Chapitre III : L’église nomade, polyvalente, antithèse de l’église monumentale

A - Urbanisme dynamique, cités mobiles, villes sur pilotis : doctrines architecturales des années 50-70 et aspiration à la mobilité, à l’élévation, à l’apesanteur

1).Du Xème CIAM (1956) au Groupe d’Etudes d’Architecture Mobile (1957).

En août 1956 se réunit à Dubrovnik le Xème Congrès International d’Architecture Moderne. A cette occasion les notions de mobilité et de croissance furent abordées pour la première fois dans une assemblée internationale d’architectes. Yona Friedman présenta un projet de structures spatiales en trièdres l’architecte français Charles Péré-Lahaille son projet de Cité Mobile, sujet de diplôme étudié en collaboration avec trois jeunes architectes français : Rault, Marcot et Guy Rottier.

A Dubrovnik, Yona Friedman confia à Gunther Kühne, rédacteur de la revue allemande Bauwelt, un premier article concernant sa théorie de la mobilité. Y. Friedman se préoccupa alors de constituer un groupe de recherche axé sur la mobilité et la spatialité et il envoya la première version de sa thèse intitulée L’Architecture Mobile à Buckminster Fuller, Le Corbusier, J. Prouvé, André Sive et Jacob Bakéma. Y. Friedman proposa à Bakéma de réorganiser les CIAM sur la base de sa thèse sur la mobilité. Mais lors du dernier CIAM qui se tint à Bagnols-sur-Cèze, le Team X, formé par Candilis et Bakéma s’opposa à ses théories.

Cependant Buckminster Fuller et Le Corbusier546 lui envoyèrent des lettres l’incitant à persévérer dans ses recherches. « C’est Le Corbusier qui, en 1957, m’a probablement donné l’encouragement décisif », précise Yona Friedman, « ‘quand j’ai proposé mon concept d’architecture mobile, je n’ai pas eu beaucoup d’encouragements du côté de la profession ; en revanche Le Corbusier, avec lequel j’ai eu une longue conversation de plusieurs heures, me disait tout le temps : “ Vous devez le faire et faites le ! ”. Evidemment ça a été très important pour moi’ »547.

Y. Friedman s’installa à Paris en octobre 1957 et fonda quelques semaines après le Groupe d’Etude d’Architecture Mobile (GEAM). Ce groupe se composait alors de Jean Pecquet, Jerzy Soltan, Roger Aujame, Georges Emmerich et Jan Trapman. Le GEAM se réunit une première fois à Amsterdam où il fut rejoint par Frei Otto. Par la suite, ce groupe s’élargit et accueillit les Allemands Schultze-Fielitz, Günther Günschel, Makowski et Werner Ruhnau (qui collabora au projet d’Architecture de l’Air d’Yves Klein), le Japonais Otaka, le Suédois Frieberger, le Luxembourgeois Camille Frieden et le Français Paul Maymont.

« ‘L’idée de la mobilité et de l’urbanisme spatial défendue par le GEAM est certainement l’une des grandes idées-forces de ces dernières années », affirme M. Ragon en 1966 « rares auront été les architectes ‘en place’, à part en France André Sive et Paul Herbé, à comprendre les projets de leurs jeunes confrères’  »548. L’idée de la mobilité et de l’urbanisme spatial dont Y. Friedman a fait une idée-force, un courant, une doctrine, poursuit M. Ragon « ‘a été tant commentée ces dernières années que, on l’a vu , elle est devenue tête de chapitre dans les conclusions pour le Vème Plan français’ »549.

Notes
546.

« J’ai rencontré pour la première fois Le Corbusier en 1949 », se souvient Y. Friedman, « au cours de l’entretien il s’est plaint qu’à Pessac les habitants déformaient les bâtiments. Il avait raison du point de vue de l’artiste mais pas du tout du point de vue de quelqu’un qui fait des plans pour d’autres. Moi, je suis toujours pour l’autoplanification : je pense que c’est l’objet architectural qui coopère avec l’usager ». Yona Friedman, propos recueillis à l’occasion d’un entretien accordé à l’auteur le 12 juin 1997 à Paris.

547.

Yona Friedman, propos recueillis lors d’un entretien accordé à l’auteur le 12 juin 1997 à Paris.

548.

Michel Ragon, Les cités de l’avenir, Paris, 1966, p. 162.

549.

Ibid., p. 164.