A la fin des années soixante, l’abbé Michel Brion, alors secrétaire de l’évêché de Nantes, projeta de faire édifier une église de route. Celle-ci devait été située à la sortie de Nantes sur la route de Vannes, route de la côte (Saint-Nazaire, La Baule, Le Croisic) qui est extrêmement fréquentée aux fins de semaine et à la belle saison.
Il s’agissait de réaliser un lieu de culte dont la conception et l’emplacement auraient été adaptés aux comportements de fidèles dont la pratique religieuse se révélait saisonnière, irrégulière ou simplement routinière.
L’abbé Brion, dans divers ouvrages qu’il a écrit ou auxquels il a collaboré, a cherché à fonder cette orientation qui rompt avec les habitudes d’implantation au coeur des quartiers. Il rappelle ainsi que l’Eglise catholique possède une vieille tradition de hauts lieux à l’extérieur des villes et il souligne également que les chrétiens ont toujours entretenu des liens étroits avec les marchands. Il suggère donc que l’Eglise s’inspire de l’attitude du commerce qui, remarque-t-il, a toujours fait preuve d’un « ‘flair étonnant pour détecter le lieu des échanges humains’ »368. Or, comme les centres commerciaux et les hypermarchés se multiplient à cette époque à la sortie des villes, c’est logiquement aux noeuds d’échanges routiers situés à la périphérie des villes qu’il conseille de construire des « ‘églises de route’ ».
Ces « églises de route » auraient principalement eu pour objet d’accueillir « ‘les chrétiens d’observance traditionnelle gagnés, de façon générale ou occasionnelle, à la civilisation du bitume ’»369.
« Le projet d’église de route de Nantes n’a pas abouti bien que nous ayons été propriétaire d’un terrain de grande taille dont le prix d’acquisition avait été très avantageux », précise l’abbé Brion, « ‘en effet, l’idée de concevoir une église de route a suscité une opposition radicale. La majorité des prêtres concernés estimaient qu’il fallait se soucier prioritairement des chrétiens militants de l’Action Catholique et qu’il n’était pas nécessaire d’investir en direction d’un public de semblables pratiquants : ce qu’on appelle la religion populaire n’était pas à l’ordre du jour dans les esprits !’ »370.
Michel Brion, La religion vécue des Français, 1972, p. 112.
Ibid.
Abbé Michel Brion, propos recueillis lors d’un entretien téléphonique avec l’auteur le 14 avril 2000.