c) Le centre oecuménique Saint-Marc à Grenoble , Jean Cognet, architecte (1968)

En 1968, les Jeux Olympiques d’hiver se déroulèrent à Grenoble. L’architecte Jean Cognet103 fut chargé de concevoir l’aménagement de l’ensemble du quartier Malherbe où devait être construit un ensemble d’immeubles d’habitat collectif destinés à abriter le “ village de la presse ”. « ‘Mon cabinet a travaillé sur le plan de masse, sur la composition générale des bâtiments, tandis que Maurice Novarina a réalisé la conception des cellules d’habitation’ », se souvient J. Cognet104.

Le curé et le pasteur protestant du quartier mirent en commun leurs ressources financières pour édifier au pied de ces immeubles un centre oecuménique. La communauté protestante possédait un temple à Grenoble mais elle souhaitait pouvoir disposer d’un lieu un peu plus convivial. Principalement destiné au culte des Eglises catholique et réformée, le centre oecuménique devait également être ouvert à une petite communauté anglicane.

Le curé et le pasteur s’adressèrent à J. Cognet pour qu’il conçoive cet édifice. « ‘La définition du programme s’est fait en liaison avec le curé de la paroisse catholique et avec le pasteur protestant. Chacun d’eux avait une idée de ce que devait être ce centre oecuménique. A partir de leurs premières idées, j’ai dessiné projets et contre-projets. En fait le programme de l’opération a résulté de réunions qui se sont déroulées dans mon bureau ou dans le leur. C’est un édifice dont la conception a été largement concertée avec le comité paroissial catholique et le comité protestant. L’esprit de compréhension et d’analyse du projet était très bon, l’ambiance très amicale’ », précise J. Cognet105.

C’est une solution très ouverte qui fut adoptée. L’église catholique de 600 places et un lieu de culte de 300 places pour les réformés sont disposés de part et d’autre d’une salle polyvalente de 200 places (fig. 24 et 25). Celle-ci peut, grâce à un système de cloisons mobiles, tantôt être affectée à la partie protestante tantôt à la partie catholique. De plus, lorsque certaines occasions le nécessitent, toutes les cloisons coulissantes peuvent être ouvertes et l’on obtient ainsi un grand volume capable d’abriter plus de mille personnes comme ce fut le cas le jour de l’inauguration. Six salles de réunion dont l’une est utilisée par les anglicans, viennent compléter ce dispositif. « ‘Nous avons cherché à ce que le bâtiment soit le plus sobre possible, que le volume d’ensemble soit simple et qu’il ne traduise pas les différences entre les religions. On a ainsi cherché à trouver des éléments de liaison et non pas d’opposition. Par ailleurs, l’entrée du centre s’ouvre sur un petit patio. Le centre oecuménique était disposé sur un grand plan d’eau dans lequel il se reflétait. Malheureusement, suite à un accident qui est survenu durant l’été qui a suivi les jeux olympiques – des enfants venaient y patauger -, ce miroir d’eau a été asséché et laissé tel quel’ », indique encore J. Cognet106.

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Fig. 24 : Centre OEcuménique Saint-Marc à Grenoble, Cognet architecte, 1968.
[Note: (L’Art Sacré, n° 3 1968).]
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Fig. 25 : Centre OEcuménique Saint-Marc à Grenoble, Cognet architecte, 1968 : le Temple protestant.
[Note: (L’Art Sacré, n° 3 1968).]

L’édifice a été inauguré en 1968. Pendant le déroulement des jeux olympiques il a servi à la fois de lieu de culte pour le quartier et pour le “ village de la presse ”.

Après le grand mouvement de 1968, le curé et les vicaires de la paroisse se sont mariés. D’autres curés se sont ensuite succédés mais l’esprit a changé. Des travaux de peinture, de réfection ont également été réalisés. « Je n’y souscris pas tout à fait. Ces modifications ont été faites dans un esprit qui n’était pas celui de simplicité et d’austérité que nous avions voulu », indique J. Cognet, « ‘Par exemple, des éléments ont été plaqués sur les parois en béton alors que nous avions beaucoup travaillé sur la qualité du béton brut de décoffrage. Je me souviens que je venais chaque semaine pour voir l’avancement de la mise en oeuvre du béton. On avait la chance d’avoir un entrepreneur de confession protestante qui comprenait bien ce que nous désirions obtenir comme résultat. Cet entrepreneur faisait, de fait, partie de l’équipe. Les idées des uns passaient chez les autres’ ».

Rendant compte en 1969 de cet édifice dans son Guide des églises nouvelles en France, Jean Capellades écrit alors que celui-ci « ‘nous donne l’une des premières images de ce que peut-être une maison d’église, oasis de prière et de fraternité au coeur des villes’ »107.

Le centre fonctionne toujours de manière oecuménique. La gestion des bâtiments est assurée par une association interconfessionnelle. Chaque participant anglican, catholique ou protestant verse une participation pour le fonctionnement de l’édifice. Hormis les communautés protestante, anglicane et catholique d’origine, l’édifice est également utilisé aujourd’hui par la communauté vietnamienne et par des groupes charismatiques.

Si l’Eglise catholique dispose toujours de la communauté la plus importante, la fréquentation du centre oecuménique a en revanche un peu diminué depuis sa création. En effet, les nouvelles générations assistent moins aux offices. Le centre oecuménique est également ouvert à des activités profanes. Des salles sont louées pour des manifestations culturelles – concerts, fêtes de l’école du quartier – ou pour des activités pédagogiques comme, par exemple, des cours de soutien scolaire108.

Notes
103.

Jean Cognet (né en 1932). Etudes d’architecture à Grenoble et ensuite à Paris. Diplômé en 1958. Mobilisé, il part en Algérie où sévit la guerre. On lui confie la réalisation de logements économiques. Il retournera dans ce pays entre 1981 et 1987 pour réaliser deux bâtiments importants à Alger - l’école du premier cycle de la Faculté de Médecine et le Centre national d’informatique et de documentation économique – ainsi qu’une autre école de médecine à Tizi-Ouzou. Jean Cognet a réalisé une première église à Saint-Martin-le-Vinoux en 1958. Cette église, entièrement en béton brut de décoffrage, dénote un esprit de simplicité et de rigueur. Il a également travaillé au réaménagement en couvent dominicain de l’ancienne chartreuse de Chalais en Charente. A Grenoble il est l’auteur des bâtiments de l’E.N.S.I., une école d’ingénieurs, aux murs en béton brut de décoffrage (malheureusement entièrement peints il y a quelques années).

104.

Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique avec l’auteur le 6 octobre 2000.

105.

Ibid.

106.

Ibid.

107.

J. Capellades, Guide des églises nouvelles en France, 1969, p. 128.

108.

Les informations concernant le fonctionnement du Centre oecuménique Saint-Marc à Grenoble ont été fournies par un responsable laïc de l’association, lors d’un entretien téléphonique avec l’auteur le lundi 10 avril 2000.