Au départ, il faudrait que tu essaies de repenser je dirais à la première fois où tu as entendu parler de la pédagogie de la médiation. Est-ce que tu revois ce moment -à ? Que s’est-il passé ?
Oui... ça c’est facile.
Je voudrais que tu m’expliques un petit peu cela..
Alors la première fois où j’ai entendu parler de PEI, c’était en novembre 1986 lors d’une rencontre informelle avec un certain nombre de dirigeants, ou du moins, de responsables pédagogiques de l’AFPA à Paris. On bénéficiait d’un certain nombre de semaines de stages à L’ISPEC et je souhaitais découvrir autre chose que ce qui se passe dans l’Education Nationale. C’était important pour moi, dans la mesure où ma formation à l’ISPEC est venue à un moment de ma carrière où, en tant qu’enseignant d’un côté, et en tant que responsable d’équipes pédagogiques de l’ autre, je vivais une certaine insatisfaction par rapport à ce que nous faisions avec les élèves scolarisés en SES. Ca faisait quatre ans que j’étais en SES et on commençait à saturer dans la mesure où quelque-part, avec un certain nombre d’individu, nous avions l’impression de perdre notre temps. On aboutissait avec des élèves qui à seize ans dix-sept ans quittaient notre structure après quatre ans ou cinq ans avec nous avec comme perspective chomeurs comme disait coluche et c’était l’époque des stages d’insertion. Quelque-part il n’y avait pas de projet professionnel derrière. Il y avait une espèce de vide ou bien leur but c’était : de toute façon on fera des stages, et après les stages on fera des stages et puis après on aura de l’argent, c’était un système de dépendance et d’assistanat avec lequel on ne pouvait pas être d’accord et comme il y avait insatisfaction et que par ailleurs, par le passé, j’avais expérimenté beaucoup de choses en pédagogie avec des enfants, je me suis dis mais profitons d’une année sabbatique pour sortir des cadres traditionnels de l’Education Nationnale, pour aller voir ce que font les autres organismes, les autres structures qui accueillent aussi des élèves de ce niveau là, des élèves en difficultés.
Donc j’ai consacré tous les stages de ma formation à l’ISPEC, je crois qu’on avait 9 semaines sur trente-six, donc j’ai consacré ces 9 semaines-là à des recherches tournant autour de la pédagogie. Ce qui peut permettre à des adolescents en difficultés scolaires de s’intégrer dans le monde du travail, dans la société. C’est une recherche d’autonomisation qui m’a poussé à aller vers d’autres organismes. Plus particulièrement par rapport à cette date c’est que j’avais fait une expérimentation dans les années 76/78 avec un procédé audiovisuel qui était un moyen d’alphabétiser les étrangers vivants en France pour apprendre le français comme langue étrangère et dans le cadre de ma recherche en classe de perfectionnement, j’avais utilisé ce matériel qui avait été mis à ma disposition pour voir quel était l’impact d’un moyen audiovisuel qui à l’époque était je dirais un petit peu en avance parce que à la fois c’était un moyen technique, technologique et en même temps il y avait tout un tas de choses que l’on appellerait maintenant cognitives. La personne que j’ai contactée pour ce stage, se rappelle très bien de moi, puisque j’avais fait un rapport d’utilisation et que ce rapport avait été divulgué dans un certain nombre d’organisme, comme quoi l’outil en question n’était pas simplement utilisable pour la formation pour adulte et qu’il était aussi utilisable dans le cadre de l’Education Nationale.
Tu disais qu’ en amont de cette formation ISPEC il y avait une recherche pédagogique et une insatisfaction avec les élèves. Pourrais-tu reprendre cela. Est-ce-que tu pourrais penser à des situations concrètes ?
Je dirais que par rapport à l’équipe pédagogique les autres enseignants étaient aussi insatisfaits. Il y avait une insatisfaction par rapport à des situations scolaires, par rapport à une situation d’aboutissement en fin de formation et aussi une autre insatisfaction pour moi en tant que responsable de l’équipe d’avoir des enseignants insatisfaits donc ces différents niveaux si tu veux. Au niveau de l’équipe pédagogique, c’est sûr que je me trouvais avec des gens qui avaient envie d’être non pas rentables mais qui avaient envie d’éprouver une certaine satisfaction un certain plaisir y compris de travailler avec des élèves en difficultés. Que ce ne soit pas simplement je pointe le matin, je pointe le soir, j’ai fait mon boulot. Parce qu’avec ce type d’élève, il est bien évident que si tu n’as pas un minimun de satisfaction, au bout d’un an tu demandes ta mutation çà c’est clair. Donc les enseignants qui étaient avec moi étaient des enseignants insatisfaits par les résultats obtenus, par le fait que leurs élèves aussi bien en situation d’apprentissage d’atelier avaient du mal à faire des apprentissages je dirais simples du genre : pour la prof atelier de collectivité c’est le fait de voir des élèves qui après avoir appris une recette de pâte brisée te mélange tous les pinceaux et sont incapables de reproduire une des pâtes qu’ils ont apprises. C’est-à-dire des apprentissages qui mettent du temps à se mettre en place. C’est vrai que dans le domaine des apprentissages professionnels, y’a tout un tas d’aspects qui sont des aspects pas simplement de connaissances mais des aspects savoirs-faire, et quelque-part c’est vrai que les aspects savoirs-faire çà intèresse davantage les élèves, mais même dans ce domaine-là, les apprentissages premiers n’étaient pas réalisés où ils mettaient beaucoup trop de temps... alors quand tu vis pendant deux ans, trois ans, avec un élève qui sait tout juste à quelle heure il faut mettre son plat au four pour pas qu’il soit cramé tu te dis quand même y’a quelque-chose qui ne va pas.. y’a quelque-chose d’autre à faire. Bon au niveau des apprentissages scolaires je dirais c’est pas une surprise parce qu’on arrive en classe de sixième avec un niveau cours préparatoire ou cours élémentaire, il faut pas s’attendre qu’au niveau fin de troisième il y ait beaucoup d’élèves qui dépassent le niveau CM2 çà voudrait dire qu’on a nous réussi en quatre ans ce que d’autres n’ont pas réussi en cinq ou en six, donc on ne se faisait pas d’illusion...mais même cela si tu veux, y’a des choses comme je ne sais pas, des apprentissages qui nous paraissent si simples que de poser une soustraction et de la faire comme il faut. Ecrire des mots simples sans faire d’erreur, construire des phrases simples en mettant des majuscules et des points qui ne sont pas acquis à seize ans à dix-sept ans. C’est au niveau de la lecture en être au stade de déchiffrer comme un enfant de sept ans et ne rien comprendre de ce que l’on lit... l’impression de... tout en multipliant des situations d’apprentissage... se dire, mais on devient des impuissants vis-à-vis de ces enfants là, de ces jeunes-là.
Un sentiment d’impuissance...
Y’a ce côté impuissance de voir si peu d’évolution en trois ans et en quatre ans, mais je parle bien de certains individus quand même... et en même tant profondément enfoui en moi la conviction qu’on était loin de faire tout ce qu’il y avait à faire pour y arriver à faire émerger ou à faire éclore quelque-chose, ceci parce-que j’avais eu l’opportunité ou l’occurence dans ma carrière de réaliser des choses plus précosément avec les enfants... donc d’avoir fait des choses à sept ans, huit ans, neuf ans, qui étaient des moyens peut-être adaptés à ces enfants-là et de me dire : ’non d’une pipe’ avec des gamins plus jeunes et je les ai amené je dirais à un certain niveau d’apaptation pour qu’on puisse les intégrer dans des lycées professionnels.
Tu peux évoquer cela, çà correspondait à quelle période ?
C’est la période de classes de perfectionnement qui a précédée qui à été en gros 73 à 82. Pendant neuf ans là, j’ai eu l’occasion si tu veux, de travailler avec des instituts de recherche mais complètement en dehors. C’est-à-dire que la démarche que j’ai eu en 86, de prendre du recul par rapport à mon équipe, par rapport à ce que je faisais, est une démarche qui était analogique qui était la reproduction de ce que j’ai fait depuis le départ dans l’enseignement. Par compte c’était la première fois ou j’avais du temps pour le faire, tandis qu’avant je le faisais par mes lectures, par mes formations c’est-à-dire je prenais sur mon temps de vacances, sur mon temps personnel, tandis que là on m’a payé une année pour le faire c’était toute la différence.
Alors tu disais que tu avais un sentiment d’impuissance, mais qui était aussi associé à une conviction qu’il était possible de faire quelque-chose.
Oui, c’est çà , mais çà parce que j’avais expérimenté..
Est-ce-que tu peux te rappeler quelques exemples concrets où justement tu as expérimenté cette possibilité pour l’enfant d’évoluer..
Ah oui....C’est vrai que je peux te donner des choses globales par rapport à un groupe, mais je peux aussi te donner des choses très concrètes. Les choses globales..J’ai eu la chance vers 76-78 d’accompagner douze enfants que j’ai eu deux ans de suite de dix ans à douze ans et j’ai travaillé avec eux très précisément avec un institut à Paris. cà serait peut-être trop long à dire, mais pour moi c’est important quand même parce que c’était vingt ans avant ce qu’on appelle le cognitif maintenant. Les recherches cognitives qui étaient déjà en filigrane là.. donc avec ces enfants-là j’ai.. très concrétement eu un travail de rééducation ou de remédiation de façon intensive, c’est-à-dire que pratiquement trois heures par jour on avait un travail systématique d’entraînement à des apprentissages qui étaient des apprentissages aussi bien de lecture, de mathématiques etc.. qui étaient des apprentissages en rythmes qui étaient basés sur la prise de conscience, sur la spontanéité de l’esprit, tout un tas d’éléments qui font que certains individus qui n’arrivent pas à mobiliser leur esprit à un moment donné, si on les entraine systématiquement à penser de plus en plus vite, à voir les choses plus largement..euh.. bon c’est vrai qu’il y a un aspect conditionnement là-dedans mais y’a aussi un aspect prise de conscience c’est-à-dire qu’il y a un aspect qui serait behavioriste et il y a un autre aspect qui serait de l’ordre de la centration sur soi, de comment je fonctionne. Donc il y avait ces deux aspects qui étaient liés.
Elle avait un nom cette approche ?
C’était la pédagogie Thiberge. Alors quelles sont les choses qui se sont produites ? Alors d’une part il y avait déjà en moi cette espèce de côté expérimentateur-là et il y avait aussi mon côté vérificateur qui est toujours présent, c’est-à-dire ne pas prendre pour argent comptant ce que les gens écrivent. Je parle des chercheurs, des gens qui ont écrit des choses et se dire, bon, d’accord, lui, ça a marché avec lui, et si moi je le fais est-ce-que çà marchera ? Je pars d’un à priori favorable par rapport aux gens qui ont été des gens de terrain et qui ont fait des choses avec des enfants, avec des groupes, qu’ils soient connus ou pas connus à partir du moment ou quelque-part ils ont été des auteurs des penseurs, des créateurs. C’est qu’ils ont vérifiés quelque-chose par rapport à leurs hypothèses à eux, maintenant que ça marche ou que ça marche pas, après c’est peut-être qu’ils n’ont pas forçément transmis tous les outils pour que ce soit utilisable par tout le monde. Je voulais voir si je pouvais être quelqu’un qui fasse cela avec les enfants et voir l’impact que ça avait.. quel était la part de moi là-dedans et quelle était la part des outils qu’il donnait ?
Est-ce-que çà rejoint ce que tu disais tout à l’heure, le souci d’autonomisation ?
Tout à fait, tout à fait..oui, çà rejoint le fait que plus les enfants sont en difficultés plus on a à faire à des êtres dépendants.. on a à faire à des pensées rigides, on a à faire à des gens qui ont du mal à penser par eux-mêmes, et quelque-part, je me dis, quelle peut être ma contribution moi, pour faire en sorte que ces gens pensent davantage par eux-mêmes, qu’ils soient plus eux-mêmes évidemment. En filigrane j’ai l’hypothèse qu’il y a quelque-chose à faire pour qu’ils ne restent pas comme ils sont..Ca c’est.. euh.. c’est quelque-chose de très profond en moi dès le départ.
Tu parlais que l’équipe pédagogique souhaitait s’autonomiser et..euh.. le concept d’autonomie à la fois tu le donnes comme finalité pour les enfants, mais ?
C’est vrai qu’il y a au niveau de l’élève lui donner des moyens pour aller plus loin, c’est aussi pour les enseignants qui travaillent avec moi, c’est aussi leur donner aussi des moyens pour aller plus loin, et c’est moi-même quelque-part rechercher mon actualisation... tu vois... y’a dans cet aspect- là bon ce qu’on retrouve évidemment en médiation...alors c’est peut-être pour çà que la médiation est venue éclairer des choses qui étaient sous-jacentes... qui sont de l’ordre, chacun s’éduque, mais chacun entraine l’autre à s’éduquer et c’est quelque-chose qui est intéractif voire rétroactif, voire actif pour le futur quoi, y’a quelque-chose de la dynamique en spirale là, qui est à la fois pour la personne elle-même, pour la personne qui est avec toi et pour les personnes qui travaillent en équipe.. y’a ces trois niveaux de toute façon, minimun...il y en a certainement d’autres, mais il y a au moins ces trois niveaux..
Tu fais un lien avec la médiation ?
J’ai découvert la médiation après tout çà, je veux dire que la médiation est certainement venue mettre des mots sinon des concepts et des classifications sur des pratiques qui pour moi étaient très anciennes oui c’est çà, çà été mettre des mots là-dessus..
Si on reprend notre fil conducteur, le fait d’avoir des indices qui sont révélateurs amène à croire un peu plus la personne qui a pensé ces programmes, qui a pensé ces méthodes, ces démarches. C’est un espèce de justificatif à postériori et d’autre part aussi c’est intéressant au niveau de ton engagement personnel, en te disant : Quand on ne prend pas les choses ’argent comptant’, quand on garde un esprit critique quelque-part vis-à-vis de ce que les autres font et qu’on est à même de reproduire, je ne dis pas la même chose - c’est évident que quand quelqu’un a conçu c’est qu’auparavant il a eu toute une maturation qui s’est produite - alors que toi, tu viens je dirais après, alors qu’en tu as ces aspects-là, çà te conforte pour continuer de...d’investiguer de rechercher...de euh...donc il y a les deux aspects : il y a l’aspect vérification et il y a l’aspect encouragement d’aller plus loin et de de rechercher plus, d’élargir...donc maintenant je te donne des exemples :
D’accord oui, très bien.
Quelles sont les choses qui ont bougé ? Les acquis scolaires, même si ces acquis scolaires sont des acquis scolaires stéréotypés, mais je m’en fiche après tout, il vaut mieux des acquis scolaires stéréotypés que pas d’acquis scolaires du tout. Les changements sont dans tout ce qui est je dirais les aspects mécaniques opératoires, l’apprentissage de l’orthographe d’usage, la grammaire, la conjugaison, des aspects un petit peu mécaniques. Dans un premier temps, j’ai mesuré des choses comme ça. C’est vrai que par rapport aux tests scolaires que j’utilisais en début d’année, en fin d’année, il y avait des progrès considérables. Je me souviens d’un petit dossier que j’ai fais par rapport à la gestion mentale en particulier, où je notais dans des classes de perfectionnement des enfants qui réussissaient par rapport à l’échelle du ’bois de buise’ à plus de 90 %. Alors je me dis que ces élèves- là qui étaient des élèves de perfectionnement ont atteint des performances...même si ça reste des performances très limitées, supérieures à ce que font la moyenne des élèves actuellement. Donc là, c’était des acquis qui étaient vérifiables. Donc, il y avait dans la méthode d’apprendre les mots...
Tu parles de Gestion Mentale ?
Je parle de Gestion Mentale parce que ce que je faisais à l’époque, c’était, à quelque chose près de la Gestion Mentale.
D’accord. Mais à l’époque tu en avais conscience ?... ou ...?
Bah...moi, c’était dans la méthode... Le fait de...de visualiser les mots de...euh ...de manière ...
D’évoquer...?
De les évoquer de manière auditive, visuelle, et en plus de travailler avec le métronome. Il y avait cet aspect rythmique en plus, donc, il y avait le codage sur les doubles évocations visuelles ou auditives. Pour moi, quand j’ai découvert la Gestion Mentale sous ces aspects-là, c’était pas une découverte. J’avais vécu des choses qui même, quelque part, donnaient des aspects qui ne sont pas apparus dans la Gestion Mentale. Mais je me dis que c’était précurseur. Il y avait des pratiques qui dataient de 1925. Je me dis quand même qu’il y a eu des précurseurs en pédagogie qui sont restés complétement ignorés du grand public, y compris des professionnels qui avaient déjà eu le pressentiment qu’il fallait travailler de manière particulière avec le fonctionnement mental des individus. Que ce n’est pas simplement qu’une boîte noire.
Alors il y a aussi des aspects au niveau créativité, mais la créativité je l’ai obtenue avec la pratique de l’outil audiovisuel qui a permis aux élèves d’être beaucoup plus créateur aussi bien au niveau de la verbalisation que de l’écriture, ça a été pour eux un déblocage certain et je m’en rends compte, il y avait déjà tout un tas de fonctions cognitives, maintenant on les appelle comme ça, ou les stratégies cognitives, mais à l’époque on les appelait pas comme ça....mais, c’est vrai qu’il y avait un travail systématique d’analyse, synthèse, comment dire de ?... de respect des trois phases : je perçois, je traite le problème, je communique.
Qui sont apparues avec les sciences cognitives ?
Oui, et qui à l’époque étaient déjà dans les moyens audiovisuels...il y avait une adéquation entre les moyens audiovisuels, qui étaient des moyens techniques et le fonctionnement du cerveau. Les ordinateurs et le cerveau. On sait que maintenant ce modèle est dépassé, mais n’empêche qu’il nous a servi pour mieux comprendre les trois phases de l’apprentissage.
Alors quand tu as rencontré les fonctions cognitives de Feuerstein tu as bien résonné en toi par rapport à cette ...euh...sans en avoir forcement conscience euh..; simplement.à posteriori ? Tu avais déjà rencontré ça queLque part ?
Oui mais je ne l’ai pas verbalisé , je ne l’ai pas écrit non plus, mais c’est vrai que c’était l’un de mes premiers travaux de faire ce lien entre ce que Thiberge avait fait, et ce que Feuerstein disait. Mais encore une fois, je ne l’ai pas suffisement verbalisé, mais je pense qu’il n’y avait pas d’intérêt en soi, qu’il n’y avait pas besoin de le faire, mais...
Ca n’a pas été une découverte les travaux du professeur Feuerstein ?
Ca n’a pas été une découverte. Mais Thiberge par exemple, allait plus loin que A. de La Garanderie , sur certain points, c’est pour ça que je suis resté en suspens avec ces histoires de gestes mentaux, parce que quand on parle de gestes d’attention, d’imagination, de réflexion...enfin... Thiberge notait très nettement, disait très nettement que c’était des produits du fonctionnement de l’esprit, il n’employait pas les mêmes mots évidement à l’époque, donc il disait que c’était des produits des fonctionnements, des facultés humaines, de l’esprit humain. Et, que ce qui était fondamental, c’était le discernement, la représentation mentale, et quel était le troisième ?. Non d’une pipe...non d’une pipe...! Je me demande si ce n’est pas le dicernement, première opération fondamentale de l’esprit, le dicernement...deuxième opération mentale de l’esprit, la représentation mentale, ...et troisième opération fondamentale de l’esprit, ....? Je me demande si ce n’est pas la signification, je me demande si ce n’est pas ça...Il disait que si ces trois opérations fondamentales de l’esprit qui sont des catégories, si ça ce n’est pas en place, le produit qui est la compréhension, la créativité, l’imagination seront altérés. Et quelque-part là, si tu veux, tu retrouves un petit peu le cheminement de Feuerstein qui, à travers le fonctionnement cognitif déficient voit effectivement qu’il y a des individus qui ne comprennent pas, n’imaginent pas, ne réfléchissent pas...etc. Ils ne font pas attention.
Donc en fait tu avais rencontré Thiberge avant la Gestion Mentale et le PEI.
C’est ça ! Que je savais qu’il y avait quelque chose de sous- jacent, et qui n’était pas exprimé ...mais d’un autre côté je me l’explique assez facilement parce que l’approche théorique qui a été faite, si t’en est que c’est une théorie, par rapport à A. de La Garanderie, c’est qu’il est quand même parti d’un fonctionnement je dirais de personnes en bon fonctionnement, des doués, ou des gens qui réussissent, et qu’en partant de choses qui montrent un bon fonctionnement, on a du mal à voir des dysfonctionnements, et que quelque part, c’est une pénétration vers le problème de l’extérieur vers l’intérieur, alors que aussi bien Thiberge que Feuerstein ont pénétré le problème par les dysfonctionnements, et que en partant du coeur du problème, on va du centre vers la périphérie.
Tu as évoqué au niveau des progrès des enfants, les acquisisions scolaires et puis autre chose qui serait plus du niveau cognitif.
Il n’y avait pas que les acquis scolaires, il y avait aussi les comportements sociaux, les conduites sociales des élèves, c’est-à-dire le fait que les enfants avaient du plaisir à venir à l’école, qu’ils travaillaient beaucoup plus, c’est- à- dire d’autres aspects que j’ai revérifié dans d’autres circonstances ce qui fait que... même je dirai...j’ai...j’irais jusqu’a des enfants ...euh ...qui s’intégraient plus facilement avec les autres, qui n’avaient pas peur des autres, qui n’étaient plus dans un ghetto...même s’ils étaient à part. Bon, c’est vrai qu’il faut resituer aussi dans le cadre où, à l’époque, les élèves qui étaient en classe de perfectionnement n’étaient pas forcement des élèves déficients intellectuels tel qu’on l’entend actuellement avec un handicap, mais c’était aussi des élèves en échec scolaire, les classes de perfectionnement n’étaient pas aussi resteintes au niveau du recrutement que maintenant.
Donc en fait des progrès au niveau des acquis scolaires, des comportements.
Des comportements...des progrès plutôt cognitifs, je n’avais pas les moyens de les mesurer.
Tu n’avais pas les moyens de les mesurer.
Ce que je mesurais c’était des changements à travers les acquis scolaires. Ce que j’ai su, si on peut appeler ça comme ça, c’est qu’il y avait eu des changements de Q.I. Or à l’époque, le Q.I était considéré comme quelque chose d’assez immuable quelque-chose qui ne pouvait pas bouger, et je me souviens encore de ces “psy”, quelques-un qui pour justifier le fait que les Q.I avaient bougés de 10 points ou 15 points, disaient : “ Bah oui, il y a des exceptions”. Autrement dit, quelque part dans la réflexion, dans le retour qu’on m’envoyait, c’était tu fais ce que tu peux, ou tu fais n’importe quoi, tu ne changeras rien.
Par rapport aux psychologues ?
Quand je dis “les psychologues”, c’est pas tous les psychologues, mais un en particulier qui ne voulait pas admettre que le Q.I bouge, c’était quelque chose de fixe? c’est vrai qu’ils passait le WISC avant de rentrer en classe de perf’, mais c’est vrai qu’ à 12 ans quand ils partaient ailleurs, c’est vrai qu’on avait des changements, y compris des individus qui avaient été testés à 70-75, et qui se retrouvaient dans la frange.95-100.
Ca veut dire qu’à l’époque tu t’interrogeais sur la dimension cognitive ?
Déjà à l’époque je me disais bon, il y a certainement des... des ...au niveau des structures mentales, il y avait quand même quelque chose de chiffré qui changeait, mais moi c’était...euh...je n’avais pas besion de ces chiffres là. Je savais bien que ces individus en question avaient complètement... enfin, complètement non, avaient changé leur manière de traiter les problèmes, qu’il y avait des choses qu’ils faisaient maintenant qu’ils ne faisaient pas avant, que les parents me disaient aussi ”mais qu’est-ce qu’il parle mieux ! Qu’est-ce qu’il prend mieux ses responsabilités ! “ Donc il y avait aussi des changements de comportements des enfants à la maison. Quand les milieux le permettent parce que il y a aussi le fait qu’il y a des enfants qui changent, et il y a des milieux qui ne veulent pas qu’ils changent.
Mais, est-ce que tu doutais ?
Alors, mon sentiment profond c’est que c’était moi qui étais dans le juste.
Je me le disais. C’est- à- dire que même si je me retrouvais à l’époque seul à penser comme ça, y compris avec les 30 ou 35 collègues que j’avais. En classe de perf’ nous étions 2. Mais l’autre collègue qui était entièrement en adéquation avec moi, c’est quequ’un qui a mené essentiellement des recherches d’ordre physiques, donc plutôt basées sur les changements par le corps, hein, prise de conscience du corps, relaxation, etc...qui vont amener l’individu à sructurer les choses mentalement, et ça, j’en suis très persuadé aussi que l’on peut avoir des changements, des modifications y compris dans le domaine de la pensée à partir du physiologique et là, ça renvoit à d’autres travaux. Mais nous étions 2 sur les 35 à nous dire : ’mais on peut faire autre chose que se que l’on fait avec ces enfants là’. La preuve, c’est que d’un côté comme de l’autre, on a des choses qui se passent, et qui ne sont pas liées seulement à ce que nous faisons, si nous le faisons, c’est que tout le monde peut le faire. Mais ça renvoit aussi à...à je vais dire, à ce que d’autre pense que...euh...c’est peut-être plus de...lié, si tu veux, à des aptitudes personnelles, à des charismes personnels, qu’a quelque chose qui s’apprend parce que ça renvoit chacun à son processus de développement, et nous ne sommes pas tous à égalité de ce côté là, et c’est vrai que l’un comme l’autre, je dirais, à l’époque, dans les classes de perfectionnement nous étions considérés comme des hurluberlus.
Oui, c’est ce que je voulais te demander au niveau des enseignants.
Parce que les classes de perfectionnement, c’est une classe ou deux classes maximum dans un groupe scolaire ... dans le meilleur des cas, donc on est des marginaux de toute façon. Quand on parle d’équipe pédagogique, c’est qu’une fois ou deux dans l’année on se retouvait avec les gens qui faisaient la même chose, il n’y avait pas d’équipe pédagogique.
Et tu disais “hurluberlu”, c’était un sentiment un petit peu...ou est-ce que ça s’est traduit concrètement par des réflexions qu’on t’a fait ?
Pour moi ça s’est traduit de plusieurs façons : Quand on se retrouvait entre nous, ce qui n’était quand même pas très fréquent, on avait très nettement l’impression d’être un peu quelqu’un de particulier qui pense à part.
Comment, qu’est-ce que tu aurais comme ...euh...dans le concret qui viendrait argumenter cette impression que tu avais...comment se comportaient les gens autour de toi ?
Si l’exemple que j’aurais, c’est quand j’ai fait une présentation, mais ça c’était tout à la fin de mon expérimentation, j’avais demandé l’autorisation à l’Institut à Paris, de faire une présentation de la méthode entre guillemets, et ils m’avaient demandés de l’enregistrer, d’enregistrer mon intervention, euh.. donc, j’avais mes trente collègues qui étaient là, et j’ai parlé toute une matinée, et d’un autre côté j’avais j’avais des conseillés pédagogiques qui étaient venus filmés des activités en classe. Et ensuite on a regardé le visionement, et là, je me suis rendu compte, qu’il y avait une différence enorme entre les choses qu’on faisait de l’intérieur, et les choses qu’on voyait de l’extérieur. Et, les collègues en question, n’ont vu, dans les séquences enregistrées, il faut dire aussi que c’était pris sur le vif, un montage,etc... n’ont vu que dans ces séquences là, que des aspects mécaniques et stéréotypées...
Par exemple ?
Par exemple, euh...on faisait beaucoup d’exercices de rythme, euh...donc...euh....tous les exercices commençaient,par ...euh... je ne sais pas moi...euh...prendre le rythme, donc... euh....(il frappe dans ses mains ) en rythme, là, et quand on avait commencé à prendre le rythme, on pouvait très bien commencer à travaillé en lecture, lire des mots en rythme...euh... lire des phrases en rythme...euh... faire de l’analyse en rythme...euh...etc...hein ?
Eux, ils n’ont vu qu’un travail, et c’est vrai que quand moi j’ai regardé ça j’ai dis : “ non, c’est pas ce qu’on fait...” c’est à dire que, il y a une différence énorme quand tu, quand tu vis ça de l’intérieur, que...que tu impulses quelque chose, etc... et le fait de voir des choses quelque part figées, sur une image, surtout qu’enfant...euh...en plus les enfants ...euh... avaient été légèrement stressés , ...euh...voir paraliysés par le fait qu’il y avait une caméra dans la classe et tout, ...euh... et bon, c’est vrai que les conseillés pédagogiques avaient donnés, de ce travail là une image très positive, en disant : “ bah, si les enfants participent très facilement...” et ...euh... le montage,... enfin, la demie heure ou l’heure qui avait été enregistrée, ça avait été le travail de toute une journée, et on ne voyait pas le reste, c’est- à- dire qu’on ne voyait qu’une succession d’exercices rythmés, et non pas, par exemple nous ça durait 5 mn, 10mn après on faisait autre chose, on se détendait, on faisait un exercice de créativité, etc... Ce qui fait qu’on avait l’impression de ne voir que des suites d’exercices.
Finalement tout à l’heure, tu parlais de fil conducteur, et je crois qu’il se retrouve au niveau du système de valeurs, ce que j’ai tendance à appeler des connaissances essentielles, tu vois ? Quand je parle de connaissances essentielles. Pour moi, c’est clair.
Qu’est-ce que tu met dans les connaissances essentielles ?
Justement, tout ce qui est de l’ordre des racines, c’est à dire tout ce qui est de l’ordre des principes de vie, des valeurs, de ce qui t’est transmis par tes parents par un certain nombre de préceptes, qui passent par...euh....des formules toutes faites, si tu veux. Et, ce qu’ils t’envoient, eux, c’est des discours, mais ces discours porteur en filigrane d’un certain nombre de valeurs , c’est là que tu es, tu parles de.... que...que tes racines sont dans un terreau, quoi. ça...euh...enfin, bon, c’est clair si tu veux, que ce qui est en filigrane là- dedans c’est que pour moi cette évolution à la fois de carrière de développement de ma conscience si je peux appeller ça comme ça, c’est certainement enraciné dans des choses que mes parents ont fait avec moi mais...avec les quelles, ils n’ont...ils n’avaient certainement pas les mots pour le dire...et en fait, ils le vivaient, ils le vivaient. Et c’est vrai qu’ils ont, à cette époque, c’est une époque d’après- guerre, c’est donc des gens qui ont vécu aussi l’entre guerre, et qui ont vécu la guerre, et ils font sans doute partie de la population française qui a évoluée sensiblement, et qui a fait qu’on a parlé ensuite du passage d’une classe, je ne sais pas si on peut appeler ça une classe basse mais, il y a tout un tas de gens issus du milieu ouvrier et agricole qui ont franchi, qui sont arrivés dans les classes moyennes, et c’est tout une époque de la France, ça. Ils font sans doute partie de...de cela, c’est- à- dire que, d’une situation qui ne leur permettait plus de vivre, ils ont réussis à repartir à 35 ans, à 40 ans à repartir sur des bases nouvelles, c’est- à- dire, ils sont bien allés vers la ville. Ils sont pas restés dans les ghettos des banlieux, ils sont passés par ce qu’on appelle les H.L.M. eux aussi mais ça n’a pas duré lontemps, ça a été transitoire, alors que pour d’autres personnes ça a été définitif. Et je me dis que là, il n’ y a pas que des phénomènes sociologiques, il y a aussi des racines, il y a aussi tout un terreau, il y a aussi des choses en profondeur qui font que les gens....euh....on envie d’aller plus loin, ont envie de dépasser...euh...., nous sommes des métayés, nous sommes des ouvriers agricoles, mais on peut devenir quelqu’un d’autre, quoi. Et on peut accepter la propriété, on peut avoir sa maison, et puis voilà. Et puis il y a eu, ils font partis de toute cette tranche de la population...euh....qui....qui ne s’est pas satisfaite, qui a réussi à aller au-delà, mais ces gens qui ont pu aller au-delà, c’est sans doute parce qu’ ils étaient bien enracinés, probablement.
Eux-mêmes...
Eux-mêmes. Oui, oui, on ne peut pas s’enraciner dans du béton. Donc les gens qui n’ont connus que le béton depuis 30 ans, ils ne peuvent pas s’enraciner quelque part, il y a un problème. Par contre les gens qui sont, je dirais, nés dans les champs, qui sont à la campagne et tout, ce sont des gens qui sont plus enracinés, parce qu’il y a la terre, d’une part, mais il y a aussi l’enracinement qui est possible dans la communauté, dans la famille, il y a un cetain nombre d’éléments qui sont partagés, et qui sont partagés explicitement, ou implicitement et, ces éléments sont des éléments écologiques au sens large, c’est- à- dire, il respectent....euh....le bon sens....c’est le juste milieu, c’est....euh....le bon sens bien de chez nous, c’est ...c’est ce qui est ancré dans des traditions, et qui sont transmises de générations en générations, c’est ce qui fait toute la différence par rapport à ceux qui sont déracinés, soit parce qu’ils ont changé de culture, soit parce qu’ils ont quitté leurs terres pour aller sur du béton et là, ils n’arrivent plus à prendre racine...
Tu as évoqué dans le terreau cette volonté de dépassement.
Oui, quelque part le fait de vouloir s’en sortir, s’en sortir parce qu’on est dans la misère, les enfants feront des études, qu’on leur paiera des études, y compris pour ma soeur et pour moi c’était le fait de faire des études dans le privé, parce que dans le privé, on était sûr que c’était en adéquation avec nos propres valeurs, à l’époque, je ne sais pas si maintenant c’est encore vrai, mais à l’époque, c’est vrai que quand on allait chez les curés ou chez les bonnes soeurs c’était clair que c’était les mêmes valeurs qu’on partageaient parce que le dimanche, on allait à l’Eglise. Et donc il y avait comment dire ? une certitude de la part des parents que lorsqu’ils confiaient leur gamins, à ces personnes là, ça serait une éducation qui serait en adéquation avec celle qu’ils donneraient, qu’ils auraient donnée, parce que là, quand même, c’était bien plus qu’aller faire des études, c’était en internat, ça veut dire qu’on est coupé des enfants pendant un certain temps, à l’époque c’était quand même un trimestre, on ne revenait que trois fois par an. Pour les gens de la terre à l’époque, il fallait un minimum , je dirais, au niveau des valeurs, qui soient communes.
Donc tu as été en internat religieux en raisons de croyances religieuses?
Oui, c’est ça. Le choix de l’établissement ce ne sont pas les parents qui l’ont choisi, c’est l’instituteur. C’est-à-dire que les deux meilleurs de l’école, ils sont allés là, parce qu’ils voulaient être instit. Moi, je suis allé là parce que je voulais être instit’. Donc j’ai pas été faire des études religieuses, j’étais dans un établissement qui à l’époque était le seul établissement où passait des instituteurs. C’était, “l’école normale“ de l’enseignement, mais dans un établissement privé, parce qu’avant, il n’y avait pas de Centre de ormation pédagogique. Donc, avant que le C.F.P existe, tous ceux qui voulaient être enseignants passaient par cette maison, comme d’autres passaient au séminaire pour être curé, et bien, les instit’ passaient par cet établissement. On passaient par saint Michel qui est une congrégation, les filles passaient par mormaison en espérant que sur le tas, quelque unes deviennent religieuses ! Voilà !
Alors, j’aimerais revenir sur la pédagogie de Thiberge. Qu’est-ce qui t’a amené rencontrer cette pédagogie ?
OUI, d’accord, oui. Et je vois que tu perds pas le fil ! Tant mieux, autrement tu ne ferais pas de thèse ! Ce qui m’a amené... l’année pédagogique de formation était très importante, au niveau initial, sinon initiatique. Je crois qu’effectivement, du côté savoir être et savoir devenir, il nous a ouvert a des dimensions que je ne connaissais pas, mais pas du tout. C’est- à- dire que finalement, moi issu de la campagne, élevé dans un milieu peut-être un petit peu rigoriste au départ, en internat pendant 7 ans. Il y avait tout un tas de domaines que j’ignorais complétement, et plus particulièrement, ce qui m’a beaucoup ouvert à l’époque, c’est cet espèce de conscience écologique, par rapport au respect de la nature, par rapport à tout ce qui est agriculture, etc....il y avait des choses qui étaient plus ou moins dangeureuses, c’était le tout début de l’explosion de l’agriculture moderne avec le passage d’une agriculture très moderne, et puis, le fait que les agriculteurs soient de plus en puls devenus des ouvriers qui commencaient à être complétement dépendant du système industriel. Le passage de l’agriculture traditionnelle à l’agriculture industrielle, et en même temps, ça a été la découverte pour moi de tout un tas d’aspects qui étaient un petit peu méconnus de moi : défense du consommateur : l’écologie, .la protection de la nature.
......Oui, donc, il y a eu cette découverte là, si tu veux, et puis une ouverture à un tas de choses que j’ignorais complétement, tu vois. Je me suis intéressé à l’époque à un certain nombre de revues, je ne dirais pas écolo’. Ma découverte de Thiberge est passée par là, c’est que les articles de Thiberge étaient publiés dans une revue qui n’était pas une revue pédagogique du tout. Et, dès 1965-1966, j’ai découvert cette revue, j’ai découvert aussi qu’il y avait tout un tas de....euh...par rapport à la santé. Qu’il y avait des choses qu’on pouvait faire....et ce que les intitutions nous obligent de faire....euh....quoi , quelque part dans nos habitudes, et c ‘est comme ça que j’ai découvert Thiberge ,parce que je me suis abonné à une revue, qui s’appelait, et qui s’appelle toujours “la vie claire”.
C’est connu ?
Oui, oui ! c’est connu, c’est une chaîne de rayon...euh.... diététique. Mais à une époque c’était uniquement des gens qui n’avaient pour seul but que si tu veux, la défense du consommateur, la protection de la santé, etc...et dans cette revue, de 1965 à1972, il y avait la page pédagogique, que j’ai gardée précieusement, parce que pour moi ce sont tous les écrits de Thiberge, il me manque deux ou trois pages et je regrette de ne pas les avoir. J’ai donc 70 ou 72 pages écrites de. Thiberge et qui s’intitulaient : “ Pour l’éducation scientifique de demain. ”.
Et donc, ça, au départ c’est par le C.F.P que tu avais été incité à...?
Si tu veux, j’ai été incité parce que je sais qu’ à l’époque E. P. était plutôt végétarien. Donc, j’ai découvert tout un monde par rapport à ça, et puis, il nous mettait en garde, c’était quelqu’un qui était un végétarien souple. Il respectait les autres, il n’imposait pas son point de vue. Mais pour moi, ça m’a mis la puce à l’oreille. Toutes ces histoires des protéines, des trucs comme ça, je ne connaissais pas tout ça. A l’époque, quand on parlait d’agriculture biologique et tout, on te regardait avec des grands yeux comme ça, alors que maintenant, c’est presque devenu incontournable 30 ans après, mais c’est vrai qu’à l’époque. Je me suis intéressé d’une part à cet aspect de l’alimentation. Je connaissais le pain blanc, j’ai découvert le pain complet. C’était rare à l’époque.
A l’époque, oui !
Tu vas dans une boulangerie, tu découvres toutes les sortes de pains. A l’époque, tu n’avais que dans certains magasins où tu trouvais des choses comme ça. C’est là que j’ai appris tout un tas de choses sur les aliments raffinés, sur les drogues dans l’alimentation, enfin, tout ce qui était, tout ce qui pouvait amener des maladies. Les procès des vaccinations, j’ai découvert tout ce monde, j’avoue que là, j’ai complétement ouvert mon champ. Je dirais que je me suis même cultivé beaucoup, mes premières lectures, j’ai beaucoup lu à l’époque, j’ai lu tout ’azimut’, donc tout autre chose que la pédagogie. En dehors du C.F.P, je me suis obligé de lirepas mal de livres sur M. Montessori, c’est-à-dire tous les auteurs, tous les pédagogues. Mais c’est vrai qu’après, en sortant du C.F.P, pendant quelques années, la pédagogie ça n’a pas été mon truc, c’était pas ça que je cherchais. C’était vraiment ce qui pouvait me cultiver. C’était 68. Il y a eu aussi ma petite révolution intérieure qui fait que c’était de bon ton de s’opposer aux institutions.
Tu regardais cette revue. Tu lisais les articles.
Je les lisais parce que quelque part la revue était d’un trés haut niveau.culturel, et d’un haut niveau scientifique, c’est-à-dire que j’apprenais beaucoup en lisant ces choses-là.
Oui, mais alors quel rapport entre l’alimentation et la pédagogie de Thiberge ?
Mais, c’est parce qu’il écrivait dans cette revue ! C’était la seule revue qui a publié ses écrits !
Mais la pédagogie de Thiberge , elle n’a pas de rapport avec l’écologie ?
Alors, sans doute... est-ce que Thiberge était lui- même...euh...je ne sais pas... végétarien,...écolo... ? Je ne sais rien... euh...en tous cas, eux, se sont fait connaître par l’intermériaire de cette revue qui était...qui n’était pas une revue qui était distribuée en kiosque.
Alors, qu’est-ce qui te plaisait dans ce type d’article là, outre l’aspect scientifique ?
Je t’ai dis que la première année, en classe de perfectionnement on a été contraint, je veux dire, on a subi cette mutation. J’ai fait la classe pendant un an en me disant : “bon, si je continu comme ça, je.... je veux en mourir....”, c’est- à- dire que j’en retire aucune satisfaction et là, si tu veux, j’ai eu une intuition en me disant : ’Dans cet article que j’ai lu, il y a quelque chose qui pourrait, qui devrait m’aider à faire en sorte que les gamins s’en sorte....voilà, c’est ça.’.
Donc, ça moins été part ta formation C. F.P ?
C’est- à- dire que la formation de C.F.P m’a fait découvrir par hasard la revue Thiberge
Et toi, à postériori....tu as eu l’intuition...
Et moi, après, comme je suis quelqu’un qui ne jette pas les choses, j’ai gardé toutes mes revues, et quand j’en ai eu besoin en 74, j’avais toutes les revues qui étaient là, sauf celles qui ne me sont pas parvenues quand j’étais en Afrique, parce que j’étais abonné là-bas aussi, parce que j’ai fait suivre mon abonnement, et donc je me suis retrouvé quand même avec 95% des articles, qui étaient là...
Donc, l’Afrique c’était après ça ?
Ca c’était...oui...68...70...J’ai enseigné deux ans en France, et puis je suis parti enseigner deux ans en Afrique, puis je suis retourné ensiegner en collège. J’ai enseigné un an en 6ème, 5ème, 3ème, français / éducation physique. Et après, j’ai fait deux ans de classe de transition. Mais je vais te dire qu’en transiton déjà j’avais pris contact avec l’institut Thiberge , c’est- à- dire que ...euh... pour certain gamins... A l’époque je travaillais avec la pédagogie du père Faure, donc, forcément personnalisée. Tout était mis en fiches, je rentrais le matin, les doigts dans le nez, tout le monde travaillait tout seul, etc... et de temps en temps on faisait une synthèse, voilà, et puis je me suis dis, mais....et ceux qui n’y arrive pas ? qu’est-ce- que je fais pour eux ? qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce qui pourrait les aider pour aller plus loin ?
En transition là ?
C’était en transition. Et là, j’ai écrit en disant mais... “je suis instituteur en classe de transition, j’ai des enfants qui ont de grandes difficultés, et je sens qu’il y a des choses qui pourraient m’aider...”. Et là, on m’a répondu : “On ne travaille pas avec les enseignants.”. J’ai écrit parce qu’ il y avait en bas de la page : “ Vous voulez aider vos enfants à réussir...etc,etc...écrivez, on peut donner des cours, etc...etc...” . Donc il y avait des cours qui étaient envoyés pour que les parents travaillent avec leurs enfants, mais jamais avec les enseignants. Alors moi je ne pouvais pas, j’étais coincé, parce que moi à l’époque j’étais parent, j’étais parent d’une petite fille. Donc je me suis retrouvé le bec dans l’eau, parce que je ne savais pas comment faire, et je m’inspirais des articles en me disant...parce que je voyais que c’était à la fois théorique et pratique, mais...euh...j’avais pas...
Est- ce que tu te souviens de ce qui te paraissait de... comme ça à priori, spontanément....ce qui te paraissait de bon dans ces articles sur la pédagogie de Thiberge ?
Ce qui m’intéressait c’était que j’avais le sentiment qu’il avait découvert quelque chose de fondamental dans le fonctionnement, je dirais, dans le fonctionnement de l’esprit humain, en particulier quelque chose que je n’avais vu nul part ailleurs...quelque chose qui n’apparaissait jamais, c’est- à- dire que j’avais l’impression que pour beaucoup d’auteurs, on en restait à des choses superficielles, il y avait ceux qui savaient et ceux qui ne savaient pas, ceux qui y arrivaient, et ceux qui y arrivaient pas, et puis il y avait cette fameuse boîte noire, à l’époque c’était la boîte noire, on savait pas du tout comment ça fonctionnait. Et là, j’avais des éléments avec ce discernement, comment ça fonctionne....Ah, le deuxième, ça y est, je l’ai maintenant...tu vois ça me revient les choses....c’est l’identification. Et, derrière l’identification, il y a tous les concepts, la construction des concepts....identifier les choses, c’est les étiquetter, c’est mettre des mots, donc...euh...tout ce qui est la pression du vocabulaire, comment se construisent les concepts. Alors, le discernement, si tu veux, si on veut faire un parrallèle maintenant avec les trois phases, c’est que le discernement ça permet de bien observer ce qu’il y a autour de toi....
Au sens des fonctions cognitives de Feuerstein ?
Alors, par contre, après, il y a tout ce qui est identification, c’est-à-dire “mettre des mots”, lui il insistait beaucoup sur le fait que l’on “mette des mots”. Alors, c’est vrai qu’on peut dire : “ ça correspond à quoi, c’est le discours intérieur ? Est-ce que ça correspond à l’évocation ? ”. C’est vrai qu’on est mal à l’aise là, parce que ça correspond pas forcément à la phase du traitement du problème.... parce que c’est très centré sur les mots, le vocabulaire, les concepts et puis après, il y avait une troisième phase....La représentation mentale. Alors, la représentation mentale, correspond davantage à la phase d’élaboration, c’est- à- dire, intérioriser le problème, se le représenter, émettre des hypothèses, vérifier...
Cela correspondrait plus à l’évocation, mais par contre c’est vrai qu’ il y a toute la phase de communication et ça correspondrait peut-être avec l’identification “mettre des mots”, mais mettre des mots, c’est aussi employer le mot juste, enfin tu vois...euh....il y aurait...mais pour lui, c’est important que c’est qu’il appelait des facultés intellectuelles fondamentales étaient le nerf de la guerre, si ça ce n’est pas en place, si ça ne fonctionne pas de manière...rapide, optimale, on a des individus qui perdent leur temps qui passent leur temps à réfléchir.
Et qu’est-ce qui t’as engagé à...à... retenir ça, parce qu’en fait tu...tu aurais pu dire “ bah, oui mais pourquoi pas....”, mais tu as été particulièrement...
Parce que ça correspondrait si tu veux, à des choses que je voyais avec les gamins....Je voyais que ces difficultés qu’avait untel ou untel , avec qui je ne pouvais plus rien apporter avec les moyens de l’époque, et pourtant, Dieu saiT si je faisais parti de ceux qui avait beaucoup d’outils ! J’avais beaucoup de cordes à mon arc de l’époque. Mais, même tout ça, et qui était d’ordre méthodologique, parce qu’ on te disait : ’Faites de la pédagogie personnalisée, faites des fiches, réorganisez vos contenus, programmez toutes ces choses, vous verrez, c’est....”. C’est vrai que c’était une amélioration par rapport à ce qu’on faisait avant, oui, mais quand un gamin est en face de toi, tu dis ’merde’, il a pas compris....il n’a encore pas compris. Qu’est-ce que je fais ? Qu’est ce que je peux faire. Il y avait quelque par quelque chose qui me disait il y a des solutions, il y a quelque chose à faire...Et qu’est-ce que je vais pouvoir faire ?
Donc tu étais porté par ce projet de trouver quelque chose ?
Ah oui ! ah oui ! De toute façon, si tu veux, je ne suis jamais resté les mains dans les poches...c’est à dire que face à un élève qui n’apprend pas, il me renvoyait quelque part à mon impuissance dans un premier temps, et surtout dans un deuxième temps, il me renvoyait à Qu’est- ce que je peux faire pour qu’il aille plus loin, mais sans que je lui donne la solution ? Ca toujours été quelque chose de fort chez moi, c’est à dire ....euh.... y’a moyen de faire en sorte que l’autre apprenne sans lui donner tout cuit les choses, c’est-à-dire de faire en sorte que ce que tu lui apportes, ça ne soit pas simplement la pomme, mais aussi la manière de planter le pommier pour qu’il ait des pommes...quoi.
Ca rejoint un peu tout ce que tu disais sur l’autonomie.
Ah oui,oui oui ! Si tu veux, dans ma manière de procéder avec eux...avec les gamins, et ça depuis le départ, je n’ai jamais été quelqu’un qui inculquait, je n’ai jamais été un distributeur, et c’est sans doute....j’ai appris ça au C.F.P, parce que si j’avais fait comme les profs’ ont fais avec moi au lycée, bon je m’excuse, mais il n’y en avait pas beaucoup dans le tas qui ne distribuaient pas, quoi ! Je veux dire que j’ai eu à faire à des robinets !
Oui. Donc, ta formation au CFP a eu un ancrage.
Ah oui ! Oui, parce que moi-même si tu veux, le fait d’avoir été mis en situation d’apprentissage, d’avoir été concrètement à me poser des questions avec ces réglettes, à se dire, “mais comment je vais faire une division avec ces réglettes ? Comment je vais faire passer de... j’ai des réglettes là, il faut....il faut que je fasse....il faut que ça arrive à des chiffres sur ma feuille...” et ça, c’était des questions pour moi, c’est- à- dire que les situations qui étaient...proposées étaient des situations problèmes, dans le sens où on l’entend maintenant, c’est-à-dire, c’est une situation dans laquelle j’ai quelque-chose à apprendre, et ça, ça a quelque part cassé mes représentations, ça a cassé mes schémas préconçus, mes choses toutes cuites que j’avais en tête. En fait, ce que je croyais, ce n’était pas ça ! C’est à dire que toutes les idées préconçues que je pouvais avoir dans ma formation de lycée, et comment on pouvait....comment on pouvait mémoriser, c’est à dire...euh...je l’ai réappris, parce que moi je fais partie de ces élèves qui ont appris sans le savoir, qui avaient une bonne mémoire, qui avaient de bons résultats, donc qui ne se posaient pas trop de questions. Et là, du jour au lendemain, je me suis retrouvé non plus à mémoriser des choses, mais à comprendre comment elles fonctionnaient de l’intérieur.
Donc tu penses que c’est en l’ayant vécu au C.F.P de l’intérieur que là tu as eu un petit peu le...
Oui. C’est le fait d’avoir travaillé sur autre chose que des savoirs, qui a fait que ça a dû déteindre, si tu veux, à tous les niveaux pour moi, c’est-à-dire aussi bien au niveau savoir-faire, et je dirais dans les savoirs-faire tu as la compétence pédagogique, et puis tu as la méthodologie, tu as la didactique, ça cela fait partie des savoirs-faire, et puis tu as tout le côté...aussi...développement de la personne, valeurs à transmettre, tu vois, ça c’est très important, ça.
Cette formation au C.F.P, tu dis que c’était vraiment quelque-chose qui te convenait. As-tu eu des moments un peu de...de rejet...
Non, Non. Par rapport au C.F.P, c’est une adhésion totale. Autant, j’ai pu avoir un rejet du système éducatif avec ma classe de terminale, mais c’est le ras-le-bol d’avoir éte 7 ans en internat, etc...c’est pas le fait que j’étais pas doué, etc... c’est pas....mais c’est le fait d’avoir un petit peu ras-le-bol d’un système qui te considère comme un moins que rien, et puis ferme-là, tu n’as pas la parole, etc... On n’ était pas considéré comme une personne, quoi. Bon, je me dis que...euh...au C.F.P, par contre, on a été au pied du mur, c’est-à-dire qu’on est passé d’une situation passive, d’une situation où l’on te prend pour un objet, où à la limite même, je dirais, on nous a mis très vite, voir trop vite, dans des situations de responsabilité. Et ça, ça a été un passage...euh... fort.
Oui. c’est-à-dire qu’on t’as pas pris comme objet mais comme...plutôt..
Comme un sujet...vraiment. Non seulement un sujet responsable apprenant, mais un sujet sur qui, je dirais, qui compte. Aussi sa compétence au niveau relationnel, tout ce qui est de l’ordre de la vie de l’équipe, chacun à sa place, et c’est peut-être important que chacun se développe. Je sais qu’on avait régulièrement des mises en commun, toutes les semaines on avait une heure, qui s’appelait “le devoir de s’assoir”, c’est à dire, faire le point sur la vie...la vie du groupe....les responsabilités, et on avait tous les trimestres....on passait...à l’élection d’un chef, ou d’une cheftaine, enfin on avait nos deux responsables, qu’on élisait, ...euh...qui étaient on les appelait des chefs de maison. C’est eux qui devaient se charger de distribution des responsabilités, des tours de rôles, mais ils étaient élus.
Tu penses que ça eu une influence aussi, importante sur la façon, même actuellement de concevoir ton métier, finalement ?
Oui...sûrement en tant que... en tant qu’enseignant et en tant que personne, en tant qu’éducateur. Je crois que le côté éducation a été très fort, très fort dans toutes les dimensions savoir- faire...savoir être et savoir devenir. On les étiquetait pas comme ça, il y avait des objectifs qui étaient certainement sous-jacent. Mais quand on le relit avec du recul maintenant, je me dis qu’il n’y a pas simplement eu des discours, il y a eu des faits.
Des faits...des faits qui étaient vécus de l’intérieur.
Voilà, c’est ça. Mais je ne veux pas dire pour autant que cet impact était le même chez tous mes copains et copines de l’époque, parce que il se trouve là-dedans des gens qui ne sont plus dans l’enseignement, et qui ont bifurqué après. Il se trouve aussi là-dedans des gens qui sont restés très marqués négativement par ce qu’on a fait en méthode Ramain, et qui n’ont jamais pu rentrer dans la méthode Ramain, et qui quelque-part ne se sont jamais sentis interpellés. Je me dis que dans tous les interventions, dans tout ce que l’on fait, dans les classes, dans les institutions en formation, selon le proverbe indien : ’quand l’élève est prêt le maître vient’, et pour moi, le maître est venu à ce moment là. Alors que pour d’autre il n’ est venu peut-être que 20 ans plus tard.
Je reviens là sur un détail, qui n’en n’ai peut-être pas un, tu parlais tout à l’heure que tu n’ es pas venu forcément par hasard en classe de transition.
Non, j’ai fait une démarche. Il a fallu que j’obte entre deux carrières qui s’offraient à moi : une formation d’éducation physique et sportive,... parce que dès le C.F.P, j’ai fais des recherches sur le développement, prise de conscience du corps, en lien avec la méthode Ramain, un moyen d’harmonie de corps. C’est vrai qu’en faisant ces recherches, le directeur Diocésain était très intéressé, parce que ça correspondait à sa philosophie sans doute. Et, il s’est trouvé que quand je suis revenue de coopération, j’ai donc été nommé sur un post d’éducation physique et français. On me proposait d’aller faire 4 années d’études d’éducation physique, au C.R.E.P.S. Ca me paressait très difficile à l’époque, j’étais juste marié, on venait d’avoir un enfant, donc il a fallu faire un choix, et mon choix, ça a été : non, 4 ans d’études maintenant, ça boulversait trop nos projets. Mais ça m’a pas empêché personnellement de continuer dans cette voix là, mais je veux dire que j’en ai pas fais un choix professionnel. Donc, il fallait que je continue d’enseigner et là, l’opportunité, ça été, euh...bon, c’est...c’est vrai que j’avais....plus ou moins apprécié...j’étais en classe de 5ème et 3ème essentiellement, donc en français et en éducation physique, ça me plaisait, mais je trouvais que c’était trop restreindre mon champ d’intervention, quelque part je suis quelqu’un de polyvalent, et j’aimais bien tout faire, j’aimais bien enseigner, aussi bien l’éducation physique que les mathématiques, que le français, que...j’aime tout ! Et...euh...donc, l’opportunité c’est qu’il y a eu un départ de collègues qui étaient en classe de transition, et on m’a demandé dans l’établissement s’ il n’y en avait pas qui voulait prendre la place, oui...et je me suis dit, “ mais pourquoi pas ! “. Voilà, j’ai tenté, parce que ça correspondait davantage à ma formation de base qui est une formation d’instit’, et non pas une formation de prof’ de français, d’éducation physique. Donc c’est pour ça que j’ai voulu retrouver un petit peu des sensations d’enseignant polyvalent. Voilà.
D’accord. ...euh...tu disais, tout à l’heure que t’as voulu être enseignant, que tu voulais être enseignant depuis tout petit, depuis tout jeune...euh..
Ma mère m’a toujours dit que quand je suis allé à l’école, j’étais content d’aller à l’école. Dans ma famille, je suis le premier à partir aux études. Les autres ont tous leurs certificats d’études. Ma mère m’a toujours dit que dès l’âge de 6 ans je disais ça à la maison...mais moi, je n’ai aucun souvenirs de ça. Par contre, je sais que quand je suis rentré en 6ème, je suis allé dans un endroit où c’était pour être instituteur et mon idée c’était, instituteur ça c’est clair. Donc, pour moi, quelque part, c’est une vocation. Qui dit vocation dit voix, dit chemin, qu’est- ce qui m’a mis sur le chemin-là je ne sais pas ?
Donc, c’est une volonté interne avec ...euh... quand tu fais le parcours de ton itinéraire ...euh... avec une satisfaction, un intérêt à poursuivre...euh... quand tu parles de vocation...euh...tu veux dire que c’est un chemin qui t’a apporté des satisfactions.
Ah, oui. Même si il y a eu des ruptures, des doutes et tout, il y a toujours eu...euh...une motivation à aller plus loin, à continuer...Chaque rupture a été plus ou moins liée à une insatisfaction à un moment donné, mais cette insatisfaction a toujours été dépassée. Il n’y a jamais eu régression, ça toujours été, toujours plus et toujours mieux. C’est vrai que j’ai un tempérament de, je dirais de... sportif au départ. Le tempérament de gagneur, je l’ai certainement vécu en tant que jeune, en tant qu’adolescent, je l’ai vécu dans le cadre du sport, parce que j’ai pratiqué le sport....euh....en sport individuel, en sport collectif, donc, c’est vrai que ça c’est aussi...euh...je dirais...euh....au niveau de la personnalité, ça aide, je dirais à développer certaine valeurs que tu as en toi, la persévérance, la volonté, le de se dépasser, c’est clair que le sport est une école
Mais c’est vrai qu’il y a quelque part cet espèce de chose que j’ai à me prouver à moi-même, et à prouver aux autres en me disant que je ne me satisfait jamais de quelque-chose que j’ai fait, quelque chose que j’ai réalisé, pour me prouver encore quelque chose à moi-même.
Ce que je sais, je le partage avec d’autres enseignants, avec d’autres adultes...euh...donc je ne me contente pas d’enseigner à des enfants...euh... je partage un maximum de choses que j’ai découvertes, que j’ai lues, que j’ai pratiquées, de manière à ne pas garder pour moi tout ce que j’ai appris. Donc ça , c’est mon côté formation. Et, j’ai une troisième facette, qui est le côté recherche,...euh...recherche universitaire, même si elle n’est pas actuellement, j’allais dire...euh... validée par des diplômes, mais je reste dans cette dynamique ...euh..de...d’expérimenter, de vérifier, de faire des rapports de temps en temps, ce qui fait que je valide quelque part ce que je fais, ce que les autres font, à travers des théories, à travers des pratiques, pour encore une fois montrer, si ce n’est démontrer que c’est faisable que des gens peuvent aller plus loin, mais ça c’est dans le but d’amener les gens à ne pas rester simplement au niveau des savoirs, mais qu’ils aillent plus loin dans les savoir-faire, qu’ils aillent aussi plus loin avec les enfants dans les savoir être, et... c’est à dire que... c’est toujours ces aspects là, c’est à dire que ce que j’ai pu faire, ce que d’autres commencent à faire...euh...maintenant j’aimerais qu’il y ait davantage de gens qui le fassent, donc, je le communique ça.
Disons que tu es un practicien- chercheur ? Alors qu’est-ce qui mobilise ta recherche, quand tu prends un peu de recul ?
Qu’est-ce qui mobilise ma recherche ? Je vais essayer d’y répondre, mais c’est une question que je ne m’étais pas posé figures-toi. Je crois qu’il y a des convictions derrière. La conviction première, je ne sais pas si j’ai le droit de dire que c’est une conviction première, je dirais qu’ il y a une certaine soufrance,je dirais à voir les ségrégations qui existent entre les êtres humains, et...pour moi, je me dis, pour moi c’est injuste. C’est vrai qu’aussi par les découvertes d’autres cultures, et là, quand je dis d’autres cultures ce n’est pas que la culture africaines j’ai l’intime conviction que tous les êtres humains ont quelque chose de très riche en eux et, tout ce qui va toucher la ségrégation, le racisme, les intégrismes quelque-part, ça me donne des hauts de coeur. Et, bon, le fait d’avoir effectivement vécu en tant qu’enseignant, d’avoir été en contact avec des petits africains, d’avoir connu un petit peu de l’intérieur la vie dans les villages. Tu reviens avec une autre idée, et tu te dis mais les êtres humains sont tous des êtres humains, c’est-à-dire qu’ il y a quelque chose de très fort là- dedans. ça, c’est un premier niveau, c’est à dire ce niveau un petit peu interculturel que j’ai pu connaître? et qui fait que les êtres humains se reconnaîssent à ...je dirais à...à leurs valeurs, à ...à ce qu’ils sont profondément, et quand on connaît un petit peu les gens à travers la terre, on se rend compte que c’est pas la couleur de peau ni la culture qui fait l’homme, mais c’est bien un tas de choses qui sont communes à tous les hommes, qui sont de l’ordre de leur caractère, de leur tempérament, etc.. qui font que tu reconnais plus facilement quelqu’un à sa manière de traiter les problèmes ou à sa manière de réagir qu’ à la couleur de sa peau, et tous les petits enfants du monde se ressemblent et tous les ados’ font les mêmes conneries, et tous les adultes se ressemblent étrangement et plus ça va, et plus j’ai l’intime conviction qu’on est vraiment, on est plus que des cousins germains, je veux dire qu’on est très très proche les uns des autres. Ca c’est quelque chose d’important. J’ai l’impression qu’on est vraiment tous sur une planète, et que la planète est petite, à savoir que les problèmes actuels éducatifs, problèmes relationnels entre parents et enfants, entre enseignants et élèves...euh...sont les mêmes au sud de l’Inde, sont les mêmes à l’île maurice, les mêmes à la Réunion, les mêmes en Calédonie,...euh...les mêmes au Canada, les mêmes en France, et ça, j’ai l’impression que des gens que j’ai jamais connu, que j’ai jamais rencontré, on se reçoit 5/5 quand je tiens ce langage là. Je me dis, c’est partout que les gens sont confrontés à des difficultées qui sont de l’ordre de l’essence de l’être humain.
Le deuxième point, c’est que je suis très sensible à ces différences que nous constatons dans les classes, et ces hiérarchies qui nous sont plus ou moins imposées par un discours sociologique, par un discours psychologique sur le déterminisme dans la transmission, le déterminisme des milieux, etc... et, je me dis que là encore c’est une injustice incroyable. Qu’est-ce qui peut me dire que cet élève là est inférieur à un autre, il y a ceux qui ont la chance au début d’avoir un meilleure hérédité que d’autre, il y a ceux qui...qu’est-ce qui fait que moi ...euh...je pourrais très bien faire en sorte que ce gamin là, qui est au prise avec des difficultées, je puisse être cet espèce de révélateur, ce catalyseur, qui va faire que...donc tu peux être quelqu’un d’autre, c’est pas toi ça, dans c’est toi là maintenant, mais peut-être que dans 2 ans, dans 3 ans tu va devenir vraiment toi, tu vas devenir davantage toi.
Donc dans ce que tu dis, au niveau de ce qui a motivé ta recherche c’est à la fois une certaine conception de l’homme.
Cà c’est clair. Mais une conception de l’homme qui s’est affinée par tout un tas d’expériences. Le fait d’être confronté à X cultures, déjà rien qu’en Afrique, il y a des éthnies différentes, puis en suite, je me dis que là...plus on a rencontrer des hommes divers, plus on se rend compte que chaque homme est vraiment Homme, mais avec un grand H et qu’il y a des caractéristiques communes. Disons que d’une part, il y a des choses qui sont de l’ordre de la finalité, c’est- à- dire qui correspondent sans doute à un enracinement dans des valeurs humanistes, je dirais, plus humanistes que chrétiennes, c’est- à- dire le respect de l’autre, le partage de l’autre. L’homme qui est en face de moi est aussi fils de dieu, enfin je veux dire il y a tout ce qui m’a été inculqué, par mon éducation chrétienne, au départ. Je crois que c’est des choses dans lesquelles je me reconnais, mais c’est vrai que par rapport à l’autre aspect...euh qui est plus de l’ordre de, je dirais de la connaissance de l’autre, à une connaissance qui va me rendre service pour un développement intellectuel, voir affectif ou autre, c’est-à-dire, cet élève qui est là est un enfant en devenir, et quelque part je l’aide à se construire, parce que je crois beaucoup au fait que ma présence n’est pas anodine. J’irais jusqu’à dire que tout ça ce n’est pas le hazard, et qu’en tant que croyant il y a une part de providence là-dedans.
Donc, il y a le fait que je sache maintenant, que je puisse mettre des mots sur des fonctionnements cognitifs, des fonctionnements affectifs, je mets des mots là-dessus. Comme dit Feuerstein, à partir du moment ou on connait, on est plus aveugle de la même façon. On est moins aveugle. Quand je sais conceptualiser les choses, quand je sais les étiquetter, mon champ de perception s’élargit. Je n’ai jamais fini d’apprendre et j’ai envie d’apprendre, je crois que c’est un finalité, j’ai envie d’en savoir beaucoup plus. Dans ce que je recherche, j’ai envie d’être un peu moins ignorant, quoi. C’est pas spécifique de moi - même, je crois que tout être humain a envie de savoir davantage de choses.
Donc, il y a cette finalité pour toi, par rapport à ton développement personnel ?
Oui mais c’est surtout au service des autres, actuellement je dirais que je consacre... une grande partie de ma vie aux autres. Je ne sais pas si c’est le développement personnel qui me fait m’interesser davantage aux autres, ou si c’est le fait de travailler avec les autres qui produit chez moi une augmentation dans mon développement personnel.
C’est peut- être les deux ?!
Mon niveau de conscience s’élargit, et au fur à mesure que mon niveau de conscience s’élargit je vois beaucoup mieux ce que je peux faire pour aider l’autre, et quand je dis “ l’autre”, c’est le gamin qu’est en face de moi en classe. Dès fois je sers de révélateur, comme le papier que tu mets dans ton bac, et tout à coup, il y a une photo qui apparaît. Mais ça, je n’arriverais pas à le définir.
Le lendemain.
Donc peux-tu nous rappeler l’origine de ta pratique PEI ?
Donc à l’origine j’ai fait un stage à Paris. C’était en novembre 86. Je me suis inscrit pour aller me former à Jérusalem en 87, avec mes propres deniers. Parmi les outils qui étaient là, de ceux que j’ai vu fonctionner, j’ai vu des choses se faire dans les séquences, donc, la séquence était originale par rapport à tout ce qu’on faisait avant parce qu’on quittait, je dirais, la transmission des contenus, même la méthodologie qu ‘on peut retrouver dans les ateliers de raisonnement logique, vraiment prendre du recul par rapport à ce qui se passe, et c’est vraiment centré sur une espèce de décortiquage de l’ acte mental des activitées. Il y avait quelque-chose de très proche entre ces jeunes qui avaient 20 ans, 18 ans, et un certain nombre de nos jeunes quelques années avant. Il me semble que le P.E.I n’est pas annodin, c’est- à- dire que c’est quelque chose qui est au-dessus, au niveau des pratiques encore une fois, mais qui est le plus pertinent, le plus percutant, qui a le plus d’effet sur euh...le développement des personnes. j’avais des gamins qui avaient des troubles de la construction cognitive et affective, et là j’avais quelque-chose. Ma préoccupation a été
Comment se fait-il qu’il y en a qui apprennent facilement et que d’autres n’y arrivent pas ? Pourquoi c’est différent ? Comment mieux apprendre ? Comment apprendre avec plus de facilité ? Comment se fait-il qu’il y en a qui apprennent facilement et que d’autres n’y arrivent pas, pourquoi c’est différent ? Et comment amener celui qui n’apprend pas à apprendre avec plus d’aisance. Je ne dis pas à rattraper l’autre, mais au moins à réduire son écart sinon à aller plus loin dans ce qu’il est capable de faire. Y compris peut-être moi même, justifiant à postériori le fait que j’avais arrêté mes études au bac, alors que j’étais capable de continuer et les reprenant 20 ans plus tard. Donc, prouvant là par A+B qu’on a jamais fini d’apprendre, et que c’est pas parce que, on a été catalogué à un moment donné, ’Toi tu n’as que ton bac !’, que tu peux pas être beaucoup plus haut après....une certaine blessure...euh...à la sortie du bac, se dire bon...euh... si j’avais pas été dégouté des études, j’aurais pu faire partie de ceux qui, puisqu’ à l’époque on était sélectionné, faire partie de ceux qui auraient continué les études, qui ne seraient pas... quelque-part, il y a une une certaine blessure parce que il faut bien se dire que ce niveau de base est ségraire et ségrégationiste, que tu le veuilles ou non. Quand tu penses que tu as eu des copains avec qui tu as été à l’école tout le temps et qui se retrouvent prof’ de lycée et qu’ils te font sentir que eux ils sont supérieurs à toi, parce qu’ils ont simplement une licence, j’avoue que c’est dur. Donc quelque- part il y a une certaine souffrance...Ceux qui justement ont profité de circonstances favorables, et qui ensuite te font, te montre leur différence. Et ça quelque- part c’est très gênant...Dans les mentalités actuellement, si tu as le bac, tu représentes quelque chose, si tu n’as pas le bac, tu ne vaut rien.
(Changement de cassette)
Alors revenons au PEI. Tu parlais tout à l’heure des séquences. Qu’est-ce-qui t’a interessé ?
Ce qui m’a intéressé c’est de voir les effets produits, je voyais l’expérience de relationnel qui était importante dans la conduite de la leçon, ça c’est clair pour moi que j’ai vu déjà dans les pratiques des changements. J’ai vu qu’il y avait eu une espèce d’intériorisation, de recul par rapport à soi, de prise de conscience, et je me dis là, on avait un moyen d’arriver à ce que des adolescents en difficultées scolaires prennent conscience par rapport à eux-même, prennent du recul, réfléchissent davantage. Là, je voyais un moyen de, comment dire ? De faire en sorte qu’ils ne se jettent pas dans l’action, mais qu’on puisse commencer avec eux tout un tas de choses dont ils n’avaient pas conscience.
Donc tu avais diagnostiqué chez ces élèves des problèmes d’ordre cognitif et au niveau de la sphère affective et personnelle. Ca te paraissait un moyen pour faire avancer.
Ce que j’ai vu au départ c’est l’outil...euh...c’est les effets, c’est le type d’exercice qui était déconcertant, et que je trouvais très amusant, et puis je me dis tien ça c’est des choses que les jeunes vont aimer. La médiation je ne l’ai pas vu. Mais ce qui m’a insité à continuer, c’est les changements produits chez les élèves et les réactions des parents.
Alors tu peux les décrire un petit peu.
Le fait de prendre du temps de réfléchir, avant de faire quelque chose, ça leur permettait de bien se mettre dans la tête. De faire bien ancrer les données ça. Il y a un côté technique qui en même temps correspond à la lutte contre l’agressivité, et j’ai réutilisé si tu veux, des moyens que j’avais pratiqué avec la méthode Ramain. Il y a eu un impact rapide. Une fille qui était bloquée en mathématiques, coincée complétement, qui se retrouvait avec les exercices de points, en quelques semaines, à être la plus efficiente. Le jour où il y a eu interdiction de la gomme, elle a tout compris, c’est- à- dire qu’elle a commencé à bien observer les choses, à comparer, etc... à mettre des fonctions en route, à les utiliser ces fonctions, et elle était capable de faire aussi rapidement que les meilleurs. Et je me suis dit il y a quelque chose qui a changé, là. Je me souviens très bien de la réflexion de son père, c’est quelque chose qui m’est resté, je l’ai écris dans mon mémoire de maîtrise, où le père me dit ’mais, qu’est-ce que vous avez fait à notre fille ? parce que à la maison, elle est devenue une personne complétement différente. On n’a plus la peine d’être sur son dos, elle fait volontier le service à la maison, elle est souriante, elle fait son travail...’. C’est peut-être un concours de circonstances, je n’en sais rien, mais il y a eu comme une espèce de déclic.
Oui.
Pour moi ça n’a pas été qu’une découverte, ça n’était qu’un, j’allais dire qu’un renforcement de ma manière de faire, c’est-à-dire que j’ai toujours enseigné comme ça. J’ai rarement distribué le savoir. Donc pour moi c’était reconfortant de me dire, ça confirme que cette façon de faire, ici est validée par ce programme. Et puis, il faut rajouter par rapport à la médiation c’est que je sentais qu’il y avait un lien entre les critères de la médiation et puis les valeurs. Mais c’était intuitif au départ, c’était pas conscient.
C’est devenu conscient avec la formation API . Il y a 2 ans, ils nous ramènent la roue des valeurs et puis que la roue des valeurs correspondait au critères de la médiation, j’ai dit ’bon sang’. Ils avaient fait correspondre, les principales valeurs, peut-être pas toutes, mais...qui étaient plutôt inspirées de la philosophie humaniste, quand même , et je dirais, valeurs qui son plutôt transmises dans le milieu parental ou le milieu familial. Donc ça ne fait pas appel à toutes les valeurs, bien sûr !
Il y a la théorie de la modifiabilité structurale cognitive. Il y a une théorie. Il y a un fondement philosophique qui est en arrière plan sur tout ça, mais ce qui manquait c’était des liens très clairs, très nets...euh...c’est vrai que quand on découvre finalement que les critères de la médiation sont basés sur un système de valeurs, et en plus qu’ils ont un lien avec les besoins fondamentaux tels qu’ils sont décrits par Maslow, alors là, ça te fait une synthèse extraordinaire, parce que en même temps, tu te dis c’est les besoins humains qui oscillent entre le pôle de croissance et le pôle de sécurité et chaque critères, si tu veux, n’est pas un ensoi, et on peut même aller jusqu’a critiquer, je dirais les critères de la médiation tels qu’ils sont définis actuellement, dans leur appellation. C’est vrai qu’un excès, par exemple, de d’utilisation du sentiment de partage va amener des gens à ne pas protéger leur intimité, et il y des choses qu’il faut taire, qu’il ne faut pas dire. Un excès du sentiment d’appartenance, ça peut amener l’intégrisme, tu comprends?
Oui. d’accord.
J’ai travaillé pendant 10 ans en classe de S.E.S avec des ados. J’ai dû assurer 500 ou 600 scéances de PEI. J’ai fais tous les instruments, je les ai tous enseignés, je dis pas que je fais toutes les pages, non,mais...euh... je sais ce qu’il y a dans chaque instrument et ça me plaît beaucoup. L’éventail est fantastique. Je suis intervenu dans certaine classe normale, entre parenthèses, en tant que spécialiste du P.E.I. Par rapport au fonctionnement dans les classes ordinaires, je mets des restrictions, parce que avec le changement de prof’, ce n’est pas du tout propice à travailler sur des compétences transversales, c’est pas possible.
Tu étais satisfait par rapport à l’outil mais tu sentais qu’à partir de là, on pouvait aller plus loin ?
Je pensais qu’il y avait beaucoup de choses à faire à creuser encore, tout en restant dans le domaine de la médiation, parce que c’est vrai que le savoir faire, médiation était pour moi quelque chose qui correspondait à ma philosophie, à ma manière de faire, donc je n’allais pas renier...euh...Même si j’ai eu l’occasion, quand même, entre temps de toucher d’autres outils comme par exemple Gattégno.
Tu as utilisé plusieurs fois le mot “performant”, c’est-à-dire que tu souhaitais qu’il soit plus performant...pour lui permettre de grandir.
Cet aspect performance n’était pas premier avec des élèves en grandes difficultés, parce que ce que nous avions à construire d’abord, c’est des hommes qui soient un petit peu debout, c’est des femmes qui soient debout.. Les attitudes fondamentales par rapport au travail, par rapport à la relation, à la construction de l’image de soi. Ce qu’on a appelé la restauration narcissique là, toutes ces choses-là. Pour moi ce n’était pas secondaire, je dirais même c’était premier, mais c’est une critique qu’on a pu faire en disant : ’ D’accord ! Ils sont mieux dans leurs basquettes et ils sont plus à l’aise, mais ça change pas les résultats scolaires !’ . Alors, on ne pourra pas promouvoir quelque chose qui m’amène pas des changements au niveau scolaire, parce que ça sera le premier argument qu’on va nous sortir : ’Mais qu’est-ce que ça change dans leur études ? Est-ce qu’ils réussissent mieux en mathématiques ? Est-ce qui reconstruisent quelque chose ? Non, alors, c’est pas la peine ! ’. Si on pratique quelque chose et que ça n’amène pas les élèves à être plus performants, quelque-part on a loupé son coup....Que non seulement ils sont capables d’aller plus loin, mais que ces exercices qui ont été utilisés...euh...comme prétexte à un travail mental, on des effets sur la réussite scolaire, ça veut bien dire qu’il y a eu un transfert de ces outils qu’ils ont utilisés dans des activités qui n’ont rien à voir avec l’activité de départ .
Est ce que c’est ça qui t’engageait, finalement à aller encore plus loin ? C’est la raison fondamentale ?
Volonté d’aller de l’avant oui, y’a certainement à un moment aussi le sentiment de ne jamais être complétement satisfait. Donc quelque-part il y a des aspects que j’ai déjà dit, je veux dire, le fait de ne pas accepter telles quelles les situations telles quelles, y compris avec leurs prégnances sociologiques, ou leurs prégnances déterministes au niveau de l’hérédité. Moi quelque-part ça, non je l’accepte pas.
Par rapport à cette conception de l’être humain ?
Oui. Il y a une conception de l’être humain là, si tu veux, qui est très nette, c’est à dire que, je pense que celui qui est en face de moi ou ceux qui sont en face de moi, ils sont virtuellement porteurs de capacités, qu’ils ne manifestent pas toujours. Et hors moi, c’est quelque chose de très fort, qui est, ce que je vois de quelqu’un n’est qu’un indice de ce qu’il est, et souvent ce que je ne vois pas quelque- fois je me dis qu’il y a des obstacles, et ces obstacles ne sont pas des carences, ne sont pas des manques, ne sont pas des déficiences, mais ce sont des choses que je peux...simplement par un petit coup de pousse aider à mettre en route...euh...même si je sais que la déficience en tant que manque, en tant que handicap existe, et qu’il y a des maladies qui paralysent et qui détruisent, ça j’en suis très conscient...mais je suis aussi très conscient que le cerveau humain est très malléable, que même si j’ai la moitié de mes neurones qui sont détruits, il y a l’autre moitié qui va pouvoir servir, que je ne toucherai jamais au stade total. Donc ça c’est quelque- chose qui est comfirmé par un certain nombre de recherches au niveau potentiel, ça c’est clair. C’est vrai qu’aussi j’ai eu la chance de rencontrer je dirais des gens qui ont été dans des handicaps très profonds et qui ont été des gens qui ont remarchés, des gens qui par la volonté, l’activité, de tout un tas de personnes autours d’eux, que ce soit une approche cognitive ou une approche quelque- fois mécaniste...mécanique par le patterning ou par un tas de choses comme ça, bon j’ai lu un tas de choses sur ces questions là et je sais que, et même si ça ne marche pas tout le temps, je sais qu’avec l’être humain on peut être, j’allais dire, confiant en l’avenir, on peut toujours faire advenir quelque chose qui est là en germe, et ça c’est quelque chose de très fort en moi.
D’accord. Et c’est quelque chose qui... qui porte...c’est à ton avis cette volonté dont on vient de parler, là, de grandissement, de recherche.
Je pense que la fin de ma carrière va se terminer comme ça... être un petit peu le catalyseur, le révélateur de quelque chose..
Maintenant au stade où ...finalement...quel est le type d’enfant que tu penses promouvoir ?
Ah...oui. Très bien ça !... Euh... le type d’enfant à promouvoir...? Je me demande si les enfants à l’avenir ne vont pas être les médiateurs de leurs parents. j’ai confiance en ça, puisque les parents ne veulent plus faire de médiation. Mon idéal ça serait qu’il n’y est plus d’enfants en difficulté. Bon ça, c’est pas un idéal, c’est un fantasme. Mais c’est vrai que quand même je me dis qu’il y aurait possibilité d’amener des enfants, non pas tous les enfants au même niveau, ça je n’y crois pas. Je crois qu’il y a des potentiels différents au départ, ça je le pense. Mais il s’agit de se servir de son potentiel. Donc pour moi l’enfant idéal, c’est l’enfant qui sait se servir de ses stratégies cognitives pour pour résoudre les problèmes qui se présentent. Donc qu’il sache comparer les choses spontanément, faire des groupes spontanément. C’est-à-dire utiliser les cordes qu’il a en lui, mais de les faire acorder correctement. Donc là, ça c’est le niveau cognitif.
L’enfant idéal, c’est donc aussi quelqu’un qui aurait une certaine compréhension sur le fonctionnement de ses émotions, et ça, c’est l’aspect lymbique du cerveau. Dans l’affectivité, il y a des émotions, il y a des sentiments, et puis il y a aussi des aspects relationnels. Je me dis que là nous avons aussi des choses à enseigner aux enfants, d’abord comprendre comment ça fonctionne, pour les faire sortir de action-réaction, faire comprendre que entre l’action et la réaction il y a ce que je me dis dans la tête, il y a ce que j’éprouve, et puis il y a des références aussi, je dirais à tout mon éducatif qui fait référence à mes valeurs, à mes principes de vie, et qui font partie des attitudes sous-jacentes. Donc tout ça c’est faire prendre conscience, et ça se travaille avec les élèves. Donc un enfant qui aurait déjà du recul, et je pense que au fur et à mesure que l’enfant grandit il a de plus en plus de recul, c’est évident, ça me parait intéressant. Mais je me dis que ça va faire partie du boulot des enseignants, parce que ce travail premier sur le contrôle émotionnel, c’est quand même un travail de relation avec les parents, mais qui est de moins en moins fait d’autant plus que les enfants sont en dépendance avec les médias qui eux justement travaillent au niveau émotionnel et instinctif, non plus à l’éduquer mais à le laisser partir. Donc là, il y a quelque chose qui va être urgent à faire. Donc l’enfant idéal, c’est donc un enfant qui sait comment ça marche au niveau cognitif et qui sait comment décoder le fonctionnement émotionnel.
Le plan cognitif et affectif.
Je pense également à la kinésiologie qui est un moyens que nous avons à notre disposition pour travailler cette partie qui est plus somatique...Je me dis que l’enfant idéal c’est donc un enfant qui a déjà une plus grande efficience, et cette efficience, elle est à la fois cognitive, émotive, somatique, donc psychosomatique et cognitive. Y’a les trois dimensions.
Quatrième niveau. L’enfant idéal, ça serait un enfant qui pourrait s’enraciner. Cet enracinement se fait de moins en moins dans la famille, il y a de moins en moins de transmissions par faute de temps...euh... faute de qualité de communication, et donc il y a tout un tas de choses des valeurs...vécues par les parents. Quand je dis “valeurs” j’englobe aussi bien la morale, la religion, l’éthique, etc...quelque soit la religion que je pratique, ou quelque soit le parti politique dans le-quel je suis, c’est le fait d’avoir un espèce de tronc commun qui fait que les êtres humains entre eux ont un certain nombre de codes à respecter, de règles pour qu’on puisse avoir une vie qui soit acceptable entre nous. C’est vrai que moi je fais référence à mon éducation qui est plutôt humaniste chrétienne, c’est clair. Je me dis même si je n’étais pas chrétien, y’a dans toutes les religions et dans toutes les cultures, dans tous les peuples de la terre, un minimum sur lequel on pourrait s’entendre qui fait qu’ il y a des qualités qu’on accorde à l’homme et qu’on n’accorde pas aux animaux et qui font que l’homme est homme.
Je me dis que cette partie, cette dimension, comment dire, c’est à la fois des aspects spirituels, des aspects de transmission de principes de vie... ça c’est la quatrième dimension qui était travaillée à l’école. Donc l’enfant idéal serait le produit d’interventions éducatives qui permettraient de structurer le. cognitif, de structurer l’émotionnel, d’aider à mettre en place le somatique, et qui évidement s’enracinerait dans une certaine forme de spiritualité...au moins dans une forme de transmission minimale de règles de vie qui s’appuie sur des valeurs à défendre, qui sont le respect de l’autre...la vie de la personne..le partage.etc..
Comment ?
C’est la métaphore de l’arbre. Si tu veux que les savoirs, les connaissances déclaratives restent en mémoire, il va falloir que la personne fonctionne, comprenne, se comprenne. Que le savoir qui reste est la conséquence d’un certain nombre de fonctionnements au préalable, et jusqu’à maintenant l’éducation ne s’est pas préoccupée des préalables. Elle s’est occupée de transmettre des savoirs, elle rend les individus complètement incapables de savoir comment faire parce qu’on leur dit : ’débrouillez-vous, apprenez et sachez ce qu’il y a à faire.’. C’est-à-dire qu’on apprend pas à apprendre, on leur dit pas comment faire, on dit pas comment ça fonctionne là-haut, donc on leur dit : ’Voilà la prochaine fois vous aurez 5 lignes à me réciter.” Autrement dit, il y a des savoirs et il y a des gens qui arrivent à les retenir et d’autres pas. Y’a des gens qui engrange, y’a des gens qui se cultivent, y’a d’autres personnes qui se cultivent pas.
Voilà. Donc le savoir c’est ce qui apparaît, c’est ce qui est au bout sur les feuilles, mais c’est aussi ce qu’il y a de plus volatile et ce qui risque de tomber. S’il n’est pas ancré dans quelque chose d’autre. Et puis tout ce qui est en dessous va faire appel aux connaissances procédurales, c’est-à-dire les savoirs faire. Donc les branches au bout desquelles il y a des savoirs, s’il y a un certain nombre de savoirs faire qui ont été ancrés y compris de la méthodologie, etc...Une fois qu’on a des méthodes, on a des moyens, c’est beaucoup plus facile d’ancrer le savoir. Les feuilles vont pouvoir s’attacher davantage aux branches. Mais cette méthodologie, ces savoirs faire, ces procédures, ces procédés qu’on utilise sont rattachés au tronc, et le tronc est évidement fondamental. C’est toutes les connaissances que l’homme a sur...c’est tout ce qui touche la métacognition, c’est tout ce qui va toucher notre connaissance de notre fonctionnement cognitif, notre connaissance sur nous...c’est-à-dire une connaissance de nous-même, nos attitudes, notre connaissance sur notre partie émotionnelle, donc il y a du savoir, ça correspond à du savoir être, parce que c’est du savoir sur soi. Comment j’apprends, comment on peut résoudre, ça dépasse la méthodologie parce que là on est en plein dans des compétences transversales, on est dans les fameuses stratégies cognitives, on est dans les processus mentaux, on est dans les processus émotionnels....et tout ça si tu veux, c’est le tronc, et ça maintenant c’est identifié, et ce que l’on fait en médiation, on l’enseigne...
D’accord.
Et ces racines là, c’est le savoir qui a été communiqué de manière implicite par les parents, c’est les adages, les préceptes, les proverbes, les conseil qui sont liés à nos valeurs. Donc c’est les valeurs, c’est les principes de vie, c’est tout ce qu’il y a derrière et qui est le plus profond. Et ça, c’est le savoir devenir. Parce que pour devenir il faut s’enraciner.
Cette conception un petit peu d’enfant idéal tu la nourris au fur et à mesure de ton avancée, de...
Oui, parce que si tu veux, cet enfant idéal maintenant je sais que c’est un enfant qui n’est pas impossible, tandis que jusqu’à maintenant pour moi c’était impossible. Mais maintenant je sais que ce n’est plus impossible.
D’accord. S’agissant de l’enseignant médiateur ?
Il faut que les formations des enseignants contribuent à épanouir l’ensemble, cognitif, émotionnel, créativité. Que ce ne soit pas simplement des techniques mais quelque-chose d’intégré pour qu’il puisse le communiquer et bien sûr qu’il revienne dans ces racines et se dire : ’Qu’as-tu fait de ton éducation.’. ’Qu’est-ce que tu fais toi à transmettre ces valeurs à tes élèves ?’. Donc un regard aussi sur l’histoire de son itinéraire. C’est ça. Donc un retour sur la valeur de l’humanisme chrétien, quand je parle des gens qui sont dans l’Enseignement Catholique, ...euh...mais aussi je dirais de l’humanisme en général parce que j’ai en face de moi quelque fois des musulmans ou des gens d’autres religions et en fait ont s’y retrouve tous. Donc je me dis qu’il y a bien quelque chose qui soit de l’ordre de l’enracinement humain là-dedans et qui va passer par les racines, et qui va passer par cette connaissance mais, je ne sais pas ...la connaissance des adages, la connaissances des proverbes, la connaissance de réflexions quelque fois de bon sens paysan de chez nous avec des réflexions typiques en bon patois, qui montrent que.. ba non d’une pipe on fait pas n’importe quoi ! Et quand je dis ça, c’est que je crois en quelque chose derrière.
Compte tenu de ce cheminement quel bilan tu ferais sur ton...évolution...personnelle et professionnelle ?
Je me sens bien ! C’est déjà pas mal ! je n’aurais sans doute pas dis ça là, tout le temps. Je ne crois pas que je le suis tout le temps, j’ai même certainement passé par des périodes où je me suis dévalorisé, où je n’avais pas confiance en moi. Là actuellement, j’ai confiance en moi. Non seulement j’ai confiance en moi, mais je sents que quelque part je redonne confiance à d’autre, et ça a un côté très fort. Ce qui m’encourage énormément., c’est le fait d’une part, que je n’apprends rien aux gens, et ça c’est merveilleux, de rien apprendre aux gens. Et j’ai l’impression que beaucoup de gens se découvrent vraiment dans la médiation, actuellement. Alors, c’est vrai que ça c’est..c’est rassurant d’être comme un catalyseur ou un révélateur. Alors ce qui est très rassurant pour moi, aussi, bon c’est d’avoir ce feed-back positif. Quand une enseignant me dit ’Mais cette année je suis retournée à l’école avec plaisir pour la première fois depuis 15 ans et c’est avec joie que je retravaille ’, ça me suffit ! Donc il y a des choses de ce genre là. Et puis dans le chercheur que je suis et le travailleur infatigable, il y a aussi les effets que je commence à voir des premières personnes qui pratiquent au niveau de la médiation, qui sont des effets sans proportion avec ce que l’on faisait avant, et je parle en comparaison avec les groupes témoins. Donc ça signifie que..., pour l’instant ça peut pas être généralisé, que les personnes qui ont eu un minimum de formation, qui ont compris de quoi il s’agissait et qui font je dirais, des interventions très précises sur des habitudes à prendre avec les enfants quelles soient d’ordre cognitif, d’ordre affectif, ou d’un autre ordre, par exemple, que ces choses là non seulement ça amène une plus grande efficience des élèves, et encore en comparaison avec des groupes témoins , qui n’ont pas cet enseignement systématique, mais quand même temps les résultats scolaires sont nettement plus probant, et là j’arrive enfin à ce que je voulais prouver.
Oui.
Ca y est. ça maintenant c’est vérifié, bon je l’ai vérifié d’abord avec les élèves que j’ai eu dans un premier temps, et c’est vrai que je ne l’avais pas vu avec les élèves de S.E.S, mais c’était des élèves en difficulté. Donc ça c’est que on est passé au stade ultérieur, on est plus dans les bonnes intentions, on est plus simplement dans ’voilà ce que je fais, voilà ce que j’ai fait croyez-moi’, c’est pas du croire, c’est des faits. Et tu vois que je suis parti de faits, et que j’amène maintenant les faits. Et ça c’est très important. Les enseignants veulent des faits.
Donc là c’est...c’est un aboutissement...euh..pour toi quelque part.
Pour l’instant c’est un aboutissement. Pour l’instant, mais tu sais chaque chose est un aboutissement. Et si je suis insatisfait, il y aura un nouveau départ pour aller ailleurs.
Tu es courageux.
Si je suis découragé, c’est pas par rapport aux gens c’est vrai que quelque part j’ai des doutes quant à la suite. Le problème c’est la formation, et le problème c’est le coût de la formation et je sais que l’argent est le nerf de la guerre...et qu’en l’occurence, il serait illusoire de se dire qu’un jour tout le monde aura un minimum d’information là-dessus, ou un minimum de formation, c’est absolument illusoire. Absolument. Mais...euh...si tu veux j’ai des...j’ai des grands espoirs, et ces espoirs sont partagés par un certain nombre de mes collègues qui sont animateurs-formateurs dans les D.D.E.C, je ne dis pas tous mais au moins quelques-uns que je connais. Donc..euh..par rapport à l’institution...euh... ... j’ai des doutes... pas par l’institution- Ecole ...euh...avec un grand E, mais j’ai doute par rapport à certaines écoles et certains enseignants dans certains milieux, et de toute façon le changement ne sera pas imposé en haut lieu, il ne sera jamais imposé en haut lieu, il ne pourra pas l’être parce que l’institution se protège, les structures se protègent. Mais il est clair que ce genre de démarches pédagogiques...ne peut se concevoir que par diffusion à la base.
Donc pour toi les ressorts de l’avancée, enfin de l’innovation de la...
Passe.. par des changements personnels.
Uniquement, oui, oui. Bon je ne suis pas contre non plus des...euh...des coups de poings ponctuels sur une information globale et tout.. mais concrètement si les gens vous disent je veux me former. Donc la formation pour moi c’est une démarche personnelle, actuellement elle est coûteuse et elle n’est réservée qu’a quelques personnes, c’est clair...elle sera toujours limitée. Je ne pense pas qu’on puisse aller plus loin, sinon, ça voudrait dire que effectivement il y a des effets qui sont palpables, et puisqu’il y a des effets on a investi là-dedans. Ca n’est pas impossible, mais connaissant un certain nombre de structures départementales, il y a des blocages tels par rapport à certaines personnes qu’il se sentirait très mal à l’aise que de renoncer à leurs petits avantages, de faire leurs petits stages recettes de cuisine.
Donc tu es plutôt convaincu, que ça passe par les initiatives personnelles.
Et non seulement j’en suis convaincu mais, c’est une règle que je me suis donnée en formation, à savoir que si les premiers groupes qui se forment ça n’amène aucun effet sur le terrain, nous arrêterons. Donc les gens qui sont là sont condamnés à réussir.
Alors je voudrais ouvrir un petit peu pour terminer sur ton sentiment par rapport à d’autres pédagogies. Tu m’en as cité certaine qui ont été motrices de ton action. Alors tout à l’heure en ’aparté’ tu me disais connaître la pédagogie par objectifs, la pédagogie du projet, etc... je voudrais que tu en reparles pour donner éventuellement un point de vue et expliquer pourquoi éventuellement telle pédagogie ne t’ait pas. spécialement attiré pour l’investir y compris par exemple la Gestion Mentale.?
Je pense qu’au fil de ma carrière j’ai touché une vingtaine de méthodes, de pédagogies. Donc les outils, j’ai une grande boîte à outils ! Je crois que l’on choisit à un moment donné une méthode, un outil en lien avec notre propre développement. J’aurais envie de dire en lien avec notre niveau de conscience. Parce que quelque part notre développement personnel, le travail que l’on fait avec les autres, nous amène à élever notre niveau de conscience. Gattégno disait : ’ seul la conscience est éducable en l’homme. ’, et je le crois. Par contre les gens qui parlent de “l’intelligence est-elle éducable ?”, je dis non. Je ne crois pas que l’intelligence soit éducable.
Non, parce que tu définis l’intelligence de quelle manière ?
La capacité de s’adapter, ou la capacité de résoudre les problèmes, etc... Ce qui est éducable c’est la conscience de cela. C’est pas pareil.
D’accord.
L’intelligence elle est potentielle. Mais l’utilisation de l’intelligence, qui est l’efficience, elle, est éducable. Le potentiel je ne peux pas y toucher beaucoup, je ne sais pas ce qu’il est exactement, il est là, il est là, il est pas là...il est révélé, il est pas révélé. Donc moi je peux travailler à développer l’efficience des individus, et je pense qu’il y a une interaction entre le développement de l’efficience et puis le développement du niveau de conscience. Et que, à un moment donné mon niveau de conscience est tel que je vais aller chercher l’outil qui correspond à ce niveau de conscience.
Tu pourrais essayer de préciser ce que tu entends par niveau de conscience, ou conscience ?
Un niveau de conscience par rapport à , je dirais, au problème qui se pose, par rapport à tout ce que je peux savoir. Au fur à mesure que je sais des choses et que je les intègre et qu’elles font partie de moi...euh...j’ai besoin d’aller chercher quelque chose qui va être dans ma zone proximale de développement à venir. Donc il est probable qu’un certain nombre d’outils que j’ai rencontrés au cours de ma vie, je ne les ai pas pris à un moment donné parce que j’avais le sentiment que j’avais déjà utilisé quelque chose d’identique et que ça ne serait pas suffisant, ça serait pas satisfaisant pour moi. C’est assez typique par rapport à la Gestion Mentale. et parce que j’ai fait l’expérience avec la méthode Thiberge qui quelque- part utilisait des outils à peu près identiques, et qui sans doute avait développé en moi d’autres choses que je n’ai pas retrouvé en Gestion Mentale...et pourtant j’ai lu tous les ouvrages de la Gestion Mentale, j’ai moi-même utilisé des moyens de la Gestion Mentale...euh... avec des élèves sur des domaines précis, comme l’orthographe, la lecture, etc...mais j’ai eu une certaine insatisfaction...pour avoir utilisé quelque- chose qui était identique, similaire ou approximativement, et quelque part, si la Gestion Mentale pour moi était venue 10 ans plus tôt, aurait sans doute été un outil utilisable à ce moment là. Mais venant 1 ans après la pédagogie Thiberge. Je me dis finalement, quand l’élève est prêt, le maître vient, c’est-à-dire que je vais allé chercher à un moment donné quelque chose qui correspond à mes questions. Si je ne me pose pas ces questions là, quelque- part je ne comprends pas l’outil. Ou j’ai le sentiment que, il va pas m’apporter parce que j’ai déjà fait des choses comme ça, ou c’est un outil qui est hors de ma portée, c’est-à-dire, je n’ai pas encore atteint suffisamment de développement pour pouvoir m’en servir avec... ce qui peut expliquer que les uns et les autres ont soit porté à aller chercher...euh.. je dirais des programmes à un niveau donné, et c’est vrai que à 45 ans on passe...on va pas se poser les mêmes questions qu’à 25 ans, et...et qu’on a des préoccupations au début quand on enseigne qui sont plutôt de l’ordre de la didactique, qui sont plutôt de l’ordre...’bon, est-ce que j’ai bien fais ma fiche ?’...Alors que je peux très bien avoir une bonne fiche, et puis me retrouver en face des élèves et pas comprendre comment je communique avec les élèves. Donc il y a tout un tas de choses qui sont venues là à un moment donné et... donc articulé à des besoins, à une croissance, à des questions qu’on se posent...
Oui.
Tu as de l’expérience là......j’aurais pas été chercher, par exemple, le programme P.E.I. je suis allé le chercher parce que il était vraiment adapté pour les adolescents. Si j’avais été en primaire à l’école, je n’aurais pas été prendre ce programme-là. Je continue à me former. Comme je disais hier, je n’ai jamais fini d’apprendre. J’ai encore quelque chose à apprendre sur moi...euh...j’ai encore à progresser et je sents..je sais très bien aussi que j’ai des domaines où je dois progresser, y compris dans le domaine professionnel..euh...par exemple par rapport aux critères de la médiation. Il y en a certain que je ne manipule pas avec une grande aisance, avec habitude.
Et compte tenu de ce qu’on vient de dire au niveau de l’élévation du niveau de conscience, finalement, qui transcende un petit peu tout est-ce que tu fais un lien avec un domaine spirituel. Est-ce que tu y vois un lien ? Ou pas de lien ? Est-ce que ça te vient à l’esprit ? Ou même pas à l’esprit?
Euh, c’est vrai que quand on reprend par exemple la grille des besoins de Maslow. Maslow à la fin de sa vie a transformé un petit peu sa pyramide en disant que finalement quand on arrive au dernier degrés y’a une autre pyramide inversée qui arrive et qui est celle des besoins spirituels. Donc c’est vrai que quelque- part, l’élévation du niveau de conscience est liée à un certain nombre de besoins, et c’est vrai que quand les besoins premiers ont été euh...je dirais assouvis, accomplis, et bien on est dans une quête de besoins d’un autre niveau qui sont peut-être des besoins d’ordre spirituels mais, dans le domaine...dans le..spirituel j’aurais envie de le prendre au sens large, c’est pas que l’aspect religieux des choses, c’est bien les dimensions transcendantales de l’homme. Et c’est vrai que quelque- part je me..reconnais bien dans cette espèce d’analyse de grille de besoins et quelqu’un par exemple, qui se trouve actuellement dans l’exclusion, euh, qui n’a plus de boulot et qui se demande même ’où est-ce que je vais coucher ce soir ?’, bon quelqu’un qui est à ce niveau là de besoins, il a du mal à se poser des problèmes transcendantaux quand même... Je veux dire que...non, non mais, c’est clair !
D’accord.
On est à un endroit qui est à la limite de la connaissance de soi là, et à cette frontière qui va nous ouvrir sur les étapes du développement spirituel. Mais j’ai l’impression que dans le développement spirituel y’a des étapes des escaliers encore mais je ne les connais pas. Y’a peut-être des auteurs qui ont travaillés dessus, mais j’ai comme l’impression qu’il y a deux pyramides, quoi. Quand on a rempli la première, qui quelque- part est liée aux contingences terrestres il y en a une autre qui nous ouvre aux dimensions spirituelles, mais je dirais les dimensions de la communication.
D’accord. Donc tu t’es déjà fait ce genre de raisonnement.... ça t’est déjà ?
Ah oui, oui, oui ! C’est des choses qui...oui, oui..j’ai des présentiments par rapport à ça.
Des intuitions de.. par rapport à...
Plus que des intuitions, j’ai lu des choses.
Tu as lu des choses ?
J’ai lu des choses là-dessus. Et puis quand même, il faut se rendre compte aussi qu’autour de nous on est quand même envahi de plus en plus de bouquins et de communication sur ces dimensions- là. Je me dis est-ce qu’on est pas à une époque où ces choses là apparaissent beaucoup plus nettement ? Alors, est-ce que c’est dans toutes les cultures ou plus particulièrement la culture occidentale ? Je ne sais pas. Mais je me dis y’a comme si il y avait l’aube de quelque chose qui naissait là, je sais pas quoi, mais..
J’ai eu, j’ai eu une phase un peu religieuse à un moment donné de ma vie qui était dans les années..euh..après ma crise d’ado là, vers...euh.. au début de l’enseignement, j’ai lu des choses relig..., mais vraiment religieuses du coup, hein, sur Christ. J’ai des bouquins là-dessus, j’en ai peu lu depuis...euh...si ! l’an dernier parce que j’ai eu l’occasion de travailler avec une religieuse justement en médiation, et elle m’a contaminée, quoi ! Je veux dire que moi je lui est fait de la médiation et puis elle, elle m’a fait un petit peu de spiritualité, quoi...donc on était donnant-donnant. Et bon, c’est vrai que j’ai lu un petit peu quelque chose sur Ste Thérèse et l’enfant Jésus... Mais je te...c’est pas mon domaine,...je veux dire que je lis autant de lectures religieuses que je lis de romans. Parce que je lis pas de romans, ou très peu..! Si j’ai lu un petit peu Giono, quand même !
Donc, est-ce..pour toi par exemple, le fait d’avoir lu Ste Thérèse de l’enfant Jésus ça pas de rapport du tout avec..euh...ce dont on vient de parler au niveau de l’humanisme..au niveau de..
Pas trop directement. Pas au niveau de l’élévation du niveau de conscience en tout cas, je ne pense pas. Je me dis qu’il est possible quand même que quand je vais franchir les autres étapes là, peut-être que j’aurais besoin de ça. Mais bon j’ai des discussions intéressantes avec des gens engagés.Par exemple, je sais qu’actuellement les gens qui sont dans le charismatiques sont très à l’écoute de ce que nous disons en médiation. Pour eux c’est presque..ça va devenir un outil pour eux.
Qui sont les charismatiques ?
Dans l’Eglise, au niveau religieux. Dans l’Eglise tu as des groupes charismatiques actuellement qui sont des groupes un peu ouverts...euh...qui sont on dirait l’Eglise de demain, qui sont des communautés mixtes, à la fois des couples et des célibataires, des religieux, etc...et qui vivent de la providence, qui vivent un petit peu comme les premiers chrétiens.
Mais en terme de communauté là.?
En terme de communauté. Mais au niveau de la philosophie, enfin...ce sont des chrétiens qui sont bien pris en compte par l’Eglise, mais par exemple qui célèbre systématiquement le vendredi soir le sabbat là comme les juifs.
Mais qui vivent ensemble dans une communauté ?
Et qui vivent ensemble, enfin qui vivent ensemble ou éclatés. Il peut y avoir des gens qui se rattachent, qui viennent par exemple le mardi prier ensemble et le vendredi soir partager le repas du sabbat. Et ces gens- là si tu veux, sont très attentifs...enfin, ils se rendent compte que dans l’Eglise...euh...l’Eglise à certainement pêché par négation... si elle n’a pas pêché par omission ! Et au niveau de la transmission du catéchisme et les valeurs religieuses, l’Eglise s’est plantée quelque- part, elle n’a pas eu la pédagogie de sa transmission. Et eux, se disent... la médiation quelque part est quand même aussi liée je dirais, et très proche, parce que la médiation existe au niveau religieux, au niveau transcendantal en particulier, et ils se disent, ’là, on a peut-être un moyen..’, je dirais pas d’évangéliser mais d’amener des personnes à mieux comprendre et ils se rendent compte aussi qu’ils ont peut-être brûlés des étapes en particulier qu’il y a des gens qui sont dans le domaine de culture spirituelle et qui n’ont pas développés les autres domaines, et quelque part est-ce qu’il n’y a pas une erreur que de...enfin, une erreur... est-ce que c’est pas bâtir sur du sable que de construire ..je dirais un développement spirituel si le développement cognitif, le développement émotionnel, etc... n’est pas en place ? Et ça c’est une question qu’ils se posent, et moi ils me l’ont posée.
Oui, d’accord.
Et... quelque part il y a quelque chose qui me dit que...je risque d’intervenir auprès de ces gens là, y compris auprès de leur responsable, sinon auprès de leur communauté par rapport à l’idée de médiation.
En lien avec çà je pense au programme Arche. Par rapport aux enfants, on est parti d’un manque, à savoir qu’on se rend compte de la pauvreté spirituelle des enfants...enfin, quand on dit pauvreté spirituelle, c’est même pas spirituelle, c’est la pauvreté culturelle par rapport à nos racines, donc le fait que la bible pour eux, c’est rien du tout. C’est-à-dire que même dans les milieux dit chrétien où des enfants ont été baptisés, catéchisés, et puis ont eu les premiers sacrements, on se rend compte que c’est le vide total. Donc le catéchisme est quelque chose qui est complétement en dehors d’eux, d’où l’idée de repartir des personnages de la bible, 50 personnages de la bible, enfin, peut-être pas 50, il y a au moins 50 séquences en tout cas s’il n’y a pas 50 personnages de la bible, et, de ces personnages de la bible là, ...euh...tel est les valeurs qui sont soutendues à travers ce qu’on écrit sur eux, de ce qu’ils ont fait, de leurs faits...euh...qui ont...et de là, bâtit selon un plan de séquences médiation, quelle leçon j’en tire, et à quoi ça va me servir dans la vie ? Donc c’est le travail d’eudiste de vincent. Ils ont fait des hypothèses, et ils aboutissent à des conclusions par rapport à ça. Et qui sont en opposition par rapport à Audi, par exemple. Qui soutient que les valeurs ont ne peut pas les transmettre, que ce que l’on transmet c’est des préceptes, des principes qui soutendent les valeurs...
Oui.
Les valeurs sont sous-jacentes, mais eux dans le travail qu’ils ont fait c’est qu’ils ont nommé les valeurs et..euh...dans les entretiens qui ont été fait ils voulaient voir si ce qui ressortait dans les discours des élèves, ces mots- là étaient repris, y compris s’il y avait des actes correspondant aux valeurs. Parce que eux ils ont travaillé sur les mots correspondant aux valeurs, c’est-à-dire les catégories en fait. Et ce qui est ressorti dans les..euh.. c’est qu’effectivement il y a eu intégration des mots donc conceptualisation, et en plus il y a eu des faits, des gestes, des comportements... donc on est pas obligé de passer par des préceptes pour arriver aux valeurs, on peut les avoir en parlant des valeurs en elles-mêmes. Ca c’est intéressant, comme commentaire et comme recherche.
D’accord. O.K.
Ca y est 7H45, je crois qu’on va m’attendre.
Non, mais tu as fais le tour, il y aurait encore beaucoup à dire !