Depuis combien de temps pratiquez-vous le PEI ?
ça fait six ans.
Est-ce que vous vous rappelez de la première fois où vous avez entendu parler du PEI, avant d’être formée ?
Oui, c’était à l’occasion d’une conférence du professeur D.. qui faisait le tour de France pour parler de la méthode, et il y a eu un article dans le journal. C’est d’abord le directeur de la maison qui a été à cette conférence quand elle a eu lieu a P et nous, on a vu un compte-rendu qui parlait de cette méthode, et nous dans le compte-rendu, ça nous avait intéressé et on a demandé à notre directeur et il nous a dit s’il y a une présentation allez-y et nous avons été à une présentation et j’ai vraiment eu l’impression que ça répondait à des questions que je me posais.
Quand vous réévoquez cette présentation, qu’est-ce-qui vous a attiré particulièrement ?
C’est confondu avec une période où on se posait vraiment des questions sur comment apprendre, on était vraiment dans cette dynamique là et j’ai vraiment eu l’impression que çà posait le problème de fond des méthodes d’apprentissage, j’ai vraiment eu l’impression que c’était quelque-chose que je cherchais à ce moment-là.
Avant vous aviez déjà cherché des méthodes, d’autres choses ?
D’une certaine manière, j’ai toujours cherché des méthodes pour essayer de faire passer les choses pour lesquelles j’avais des difficultés. Moi je viens de l’Education Nationale, j’ai toujours été un peu frustrée par ce que l’Education Nationale me proposait comme formation professionnelle, comme lieux où on pouvait réfléchir à sa pratique. C’est vrai qu’ici, dans notre secteur, on a plus de possibilités au niveau des formations ; ça nous arrivait avec des collègues de nous dire dès fois, mais on n’arrive pas a lui faire comprendre le quart, alors on fait des dessins, on fait des découpages, on avait vraiment l’impression que ça coinçait à un endroit et il y avait vraiment des jours où quand je terminais je me disais que j’étais nul, après avoir essayé cinquante choses pour essayer de faire passer une notion, et là j’ai vraiment eu l’impression que ça allait aider les stagiaires a voir comment ça se passait dans leur tête pour essayer d’y mettre un peu d’ordre.
Est-ce que vous revoyez dans cette situation un mot, une attitude, une personne qui vous a accroché et qui vous aurait permis de dire c’est ça il faut que j’y aille ?
Oui, j’ai des souvenirs assez précis, maintenant quand je présente la méthode je fais comme le professeur X. Il nous a présenté d’abord globalement et après il nous a mis en situation, et il nous a fait faire une séance de PEI et ça, ça m’a marqué parce que là, j’ai vraiment eu l’impression qu’on traitait un problème de fond, on travaillait vraiment sur les capacités cognitives.
Dans la présentation globale est-ce-qu’il y avait une idée, un mot euh...
ça fait sept ans.
Oui qui vous aurait plus séduite qu’une autre.
Ce qui m’a interessé, c’est les références avec Piaget, avec les processus d’apprentissage. C’est vrai que le professeur X présentait cela de façon assez passionnée, ça contribuait à faire passer aussi. Mais concrètement très précisément ce qui m’a touchée, je crois que c’est surtout que cela arrivait à un moment où on se posait ce type de question : essayer de comprendre ce qui se passait dans la tête du stagiaire, pourquoi il arrivait pas à comprendre telle et telle chose, et puis on avait l’impression que ça ne suffisait pas de proposer cinq ou six méthodes si parallèlement on était pas suffisamment attentive à ce qui se passait en face.
Et quand vous avez vécu la mise en situation, est-ce-que là ça vous a passionné ?
Ce qui m’a beaucoup intéressée c’est que, bon, moi j’ai toujours bien aimé le raisonnement logique, et cet aspect de réfléchir à son raisonnement, ça ça m’a plue et puis moi j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Je me suis dit, en particulier, cet instrument-là, j’ai toujours autant de plaisir et je crois que les stagiaires on beaucoup de plaisir à le faire et j’ai eu l’impression que.. parce que moi je pense qu’on ne peut pas apprendre dans la douleur, il faut se faire plaisir pour apprendre et j’ai eu l’impression que ça aussi ça y participait, ayant moi-même pris mon pied à faire cette feuille et bon il nous a interrogé. Il a fait comme une vrai séance de PEI et moi-même j’ai apprécié et je me suis dit que si ça m’intéressait, y’avait des chances que, si y’avait ce côté ludique plaisir et puis ce côté sortir des trucs classiques pédagogiques habituels, casser un peu les choses.
Par exemple ça cassait quoi, par rapport à vos représentations de la pédagogie ?
J’avais l’impression que c’était des moments quand même privilégiés où on allait se confronter à des problèmes précis alors que autrement en fait j’ai l’impression que pour moi j’ai toujours pratiqué le PEI, la philosophie du PEI, j’ai l’impression que j’y adhérais avant de connaître le PEI parce que ça faisait déjà partie de mon questionnement d’essayer de comprendre d’utiliser beaucoup le brouillon des élèves, d’essayer de voir comment ils procédaient pour, et là j’ai eu quand même l’impression, enfin ça c’était dans ma démarche personnelle d’essayer de voir, je me suis dit si lui il en prend conscience de cette démarche, et j’avais l’impression que cette méthode ça travaillait là-dessus, donc le rendre plus acteur de sa démarche intellectuelle quoi, plus conscient de sa démarche intellectuelle, ça c’est un aspect qui m’a bien interessé y compris parce que j’ai vécu dans l’expérience l’adéquation de me rendre plus conscient de quelles sont les stratégies, les repères les choses comme ça et puis en plus tout ce qui est stratégie repères, choses comme ça, c’est des choses que j’aime bien.
Donc si on revient à votre première rencontre avec la méthode on peut dire que c’est une conjonction à la fois de quelqu’un qui était passionné pour... à un moment où ça correspondait à une attente de votre part, une centration sur le sujet qui vous interessait et puis le plaisir que vous avez eu vous-même à réaliser cette tâche et vous avez parlé après de la philosophie qui est sous-jacente au PEI, est-ce que vous pourriez développer ?
Je crois que d’abord, c’est quelque-chose d’optimiste, on croit que les sujets sont capables de faire des progrès ça.. ba je crois que je ne serais pas venue là, si je ne croyais pas que... et puis c’est vrai que tel que le présentait X c’était quelque-chose qui était accessible à tout le monde, que ça pouvait très bien convenir à un élève de terminal, aussi bien qu’à un débile légé, qu’on croyait fondamentalement à la capacité de changement des gens.
Est -ce -que vous voyez d’autres choses ?
Ba maintenant ce qui me frappe le plus c’est que moi j’ai abordé ça comme une méthode, comme une technique quand même cognitive, y’avait l’aspect cognitif qui était important et je me suis rendue compte à chaque fois que je fais le bilan avec les groupes, je ne m’attendais pas a autant de changement au niveau des comportements et je me suis aperçue, je m’attendais à des changements au niveau du raisonnement au niveau de la réussite scolaire, des choses comme ça, mais je ne m’attendais pas a autant de changement au niveau de leur comportement ou au niveau affectif, des choses de ce genre et je me suis longuement défendue de penser que c’était une méthode dans laquelle rentrait... et c’est au bout d’une année de pratique que je me suis mise à relire des choses sur la dynamique de groupe, j’ai refait des formations à la gestion de groupe, alors qu’au départ, j’avais plus l’impression que c’était quelque-chose de l’ordre de la prothèse individuelle et je me suis rendue compte qu’il se passait des tas de choses au niveau du groupe et qu’en fait ça modifiait les comportements, les capacités d’écoute à l’autre la compréhension des phénomènes dans un groupe qu’il y avait aussi un aspect global, alors que moi j’avais plus vu ça comme une méthode s’adressant à un individu pour l’aider à résoudre des problèmes de compréhension individuels. Je me suis rendu compte qu’il y avait tout une dimension collective que j’avais pas vraiment perçue au départ, peut-être parce que quand j’ai fait la formation PEI, je l’ai vécu à titre individuel, bon et c’est çà qui m’a interessée, l’aspect destabiliser les gens, conflit cognitif, c’était quelque-chose auquel moi je crois bien avant d’avoir rencontré le PEI, destabiliser les gens, destabiliser les connaissances pour essayer après de réinstaller quelque-chose, çà c’est quelque-chose que je pratiquais déjà avant et là quand même le PEI donne des éléments pour aider ce passage-là pour le provoquer, pour mieux le gérer.
Donc dans ce que vous dîtes, y’a une heureuse rencontre entre des choses auxquelles vous adhériez avant et puis vous avez trouvé dans le PEI quelque-chose..
Alors maintenant la pratique que j’en ai elle reste en fonction des idées que j’avais avant et des choses que j’y ai prises. J’ai vraiment conscience que plus je fais de groupe, d’en faire une utilisation personnelle, tout en gardant la structure de la méthode. Je pense que j’applique avec beaucoup plus de souplesse à la troisième fois qu’à la première. Parce que je crois qu’il y a plusieurs façons d’appliquer le PEI. Il y a l’application qui peut en être faite pour les enseignants et moi je suis fondamentalement enseignante et pas psychologue. En formation avec moi, il y avait des personnes psychologues et qui en ont fait une application à deux ou trois et ça j’étais très réticente et puis on a travaillé avec la psychologue de la maison, mais elle venait pas aux séances, mais on a discuté pas mal avec elle après et je me suis rendue compte que même en étant éducateur et en ne voulant pas jouer au psychologue, y’avait toute une dimension dans le PEI à travers certains instruments comme relation familiale, même ce que les stagiaires apportent dans les exemples qui était de l’ordre de quelque-chose de beaucoup plus large que la méthode pédagogique en soi.
Alors même si je ne rentre pas dedans, moi je me situe en tant qu’enseignante et non psychologue, n’empêche qu’il se passe des choses qui peuvent aussi maintenant expliquer des changements de comportements, des changements de relation entre les gens ne serait-ce que en fin de séance, quand on prend des exemples dans la vie affective. Mais ça je ne l’avais pas envisagé au départ, mais je pense quand même fondamentalement que c’est pas une méthode pour les psychologues, c’est une méthode pour les enseignants.
Qu’est-ce-que vous pourriez dire de votre action enseignante actuelle ?
J’ai l’impression que le rôle le plus important que puisse avoir quelqu’un, c’est l’éducation, quelque-part, je suis intimement persuadée du rôle important de l’enseignant.
Comment voyez-vous cette contribution ?
Si on pense par rapport au travail précis que je fais ici qui est différent du travail que je faisais quand j’étais enseignante au lycée, on a quand même avec nos collègues des objectifs de les rendre plus autonome pour en faire des citoyens, les rendre un peu plus conscient de ce qu’ils savent faire, des capacités qu’ils ont, les rendre plus sûr d’eux, mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, leur donner un minimum de bases pour qu’ils puissent se débrouiller dans la vie quotidienne, les rendre moins dépendants, en leur donnant quelques billes au niveau des savoirs de base pour qu’ils se débrouillent et aussi au niveau affectif, les rendre un peu plus sûr d’eux, afin qu’ils soient moins dépendant de l’entourage, qu’ils puissent prendre plus de recul.
Vous pensez que le PEI contribue à ces buts généraux ?
Oui... dans la mesure où ils sont mieux capables d’analyser une situation, dans tous les domaines que ce soit une situation professionnelle, que ce soit une situation affective, on les rendra plus apte à trouver la réponse adaptée.
C’est une dimension intellectuelle et puis dans les séances passent aussi des éléments d’ordre affectif.
Oui, moi il y a quelque-chose qui me frappe c’est que au bout d’un certain temps on les entend dire je me croyais bête et finalement je ne suis pas si bête que ça, une espèce de revalorisation et je pense que dans la mesure où on revalorise un individu on le rend plus fort, plus apte à se confronter à la réalité.
Vous êtes passée d’enseignante en lycée a un travail avec des enfants en difficultés par un choix personnel ou par le hasard des choses ?
Non j’en avais raz le bol de l’Education Nationale.
C’est plus un choix de structure ?
Ah c’est plus global que ça. C’est à une période de ma vie, je me suis dit dans pas mal de domaines, bon ba je vais pas continuer comme ça, ça ne me convient pas, je suis mal, j’avais des douleurs partout, je somatisais, j’étais mal et je pense que l’aspect professionnel était un des éléments.
Une insatisfaction au niveau du public sur lequel vous travailliez ?
Non pas au niveau du public, au niveau de la structure essentiellement, je me suis toujours sentie bien avec les élèves, mais je ne supportais plus qu’on me fasse faire tout et n’importe quoi. Bon j’ai changé de poste, j’ai traîné a droite à gauche, jai connu des périodes de chômage. J’ai eu quelque-fois des difficultés a travailler en équipe, moi je vivais assez mal l’isolement en tant qu’enseignante dans l’Education Nationale et j’ai toujours essayé de travailler en collaboration. Mais autrement à chaque fois que l’on m’a employée en fonction de mes compétences, j’ai quand même eu assez de plaisir à faire cours avec les élèves. Au niveau des élèves il n’y avait pas de problème fondamental, à part il faut le reconnaître, quelques années en LEP où c’était pas facile. Alors j’avais quand même vraiment l’impression qu’il manquait une approche globale, une approche éducative, je pensais que le rôle de l’enseignant était un peu limité, on aurait pu aussi être un peu plus éducateur.
Alors qu’est-ce-qui vous manquait comme dimension ? ( pause.)
Quelle conception vous aviez du rôle de l’enseignant ? Quelque-chose de plus global, c’est-à-dire ?
Je trouvais que ça manquait de liens entre les enseignants, et puis il y avait toute une dimension humaine qui n’était pas toujours évidente à faire passer, dans les conditions dans lesquelles on était.
Par exemple ?
Et bien essayer de voir un peu quand un élève avait une difficulté essayer de voir ce qui pouvait se cacher derrière, prendre le temps de discuter avec un peu, la structure Education Nationale prêtait pas beaucoup a ce genre de relation.
Vous étiez sensible déjà aux enfants qui avaient des difficultés ?
Oui c’est vrai.
Qu’est-ce-que vous auriez a dire de la façon dont vous concevez le rôle très général de l’enseignant ?
ça dépend de l’endroit où on est. Il n’est pas question de faire de la prise en charge affective avec des élèves de terminale, même si c’est pas si simple que ça, sans doute qu’avec les élèves de terminale y’a aussi des temps autre que la fonction de faire passer un contenu. Quand on est en LEP c’est pas le même boulot.
Ici qu’est-ce-que vous appréciez ?
Ce que j’apprécie dans les conditions de travail qu’il y a ici, c’est d’abord jai découvert le travail en équipe, ça j’apprécie de pouvoir travailler avec quelqu’un. Ici on est pas coincé par une structure des programmes, on peut s’adapter à la demande des élèves, à ce qu’on estime être leur besoin à un moment donné et puis y’a aussi un travail d’équipe, on se sent pas seul face à un stagiaire quand ça va mal, on rentre pas chez soi avec tout son paquet, tout seul entrain d’essayer de le résoudre et avoir des insomnies. On peut en dicuter avec la psy, avec des collègues, on a quand même l’impression de travailler de façon plus globale, on travaille en collaboration.
Vous parliez tout à l’heure de l’importance de la dimension humaine que vous n’aviez pas en lycée. Est-ce-que c’est quelque-chose que vous retrouvez ici, par rapport a ce qui est véhiculé derrière la démarche du PEI?
Oui, dans la mesure où on est dans de meilleurs condition, on peut avoir d’autres type de relation. Ici on en a dix, en lycée on en a trentre, on peut en prendre un tout seul, on peut jouer sur pleins de choses et puis on sort des murs de l’école, on est ici en plein dans la vie. On a travaillé sur la justice, bon on a été au tribunal... on a l’impression d’être dans la vie là, alors qu’à l’école on avait l’impression d’être sous cloche.
Et outre ces aspects généraux d’autonomie, de liberté de non dépendance que vous essayez de leur faire passer, est-ce-qu’il y a d’autres choses ?
Dédramatiser les choses par exemple, justement en prenant du recul en analysant, et puis essayer quand il y a une difficulté de ne pas rester à macérer dedans, enfin ça c’est un peu ce que je suis qui fait que j’ai envie que eux aussi restent pas euh... créer des liens avec les autres aussi, le côté recherche conviviale, leur faire découvrir des lieux où ils peuvent faire des rencontres, participer à des choses.
Est-ce-qu’on pourrait dire que le PEI correspond bien à la fois dans sa structure théorique et philosophique à tout ces systèmes de valeurs qui vous animent ? Créer un individu autonome qui se socialise qui apprécie la convivialité. Est-ce-qu’il y a une adéquation entre votre système de valeur, l’idée que vous avez de l’individu que vous éduquez et puis la méthode en elle-même ?
Redîtes-moi.
Globalement développer chez eux l’autonomie leur faire prendre conscience qu’ils savent, qu’ils se sentent capables
Les rendre plus sûr d’eux,
Leur permettre d’analyser donc de comprendre un petit peu ce qui les entoure pour se débrouiller et puis être quelque-part un peu plus libres, prendre un petit peu de recul, dédramatiser par rapport aux difficultés qu’ils peuvent avoir et puis tout le côté de la socialisation, créer des liens
Oui, tout ça, c’est ma façon de faire le PEI. Au départ ça ne devait pas être ça quand même. Au départ c’était essayer de le rendre plus intelligent, même si tout ça tout ce qu’on a énuméré rentrait dedans, c’était le plaisir d’apprendre, après j’ai quand même découvert que ça agissait sur l’individu globalement, alors qu’au départ ça restait quelque-chose de pédagogique quand même. C’est pour ça que je vous disais que j’ai un peu dévié quand même sur l’application du PEI où je suis plus libre pour laisser partir des choses, sans donner de réponse et sans me prendre pour le psy de service, alors qu’au départ c’était plus technique.
Et avant le PEI est-ce que vous auriez répondu la même chose sur votre systeme de valeur ?
Oui,
Est-ce qu’on peut dire au fond que votre adhésion au PEI a été d’autant plus forte que ça correspondait à ce système de référence ?
Oui, c’est quand même parmi les méthodes qui m’ont intéressée, celle qui globalement ... dans toutes les méthodes de toute façon, j’en fait une application personnelle. J’ai pas l’impression, c’est peut-être parce que j’ai vingt ans d’enseignement, j’ai pas l’impression d’avoir besoin d’une méthode à laquelle je m’accroche comme à une bouée, comme j’ai pu faire dans les premières années, j’ai pas l’impression d’avoir besoin, parce que j’ai l’impression qu’il y a l’expérience, les choses qui maintenant sont devenues intuitives qui font que je suis comme ça, donc je n’ai pas vécu le PEI comme je l’aurais vécu en début de carrière.
En début de carrière, je crois que j’aurais pris ça comme un outil auquel on s’accroche. Maintenant je me sens suffisamment sécurisée, enfin je me sens dans un rôle positif d’enseignant pour ne pas avoir besoin d’une méthode bouée, comme j’ai pu avoir à certaines périodes dans l’Education Nationnale.
Le fait que vous continuez à y adhérer...
Oui, parce que j’ai l’impression de l’avoir fait mien, en particulier au fil des applications, mais je dis pas que je laisserai pas tomber un jour, si ça devait devenir une routine, bon ba je laisserai tomber, pour moi les méthodes, il faut que je les vive de l’intérieur, c’est jamais quelque-chose de technique comme ça. Y’a des périodes de ma vie où j’ai plus utilisé telle type de méthode parce que je la sentais mieux. Je suis pas entrée en religion avec le PEI, c’est ce qui m’énerve d’ailleurs chez certains praticiens, c’est qu’on a vraiment l’impression qu’il y a des gens qui ont découvert ça comme une chapelle et comme s’ils étaient entrés en religion, moi je ne ressens pas ça du tout comme ça.
Il y a une adhésion a la théorie, l’outillage et à la philosophie.
Mais moi j’ai eu, il faut quand même.., on a eu des colloques dans la région sur les gens qui pratiquent le PEI, j’ai quand même l’impression qu’il y a plusieurs écoles, alors moi je tiens souvent à dire, parce que j’ai beaucoup plus adhéré avec des gens formés par certaines filières que par d’autres. Je trouve qu’il y a une application commerciale bête et méchante du PEI dans certaines structures. J’ai pu être confrontée à des gens qui pratiquaient ça dans des chambres de commerces, j’adhère absolument pas à ça. Je ne suis pas prête à faire une application du PEI qui ne correspondrait pas aux meilleurs conditions que moi j’estime, par exemple ici on a pas eu de problème on a appliqué ça comme on croyait que c’était le mieux, on applique ça trois fois une heure dans la semaine sur deux ans, sauf pour raison alimentaire, on ne sait jamais, je ne me verrais pas faire du PEI une’ pompe à fric’.
Avez-vous des activités parallèles à votre travail ?
Un peu moins maintenant, mais je me suis beaucoup occupée de centre de vacances, les fédérations de parents d’élèves.
Vous aviez quel rôle ?
J’ai fait partie du bureau, j’ai été déléguée de parents. Les centres de vacances ça a été du centre de maternelle au camp d’ado et puis j’ai arrêté. A une période de ma vie, j’ai fait ça non par intérêt vu ce qu’on gagnait, j’ai fait ça parce que c’était à une époque ça me permettait de vivre des choses que je ne pouvais pas vivre à l’Education Nationale, la prise en charge globale de l’individu, l’approche moins coincée des choses comme ça, donc ça je crois que j’avais besoin de ça, j’en ai eu moins besoin quand j’ai été dans l’éducation spécialisée parce que jai l’impression de faire ça toute l’année, y’avait un aspect militant que j’ai l’impression de passer maintenant dans ma vie professionnelle, sans avoir besoin de.. et puis bon il y a peut-être l’âge aussi.
L’aspect militant, c’était dans quel sens ?
Je sais pas, faire découvrir aux jeunes, qu’il y avait d’autres types de relations que la relation prof élève qu’ils pouvaient vivre dans leur lycée, avec plus en tête l’épanouissement globale de l’individu plutôt que la grosse tête bien pleine ou l’éducation un peu rigide de certaines familles un peu coinçées.
Y’a le souci d’être acteur et de contribuer à l’épanouissement du jeune dans le sens global.
Oui, j’ai fait partie d’associations de quartiers, là j’ai adhéré à l’échange de savoirs qu’il y a à côté, je vais apprendre le français à une espagnol et elle va m’apprendre l’espagnol. Autrement quelques cours à l’école d’éducateur pour parler du PEI.
Vous n’avez pas rencontré le professeur Feuerstein ?
Non et le côté voyage initiatique, non. Quand on a fait la formation, le formateur aurait envisagé qu’on aille plus loin, qu’on aille a Jérusalem. ça ne m’intéressait pas d’être formateur de formateur, je voulais le partager avec des élèves, peut-être à cause de mon côté militante, peut-être que les collègues ça pourrait les aider comme moi ça m’aide, mais c’est tout.
Est-ce-que vous aviez été sensible au charisme du professeur Feuerstein ?
ça m’agace, le côté charismatique des méthodes et tout ça, à la limite j’aurais plus d’admiration pour un Freinet dans la mesure où c’était un pédagogue, mais c’était aussi quelqu’un d’engagé dans la politique.
Est-ce que vous faites des liens entre votre vie personnelle professionnelle et votre adhésion au PEI ?
Ba, ce qu’on peut dire c’est que ça a été un moment professionnel où ça bouscule. Si ça correspondu à quelque-chose c’est que, je me qualifie dès fois d’instable, je sais pas si c’est le mot, avant j’avais pas l’impression d’une tranquilité et quand on a vécu pendant dix ans avec les postes qui changent tous les ans au mois de septembre, on est dans le rythme annuel de changement. Quand je suis arrivée ici, j’ai eu l’impression de poser mes valises et puis au bout de quatre-cinq ans, je me suis dit, mais qu’est-ce-qui t’arrive ? tu vieillis, tu es entrain de poser tes valises ça va plus ça, alors ça m’a peut-être permis de stabiliser un certain nombre de choses et d’y voir plus clair. C’est-à-dire que là, j’ai pu me sentir un peu plus cohérente, alors là, j’ai retrouvé de la cohérence que j’avais pas avant, mais j’ai eu peur de tomber dans la routine aussi et là y’a eu une période où je me suis dit, il faut que j’aille ’bosser’ ailleurs et je suis restée et ça, je crois que ça a contribué a me faire rester là. Oui, parce-que, je me suis ressourcée à travers ça, qui m’a permis de concevoir mon boulot différemment ce qui fait que je ne suis pas tombée dans la routine, peut-être que s’il n’y avait pas eu le PEI, je serais peut-être partie travailler ailleurs.
Pensez-vous que sous-jacent au PEI, il y ait une dimension spirituelle qui soient véhiculée ? silence Vous êtes-vous posée la question?
Pas vraiment parce que moi, je me dis athée et si je trouvais des choses qui justement aient une dimension spirituelle, je suis pas sûr que j’évacurais pas la page.
Pensez-vous dans votre itinéraire à des personnes clés qui ont contribué à votre développement ?
y’a des auteurs qui m’ont branché beaucoup à certaines périodes : Freinet
Vous n’avez pas été tenté de pratiquer la pédagogie Freinet ?
Oh, il devait y avoir un peu de ça dans ce que je faisais dans l’Education Nationale... bon dans les auteurs y’avait Piaget bien-sûr, mais c’était plus intellectuel, c’était pas affectif, tandis que dans Freinet y’avait toute la dimension, l’homme que je pensais derrière ses écrits me touchait. Autrement Rogers. Je crois que j’ai piqué un peu partout, je crois que je suis plus capable de rejeter en bloc quelque-chose que d’adhérer en bloc à tout un ensemble. Y’a eu Mannoni.
La personne avec laquelle j’ai le plus accrochée c’est X, avec laquelle j’ai fait l’université d’été l’an dernier.....Je suis consciente qu’on fait les choses pour qu’on nous aime et qu’il y a un côté séduction chez l’enseignant que moi je joue là-dessus, c’est vrai que j’essaie de jouer sur l’humour sur la séduction, mais lui il rabâche toujours ça.
Au niveau des grandes idées théoriques....
La médiation c’est quelque-chose qui m’a parlé d’emblée parce que j’avais l’impression que c’était comme ça que devait être un enseignant. Je trouvais qu’il y avait quelque-chose du même ordre dans la fonction maternelle de la mère qui essaie de faire comprendre à l’enfant, qui sert d’intermédiaire. Donc cet aspect de la médiation, j’ai adhéré d’emblée, c’est l’aspect du PEI qui me parle le plus, plus que le côté.... ça on y arrive, on n’y arrive pas y’a des moments ça marche, ça marche pas, mais c’est bien plus complexe que d’appliquer une recette et puis l’aspect, croire que les gens peuvent progresser, moi quand j’entendais des jugements du genre, ils sont arrivés au bout, ils n’arriveront pas à dépasser ça..
ça vous ait arrivé d’entendre ça ?
Ah ba dans l’Education Nationale, on passe son temps à mettre des étiquettes aux gens, à dire, il est arrivé à ses limites, et puis ça c’était physique, ça m’en filait des malaises.... Je pense que dans notre secteur, on se pose un peu plus de questions, je trouve qu’il y a un décalage incroyable entre le monde des enseignants et de ?, je suis toujours frappée de cet espèce d’abscence de remise en question, de ces côtés sûrs -d’eux, de ce côté science infuse, du côté non questionnement sur l’individu, moi je me souviens de ma fille disant, mais je suis pas un cerveau, je suis une petite
fille.