1) L’église-tente d’André Le Donné (1978)

André Le Donné conçut en 1978 le projet d’une « ‘tente pour l’Eglise de notre temps’ ». Ce projet fut présenté lors du 27ème Salon d’Art Sacré qui se déroula à Paris en 1979 (fig. 197).

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Fig. 197 : Projet d’église-tente André Le Donné – 1978.
[Note: (Catalogue de l’exposition André Le Donné, Nantes, 1985, p. 77)]

L’église-tente n’était pas destinée à être implantée dans les quartiers mais en périphérie des villes, version moderne des abbayes cisterciennes. « Il conviendrait, sans doute », écrit l’architecte, « ‘que ce grand abri soit construit en pleine campagne, de préférence à l’orée d’une forêt, et qu’il s’entoure de petits bâtiments bas où vivrait une fraternité sacerdotale’ »589. Ce projet fait directement écho aux préoccupations qu’avait exprimé l’abbé Michel Brion quelques années auparavant. Celui-ci souhaitait, en effet, que l’épiscopat français encourage la création de « maisons d’églises », entourées « d’immenses parkings » aux points névralgiques du réseau de routes reliant les villes. Pour l’abbé Brion, il ne s’agissait pas simplement d’églises modernes pour la messe dominicale destinées à accueillir ceux qui quittaient la ville le week-end mais de lieux de culte d’un genre nouveau dotés de moyens modernes d’animation de groupe et de foule. « ‘Les enfants pourront y être amenés par cars pour participer à des émissions et à des jeux destinés à les instruire de la religion’ », écrit-il, «  ‘on y célèbrera entre autres activités, l’Eucharistie par groupes ou en foule suivant des modes nouveaux qu’il faudra entièrement réinventer en référence aux expressions et aux symboles modernes’ »590.

Les similitudes entre le projet d’André Le Donné, les écrits et le propre projet d’église-tente de l’abbé Michel Brion, conçu et abandonné quelque dix années auparavant, ne relèvent peut-être pas de la simple coïncidence. En effet, les deux hommes se connaissaient et s’estimaient591.

L’église-tente d’André Le Donné dont le plan est trapézoïdal, est clôturée par un mur en béton de 2 m. 20 de hauteur. Sur ce mur est fixé au moyen d’anneaux un velum souple en toile armée translucide soutenu par quatre mats - deux de 17 m. 50 et deux de 8 m. 75 de hauteur - faits d’éléments en acier inoxydable592. Ce velum est composé d’une succession de lés délimités par des câbles en acier ; quatre câbles beaucoup plus gros se croisent d’un mât à l’autre et sont reçus au sol par des culées en béton (fig. 198 et 199).

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Fig.198 : Projet d’église-tente, plan et façade. André Le Donné – 1978.
[Note: (Cahiers de l’architecte André Le Donné, n. d., p. 24)]
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Fig. 199 : Projet d’église-tente, coupes longitudinale et transversale. André Le Donné – 1978.
[Note: (Cahiers de l’architecte André Le Donné, n. d., p. 24)]

Si ces projets restèrent à l’état de dessins et ne furent pas réalisés, comme l’espérait leur auteur, ils suscitèrent néanmoins un accueil intéressé des médias lorsqu’ils furent exposés.

Invité du salon « Art et matière – Art Sacré » en 1979, A. Le Donné y montra une trentaine de compositions colorées déclinant selon des plans circulaire, elliptique, trapézoïdal ces « abris pour notre temps » qu’il souhaitait libérés de toute allégeance passéiste.

« ‘Sa “proposition d’architecture pour notre temps” se fonde sur un seul principe de construction : un soubassement en béton sur lequel vient s’accrocher une couverture en tissu armé soutenu par un, deux, trois ou quatre mats d’acier. Le toit translucide, uni ou coloré, devient un immense vitrail. Il peut onduler sous le vent et modeler l’espace intérieur en créant des zones d’ombre et de lumière. Ainsi se scelle une nouvelle alliance entre l’architecture et la vie, symbole d’une alliance plus profonde entre le quotidien et la transcendance’ », observe le journaliste de La Croix qui rendit compte de la manifestation593.

Pour A. Le Donné, les églises-tentes – maisons d’églises, maisons communes, abris ou lieux de halte pour le voyageur « pourvus d’un aménagement très simple mais adaptés à leur destination », devaient devenir dans la cité des pôles d’élévation et d’union.

Mais ces projets, fondés sur une conception dynamique de l’architecture, étaient, à la fin des années soixante-dix, en décalage avec une Eglise catholique - Jean Paul II fut élu pape en 1978 - désormais plus préoccupée de stabilité que d’innovation.

Notes
589.

André Le Donné, « Tente pour l’église de notre temps », Les cahiers de l’architecte André Le Donné, n. d., p. 22.

590.

Michel Brion, La religion vécue des français, 1972, p. 114.

591.

« Il se trouve que j’ai très bien connu cet excellent homme », écrit M. Brion à propos d’André Le Donné, « originaire de Guérande et qui avait une maison de vacances de l’autre côté de la Loire dans la baie de Bourgneuf, à Bourgneuf même. Je l’ai souvent rencontré ainsi que son épouse, elle-même artiste reconnue. Il a réalisé à ma demande la réfection de l’église néogothique de Bourgneuf qui avait un certain cachet mais dont certaines parties menaçaient ruine. J’ai souvent demandé conseil à cet ancien élève de Perret, mais mes velléités d’église-tente n’étaient plus de saison quand je l’ai fréquenté ». Michel Brion, lettre envoyée à l’auteur, datée du 29 avril 2000.

592.

Suzanne Robin, Eglises modernes, 1980, p. 54.

593.

Jeannine Baron, « Des chapiteaux pour vivre », La Croix, 29-30 juillet 1979.