En 1966 les architectes Moreau, Maxwell et Duclos réalisèrent pour la station balnéaire de Lacanau-Océan, en Gironde, une église polyvalente. L’édifice fut conçu de manière à ce que l’espace de la nef puisse être modulable en fonction des fluctuations démographiques générées par l’arrivée, l’été, d’importantes populations urbaines.
Cette église, adaptée aux variations importantes de population durant l’année, retint l’attention des responsables du Comité des Constructions d’Eglises. Alors que l’édifice était en construction, l’un des panneaux de l’exposition qui accompagnait en février 1965 le colloque interconfessionnel sur l’implantation des lieux de culte dans l’aménagement du territoire, montrait quelles possibilités de modulation de l’espace présentait sa conception (fig. 89). Il semblait que cette réalisation répondait de manière exemplaire aux besoins spécifiques d’une paroisse confrontée aux « migrations des loisirs ».
L’église de Lacanau-Océan fut conçue pour offrir un millier de places l’été (580 places assises et 280 m² de surface libre pour les fidèles debout) tout en satisfaisant aux besoins de la centaine de pratiquants de la population sédentaire le reste de l’année (fig. 90).
La simplicité des matériaux employés - ossature apparente en acier supportant des bacs en aluminium « Prouvé » (fig. 91 et 92), murs de clôture en briques creuses apparentes et vernies (fig. 93), panneaux basculants translucides (fig. 94), sol en tomettes rouges, vitraux en dalles de verre brut – permit de parvenir au prix de revient, très bas à l’époque, de trois cent mille francs.
Cependant, l’extrême dépouillement du système architectonique provoqua, dès la réalisation, une réaction de rejet du comité paroissial et du curé de Lacanau qui n’admettaient pas que leur église ne se distingue en rien d’un quelconque édifice à usage industriel ou commercial. « ‘Un conflit allant jusqu’à la rupture a opposé les architectes au curé et au comité paroissial’ », écrit Jean Capellades dans L’Art Sacré, « ‘pour le fond il me semble que les opposants ont tort et que leurs critiques tombent à faux. En définitive on reproche à cette église de ne pas être ce qu’elle aurait pu être si elle avait coûté deux ou trois fois plus cher, ou plus exactement de ne pas essayer d’en donner l’illusion’ »377.
Aujourd’hui, la dispositif qui autorisait un certain usage polyvalent de la nef de l’église a disparu. En effet, si l’édifice sert encore pour le culte, les cloisons basculantes ont disparu. Plus de trente ans après sa construction, la conception spartiate de cette église demeure incomprise comme en témoignent les propos recueillis auprès du curé en place.
« ‘L’architecte Maxwell, décédé il y a quelques années, est à l’origine de ce bâtiment et de sa conception. L’église de Lacanau-Océan qui a été réalisée en 1966 est un véritable marché couvert378 ; en revanche, la petite église de Saint-Vincent à Lacanau c’est autre chose !’ », affirme-t-il, « ‘cependant l’église n’est pas désaffectée. On s’en sert pour la messe de temps en temps. C’est un bâtiment fonctionnel qu’on a réalisé au moment où Lacanau grandissait rapidement l’été. Il y avait, comme toujours maintenant, beaucoup de monde l’été. Mais c’est l’affaire d’un mois et demi, c’est tout ! L’église avait une double utilisation : pour le culte et comme salle de réunion. Quand la nef servait comme salle pour la mairie, on baissait les panneaux. On les relevaient pour la messe. Mais j’ai fait enlever ces panneaux basculants qui permettaient d’isoler le choeur et une chapelle d’hiver car ils étaient trop dangereux. J’ai fait, à côté, une petite chapelle qui accueille une vingtaine de personnes l’hiver’ »379.
Jean Capellades, « L’église de lacanau-Océan », L’Art Sacré n° 9-10, 1966, p. 22.
Le père J. Capellades, s’il leur concède un certain rigorisme, souligne le sens des rythmes et des volumes dont ont fait preuve les architectes ; il conclut : « Ce n’est qu’un hangar mais un hangar dont la qualité exprime non la médiocrité mais l’éclat de la pauvreté angélique alors que tant d’architectures boursouflées ou mignardes témoignent de notre vanité et de nos petitesses », ibid.
Propos recueillis par l’auteur lors d’un entretien téléphonique avec le curé de Lacanau le 14 avril 2000.