ENTRETIENS Téléphoniques :

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Entretien téléphonique avec Joseph Aubin, curé de Merlette Orcières. Le 3 avril 2000

Pierre Lebrun : pouvez-vous me parler du Centre d’accueil à Merlette qui fut réalisé au début des années soixante-dix.

Abbé Joseph Aubin, curé de Merlette et Orcières :

Au moment de la création du lieu de culte de Merlette, c’est une association qui gérait ce local. Cette salle sert actuellement uniquement de chapelle. En fait, c’est maintenant la chapelle de Merlette. L’appellation « Centre d’accueil » n’a plus cours. Il existe toujours une cloison mobile qui isole une partie de la salle servant d’oratoire. Actuellement cette chapelle est fermée pendant la semaine. En effet, dès qu’il y avait du mauvais temps, des gens s’y regroupaient pour, par exemple, pique-niquer. Cela posait des problèmes d’entretien. J’ai donc fait réaliser, il y a quelques années, un coin d’une dizaine de places séparé de la grande salle par une grande vitre. Ce coin est ouvert toute la journée. L’esprit initial - avoir un espace ouvert en permanence et à tout le monde - existe toujours, mais l’espace a été réduit. Les curieux peuvent donc voir la chapelle sans y pénétrer quand que celle-ci est fermée. Le local est également prêté à d’autres confessions. L’Eglise protestante peut ainsi venir s’y rassembler.

A l’origine cette salle avait été achetée en attendant la construction d’une église. En fin de compte, le terrain qui était réservé à cette construction a été rendu à la commune parce qu’il était vraiment mal placé. En revanche, la chapelle est très bien placée, au coeur même de la station.. Bien sûr il y a une boîte de nuit au dessous et un bistrot au dessus mais cela n’a pas d’importance.

On ne construira rien d’autre même si certains pensent qu’il manque un clocher. Au début des années soixante-dix, il fallait que les prêtres logent au milieu de la population, que les églises soient des bâtiments comme les autres. C’était une réaction. De nos jours, le point de vue a évolué. On regrette maintenant que rien ne distingue la chapelle des autres édifices.

Entretien téléphonique avec André Béhotéguy architecte de la chapelle Saint-Luc à Grenoble. Le 3 novembre 2000

  • Pierre Lebrun :
    pouvez-vous me parler de votre itinéraire et, plus particulièrement, de la chapelle Saint-Luc à Grenoble.

    André Béhotéguy :
    J’ai soixante treize ans. Ma famille est originaire du pays basque mais je suis né à Cognac où j’ai vécu jusqu’à l’âge de dix-neuf ans. Je suis venu à Grenoble pour faire des études à l’Institut d’Electronique comme le souhaitait mon père. Mais en fait, je me suis inscrit à l’automne 1947 aux Beaux-Arts pou faire architecture. Après avoir passé avec succès le concours d’admission à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts - concours qui clôturait la première année - j’ai fait mes études d’architecture dans l’atelier qui existait à Grenoble, comme il en existait dans d’autres villes de province comme Bordeaux ou Lille. Pour certains concours que l’on ne pouvait pas rendre à Grenoble, il existait un parrainage d’atelier à Paris. Dans ce cas, on pouvait, avec l’accord de notre patron et celui de l’atelier de Paris, rendre nos projets dans la capitale. Je me suis déplacé aussi dans certains ateliers de province. Ainsi, à la fin de mes études, je suis ainsi allé rendre des projets à Bordeaux qui était très réputée pour l’apprentissage de rendus décoratifs que l’on faisait en peinture. A cette époque j’ai également « gratté » chez un architecte de Cognac. J’ai alors continué à rendre des projets pour le plaisir car je n’en avais plus besoin pour avoir l’autorisation de préparer mon diplôme. Finalement, j’ai été diplômé en 1957. J’ai ainsi accompli un rite de dix ans. Je me suis installé presque tout de suite avec deux copains – Giraud et Stahl – et nous sommes restés d’ailleurs ensemble durant toute notre carrière.

    Les études duraient longtemps et elles étaient moins techniques qu’aujourd’hui. Mais c’était intéressant car on était itinérant. Et puis nous étions peu nombreux et les amitiés se resserraient. Cette période m’a été profitable car elle m’a appris le bonheur de découvrir les choses. Je vois la différence avec ce que mon fils - qui a également fait architecture - a connu comme enseignement. Je pense que nous étions plus heureux de faire nos études. Elles étaient plus difficiles à l’entrée et plus faciles après. Nous touchions au domaine de l’art tandis que maintenant c’est très technique. Avec quelques uns de mes camarades je suis resté assistant du patron de l’école de Grenoble pendant quelque temps et j’ai vu sa transformation après 1968 époque où j’y enseignais encore en tant qu’assistant.

    L’histoire de la construction de Saint-Luc est tout à fait singulière. Une vieille dame a légué par testament un terrain situé à un angle de rue pour qu’y soit construit une église ou une chapelle. Elle pensait que ce nouveau lieu de culte pourrait accompa,gner la création d’une nouvelle paroisse. Mais cela n’a pas été accepté par l’évêché et l’édifice qui a été réalisé dépend maintenant de la paroisse de la cathédrale Notre-Dame. Le comité qui présidait à la construction de la chapelle s’est trouvé confronté à un dilemme. Comment réaliser ce projet puisque la paroisse n’acceptait pas de financer la construction de l’édifice. Le comité qui regroupait des personnes d’origines très diverses, dont un notaire, m’a contacté. Lors d’une réunion j’ai suggéré qu’il existait une solution à laquelle tout le monde s’est rangé. Celle-ci consistait à financer le lieu de culte par la construction, sur la même parcelle, d’un immeuble de logements. Le clergé s’opposait à l’époque à ce qu’une église soit totalement liée à un immeuble d’habitation et il souhaita que les deux constructions soient quasiment indépendantes l’une de l’autre. C’est comme cela que, petit à petit, a été adoptée l’idée d’une chapelle passant par dessous un immeuble de logements. L’autel est situé en dehors de la partie habitation un peu à l’extérieur à l’aplomb des balcons.

    Initialement la chapelle dont la toiture était en forme de paraboloïde hyperbolique, devait être en béton (je l’avais aussi étudiée en métal). Cela coûtait très cher et c’était difficilement réalisable. Finalement c’est le bois sous forme de lamellé-collé qui a été retenu car ce matériau fut jugé plus chaleureux. J’avais dessiné deux dièdres qui venaient buter sur un portique carré situé au centre. De chaque côté, il y avait un basculement vers la partie arrière de ces dièdres pour qu’ils se rejoignent en creux et que les formes soient équilibrées. A l’époque, on ne disposait pas des moyens de calcul qu’offrent les ordinateurs et on n’a jamais pu calculer les efforts de ces deux dièdres. Cela a posé des problèmes de conception. Il ne fallait pas que la structure touche les planchers de l’immeuble. Il fallait également qu’à l’intérieur on obtienne un beau volume spacieux, assez noble. La nef est orientée sur la place et sur la cour. La structure en lamellé collé se présente comme un éventail. Les pannes qui reposent sur les portiques viennent se contrebuter ensemble. Les portiques se rencontrent sur une poutre métallique que l’on ne voit pas. Cette poutre se situe dans l’arête centrale la plus basse du portique rectangulaire qui prend appui sur les poteaux de l’immeuble.

    Tout le terrain sous la chapelle appartient à l’Eglise. L’immeuble lui-même, qui est bâti sur pieux, n’a que la propriété des impacts de poteaux. Ce fut extrêmement intéressant à concevoir. Il a fallut avoir l’accord de l’évêché. Finalement la paroisse Notre-Dame a financé une salle, située en sous-sol de la nef, qui a servi pour de nombreuses manifestations comme des kermesses etc. Cette réalisation a été très critiquée à l’époque de sa construction. Mais c’est le cas de toutes les innovations.