notre scolarité, donc étant fortement marqué par çà dans notre scolarité.. euh..qu’est-ce-qu’on reproduit en tant qu’enseignant la plupart du temps, le même système..

  • Est-ce que çà vous à engagé à produire un système différent d’évaluation par la suite..?

  • Oui, bien-sûr..L’erreur n’est plus prise en compte dans les modalités d’évaluation personnelle.. euh ce qui a toujours été..euh..ce que j’ai plutôt travaillé avec les gamins, c’est l’attitude face à la tâche, c’est-à-dire le rapport à la situation problème, c’est-à-dire le fait que.. euh.. soit on s’acharne face à une difficulté, ou alors on rend les armes, vous voyez ce que je veux dire, on abandonne, donc..euh.. à partir du moment où on fait prendre conscience au gamin que c’est çà qu’on va évaluer, c’est le rapport, c’est l’attitude à la tâche, plutôt que le résultat.. euh.. on s’intéresse plus au résultat.. il peut y avoir une erreur c’est pas grave.. alors çà un effet pervers qui est que.. euh.. chez les élèves pour certains en tout cas ..qui est que du coup on ne fait plus attention à la manière de présenter son travail, y’a une baisse d’attention à ce niveau là.. mais en même temps çà peut se rectifier à mon avis relativement facilement quoi.. c’est ce qui fait que çà fait un surcroît d’exigences.. C’est-à-dire quand on donne du travail à la maison, çà doit être fait.. même si vous dîtes aux élèves, je sais que tu n’a pas de place pour travailler, que tu n’as éventuellement qu’un coin de cuisine pour le faire, que tu as tes frères et tes soeurs dont tu dois t’occuper et même si y’a du bruit chez toi.. ’tu sais çà çà ne m’intéresse pas, je te donne du travail et je veux que tu le fasses’ Donc vous voyez, c’est avoir un niveau d’exigence qui est très très élevé, c’est secouer le cocôtier en permanence, c’est ce qui fait aussi que par rapport à la cassette, on m’a taxée de fachiste intellectuelle.. parce que on trouvait que j’avais une attitude de harcèlement face aux élèves qui est clair... je veux dire effectivement tout ceux qui sont venus me voir l’on constaté.. disant, mais tu les harcèles sans arrêt.. euh.. tu les laisses pas tranquille.. euh.. tu es tout le temps derrière eux.. tu les secoues..etc..

  • Vous parliez d’exigences... c’est porté par une exigence.

  • Absolument..Ils sont capables.. Absolument... Absolument.

  • Et cette exigence qu’est-ce-que vous en avez retiré comme effets pour les élèves ? Est-ce que vous voyez des cas concrets..on va revenir à l’erreur toute suite, mais euh vous dîtes je suis exigente.. est-ce-que vous avez des cas concrets qui vous viennent à l’esprit sûrement d’enfants où cette exigence à montré que vous aviez raison d’être exigente.. ?

  • Bien-sûr, j’en ai recyclé, moi j’en ai recyclé euh.. à partir du moment où vous avez comme objectif dans votre tête de recycler des élèves.. euh.. que c’est un objectif que vous vous fixez, comme par hasard, au bout de deux ans vous trouvez un tiers de vos élèves qui sont recyclables...comme par hasard, c’est étonnant.. avant vous n’en recycliez aucun.. euh.. et maintenant vous en recyclez un tiers.. c’est bizarre, pourtant c’est les mêmes élèves c’est les mêmes commissions vous ne participez pas au recrutement ..euh.. d’ailleurs on est une des SES de P.. je crois qu’on est la SES de P qui recycle autant d’élèves... Bon çà risque de changer maintenant pour des raisons qui ne m’appartiennent pas.. mais ..euh.. à un moment donné, on me disait, mais de toute manière c’est parce que vous reçevez les meilleurs... On me disait que le recrutement à la SES était exceptionnel, donc on reçevait forçément des élèves exceptionnels, c’était la raison pour laquelle on en recyclait autant.. moi je pense simplement que.. comme je vous ai dit, changement de représentation des élèves çà veut dire qu’on les voit pour beaucoup plus que ce qu’ils ne font, donc forcément dans ce cas là on met tout en oeuvre pour que.. euh..çà se fasse.. alors mettre tout en oeuvre pour que çà se fasse c’est effectivement dépenser une énergie considérable pour que ces gosses évoluent, c’est dire non non moi je refuse de te voir tel que tu es. Je refuse de te voir non lecteur et c’est le dire clairement, je n’accepterai pas que tu ne lises pas, donc tu vas lire.. et si je dois même te faire pleurer tu pleureras.. mais tu liras.. vous voyez c’est quelque chose de très.. euh.. mais quand on a affaire à des gosses en grosses difficultés faut vraiment de l’acharnement.. c’est quelquefois.. euh.. c’est très violent.. c’est vrai que c’est très violent.. mais... moi je préfère cette violence là à la dîtes.. ’oh..il faut les laisser.. c’est leur liberté, on n’a pas le droit, on n’a pas le droit de laisser quelqu’un qui est en difficulté sur le trottoir.. c’est pour moi de la non assistance à personne en danger.. quand on dit ah mais lui il ne veut pas, lui y veut pas lire.. c’est une raison pour laquelle il faut le laisser comme çà.. bien-sûr que non, on est dans une société où si on ne lit pas, on peut se retrouver exclu de la société... alors je fais quoi moi, je le laisse libre..il ne veut pas lire... non..’.

  • Vous voyez vos enfants évolués vous les voyez apprendre à lire.. alors est-ce que vous pouvez me parler de cela.. de ce que vous voyez comme épanouissement pour ces élèves.. par rapport à cette pratique.. ?

  • Cà c’est très très difficile parce que quand on est de la partie, c’est très très difficile d’avoir un regard.. moi la seule chose que je vois c’est des chiffres, effectivement j’en recycle un tiers.. Ils ont leur place en plus, le recyclage ce fait essentiellement en quatrième technologique.. pour eux c’est une sacré promotion.. euh .. y’en a même qui ont rejoint un cursus normal. Certains, minoritaires, très minoritaires mais c’est arrivé....bon je veux dire moi, je m’arrêterai là, bon maintenant.. non là j’ai..euh.. personnellement je ne vois pas comment je pourrais vous parler des effets quand on est complètement impliquée dans une pratique.. euh.. que des gosses qui ne savaient pas lire se mettent à lire oui, mais bon çà peut être lié à çà, mais çà peut être lié à d’autres facteurs aussi.. je veux dire y’a...euh.. parce que on incite aussi à ce que pour des gosses qui ont des graves perturbations psychologiques, on insiste pour qu’il y ait des prises en charge individuelles.. bon, on travaille en équipe.. Qu’est-ce-qui est à octroyé à l’un et pas à l’autre... j’en sais rien, vous voyez, moi je, c’est une dynamique d’ensemble qui fait qu’il y a des évolutions en termes de comportements.. en terme d’attitude c’est vrai.. euh.. que souvent on m’envoie les gosses les plus durs.. en se disant de toute façon I... elle se débrouillera bien avec.. euh..et qu’effectivement comme j’ai une certaine autorité et que çà fait longtemps que je suis dans l’école.. donc j’arrive à négocier avec des gamins bon.. mais çà je crois que çà peut arriver à n’importe quel enseignant.. c’est pas ..euh.. je ne me l’attribue pas pour une raison spécifique ou une autre.. j’essaie de faire mon boulot c’est tout et je crois que n’importe quel enseignant même sans.. non je crois qu’il n’y a pas de solution miracle.. quoi.. j’ai pas le sentiment de faire quelque-chose d’exceptionnel du tout..

  • Et vous dîtes c’est difficile de savoir ce qui est de l’ordre de ma personne de la méthode..

  • La représentation que j’ai des élèves.. Je veux dire avant on en recyclait pas..C’est le seul facteur objectif, pour moi le reste c’est du bla..bla..bla..

  • vous avez quand même certainement des intuitions de ce que..euh.. par rapport aux élèves vous devez avoir des intuitions de sens par rapport à votre propre engagement dans cette recherche, dans cette pédagogie.. et finalement cette façon de voir vos élèves évoluer..?

  • Je considère que ce que je fais me correspond très bien et que.. euh.. comme çà me correspond..euh.. je veux dire je ne sais pas s’il y a une chose spécifiquement à faire pour eux, çà je n’y crois pas..moi je crois qu’un enseignant à partir du moment où il croit en ce qu’il fait et où il met tout en oeuvre dans ce sens là.. euh.. vous voyez.. bon.. moi j’ai l’impression de faire quelque-chose de cohérent, c’est cohérent avec moi-même, c’est cohérent avec ce que je pense, donc je pense que les gamins peuvent s’y retrouver par rapport à çà,.. alors c’est vrai que.. euh.. je vois des évolutions en terme de comportement face au travail.. des gosses mutiques..euh.. qui parle, qui ont leur place dans la classe qui.. euh.. viennent tout seul à l’école maintenant, qui ne le faisait pas avant.. euh..

  • Les parents qui se rassurent etc.. mais.. euh.. moi je pense que c’est plus une dynamique générale qu’autre chose quoi.. je veux dire bon.. mais c’est pas.. euh.. je pense que la méthode insuffle quelque-chose, mais..mais.. c’est pas l’objet en soi de.. c’est pas le facteur déterminant, je crois que c’est un.. c’est un magnifique stimulateur au départ... bon auquel je crois puisque que je vous dis, je l’enseigne de façon très marquée et.. je le prends très très au sérieux quoi.. mais.. mais c’est tout un contexte.. tout un contexte modifiant comme dirait Feuerstein..

  • On va peut-être revenir.. si vous êtes pas trop fatiguée.. çà va..

  • Un peu..

  • On peut continuer ou est-ce-que vous voulez qu’on s’arrête...?

  • Oui,oui..non,non..non,non...

  • Alors on était partie sur le statut de l’erreur et c’est çà qui vous a engagé à parler des effets.. enfin des effets ?..euh.. et je voudrais revenir aussi.. euh.. c’était sur la question de ce qui vous a engagé à faire des recherches.. l’erreur, sur les contenus aussi.. alors est-ce que vous pouvez me dire ce qu’il en est par rapport aux contenus.. qu’est-ce qu’il y a derrière le contenu ? donc vous avez pratiqué le PEI et après çà vous a fait poser des questions par rapport aux contenus..

  • Oui... Mm..

  • Alors est-ce que vous pouvez me parler de çà ?..

  • Par exemple, vous prenez un problème à structure additive, par exemple des problèmes qui se résolvent par l’addition et la soustraction, c’est intéressant de constater que même des problèmes qui se résolvent par une addition n’ont pas le même niveau de difficultés et de s’intéresser à pourquoi y’a des niveaux de difficultés différents relativement alors qu’ils se solvent par la même opération qu’est une addition, donc c’est intéressant d’interroger la situation de façon à voir ce qui est en jeu dans la situation problème.. c’est-à-dire de réfléchir à bon en fait qu’est-ce-qu’on demande de retrouver la situation initiale de retrouver la transformation, de retrouver la situation finale ? Donc en fait.. euh.. tout un travail sur les analyses des données qui peuvent expliquer des difficultés des élèves concernant la résolution de ce problème.. et pourtant comme çà en le regardant.. on se dit y’a qu’une addition à faire.. vous voyez ce que je veux dire.. c’est s’interroger sur.. euh.. qu’est-ce qui est à l’oeuvre.. euh.. dans un contenu que l’on propose.. qu’est-ce-qui fait que ce problème là posera des difficultés et pas celui là..c’est çà que j’appelle interroger un contenu pour moi..

  • Est-ce-que çà été de nature à vous faire modifier votre pratique par rapport à çà ou à choisir des contenus ...?

  • Oui bien-sûr, puisque je travaille..euh.. je vous dis, j’ai cherchée ce partenaire en mathématiques..bon on a réfléchi sur les manières d’aborder nos problèmes..eu.. de travailler sur des schèmas de résolution.. de.. oui.. bien-sûr.

  • Est-ce-que vous avez un exemple concret à me donner..?

  • Ah je sais pas moi... çà peut être par exemple par rapport à un problème ce sera d’enlever.. euh.. tout ce qui est de type anecdotique dans la situation problème.. ce sera au lieu de focaliser sur des pots de yaourt ou des choses comme çà ce sera enlever cet aspect là contextuel qui fait que souvent les élèves se fixent sur le contexte du problème au lieu de rechercher les relations qu’il peut y avoir entre les choses et de faire découvrir que çà peut être des yaourts, mais que çà peut être des billes, que çà peut être des bouquets de fleurs, que çà peut être n’importe quoi, que c’est pas çà l’essentiel pour aider les élèves à rentrer dans la structure d’un problème, vous voyez.. dans l’élément structurel du problème.. plutôt que de se laisser noyer par des détails etc..donc après.. à partir du moment où on essaie de faire dégager la structure du problème, par rapport à un problème tel qu’il est présenté dans n’importe quel bouquin de maths ce sera faire rechercher la structure du problème.. les données essentielles, les données pertinentes, ce sera ce travail là.. ce sera essayer de mettre en schèma le problème..euh.. alors dans les mises en schèma y’avait des choses tout à fait étonnantes au départ, si par exemple vous disiez par exemple dans un village y’a par exemple trois cent soixante-cinq hommes.. euh.. y’a quatre-cent quatre-vingt quinze femmes combien y’a-t-il d’habitant dans le village, si on devait faire une représentation schématique du problème, vous aviez des gamins qui commençaient à dessiner les trois cent soixante-sept hommes.. je sais plus le chiffre que j’ai donné..hommes, donc representer trois cent soixante-sept têtes d’hommes et puis faire la même chose avec les femmes.. et puis représenter le village avec l’église le soleil, les arbres.. donc c’est tout un travail qui peut être extrêmement intéressant d’essayer de..euh.. je dirais d’élaguer cette représentation je dirais au niveau de la totalité pour rechercher les données uniquement pertinentes et essentielles et qui peuvent aider à comprendre comment fonctionne le problème quel est sa structure et à retrouver des problèmes de structures identiques et puis euh.. d’inventer des problèmes de structures identiques.. vous voyez par exemple.. c’est travailler sur la catégorisation des problèmes..

  • Alors çà vous a conduit éventuellemnt, même totalement ? à changer des problèmes dans les manuels.. ?

  • Oui,..oui.. c’est aussi travailler l’addition et la soustraction pas en terme de mécanisme, mais en terme de transformation..commutativité, décomposition, recomposition,... comprendre ce qui est à l’oeuvre dans une addition, quand j’additionne deux cent soixante-huit + trois cent quarante-deux, quand je dis huit plus deux qu’est-ce-que je fais.. c’set-à-dire d’une part j’ai décomposé, d’autre part j’ai commuté et c’est grâce à ces transformations là qui sont à l’oeuvre dans les suites numériques que je peux me permettre de faire çà... vous voyez c’est essayer de comprendre qu’est-ce-qui est à l’oeuvre derrière une addition soustraction au lieu de reprendre les mécanismes tels qu’ils leur ont été enseignés.. euh.. depuis qu’ils sont à l’école primaire.. au lieu de fonctionner sur des mécanismes, on va comprendre ce qui se passe..

  • Donc çà vous a amené plus a essayé de comprendre que de faire appliquer et çà c’est un peu le PEI qui vous a engagé à cette reflexion sur..

  • C’est çà..c’est çà..

  • Et vous parliez en français..

  • Ba en français c’est travailler essentiellemnt sur des tri-textes, comparer des textes qui sont de types différents, style poétique..euh..style littéraire.. euh.. style publicitaire..

  • Par rapport à l’opération mentale de comparaison..?

  • On met en oeuvre la comparaison. On se donne des grilles de critères.. euh.. qui permettent d’identifier un texte.. donc se donner des grilles de repérages de ce que j’appelle moi un outil critérié, donc euh.. une serie de critères qui permet d’identifier un texte.. avoir cette grille là c’était une grille support d’écriture formidable... vous voyez... bon c’est difficile de décrire dans le détail tout ce que çà signifie mais... c’est le lire et écrire en même temps, c’est..euh..

  • Ce serait par rapport à quel principe qui serait sous-jacent au PEI ? Le principe de faire des liens ? De faire des ponts ?..

  • Oui.. la globalité, je veux dire on ne lit pas si on n’ecrit pas, on n’écrit pas si on ne lit pas.. c’est-à-dire c’est rendre .. euh.. au lieu de.. d’avoir une conception linéaire de l’apprentissage, d’abord je lis et ensuite j’écris.. c’est.. euh.. ou comme d’abord j’apprends le point puis la ligne, puis etc... ce sera travailler sur des situations complexes.. ne pas proposer une succession d’apprentissages conçus dans une linéarité parce que je considère que la tête de l’enfant est un entenoir dans lequel je mets des connaissances les unes après les autres.. mais c’est le mettre dans une situation problème complexe globale et qui amènera à travailler tel et tel aspect des choses..

  • Est-ce-que comme pour l’erreur, vous disiez çà été une découverte.. une intuition mais après qui à été développée..là les principes que vous développés.. la situation complexe.. la comparaison.. tout çà çà été assez fort aussi dans le PEI..?

  • Oui...Oui, oui... que c’était pas parce que, un élève avait des difficultés qu’il fallait lui proposer des choses simples... dans le genre pâte à modelée crêpe comme dit ma collègue ... y’en a beaucoup de classes de perf qui font des crêpes.. vous voyez ba c’est pas ça, c’est on a une situation abstraite complexe bon auquel il faut se ’coltiner’, mais on est capable et on décortiquera la situation, mais on ne fera des apprentissages que dans le but de résoudre cette situation...(changement de cassette.)Donc de la même manière, je vais pas découper l’apprentissage en section simple, non.. je vais leur fournir d’entrée une situation complexe..

  • Donc là on retrouve bien dans tous les exemples que vous avez donné,s cette cohérence, ce lien entre les découvertes du PEI et puis la recherche, l’application dans un domaine plus large.. au niveau de votre enseignement en maths, en français.. la réflexion sur les contenus.. euh..

  • Enfin j’essaie.. vous savez c’est pas toujours facile..C’est dans mon intention..

  • Alors vous avez quand même beaucoup insisté sur la représentation du sujet.. çà c’est..

  • Oui parce qu’à partir du moment où on le voit compétent, on ne lui propose pas les mêmes choses.. quant on le voit incompétent d’abord on lui proposera des niaiseries.. çà c’est mon point de vue... si on le voit compétent, on lui proposera des situations qui sont à la hauteur de ce qu’on imagine être de ses capacités... bon çà change tout, çà change tout.. vous ne proposez pas la même chose à des élèves de normale sup.. pour être caricatural, qu’à des élèves de cours moyen deuxième année.. vous dîtes ils ont besoin de biscuits ces élèves de normale sup.. bon c’est pour caricaturer un peu la situation, c’est pareil avec.. euh.. si vous voyez des élèves de SES qui sont susceptibles d’aller dans une quatrième normale, vous ne leur donnerez pas la même chose que si vous dîtes les pauvres ils ne peuvent pas.. donc je reprends des livres de cours élémentaire.. et puis je leur enseigne les additions et les soustractions comme on apprend à l’école élémentaire...C’est pour moi une conviction qu’ils sont capables d’aller.. euh.. d’aller plus loin.Par exemple, çà se retrouve au niveau de la prise de conscience et là les fonctions cognitives sont utiles. Elles sont utiles justement pour essayer de décrypter le rapport du sujet à l’activité, pour essayer de comprendre, ce qui peut faire obstacle, ce qui peut faire difficulté.. en même temps, c’est un outil tout à fait important de prise de conscience par le sujet de ce qu’il met en oeuvre dans une activité... ou de ce qu’il ne met pas en oeuvre justement... et je veux dire à partir du moment où on fait ce travail de prise de consience avec les élèves pour que .... justement pour que eux-même, ils puissent valider les hypothèses qu’on fait à leur sujet, parce qu’on ne fait que des hypothèses... quand un sujet échoue face à une activité euh.. bon on peut voir avec lui et dire bon ba écoute là. Qu’est-ce-qui se passe, est-ce que tu as pris toutes les données en considération ?, ou Est-ce-que.. euh.. tu n’a vu qu’un aspect des choses ?.. Est-ce-que c’est tout un rapport au temps dans une histoire par exemple ?.. Est-ce-que c’est ton rapport au temps et au déroulement et à la succession des actions que là t’a du mal à positionner les choses les unes par rapport aux autres ?... Est-ce-que c’est un manque de vocabulaire là qui t’empêche là de résoudre le problème qui est posé ?.. vous voyez bon... moi vis-à-vis d’eux, je ne peux faire que des hypothèses en termes de difficultés...

  • Donc c’est un outil riche...

  • Oui,oui, tout à fait.. oui, oui,mais les fonctions cognitives en tant que telles, moi je les présente pas en tant que tel.. je veux dire pour moi ça n’a pas de sens, de présenter la liste comme ça, c’est un outil dans l’action... je me verrais mal euh.. je veux dire çà.. j’en ai .. euh.. je veux dire j’en ai une utilisation qui est tout ..euh.. personnelle si vous voulez, c’est-à-dire que moi je présente la grille au bout d’une année de PEI.. quand les élèves ont dans l’action expérimentés.. euh.. ce qu’il y a dans cette grille, alors là après il peuvent reconnaître des choses, elle a du sens... et moi je ne la présente pas comme grille en tant que telle au début de l’introduction du PEI..

  • Alors vous dîtes c’est une utilisation personnelle, alors cette méthode en aucun cas pour vous... dans ce qu’on croit lire..c’est une application.. disons ..euh... rigide du..

  • Oui.. alors là çà n’a aucun sens.. alors là...Je crois qu’il ne peut y avoir que des applications personnelles.. quoi qu’on en dise ... je veux dire les gens peuvent dire qu’ils font une application stricto-sensu, y’a-t-il véritablement une application stricto-sensu.. oh j’en suis pas convaincu.. Je veux dire Paris v en a une présentation qui est.. qui leur est très personnelle.. je veux dire la formation que vous, vous avez eu à Paris V n’est pas la formation que nous on a eue par les israëliens..bon.. je veux pas dire que l’une est meilleure que l’autre c’est pas ce que je suis entrain de dire.. mais y’en a forçément une présentation et une application..personnelle..

  • Par exemple pour les critères de médiation, personnellement, je suis pas entrain de me dire chaque fois que j’interviens auprès d’un élève.. euh.. tiens.. euh ça c’est la signification, le sentiment de partage, appartenance à un groupe .. euh.. non alors là personnellement j’ai jamais fonctionné comme çà..

  • C’est-à-dire est-ce- que vous les partagez quand même ces critères..?

  • Ah, mais je les partage tout à fait... non,non,c’est pas le problème, mais là je ne me dis pas là j’utilise tel critère de médiation ou tel autre... non,non là je fais de l’intentionnalité j’espère que j’en fais. Je veux pas être dans un dédoublement.. euh..au point de me dire là je vais poser telle question parce que là je ferai de l’intentionnalité par exemple, ou là je ferai de la signification.. y’a des limites à là..enfin je répète encore une fois, je pense que pour un enseignant en formation c’est d’une grande utilité qu’il est consience.. ba qu’on lui dise y’a ça qui est en jeu dans une intervention dans une classe ça ça me paraît très important, en terme de formation, çà et puis..euh.. ah “oui,oui,oui,non,ba,ça” c’est un outil formidable, auquel j’adhère complètement.. mais,je.. je pense d’ailleurs qu’un enseignant qui débute ce serait interessant que mis en situation d’observation de classe il puisse essayer justement d’analyser..la mise en oeuvre de ces critères là avec l’attitude de l’enseignant.. qu’est-ce-qui fait que on donne du sens à une activité qu’on donne à un élève ou qu’est-ce-qui fait qu’on ne donne pas sens à une activité qu’on donne à un élève çà çà me paraît des questions tout à fait essentielles.. alors là çà rejoint les réflexions sur les critères de médiation.. avec euh bon est-ce-qu’un enseignant met en oeuvre véritablement de l’intentionnalité.. et s’il la met en oeuvre qu’est-ce-qu’il dit et s’il ne la met pas en oeuvre qu’est-ce-qu’il dit et qu’est-ce-qu’il ne dit pas et quelles sont les conséquences que çà a sur les élèves.. Ca, ça me paraît des questions tout à fait interessantes et même des critères d’observation de situations de classe qui peuvent amenés à réfléchir sur des conceptions d’apprentissages...Mais.. euh.. non moi j’adhère à tous ces critères là mais c’est pas mon outil de travail vous voyez ce que je veux dire..

  • Oui..oui... l’impression que j’ai en reformulant, vous allez me dire si vous êtes d’accord avec ma reformulation.. c’est que.. vous parlez bien d’utilisation personnelle.. Alors est-ce-que çà veut dire que finalement à travers la découverte, la pratique de cette méthode .. euh.. vous avez été portée à trouver ce qu’il y avait de bon dans cette méthode qui vous, vous paraissait bon compte-tenu de votre itinéraire, de votre questionnement de recherche et que vous avez retiré le substrat essentiel qui vous vous semblait interessant.. alors vous avez donné pas mal d’arguments autour d’un certain nombre de choses... et que vous, vous en êtes fait une appropriation personnelle et que ça vous a engagée à aller plus loin, à faire encore de la recherche..

  • On est bien dans la question, comment comprendre votre engagement.. donc là on a vu que çà s’inscrit dans votre histoire, vous l’avez vous-même évoqué et en même temps dans cette quête de ce qui était bon dans cette méthode et qui vous a engagé à aller plus loin quoi..? Mais le fil conducteur de départ c’était quand même cette idée de la vocation dont vous avez beaucoup parlée, autour de la réparation.. de l’echec, de vouloir faire progresser.. alors sans doute çà renvoit à une philosophie de l’homme pour vous.. à des..des..des..

  • Résolument optimiste..

  • Oui, est-ce-que vous pouvez parler de cette philosophie de l’homme qui est sous-jacente finalement à.. cette conviction chez vous... est-ce-que vous l’avez en conscience où pas... qu’est-ce-que vous pourriez dire de çà... Parce que malgré tout au départ vous dîtes, c’est une vocation, c’est lié à la réparation... plus profondément çà renvoit à une philosophie..

  • Oui,oui, non,non, mais tout à fait... la philosophie qui serait de dire tout homme ici sur terre est co-créateur d’une certaine manière, co-créateur avec le créateur et que relativement à ça c’est à la fois..euh.. c’est une exigence.. c’est-à-dire, l’exigence qui est que chacun.. euh.. sur terre doit apporter.. euh.. tout ce qu’il peut apporter.. et que ce monde ira mieux si chacun met tout en oeuvre pour que.. euh.. pour que çà se passe comme çà quoi.. pour que chacun est vraiment conscience aussi de ce qu’il fait.. pour que.. euh..bon... non mais çà c’est certain y’a des choses de cette ordre là en terme de... de représentation de l’homme.. moi j’ai oui.. j’ai une représentation qui est relativement optimiste quoi.. qui est que.. que..en tout homme on peut développer tel ou tel aspect mais que.. euh.. je veux dire notre travail c’est.. euh..c’est de faire qu’un homme soit un homme et pour qu’un homme soit un homme et bien il faut qu’il ait les deux pieds bien plantés parterre.. il faut que..euh.. il ait conscience de ce qu’il est capable de faire aussi bien en positif qu’en négatif, mais qu’ il ait conscience de çà. Il faut qu’il développe toutes ces capacités et toutes ses potentialités et euh... qu’on doit l’aider à çà quoi.. je veux dire moi je suis là pour faire des gens qui tiennent debout quoi et faire des gens qui tiennent debout, ba c’est.. c’est faire des gens qui se battent contre les injustices, qui en aient conscience qui réfléchissent.. sur ce qui se passe, qui revendiquent.. qui soient pas des..euh.. oui qui soient des gens qui sont en situation d’analyser ce qui se passe et qu’en fonction de ce qu’ils analysent..euh.. essaient d’être actif et partie prenant dans ce qui se passe au quotidien quoi.. des gens engagés quoi.. j’ai envie de faire des gens engagés..

  • Et vous faîtes un lien avec cette philosophie de l’homme cette idée que vous avez et puis votre adhésion au PEI qui rejoint cette philosophie optimiste.

  • Absolument..absolument...

  • Est-ce-que pour vous c’est un lien fort..?

  • Ah c’est très fort.. Ah oui, oui,oui, très fort... ah, oui, oui,oui.. non c’est un lien très fort, et puis dire quelque-soit l’itinéraire d’une personne à un moment donné on peut reprendre les choses en main, on peut modifier le cursus d’une vie, on peut.. euh.. faire un nouveau démarrage.. euh.. on peut repartir quoi qu’il arrive quelques soient les difficultés qu’on a rencontrées.. oui c’est..

  • Et sentir cette philosophie qu’il y a derrière cette méthode est-ce-que çà a été fort pour vous..?

  • Oui,oui..

  • Engager à..

  • Oui,oui, tout à fait

  • Al’approfondir.., à..

  • Tout à fait..

  • Cà a été une raison importante

  • A très..

  • Parmi d’autres ?

  • Non,non pas parmi d’autres çà a été une raison fondamentale

  • Fondamentale

  • Ah, oui,oui, absolument... à oui tout à fait..

  • Et en même temps vous disiez.. euh.. faire un individu qui crée, donc qui est engagé, qui analyse qui réfléchi, qui co-crée avec le créateur, est-ce-qu’il ya derrière une dimension spirituelle..?

  • Bien-sûr. Bien-sûr absolument

  • Cà renvoit pour vous à une croyance spirituelle.. euh.. est-ce-que vous pourriez en parler un petit peu de çà..

  • Ba moi je suis chrétienne, catholique mais çà c’est par mon éducation.. euh.. j’ai été pendant très longtemps quelqu’un qui se considérait comme athée, mais avec des fortes aspirations spirituelles malgré tout.. avec un positionnement dans l’église qui est assez compliqué.. parce que souvent je ne retrouve pas dans l’église.. euh.. ce que j’imaginerai qu’on pourrait devoir trouver de la part de gens qui ont une croyance.. euh.. très forte.. euh.. mais en même temps tout en étant en marge, tout en me sentant en marge dans cette église là, je crois en l’existence de Dieu, je me reconnais dans les textes bibliques..euh.. je..mais tout en ayant une vie de patachon.. euh.. tout en étant pas je dirais un modèle tel qu’il est véhiculé à travers l’église, mais.. euh..non moi je me sens dans les marges, mais en même temps est-ce-que...euh.. je veux dire c’est pas parce qu’on est dans les marges qu’on doit s’en exclure, mon rapport à l’église est très ambiguë parce que à la fois je ne m’y reconnaît pas, mais à la fois j’en fais partie.. et en même temps..euh.. mais en même temps y’a des gens formidables dans les rencontres et euh.. tout en étant pas d’accord sur un certain nombre de choses.. euh.. y’a peut-être un essentiel qui est partagé..

  • Et vous parlez ..euh.. de cette recherche.. euh.. recherche au niveau de votre profesion..oui, recherche euh.. professionnelle.. est-ce-que.. est-ce-qu’il y a.. euh.. est-ce-que çà a été en lien éventuellement un peu avec une recherche spirituelle..?

  • Oui, tout à fait..

  • Cà a impulsé une recherche spirituelle, notamment l’engagement dans le PEI ou ..?

  • Non ça je ne dis pas que ça a implulsé.. mais ça a été parallèle..

  • Parallèle..

  • Oui, paralléle.. parallèle.. les choses qu’on vit dans ce monde si on ne comprend rien..euh.. ça vaut vraiment pas le coup de..euh.. je veux dire ça n’a pas de sens, je veux dire moi je plains beaucoup les gens qui ne croient pas.. parce que je me dis que la vie ..euh.. sans croyance euh.. ne vaut franchement pas la peine d’être vécue parce que çà lui enlève tout son sens d’une certaine manière.. je veux dire la foi donne un sens à la vie qui me paraît essentiel..

  • Cette foi vous la rapprochez de cette foi dans les élèves dans leurs capacités, dans la représentation que vous avez d’eux.. euh.. dans leurs ressources par exemple.. est-ce-qu’il y a un lien..?

  • Bien-sûr parce qu’en même temps c’est.. euh.. aussi la notion du respect de l’être humain.. reconnaître dans tout être humain, je veux dire, une..euh.. quelque-chose qui est infiniment respectable et qui est à respecter par dessus tout et qui l’a aidé à s’épanouir et à naître à lui-même, ne serait-ce que par ce qu’il pourra donner au monde ensuite.. apporter au monde..

  • Et est-ce-que cette recherche en fait spirituelle a renforçé vos convictions, vos pratiques.. pédagogiques..?

  • Bien-sûr, bien-sûr, je trouve que c’est complètement cohérent..

  • Vous faites bien un lien entre ces deux aspects ?

  • Ah oui, pour moi c’est cohérent..

  • Et votre engagement dans le PEI..et votre engagement..

  • Et mon engagement social et mon engagement politique aussi, je veux dire pour moi c’est tout à fait en cohérence.., les gens de gauches dans l’église c’est un très faible pourçentage, j’ai jamais compris pourquoi..

  • Est-ce-que vous avez des.. enfin là c’est plus par rapport à votre engagement enfin, bon, des engagements particuliers dans le domaine spirituel où c’est juste votre recherche personnelle ou est-ce-que vous êtes engagée dans des groupes ?

  • Alors je l’ai été à un moment donné, je n’y suis plus parce que je suis tombée dans un groupe.. euh.. qui avait plus un aspect secte qu’autre chose d’ailleurs... euh.. tout en étant très intéressant parce que.. euh.. au niveau intellectuel, très riche sur les analyses de textes bibliques et autres.. bon euh... ceci étant dit c’est vrai que ça m’a profondément blessé, j’ai été très blessée par cette expérience là d’une certaine manière... donc tout ce qui est d’ordre pratique, de pratiques un peu sectaires je pense.. mais fondamentalement.. euh... bon.. je veux dire c’est là la difficulté de mon positionnement dans l’église... c’est quand on a une vie sociale euh... moi je suis divorçée... euh... bon quand on est divorçée c’est une blessure profonde, mais en même temps.. euh.. quand on est divorçée çà entraine par rapport à l’église un certain nombre de choses..euh... ne serait-ce que la communion des choses comme çà que je trouve... euh.. je trouve qu’il y a des principes, des règles qui ne permettent pas à tout le monde d’avoir sa place dans l’église.. çà c’est le reproche que je ferais à l’institution église... mais n’empêche que.. euh.. y’a un certain nombre de valeurs qui me semblent absolument essentielles... alors les engagements pour l’instant je n’en ai plus.. pour l’instant, je dis bien pour l’instant, parce que, peut-être qu’effectivement je rencontrerai sur ma route.. euh... des gens qui m’aideront à me réconcilier d’une certaine manière avec un certain nombre de choses.. mais je n’ai pas fait la démarche de cette réconciliation c’est-à-dire que je suis responsable de ça aussi, mais je ne dis pas que je ne le referai pas... je veux dire c’est une.... là aussi c’est à voir dans la continuité, c’est pas une position ferme et définitive arrêtée... on verra.. pour l’instant .. euh.. je l’ai pas fait... tout en étant sur ce chemin, je n’ai rien fait pour... donc sur le chemin mais y suis-je vraiment parce que je n’ai rien fait... vous voyez... là je me sens tout à fait autonome et responsable, je ne renvoie à personne cette responsabilité... çà veut dire qu’il faudra que je me mette en recherche de rencontrer des gens.. euh..

  • L’entrée dans ce groupe de réflexion dans lequel vous étiez çà correspondait bien à cette démarche de recherche...?

  • Ah oui, tout à fait..

  • Qui ne vous a pas satisfait, mais qui était une quête pour vous.. euh.. spirituel...?

  • Ah, mais absolument..

  • Cà correspond..euh... c’est récent.. c’est y’à longtemps... euh... par rapport au PEI... est-ce-qu’il y a...?

  • Cà,a démaré avant le PEI..Et puis, euh... au début le PEI avait été mal perçu par cette communauté et puis ensuite plutôt bien perçu.. mais..euh..bon çà avait fait tilt chez moi je me disais tiens c’est bizarre.... non, puis y’avait des pratiques dans ce groupe qui étaient des pratiques quand même euh... des pratiques euh... je veux dire dans la recherche.. euh... de détecter le mal chez l’autre et de.. je veux dire des pratiques de type sectes... c’est-à-dire mettre l’autre à nu... euh... même.. euh... chercher tout ce qui était intentions mauvaises.. euh... éventuellement frapper... non je veux dire, quand je dis pratiques sectes, c’est pour moi des pratiques de type sectes...

  • Vous parliez de blessure... des choses qui ne vous correspondaient pas...

  • Sentir une espèce de prise de pouvoir.. euh... que j’ai trouvé terrifiant.. c’est ce que j’en ai ..euh.. moi... c’est la façon dont je l’ai vécu, je veux dire y’a des gens qui sont dans ce groupe et qui y sont très bien, moi personnellement je l’ai vécu comme ça, je ne dis pas que c’est ça... moi je l’ai vécu comme quelque-chose de très oppressant et de très violent... donc à la fois j’ai appris énormément de choses... à la fois ça dû correspondre sans doute à une période où j’avais besoin d’un groupe fort, sans doute.. en soutien.. mais avec le pendant de tout groupe fort qui est la prise de pouvoir qui est quelque-chose d’assez oppressant..

  • Donc vous avez rompu complètement..

  • Oui, ce qui n’a pas été sans mal d’ailleurs puisque tout en ayant rompue..euh.. le groupe à mal supporté le fait que je parte.. ce qui était aussi assez significatif de l’attitude du groupe... je veux dire si chacun est respecté dans sa liberté, on n’a pas à chercher à... on n’a pas à établir de pression pour que la personne revienne... donc çà... mais en même temps, c’était suite à mon divorçe.. euh.. je me retrouvais toute seule avec mon garçon..j’étais très inquiète de cette situation- là, ne serait-ce que pour mon gamin..

  • Cà correspondait à un moment où vous recherchiez un groupe.. euh.. qui puisse vous aider...

  • Oui qui représentait une image de père d’une certaine manière.. pour remplaçer le père absent.. j’ai justifié les choses comme ça mais....

  • Quand on reprend votre parcours.. euh.. tout ce que vous avez pû me dire.. euh.. est-ce-qu’on peut dire en reformulant que çà correspond .. à... une démarche de recherche éthique... à un questionnement éthique si on pourrait employer ce mot là... ni tout à fait valeur, ni tout à fait morale...mais est-ce-qu’il y a pas dérrière quelque-chose de l’ordre d’un questionnement et d’un cheminement éthique..?

  • Oui, oui oui, tout à fait...

  • Le PEI fait partie de ce cheminement éthique ?

  • Oui,oui oui, c’est-à-dire que çà correspond vraiment à mes valeurs quoi, çà c’est clair... çà correspond oui, oui oui, je pense à une éthique profonde et c’est ce qui fait que çà a du sens dans une continuité..

  • Vous avez beaucoup parlé du sens justement.. euh.. rechercher le sens... l’éducation n’a pas de sens... beaucoup au niveau de la prise de conscience aussi, vous avez beaucoup utilisé ce mot là.. mais surtout la notion du sens alors est-ce que vous pensez... euh... enfin c’est une reformulation, vous allez me dire comment vous voyez çà... que justement pour vous c’est aussi une recherche par rapport à votre profession... du sens de l’éducation quelque-part ?

  • Moi je dirai du sens de la vie tout simplement..

  • Pourriez-vous essayer de synthétiser votre sens de l’éducation...

  • Ba c’est de faire des êtres libres, autonomes..euh.. partie prenant, actifs..euh.. conscients..euh.. oui, je crois que c’est çà...Je crois que c’est aider une personne à trouver sa place dans ce monde..euh... l’aider à trouver sa vocation d’une certaine manière... je crois qu’on a tous une vocation ici sur terre et.. euh... c’est donner à une personne le sens de sa vie, c’est donner sens à sa vie et je crois qu’il y a beaucoup de souffrances donc justement on a du mal à voir..euh...à cerner..euh...justement le sens qu’on donne à notre vie... c’est déjà pas toujours clair pour moi-même mais je pense que notre rôle c’est d’aider la personne à trouver du sens dans ce qu’elle fait... dans ce qu’elle peut faire..euh.. une raison d’exister et pour çà..euh... je crois que faut rendre la personne motivée par sa vie, motivée par le désir de vivre, motivée par..euh.. le désir d’agir... l’aider à trouver..euh...

  • Donc çà vous porte..euh..essentiellement ces finalités..?

  • Oui,mm, oui tout à fait...

  • Plus que le fait d’accumuler des connaissances.. donc c’est plus des finalités de vie, à travers ce métier d’enseignant..?

  • Sauf que le problème c’est qu’un gosse qui est plaçé en situation d’échec scolaire et qui fréquente les circuits d’échec scolaire..euh.. c’est un gosse qui est tellement bléssé que..euh... justement par rapport à ces valeurs là il se réfugie dans des comportements..euh...des refus..euh..destructeurs quoi...çà moi je trouve çà dramatique quoi...

  • Est-ce qu’on pourrait dire que dans votre action au quotidien vous êtes à la fois enseignant éducateur formateur... ?

  • Oui, bien-sûr..bien-sûr... si je suis là que pour enseigner çà n’a pas de sens... bien-sûr qu’on est aussi éducateur, je crois qu’au contraire il faut le revendiquer le fait de l’être, je veux dire y’a des gamins qui..euh.. qui n’ont que vous.. parce que à la maison on s’occupe pas d’eux..parce qu’ils sont livrés à eux-même, parce que..euh..alors maintenant y’a beaucoup d’enseignants qui se plaignent qui disent ’oui mais les parents jouent pas leur rôle’.. c’est pas parce que les parents ne jouent pas leur rôle que nous il faut renonçer à cet aspect là...

  • Y’a un aspect qu’on a pas beaucoup abordé même pas du tout.. c’est ce lien entre l’affectivité et l’intellectuel, parce qu’au fond le PEI c’est vrai qu’au départ promouvoit la question de l’intelligence... comment vous vous situez par rapport à çà...?

  • Oui, mais en même temps, il dit que agir sur l’intelligence c’est pas uniquement agir là-dessus, c’est agir sur toute la personnalité, alors forcément la dimension affective sera prise en considération même si c’est pas elle qui est travaillée directement... bon c’est une entrée, c’est une entrée... on peut avoir une entrée..euh...y’a d’autres entrées, y’a d’autres lectures... mais euh je crois qu’à partir du moment où on est dans une conception sur la globalité de la personne..euh... moi je dis pas que je fais que du cognitif... ce serait dénaturer les choses que de dire çà.. l’entrée est multiple..bien-sûr qu’il y a des relations qui sont d’ordre affectives..euh...bien-sûr que le contact avec le gamin est essentiel, çà passe d’abord par la représentation que j’ai de cet élève... je veux dire à partir du moment où dans mon regard, le gamin ce voit valorisé, je veux dire sur le plan affectif, il y a des liens qui se nouent... il y a des liens qui peuvent être très forts... c’est drôlement important çà... je veux dire, moi souvent les parents quand ils viennent me voir au début ils rasent les murs, pourquoi ? Parce qu’à l’école les parents sont convoqués uniquement pour qu’on leur dise des horreurs sur leurs gamins, il fait pas ci, il se comporte comme çà, moi c’est comme çà que je vois avec mon gosse, chaque fois que je suis allée voir un enseignant, que j’ai été convoquée, je n’ai jamais rien entendue de positif sur mon garçon,jamais,jamais. Les enseignants ne savent pas faire çà, jamais un enseignant ne va convoquer un parent pour lui dire il fait çà çà c’est drôlement bien, çà c’est remarquable, çà c’est exceptionnel.. jamais.. le parent est convoqué pour être sanctionné, moi je vois bien avec les parents de mes élèves, quand je les convoque, ils arrivent en rasant les murs... je dis vous savez, il a drôlement évolué, çà maintenant il le fait... vous avez des yeux qui s’écarquillent .. on m’a dit c’est la première fois qu’on me dit quelque-chose de bien sur mon gamin.. c’est dramatique, je trouve çà même terrifiant.. comment voulez-vous qu’après un gamin, il s’imagine une place dans ce monde alors qu’on ne le voit que par ce qu’il ne fait pas ou qu’on ne le voit que par ses carences.. il ne peut pas grandir... ou il ne peut que se réfugier dans des névroses et des comportements répétitifs....

  • Je voudrais revenir par rapport à votre itinéraire parce que..euh... notamment quand on n’a parlé du domaine spirituel, vous évoquiez vos parents, bon votre éducation on n’a pas tellement parlé de votre itinéraire à part votre échec scolaire.. un petit peu.. est-ce qu’il y a des liens entre..euh.. que vous pouvez faire spontanément, c’est pas une histoire de vie... entre..euh...éventuellement votre éducation, votre itinéraire, des phénomènes marquants, bon vous avez parlé de votre divorce qui vous a amené à autre chose... est-ce-qu’il y a d’autres évènements marquants qui pour vous..euh..sont un lien avec ce cheminement là... des choses de votre éducation..ou pas du tout.. ou à contrario..

  • J’ai toujours une euh... en fait j’ai une image de mon enfance qui je crois à véhiculé..euh.. est un véhicule de toute ma vie.. et l’est encore..euh.. j’étais gamine et je me regardais dans un miroir, et un jour ma mère m’a dit, mais qu’est-ce-que tu regardes, il n’y a rien à voir, çà a été une blessure je dirais çà a été une blessure je dirais fondamentale qui à été à la fois terrible et à la fois très dynamique puisque..euh.. c’est en fait ce qui à été..euh.. à la relecture bien-sûr einh.. c’est une interprétation que je fais, mais c’est quelque-chose dont je me suis toujours souvenue et je pense que çà à été une ligne directrice en fin de compte de toute ma vie.. puisque j’ai cherché à prouver qu’il y avait quelque-chose dans ce miroir, c’est un premier aspect... un deuxième aspect de mon éducation c’est que j’avais un père qui était grand cardiaque sorti des camps de concentration et c’était.. ah! si tu fais cette bêtise si ton père le sait, çà peut le tuer d’une certaine manière...donc je crois que toute ma vie çà à été d’essayer de réparer cette image là.. C’est-à-dire de dire qu’il y avait quelqu’un face au miroir et que j’étais capable de pouvoir faire du bien aux gens, donc j’étais capable de réparer.. et d’ailleurs dans cette communauté religieuse où j’ai passé quelque temps, c’est pareil chaque fois que je faisais une faute, je tuais le prophète..dans la communauté y’avait une femme qui disait être prophète.. je crois d’une certaine manière.. mais poussé à des extrémités qui fait que euh.. j’avais intérêt à avoir un comportement..euh..bien, sinon je tuais le prophète... donc si je relis tout çà c’est je prouve à ceux qui m’ont dit çà que j’étais capable de tuer que j’étais capable de donner la vie que j’étais capable de faire du bien, que j’étais capable de restaurer et que donc, je me restaurais tout en restaurant... vous voyez ce que je veux dire ?

  • Oui

  • A l’école j’étais mutique.. moi j’étais une mauvaise élève, mais j’étais mutique, j’étais très sage, je me faisais passée d’ailleurs pour imbecile, ma mère avait été convoquée par une institutrice qui lui avait dit ba écoutez elle est bien gentille mais, euh.. etc...j’étais mauvaise élève mais sage..

  • Alors adulte, je veux dire moi j’étais muête,j’étais quelqu’un qui ne disait rien.. je me souviens d’un professeur en seconde qui m’avait dit euh..çà avait été une révélation pour moi.. enfin isabelle dîtes ce que vous avez à dire, vous avez forçément des choses à dire et des choses intéressantes, j’étais une élève muête..

  • Alors quel à été le déclencheur.. parce que..?

  • La restauration de cette image, quelqu’un qui m’a dit tu as des choses à dire, je veux les entendre, forçe-toi à parler.. en seconde..après çà a été un petit démarrage, je veux dire j’ai rencontré des gens dans ma vie qui m’ont dit que j’avais des choses à dire...donc si je relis tout mon itinéraire.. je veux dire..euh.. monter une section syndicale çà a été pour moi un effort considérable puisque c’était à l’encontre de... j’étais adulte à ce moment- là, donc j’étais majeur.. je veux dire moi j’ai cherché très tôt à quitter au plus vite ma famille d’où mon entrée à l’école normale, parce que rentrée à l’école normale c’était être autonome financièrement..donc à partir du moment où j’étais autonome financièrement..euh.... je veux dire, je dépendais plus d’eux, donc je pouvais commençer à exister..

  • Vous dîtes que ce sont des personnes qui vous ont impulsées à vous affirmer comme personne...

  • Oui à parler...A parler à prendre la parole, je veux dire par rapport à une enfance et une adolescence où j’étais une gamine muête, je suis devenue une adulte revendicatrice..euh..criant haut et fort. Comme on m’avait éduqué dans l’idée que je pouvais tuer.. et que je l’avais très profondément ancré en moi... que j’étais moche, que j’étais bête et que j’étais méchante...il fallait que par rapport à çà je puisse être mise dans des situations où je n’allais pas déclencher la mort, mais où j’allais déclencher la vie... d’où sans doute cette vocation professionnelle... de réparer, de réparer des gamins terriblement bléssés, moi-même ayant été une gamine terriblement bléssée dans mon identité, donc faire le bien c’était une manière de... c’est toujours je pense une manière pour moi de dire ce qu’on a dit de moi que je pouvais tuer si... c’était une manière de prendre le contrepied de çà... je pouvais réparer...si j’étais porteuse de mort, si je pouvais tuer, çà été aussi me prouver à moi-même que je pouvais donner la vie...

  • Du point de vue de votre éducation est-ce-qu’il y avait un ancrage spirirtuel ?

  • Non... c’est des gens qui se disaient croyants, mais sans fréquenter l’église..non.... j’ai été au cathéchisme, comme tout le monde à l’époque sans plus... mais c’est pas ce que j’appelle une vie spirituelle...

  • Il y a une chose que j’ai oubliée..euh..çà n’a pas tellement de rapport avec ce qu’on vient de dire.... par rapport à d’autres pédagogies, vous avez dit que vous avez fait plein de choses, avant de faire du PEI, vous vous êtes engagée dans d’autres choses ?

  • Y’a aussi les groupes “Balints” maintenant, vous connaissez les groupes Balints ?. Le groupe essaie de dénouer les liens de type psychologique qui peuvent se jouer entre l’enseignant et l’élève. J’ai démarré..Je viens de commençer...Vous voyez, je continue.. J’ai rencontré une psychanalyste qui avait suivie cette formation et qui m’a dit, tu devrais aller voir de ce côté là, je pense que çà devrait t’intéresser.. parce que moi ce qui m’interesse, c’est l’aide à l’enseignant... l’aide à l’enseignant dans la gestion d’un goupe classe... parce que l’approche didactique est intéressante..euh.. l’approche médiationnelle sur le plan pédagogique est interessante mais justement dans tout ce qui se joue du côté affectif je veux dire y’a quand même des éléments qui sont à prendre en considération pour aider un enseignant à gérer un groupe classe...là maintenant ce qui m’intéresse moi fondamentalement c’est l’aide à l’enseignant...

  • Est-ce que vous avez entendu parler d’autres pedagogies... Pédagogie de la gestion mentale, Freinet, pédagogie différenciée pédagogie par objectifs... est-ce que vous... euh... comment est-ce-que vous réagissez par rapport à çà ?

  • Je dis qu’il y a des choses à prendre dans tout çà... je veux dire La Garanderie je crois que c’est pas inintéressant ce qu’il fait je crois qu’il y a des choses à prendre en compte... euh... mais il faut avoir le temps de s’investir dans tout çà, moi personnellement je n’ai pas eu beaucoup de temps, mais je sais qu’il y a des aspects tout à fait intéressants ne serait-ce que dans les processus de mémorisation, comment mémoriser les choses, là je crois qu’il y a des choses à prendre du côté de La Garenderie... bon le PEI par rapport à çà m’apparaît plus complet, plus globale, mais c’est une perception qui est tout à fait personnelle..euh...non moi je crois que çà mérite effectivement qu’on s’y intéresse... euh... la pédagogie par objectifs, oui, mais enfin çà paraît pas euh...déterminant parce que à partir du moment où on a un type de rapport avec les élèves... je veux dire, on fait d’une certaine manière de la pédagogie par objectif... çà s’appelle pas pédagogie par objectif... moi personnellement, les référentiels ne m’intéressent pas .. je trouve que c’est un découpage complètement artificiel de l’acte de la pensée, donc là je ne me reconnais pas dans les référentiels... çà c’est clair...on nous collait des référentiels partout...encore une fois c’est une manière de découper..euh.. d’une part les contenus et d’autre part les manières de traiter l’information qui ne me correspond pas...ça peut avoir un côté rassurant pour les enseignants mais personnellement j’ai du mal à me mouler dans ce type de...

  • Et par rapport à l’institution, vous êtes quand même dans une situation d’insécurité, par rapport à l’éducation nationale au sens très large du terme...comment çà ce passe...

  • C’est pas très simple parce que quand on rentre dans l’éducation spécialisée, on est étiquetté, on a beaucoup de mal à en sortir.... c’est-à-dire on a l’étiquette de nos élèves d’une certaine manière... c’est un ghetto, c’est-à-dire que l’éducation spécialisée est un ghetto...bon... euh mais sinon que dire par rapport à çà, j’ai des relations pas très simples avec mon inspecteur..euh... pas très simples c’est-à-dire que je pense qu’il respecte ce que je fais, mais en même temps il voudrait que je passe par les référentiels des choses comme ça, ce qui moi ne m’intéresse pas...euh...bon, mais j’ai pas de mauvaises relations en soi, je veux dire, je fais ce que je veux... et je trouve que dans le système Education Nationale, on a une quand même une sacrée liberté par rapport à ça, c’est-à-dire on a quand même une marge de manoeuvre qui est relativement grande....

  • L’inspecteur vous laisse quand même ..euh..faire ces innovations..euh.. il s’y interesse à ces innovations ou ?

  • Non, il ne s’y intéresse pas....mais tanpis c’est pas grave... c’est pas grave, mais la seule chose c’est que çà m’amène à aller voir ailleurs, je veux dire, c’est vrai que j’ai le sentiment de ne pas être reconnu dans ce que je fais... mais euh...

  • Vous sentez le besoin de changer d’activité là ?

  • Oui,oui oui..parce que malgé tout on a besoin de trouver un espace où on l’on peut dire un certain nombre de choses.. je veux dire moi on me laisserait la possibilité de effectivement de pouvoir exprimer..euh.. ce qu’il me semble important à exprimer..euh.. on me laisserait du temps pour çà, je crois que je continuerais.. mais on ne me le permet pas... donc euh.. çà pour moi, je trouve que c’est dommage quoi..donc il faut que je trouve les moyens d’aller ailleurs pour pouvoir le dire...

  • Est-ce-que c’est une lassitude d’être avec les enfants, en classe ?

  • Non, çà non.. mais c’est la lassitude d’avoir à se battre sans arrêt pour faire valoir son existence, ce qu’on fait etc.. une certaine lassitude de voir que ce que vous faîtes, ce que vous dîtes dans un cadre institutionnel n’est pas vraiment pris en compte.. y’a pas vraiment de reconnaissance à ce niveau là... je veux dire maintenant, que je travail dans une classe de SES et que je sois en thèse... maintenant çà fait bizarre.. çà fait incongru..donc euh c’est étonnant quand même qu’on me demande d’intervenir à l’IUFM d’O alors que sur P on ne me demande rien.. Bon nul n’est prophète en son pays c’est biblique d’accord mais ceci étant dit, je trouve çà très bizarre, c’est pas normal, c’est pas normal que, ce soit en dehors de mon cadre strictement institutionnel qu’on me demande d’intervenir, bon j’interviens aussi dans le cadre de l’association nationale des communautés éducatives mais je suis étonnée qu’un inspecteur d’académie..euh..

  • Sachant, étant au courant quand même de toute votre activité..

  • Ba, oui, je suis quand même étonnée qu’on ne sollicite pas.. je veux dire alors qu’on vit maintenant..euh... quand il y a des pôles d’innovation y’a une cellule qui va être chargée de faire connaître ce qui peut se faire etc...euh.. je suis étonnée que justement on soit si peu à l’affût..euh.. des recherches et des tentatives des uns et des autres... donc là je trouve qu’il y a quelque-chose qui en terme de gestion des ressources humaines, qui ne va pas... quelque-chose qui ne va pas, c’est peut-être pour çà que l’éducation nationale va si mal d’ailleurs.. y’a plein de gens qui fond tout un tas de choses chacun dans leur coin et qu’à aucun moment il y ait une reconnaissance de çà... je pense qu’on a besoin de ce type de reconnaissance..ne serait-ce que pour prendre confiance dans ce qu’on fait quoi... donc à partir du moment où il n’y a aucune reconnaissance... même un inspecteur qui rase les murs et qui évite de vous rencontrer..euh... vous avez un directeur qui s’enferme dans son bureau à clé et qui écoute les séries télévisées du début d’après-midi, y’a des choses qui moi me choquent profondément...

  • Dans l’institution où vous êtes..

  • Je trouve ça extrêmement choquant.. mais bon quand on est enseignant, on est qu’un pion parmi des milliers d’autes et malheureusement, mais de la situation d’où l’on est.. euh... ça pas beaucoup d’effet quoi... enfin ça des effets avec des gamins, c’est important, mais en même temps..euh.. moi j’ai envie que ce travail est une portée plus importante...

  • Je sens la... j’ai le besoin moi de faire partager çà, cette expérience.. mais bon peut-être que j’ai pas de raison... je veux dire mais au nom de quoi..euh... mais en même temps, j’ai envie ne serait-ce que de pouvoir en discuter... j’ai cette dimension là...Bon à partir du moment où on a ce désir là..euh... çà ne veux pas dire que ce qu’on a à dire correspond à quelque-chose de juste ou de.... c’est pas çà que je dire, mais... moi j’ai ce besoin là...

  • Je crois que j’ai fait le tour de...euh...tous les champs que je voulais aborder... Est-ce-que vous voyez vous quelque-chose de plus... euh... par rapport à cette question au départ qui finalement était..euh... autour de comment comprendre l’engagement dans la pédagogie.... on comprend qu’il y a quand même tout un itinéraire personnel, professionnel..euh...avec euh... au moins c’est ce que je ressens et ce qui rentre dans le cadre de ma recherche, un itinéraire aussi éthique quelque-part..?

  • Oui ça c’est clair.

  • Avec des liens, avec une histoire aussi personnelle... bon le travail dans le cadre de cette recherche n’est pas de creuser au sens psychanalytique mais c’est de voir quelques évènements marquants qui font que.. y’a une avançée, y’a un itinéraire particulier.. bon... je sais pas est-ce-que vous voyez d’autres choses.. ?

  • Non maintenant la question qu’on pourrait se poser c’est comment se forge cette éthique ?... le problème reste entier...Je crois que chaque homme porte en soi une certaine éthique.. le seul problème c’est qu’il en prenne conscience et que petit à petit, il découvre ce pour quoi il est fait de part ce monde.. mais je crois que chacun à une vocation ici...

  • Oui... enfin voilà le travail...

  • C’est intéressant.

  • Ba euh... oui, j’espère que bon.. euh... oui... euh... çà peut peut-être intéresser des praticiens ? çà peut être éclairant aussi.... je ne sais pas à quoi çà peut trop servir mais...

  • Cà peut mettre des gens en questionnement.. quelle est mon éthique à moi... c’est peut-être çà aussi... qu’est-ce que je veux former comme homme au bout du compte ?