2) La question de l’implantation des lieux de culte dans le territoire : le colloque interconfessionnel de l’Unesco de 1965

Le premier février 1965, s’ouvre pour deux jours à Paris dans les locaux de l’U.N.E.S.C.O. un colloque interconfessionnel consacré à « l’implantation des lieux de culte dans l’aménagement du territoire ». L’initiative de cette manifestation a été prise par le clergé catholique français et les membres du Comité National de Construction des Eglises (C.N.C.E)308. Ce colloque réunit, outre des représentants des cultes catholique, réformé et israélite, des personnalités responsables de l’aménagement du territoire, tels Eugène Claudius-Petit et Paul Delouvrier - qui avaient animé les réflexions du Groupe 1985 - mais aussi des architectes309 et des fonctionnaires en charge de divers aspects de la planification urbaine.

Le thème de ce colloque dont la dimension oecuménique s’inscrit dans l’esprit conciliaire, résume la principale préoccupation des responsables catholiques de la construction des églises. En effet, confrontés à une urbanisation qualifiée de galopante, ceux-ci veulent montrer leur volonté de s’inscrire dans une démarche de planification en s’associant le concours de spécialistes. C’est ce que montre le recours aux enquêtes sociologiques ou aux sondages, alors en vogue dans le domaine de l’aménagement.

La principale ambition de cette manifestation était de faire prendre conscience à l’ensemble des responsables religieux et, en particulier, au clergé catholique de l’urbanisation rapide des villes et, par conséquent, de la nécessité d’inscrire leurs projets d’édifices de culte dans les documents organisant la planification urbaine.

Philippe Lamour, alors président de la Commission nationale de l’aménagement du territoire, dont l’intervention ouvre le colloque, souligne que la volonté de mettre en place une politique d’aménagement du territoire français résulte des conséquences de la croissance démographique sur les conditions de vie. En effet, la prise de conscience trop tardive de ce phénomène a provoqué un retard accumulé de logements, de routes et d’équipements divers. De plus la croissance démographique exceptionnelle et imprévue s’accompagne d’une concentration urbaine à toutes les échelles : grandes villes métropolitaines, villes moyennes et villages.

Les responsables de l’aménagement qui réfléchissent à cette époque à la constitution d’une armature urbaine qui puisse accompagner ces évolutions sont également préoccupés par « la révolution automobile »310 en cours, phénomène sans précédent dont on veut essayer de prévoir l’incidence sur l’urbanisme. Philippe Lamour constate ainsi qu’il est nécessaire de repenser les villes, d’adapter les routes et les voies de communication afin de répondre à « la religion de l’automobile » dont il déplore qu’elle ait « ‘supplantée dans bien des esprits d’autres religions en devenant une obsession pour trop d’humains’ »311.

Paul Delouvrier qui, en tant que délégué général du district de Paris vient de conduire l’élaboration du premier schéma directeur de la région parisienne, évoque l’accroissement prévu de la population parisienne de 65% entre 1965 et l’an 2000312 et d’un doublement durant la même période du nombre d’habitants des autres villes de France313 (Ces prévisions se fondaient en particulier sur l’accroissement des naissances observées au sortir de la guerre : le « baby-boom ». Leur optimisme a été contredit par les faits314). Il souligne que la croissance rapide de l’agglomération autour de la capitale doit conduire les autorités religieuses à se poser beaucoup d’autres problèmes que celui des seuls lieux de culte. En particulier, il fait observer qu’il est nécessaire que ces dernières s’interrogent sur les conséquences de l’accroissement du parc automobile en étudiant la nécessité de créer, ou non, des parcs de stationnement autour des églises315.

Afin justement d’avoir les moyens de comprendre et d’anticiper l’évolution des pratiques religieuses, l’Eglise catholique, à l’image des institutions de l’Etat, se dote à cette époque d’outils d’analyse sociale.

Jacques Isambert, vice-président du Centre catholique de sociologie religieuse, présente ainsi aux participants de ce colloque un bilan sociologique de l’évolution des attitudes et des représentations qui sont susceptibles d’affecter l’implantation des édifices cultuels.

Il fait observer que la croissance urbaine s’accompagne de phénomènes - distribution fonctionnelle de l’espace, extension du tissu urbain, hiérarchie des centres, nouvelles banlieues - qui ont des incidences diverses sur la pratique religieuse (fig. 66 et 67).

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Fig. 66 : « La France change de visage – l’urbanisation accélérée s’ajoute à l’expansion démographique».
[Note: (L’implantation de lieux de culte dans l’aménagement du territoire, 1966).]
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Fig. 67 : « ZUP réalisées ou en cours d’étude »- Deux photos prises à six années d’intervalle à Massy.
[Note: (L’implantation de lieux de culte dans l’aménagement du territoire, 1966).]

En effet, on observe que le lien avec le clergé catholique ne se fait plus uniquement sur le lieu de résidence mais également sur le lieu de travail. Le contraste et l’éloignement entre zones de production et zones d’habitation fait que la vie quotidienne d’un nombre de plus en plus important de travailleurs se trouve divisée en deux phases qui s’ignorent.

Par ailleurs, l’appartenance à de vastes ensembles urbains entraîne l’identification des habitants à de multiples cadres de référence qui se déclinent du quartier à l’agglomération en passant par la ville. La question d’une hiérarchisation des lieux de la vie cultuelle qui corresponde aux différents niveaux de la géographie urbaine, est alors posée. Ainsi, J. Isambert suggère que la vie cultuelle réponde à « ‘ce double besoin d’assemblées relativement intimes et de vastes rassemblements, de locaux familiers et d’édifices à l’échelle de la cité’ »316.

« L’esprit citadin » et la mobilité de fait, octroyée par la possession de voitures, se traduisent alors par l’apparition de comportements inconnus jusque là. Ainsi, des fidèles se mettent à choisir de fréquenter plutôt tel édifice que tel autre en fonction de leur préférence pour un certain type de liturgie ou d’architecture et non plus simplement parce qu’il s’agit de l’église de la paroisse de leur lieu de résidence. Cependant, le phénomène qui préoccupe surtout le clergé catholique, est celui de l’incidence sur la pratique du culte dominical de la vulgarisation des week-ends et des vacances passés loin de la ville (fig. 68).

On observe, en effet, que les pratiquants affluent en fin de semaine dans les villages situés à la périphérie des agglomérations où se multiplient les résidences secondaires. La correspondance du jour du culte et du jour de détente amène J. Isambert à suggérer d’ériger des lieux de culte sur certains axes routiers et d’en prévoir à proximité immédiate des vastes espaces verts que l’on projette alors de réaliser en périphérie des agglomérations317.

Quant aux vacances, il souligne que celles-ci engendrent désormais un « exode périodique » des citadins et s’accompagnent du gonflement saisonnier des populations qui fréquentent les églises des lieux de villégiature. Il constate également que ce phénomène est accentué par un accroissement de la pratique religieuse durant ces périodes318.

Dans sa conclusion, bien que J. Isambert suggère de choisir les lieux d’implantation des nouveaux édifices de culte en s’appuyant sur l’analyse des milieux sociaux, il estime néanmoins acquis qu’il ‘« reste un fond de population plus mobile, du fait de l’âge et des ressources ’»319.

Jean-Baptiste Pailloncy, ancien secrétaire du C.N.C.E. et des Chantiers du Cardinal, abonde dans le sens de J. Isambert en affirmant que le phénomène qui affecte certaines localités dont la population triple ou se décuple deux jours par semaine lors des week-ends ou trois mois par an pendant l’été, est appelé à se généraliser. Dans cette optique, il se fait l’écho du souhait exprimé par certains prêtres de province qui aimeraient que le clergé suive les mouvements de la population et que les prêtres citadins acceptent de consacrer leurs propres vacances au service des estivants320.

J.-B. Pailloncy envisage également l’idée d’édifier des lieux de culte le long des grands axes routiers afin d’accompagner l’évolution du mode de vie des fidèles qui, en nombre croissant, se déplacent quotidiennement en automobile et empruntent les routes nationales et les premières autoroutes. A l’appui de cette suggestion, il cite en l’exemple l’église « self-service » réalisée à cette époque en Italie sur l’autoroute Florence-Naples321.

Il fait également observer qu’il est nécessaire d’édifier des églises dans les quartiers qui se construisent à l’extérieur des villes. En effet, se référant en cela aux travaux de Joseph Folliet322, il estime que le retard pris au cours du XIXème siècle pour accompagner l’expansion des villes en construisant de nouveaux lieux de culte, constitue à Paris et à Marseille en particulier l’une des causes essentielles de la déchristianisation. Les nouveaux citadins attirés par la révolution industrielle et débarquant de campagnes superficiellement évangélisées, seraient naturellement tombés dans l’indifférence religieuse parce qu’il n’existait à proximité de leur logement ni lieu de culte, ni clergé. A contrario, la pratique religieuse serait demeurée plus forte à Lyon et à Saint-Etienne qu’à Paris car, selon Joseph Folliet qu’il cite, « les lieux de culte y ont mieux suivi le mouvement de la population »323. Ce constat et celui de la mobilité croissante des populations conduisent logiquement J.-B. Pailloncy a suggérer que l’on tienne compte de la distance entre le lieu de culte et les lieux de résidence. Il estime en effet qu’au delà « ‘de 600 ou 700 mètres un lieu de culte est inefficace (...) Si l’église est nettement au delà, elle paraît hors de la vie réelle, des soucis quotidiens. Il faut faire un effort pour s’y rendre’ »324.

Cependant, la question de l’efficacité de la localisation des églises à proximité des lieux d’habitation oblige à reconsidérer l’unité de quartier comme cadre fondamental de la pratique religieuse325. Le père François Russo, conseiller ecclésiastique du centre catholique auprès de l’U.N.E.S.C.O., met ainsi en garde contre les conséquences que ne manqueraient pas d’avoir sur leur fréquentation, l’implantation de lieux de culte fondés uniquement sur la notion de quartier. En effet, fait-il observer, la généralisation des week-ends et les facilités de déplacement intra-urbaines affaiblissent dorénavant la conception privilégiée de la paroisse comme centre fondamental du culte326.

J.-B. Pailloncy fait également observer que le statut même de l’église comme cadre fondamental et sacré de la pratique du culte catholique a été remis en cause, lors du Concile Vatican II, au profit de l’importance primordiale de la communauté des chrétiens. Désormais, ce qui apparaît essentiel à la constitution de la communauté chrétienne ce n’est donc plus la présence matérielle de l’église mais la conscience missionnaire des chrétiens : « ‘Pour constituer la communauté chrétienne de quartier le lieu de culte traditionnel paraît-il encore nécessaire ?’ »327.

Puisqu’il semble acquis que l’on ne peut plus se contenter de construire des églises monumentales ouvertes un seul jour dans la semaine, J.-B. Pailloncy propose que les églises soient désormais conçues comme des lieux de réunion ouverts sur le quartier et la vie sociale environnante. Il suggère que cette évolution se traduise par des architectures modestes mais adaptables selon la nature des réunions et le nombre des participants. « ‘Il n’est pas indispensable que ce premier lieu de culte soit important’ », indique-t-il, « ‘une ou plusieurs salles polyvalentes, servant alternativement de salles de réunion en semaine et de chapelle le dimanche, pourraient suffire quelques années’ »328. Il estime également que, dans les nouveaux quartiers d’habitat social, la modestie de ces lieux de culte d’un nouveau genre devrait favoriser la constitution de noyaux de chrétiens plus fervents que ne le permettrait l’agencement architectural d’églises traditionnelles.

A l’appui de son propos, il fait observer que tous les prêtres consultés dans le cadre de la préparation de ce colloque, refusent l’église monumentale, l’église-oeuvre d’art. Ces prêtres veulent « une église, oui, mais modeste, de matériaux pauvres, une église simple et sobre, qui n’exclut pas la solidité et la dignité. Une église en harmonie avec les besoins des habitants, une église proportionnée aux ressources et au niveau de vie de ceux qui la fréquenteront »329.

La réalisation de ces lieux de culte d’un nouveau genre qu’on qualifie de cités paroissiales, constituées d’un ensemble de salles de réunion, de bureaux, de salles de catéchisme, de locaux réservés aux oeuvres, apparaît d’ailleurs comme plus importante que le lieu de culte lui-même en particulier lorsqu’il s’agit de répondre au contexte social et urbain des nouvelles cités et des grands ensembles.

En effet, puisque la proportion de pratiquants est faible dans les ensembles de logements sociaux, J.-B. Pailloncy juge que la construction d’une église ne saurait être comprise ni acceptée par la population laborieuse. A contrario, il lui semble que la meilleure façon pour la communauté des chrétiens de se manifester à l’ensemble de la population est de s’exprimer sous une forme similaire à celle des associations laïques en organisant des réunions de jeunes et d’adultes, en proposant des services variés330.

Concevoir des églises dont la construction accompagne la formation des communautés chrétiennes et dont l’architecture concilie la diversité des exigences fonctionnelles avec les qualités propres aux lieux de prière, imaginer des lieux de culte qui facilitent les rencontres, voire qui puissent être utilisés en commun par plusieurs confessions, constitue une préoccupation pastorale nouvelle pour les responsables des paroisses.

J.-B. Pailloncy en appelle donc aux urbanistes et aux architectes pour qu’ils trouvent des solutions à des exigences apparemment contradictoires. Pour permettre la polyvalence des lieux de culte, le principe des cloisons mobiles apparaît idéal. Ce type de dispositif commence à être utilisé mais on en comprend vite que les procédés standard – portes de garage, cloisons accordéon – utilisés tels quels présentent certains inconvénients. « ‘Nous avions pensé construire un grand bâtiment comportant un dizaine de salles offrant au total 1 200 places. Mais il faudrait trouver une solution satisfaisante au problème des cloisons mobiles : comment les manipuler facilement, comment les insonoriser ?’ », explique le curé de Meudon-la-Forêt331.

Le chanoine Jacques Verscheure, président de la Fédération internationale des instituts de recherche sociologique et socio-religieuse, se fondant sur les propos des différents intervenants souligne qu’il est nécessaire de réaliser des études complémentaires avant de pouvoir donner des orientations qui permettraient aux responsables ecclésiastiques de fonder leurs décisions en matière d’implantation des nouveaux lieux de culte.

Il souhaite que l’on réalise des analyses sociologiques systématiques et approfondies des aspirations et des comportements de la grande masse des pratiquants afin d’étayer des hypothèses basées, la plupart du temps, sur des enquêtes conduites essentiellement auprès de curés ou de fidèles qui sont de fervents pratiquants. Il estime, en particulier, qu’il est urgent d’établir des statistiques sur les exodes de fin de semaine et sur les déplacements liés aux vacances d’été et d’hiver et de pouvoir mesurer la mobilité des pratiquants pour les actes de culte à travers les différentes paroisses ainsi que les motivations des transferts interparoissiaux332.

De nombreuses questions demandent, en effet, à être approfondies concernant les rapports entre la logique territoriale des paroisses et celle des communautés. « ‘A quel niveau territorial une communauté est-elle authentique ? (...) En ville, comment se localise la communauté d’une confession religieuse ? ’», interroge J. Verscheure qui fait observer que, dans la diversité des solutions déjà pratiquées, il existe des débuts de réponse à ces questions. Ainsi, on constate déjà que, sur un même territoire paroissial, des lieux de culte répondent à des fonctions différentes.

J. Verscheure fait d’ailleurs remarquer, soulignant en cela le divorce qu’impose la mobilité des pratiquants entre l’église-bâtiment et son assise territoriale traditionnelle - la paroisse -, que l’on ne peut pas imaginer que le lieu de culte desservant un camping ou situé au bord d’une autoroute puisse constituer une paroisse. Et, puisque c’est bien l’accroissement de la mobilité sociale qui entraîne une remise en question de la stabilité géographique du lieu de culte, il suggère qu’une conception théologique et une pratique pastorale soient clairement définies afin de répondre aux questions qui en découlent.

Ainsi, pour faire face à l’afflux des vacanciers vers les campings l’été et vers les sports d’hiver, il suggère comme J.-B. Pailloncy que l’on fasse venir des prêtres de la ville333. Il se demande également si l’Eglise catholique pourra chercher à maintenir l’idéal du culte le dimanche dans la paroisse ou dans l’église la plus proche du domicile. Le cas échéant, cela devrait en effet contraindre le clergé à interdire indirectement ou à déconseiller les week-ends et les vacances. Poursuivant sa réflexion sur la nécessité de prendre en compte les déplacements de toute nature - automobiles, piétons, transports en commun - dans la création de réseaux de locaux cultuels qui répondent de manière fonctionnelle au maillage des différents types de circulation dans la ville contemporaine, J.-B. Pailloncy attire l’attention des responsables sur les trajets domicile-travail et sur les habitudes de circulation qui découlent de la structuration du réseau commercial fréquenté par les ménagères, habitudes qui perdurent même lorsque les magasins sont fermés.

Mais, pour que le clergé catholique puisse fonder sa vision prospective des nouveaux lieux de culte sur une approche scientifique des situations, de leurs comparaison, de leur systématisation, J. Verscheure juge indispensable de réaliser des études précises, statistiques sur la fréquentation des lieux de culte. En particulier, il lui apparaît nécessaire de mesurer la mobilité des pratiquants à travers les différentes paroisses dune ville, d’une agglomération ou d’une région et d’étudier ce qui motive ces mouvements interparoissiaux. Il lui semble également indispensable d’évaluer comment « les exodes de fin de semaine, de vacances en été et en hiver » affectent la vie paroissiale et la fréquentation des églises urbaines334. Enfin, puisque la banalisation des déplacements motorisés semble réduire la longueur des trajets effectués à pied pour se rendre à l’église – on évoque un rayon de 500 à 700 mètres au delà duquel s’établirait « ‘des zones mortes de pratique cultuelle le dimanche’ » (fig. 69) - il conseille d’approfondir les études de mobilité afin de mieux connaître ces no man’s land cultuels « ‘qui tiendraient en ville à l’éloignement des lieux de culte’ »335.

Afin de favoriser la fréquentation des lieux de culte dans les nouveaux quartiers d’habitat qui sont alors en projet, l’architecte Xavier Arsène-Henry propose, dans une optique strictement fonctionnaliste, de disposer tous les 2.500 logements et à leurs abords directs - afin de les mêler à la vie quotidienne des habitants - des édifices cultuels de dimensions modestes. Il souligne que ces « relais paroissiaux » afin d’être « au service de l’individu isolé, de l’enfant qui revient de la classe, de la mère qui rentre du centre commercial ou de l’homme qui a terminé son travail », seraient disposés sous les formes les plus diverses au niveau de la circulation des piétons et intégrés dans les cheminements de la vie quotidienne « ‘l’un au pied d’un immeuble, l’autre dans le soubassement d’une terrasse, un autre au milieu d’un mail d’arbres’ »336.

Mais à la mobilité des personnes et des biens s’ajoute une autre préoccupation : celle de l’évolution rapide des goûts. L’architecture religieuse devrait donc également abandonner toute prétention à la pérennité. Ainsi, lors du débat qui clôture le colloque, Jean Capellades exprime le souhait que des architectures « ‘plus légères peut-être, plus provisoires’ » soient mises au point afin que l’on ne bâtisse plus d’églises faites pour durer « ‘deux ou trois siècles et qui, dans vingt ans, seront absolument dépassées et gêneront nos petits enfants’ »337.

L’évocation alarmiste de la mobilité croissante des pratiquants conduit certains intervenants a pousser le raisonnement jusqu’à ses limites extrêmes. Michel Lecadre, l’un des architectes présents, déclare ainsi : « ‘Il faut étudier la permanence et la mobilité des lieux de culte à cause de la mobilité des personnes’ »338. L’église mobile devrait désormais être conçue pour permettre d’accompagner les déplacements des pratiquants.

Ces différentes réflexions montrent clairement qu’à côté de la conception territoriale et statique de l’église et de la paroisse émerge alors une conception de type topologique des relations entre l’Eglise et les fidèles. Les axes de transit et les lieux de rupture de charge (les noeuds de cette nouvelle géographie) acquièrent ainsi une importance un peu similaire à celle que possédaient autrefois les axes de cheminement et les lieux d’étape des itinéraires de pèlerinage au Moyen Age.

Notes
308.

Le C.N.C.E. fut fondé en 1960. Organe de conseil et d’exécution de l’épiscopat français, il est composé de prêtres, de laïcs, d’architectes, de juristes, de financiers, de sociologues. A sa création on comptait parmi ses membres les personnalités suivantes : Jean-Marie-Robert Capellades o.p. co-directeur de la revue L’Art Sacré de 1954 à 1969, Monseigneur G. de Vaumas directeur des Chantiers du Cardinal de 1959 à 1969, président du Centre National des Equipements Religieux, président de la Commission Diocésaine d’Art Sacré de Paris, Luc et Xavier Arsène-Henry architectes, Eugène Claudius-Petit ancien ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Chaque diocèse disposait d’un Comité de Construction des Eglises.

309.

Parmi ces architectes certains qui ont alors à leur actif la réalisation d’édifices religieux de qualité, ont également des responsabilités importantes dans le domaine de la planification urbaine. Ainsi, Xavier Arsène-Henry co-auteur, avec son frère Luc, du couvent franciscain de la Clarté-Dieu à Orsay (1956), membre du Conseil Supérieur du Ministère de la Construction et de la Commission des Villes du Vème Plan. Quant à Michel Marot, architecte Grand Prix de Rome et concepteur de l’église de Fontaine-les-Grès (1956) couronnée par l’Equerre d’Argent, il est alors architecte conseil auprès du Ministère de la Construction.

310.

Philippe Lamour, « L’aménagement du territoire doit être au service de l’homme », L’implantation des lieux de culte dans l’aménagement du territoire, Paris, 1966, p. 26.

311.

Ibid.

312.

La population de Paris est passée de 2 790 000 à 2 152 000 habitants entre 1962 et 1990, soit une baisse de 22%. La région parisienne a évolué de 8 469 000 à 9 060 000 habitants durant la même période, soit un accroissement de 7 %.

313.

Paul Delouvrier, « Le développement du district parisien », op. cit., p. 33.

314.

Le nombre moyen d’enfants nés vivants par femme était de 2,98 entre 1946 et 1950, de 2,7 entre 1956 et 1960 mais, entre 1981 et 1985, il avait chuté à 1,85.

315.

Ibid., p. 40.

316.

Jacques Isambert, « Bilan sociologique préalable », op. cit., p. 77.

317.

Ibid., p. 75.

318.

Ibid.

319.

Ibid.

320.

Jean-Baptiste Pailloncy, « Les lieux de culte doivent répondre aux besoins spirituels de la population », op. cit., p. 121.

321.

Ibid., p. 123.

322.

Joseph Folliet (1903-1972). Auteur de Les chrétiens au carrefour, Paris, 1947.

323.

Op. cit., p. 75.

324.

Jean-Baptiste  Pailloncy article cité, p.111.

325.

Ibid., p. 110.

326.

François Russo, , « sociologie », op. cit. p. 247.

327.

Jean-Baptiste  Pailloncy, article cité p. 113.

328.

Ibid., p. 114.

329.

Ibid.

330.

Ibid., p. 119.

331.

Ibid., p.120

332.

Jacques Verscheure, « Les problèmes à résoudre, les moyens à mettre en oeuvre », op. cit., p. 174.

333.

Ibid., p. 155.

334.

Ibid., p. 174.

335.

Ibid.

336.

Xavier Arsène-Henry, « Le lieu de culte dans un centre urbain nouveau », op. cit., p. 185.

337.

Jean Capellades, « Sociologie », op. cit., p. 258.

338.

Michel Lecadre, « Sociologie », op. cit., p. 259.