B – Le Concile Vatican II et les limites de la réforme liturgique

1) La réforme liturgique promulguée par le Concile Vatican II et son incidence sur l’architecture religieuse

L’élaboration de la Constitution sur la liturgie débute avant même l’ouverture du concile oecuménique Vatican II. Une commission préparatoire est constituée en octobre 1960 composée d’évêques et d’experts. Douze sous-commissions qui se partagent le programme, se réunissent durant l’année qui suit. Elles produisent un rapport qui, après amendements et modifications, est envoyé par la Commission préparatoire au concile où il est débattu dès la première session d’octobre-novembre 1962.

La « Constitution de la sainte liturgie » est votée en séance publique le 4 décembre 1963, à la fin de la deuxième session du concile. Parmi les principales prises de position de la réforme, la constitution souligne la nécessité de favoriser la participation des fidèles en utilisant, en particulier, la langue « du peuple ».

L’article 30 de la constitution précise que, pour promouvoir la participation active, « ‘on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles’ »84. Cette volonté d’améliorer la participation des fidèles concerne tout particulièrement la célébration de l’Eucharistie. Il s’agit, précise l’article 48 de la constitution, « ‘que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée’ »85.

Un chapitre entier est consacré à la musique sacrée, détaillant les questions relatives au chant grégorien, à la polyphonie, au chant religieux populaire, à la musique sacrée dans les missions, à l’orgue et aux instruments de musique.

L’architecture n’est évoquée que dans le chapitre sur l’art sacré qui traite essentiellement des questions liées au mobilier. L’article 122 indique que l’Eglise a toujours été « amie des beaux-arts » dont elle n’a jamais cessé de requérir le « noble ministère » afin que « les objets servant au culte soient vraiment dignes, harmonieux et beaux »86. Le débat sur l’art sacré contemporain et la « nouvelle querelle des images » qui ont agité le monde catholique, en particulier en France, durant les années cinquante, trouve un écho dans l’article 124. Cet article invite, en effet, les évêques à écarter des « maisons de Dieu », les oeuvres artistiques qui « ‘blessent le sens vraiment religieux, ou par la dépravation des formes, ou par l’insuffisance, la médiocrité ou le mensonge de leur art’ »87.

Quant aux églises nouvelles, seule est abordée la question relative à la participation accrue des fidèles lors de la messe. « ‘Dans la construction des édifices sacrés, on veillera soigneusement à ce que ceux-ci se prêtent à l’accomplissement des actions liturgiques et favorisent la participation active des fidèles ’», est-il précisé88. La constitution ne donne ainsi quasiment aucune indication sur la nature de l’architecture religieuse contemporaine qui est, en 1963, toujours considérée par le Vatican comme la maison de Dieu et non pas celle du peuple chrétien.

Cependant le 31 janvier 1964 le pape Paul VI annonce la création d’un Conseil pour l’exécution de la Constitution sur la liturgie dont la présidence est confiée au cardinal Lercaro, archevêque de Bologne. Ce conseil publie le 26 septembre 1964 une instruction applicable le 7 mars 1965.

Cette instruction se montre, concernant la question des nouveaux lieux de culte, un peu plus prolixe que les articles de la commission. Un chapitre s’intitule en effet : « ‘Comment construire les églises et les autels pour obtenir la participation active des fidèles’ »89.

Néanmoins, concernant l’aménagement des églises, ce document reprend les termes de l’article 124 de la constitution. Les seules précisions concernent la disposition des différents éléments du choeur. En particulier, l’emplacement de l’autel majeur devra, désormais, être situé de manière à ce que le célébrant soit face aux fidèles. Quant aux places des fidèles, elles seront « ‘disposées avec un soin particulier pour qu’ils puissent participer comme il faut, par les yeux et par le coeur, aux célébrations sacrées’ »90.

Le 20 juillet 1965, l’Episcopat français publie à son tour une série d’ordonnances sur la liturgie. Les différentes directives pratiques concernant l’incidence du renouveau liturgique sur la disposition des églises s’attachent à fournir au clergé des principes d’aménagement pour les églises existantes. En effet, l’épiscopat français estime que les modifications à apporter à ces églises - essentiellement concernant la manière de disposer le nouvel autel face au peuple - posent des problèmes beaucoup plus complexes que ceux découlant de la conception d’églises nouvelles.

Concernant la conception architecturale des églises nouvelles, la Commission épiscopale de liturgie se montre lapidaire. Si la directive indique qu’ « il n’y a pas à hésiter », le sens de cette incitation reste étonnamment vague. Après avoir rappelé que les sanctuaires nouveaux devront être adaptés à leurs diverses fonctions définies par la réforme, cette directive se borne à inciter les constructeurs à éviter « ‘de reproduire servilement les formes du passé’ »91.

Le manque d’indications de la constitution conciliaire et des directives d’application de la réforme liturgique en matière de construction d’églises nouvelles peut s’expliquer par le fait que la Constitution prévoit, ce qui constitue l’un des points les plus innovants de ce document, la décentralisation d’un certain nombre de décisions au niveau du diocèse. Cette décentralisation a pour objectif, en effet, de faciliter l’adaptation de «‘ la liturgie au tempérament et aux conditions des différents peuples ’»92.

Chaque évêque se doit d’instituer sur le territoire de son diocèse une Commission liturgique qui « ‘aura le concours d’hommes experts en science liturgique, en musique sacrée, en art sacré et en pastorale’ »93.

La Constitution incite également les évêques à établir dans leurs diocèses, outre une Commission de liturgie, des Commissions de musique et d’art sacré. Ces dispositions, en situant la responsabilité du développement de la pastorale liturgique au niveau épiscopal, cherchent ainsi à promouvoir des expériences adaptées aux besoins et aux conditions locales.

En situant le cadre de la réflexion et de la décision en matière de conception au niveau épiscopal, la réforme liturgique a créé le cadre propice à de nombreuses recherches. La revue dominicaine L’Art Sacré s’en fera l’écho comme en témoignent les numéros spéciaux consacrés aux diocèses de Nantes, Bordeaux ou Metz publiés au milieu des années soixante.

Notes
84.

Centre de Pastorale Liturgique, Constitution de la Sainte Liturgie, 1963, p. 59.

85.

Ibid., p. 71.

86.

Ibid., p. 115.

87.

Ibid., p. 117.

88.

Ibid.

89.

Concile OEcuménique Vatican II, La liturgie, Constitution conciliaire et directives d’application de la réforme liturgique, 1966, p. 154

90.

Ibid., p. 156

91.

Ibid., p. 202.

92.

Ibid., p. 67.

93.

Ibid., p. 71.