Entretien téléphonique avec l’abbé Michel Brion, ancien secrétaire de l’Evêché de Nantes. Le 8 avril 1998

  • Pierre Lebrun :
    Vous avez, en tant que secrétaire de l’évêché de Nantes encouragé la réalisation d’églises transformables. Pouvez-vous m’expliquer dans quelles conditions.

    Abbé Michel Brion :
    Cela remonte aux années soixante. Nous avions créé à Paris le Comité de la Construction d’Eglises qui a été le lieu de nombreux débats. C’est, par exemple, dans ce cadre que nous avions passé commande à l’architecte J. Chénieux de la réalisation de l’église Saint-André à Nantes qui est, hélas, actuellement désaffectée et transformée alors qu’il s’agissait d’un édifice magnifique. Cependant ces constructions ne nous donnaient pas entièrement satisfaction parce qu’elles étaient trop chères et, quoique conçues avec des formes tout à fait nouvelles, elles ne correspondaient pas entièrement à ce que nous cherchions.

    J’avais donc entrepris une réflexion avec un certain nombre de confrères et quelques architectes que je connaissais bien comme Michel Marot, Luc Arsène-Henry, Pierre Pinsard et Georges Evano. Ces recherches étaient basées sur ce que j’appelle la messe de saint Justin, première description de la messe telle qu’elle existait au 1ère siècle après Jésus-Christ. C’est à partir des réflexions élaborées dans ce groupe qu’ont été réalisés un certain nombre d’églises de conception nouvelle comme Saint-Jean-Bosco à Meaux de Michel Marot, Saint-Luc à Nantes de Pierre Pinsard et Saint-Michel, également à Nantes, de Georges Evano. Luc Arsène-Henry avait également conçu les plans d’une église prévue pour la Z.U.P. de Bellevue à Nantes qui, suite à des changements de responsables ecclésiastiques, n’a pas été réalisée.Mais après les années 70 ces recherches ont été abandonnées pour des raisons qui n’ont pas à voir avec l’architecture.
    P. Lebrun :
    Avez-vous eu des contacts avec Jean Prouvé qui a conçu le système de parois mobiles de l’église Saint-Luc de Pierre Pinsard?

    Abbé M. Brion :
    J’en avais avec son ami André Le Donné que je connaissais très bien ainsi que son épouse mais, quant à Jean Prouvé, je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer.

    P. Lebrun :
    Dans une lettre datée de février 1963, dont j’ai retrouvé l’original dans le fonds Pinsard qui est déposé à l’I.F.A. à Paris, vous évoquez une rencontre entre vous-même, Pinsard, Marot et les frères Arsène-Henry. Vous indiquez, dans ce même courrier, que vous joignez le résumé de l’exposé que vous aviez fait à l’occasion de cette rencontre. Je n’ai pas trouvé trace de ce document, vous souvenez vous de quoi il s’agissait?

    Abbé M. Brion :
    Ce devait être l’évocation de ce que j’appelle la messe de saint Justin. Mais j’ai laissé la liberté aux architectes d’interpréter cette orientation selon leurs personnalités. D’ailleurs ils ont conçu des projets tout à fait différents les uns des autres.

    L’église Saint-Luc de Pierre Pinsard a été assez réussie mais le système de parois mobiles était assez compliqué et n’a jamais donné entièrement satisfaction. Aujourd’hui, hélas, cela est en très mauvais état faute, probablement, de l’entretien que nécessite ce type de système.

    P. Lebrun :
    Vous avez écrit un ouvrage que s’intitule La religion vécue des français.

    Abbé M. Brion :
    C’était dans le prolongement d’une enquête qui n’a pas eu de suite, car cela ne correspondait pas à la mentalité du clergé de l’époque. J’en ai fait ce livre qui n’a, d’ailleurs, pas eu un grand succès.