1) Les cars chapelles de l’Aide aux prêtres de l’Est.

En 1947 le père Werenfried, religieux prémontré de l’abbaye de Tongerlo en Belgique, créa une oeuvre d’aide aux populations catholiques de l’Allemagne orientale réfugiées en Allemagne de l’ouest, populations qui avaient fui devant l’avancée des troupes soviétiques.

Dans un premier temps cette oeuvre se limita à aider matériellement les quelques trois mille prêtres expulsés en leur apportant les moyens d’accomplir leur pastorale. Cette aide se traduisit par la fourniture de souliers, de bicyclettes, de motos, de voitures puis de camionnettes qualifiées d’« églises nomades » équipées à leur arrière d’autels (fig. 70 et 71). Les réfugiés de confession catholique étaient en effet dispersés dans des villages protestants et, pour rendre visite à leurs fidèles, les religieux manquaient de moyens pour se déplacer d’un endroit à l’autre359. Bien que ces églises mobiles - qui apparaissent comme des solutions provisoires dictées par l’urgence - se situent aux franges de la volonté d’architecture, elles traduisent néanmoins de façon symptomatique et extrême l’incidence de la mobilité sociale sur l’architecture religieuse contemporaine.

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Fig. 70 : « prêtre sac au dos » de l’Aide aux Prêtres de l’Est, circa 1948.
[Note: (Aide à l’Eglise en Détresse, 1985, p. 20).]
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Fig. 71 : église nomade (fahrende kirche), circa 1950.
[Note: (Aide à l’Eglise en Détresse, 1985, p. 21).]

L’action de l’oeuvre, qui s’appelait initialement « Aide aux Prêtres de l’Est », eut pour objectif, dans un second temps, de ne plus limiter son soutien aux prêtres mais de l’étendre aux populations elles-mêmes. En 1949, le père Werenfried obtint ainsi des chemins de fer néerlandais deux camions tractés avec remorque qui avaient été utilisés pour le transport des voyageurs en attendant la réparation des ponts de chemins de fer détruits lors de la guerre. Ces camions furent transformés en chapelles roulantes. L’année suivante, il acheta dix autres camions qui devaient initialement être vendus pour servir au transport des ouvriers des mines d’uranium de la zone russe de l’Allemagne.

Ces semi-remorques transformés en chapelles roulantes (fig. 72 et 73) effectuaient des trajets, en accord avec les évêques de chaque diocèse allemand, en partant d’une petite ville à proximité de Francfort. Chaque camion-chapelle transportait plusieurs tonnes de vivres et de médicaments destinés aux fidèles catholiques. Les camions-chapelles demeuraient durant une semaine dans chaque village où des messes étaient célébrées le soir (fig. 74 et 75).

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Fig. 72 : semi-remorques transformés en chapelles roulantes, circa 1950.
[Note: .(Aide à l’Eglise en Détresse, 1985, p. 21).]
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Fig. 73 : semi-remorque transformé en chapelle roulante, circa 1950.
[Note: .(Aide à l’Eglise en Détresse, 1992, p. 5).]
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Fig. 74 : semi-remorques transformés en chapelles roulantes, circa 1950.
[Note: (AED Bulletin, n°4, 1999, p. 2).]
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Fig.75 : semi-remorques transformés en chapelles roulantes, circa 1950.
[Note: (Aide à l’Eglise en Détresse, 1985, p. 22).]

Cette action d’apostolat qui s’appuyait à un certain moment sur une flotte de trente-cinq chapelles roulantes, s’est poursuivie, en Allemagne, jusqu’au milieu des années soixante.

La paix rétablie, la mobilité des populations est néanmoins restée un sujet de préoccupation important pour le clergé catholique, en particulier français.

Ainsi, à l’occasion du colloque interconfessionnel de 1965 à l’U.N.E.S.C.O. le chanoine J. Verscheure évoque quelques réalisations récentes de lieux de culte situés sur des points de passage importants des voyageurs comme la chapelle d’Orly ou celle de la gare Maine-Montparnasse à Paris. Se référant à ces expériences, il en déduit que la pratique du camping l’été et des sports d’hiver appellent des initiatives planifiées, organisées. Celles-ci, affirme-t-il, «‘réclament un dispositif nécessitant la présence de prêtres qu’il faudra en de nombreux cas faire venir de la ville. Ainsi d’ailleurs pourront-ils retrouver nombre de leurs paroissiens déserteurs et jouir de détentes désormais utiles à l’équilibre nerveux de tout homme’ »360.

Présageant que dans les décennies à venir le rythme des déplacements liés aux week-ends et aux vacances d’été et d’hiver se développera, Jean-Baptiste Pailloncy, toujours dans le cadre de ce colloque, s’interroge sur la nécessité de prévoir des normes particulières d’implantation religieuse et des types adaptés de lieux de culte comme, par exemple, des tentes-chapelles près des villages de toile, des chapelles-auvents sur les grandes plages ou des chapelles-chalets en montagne361.

Ces lieux de culte conçus non pas en fonction de critères de visibilité mais d’accessibilité et localisés dans des lieux d’embarquement, d’échange, situés sur les axes de circulation automobile, ferrée ou aéronautique font directement écho aux suggestions des sociologues François Houtart et Jean Rémy. Chapelles ou églises de gares, d’aéroports, de stations balnéaires etc. répondent à une réelle volonté d’adapter l’Eglise aux modes de vie d’une société urbaine en plein développement et en constante évolution.

Notes
359.

Jean Bourdarias, Père Werenfried, 1996, p. 65 et sqq.

360.

Chanoine J. Verscheure, « Les problèmes à résoudre, les moyens à mettre en oeuvre », L’implantation des lieux de culte dans l’aménagement du territoire, Paris, 1966, p. 155.

361.

Jean-Baptiste Pailloncy, « Les lieux de culte doivent répondre aux besoins spirituels de la population », L’implantation des lieux de culte dans l’aménagement du territoire, Paris, 1966, p. 121.