Père Roger Pannier :
En 1970, l’évêché m’a demandé de me rendre à Cergy afin que je prenne contact avec les aménageurs et les travailleurs de la ville nouvelle qui sortait de terre. Le père Michel Cantin m’a rejoint l’année suivante. Quand je suis arrivé, j’ai pris connaissance d’un projet de lieu de culte oecuménique qui avait été conçu par les Chantiers diocésains de Seine-et-Oise et sur lequel avaient déjà travaillé des architectes.
Notre position, à nous prêtres, fut d’attendre l’arrivée des habitants et des chrétiens. Au sein de l’Eglise, comme dans toute la société, beaucoup de choses faisaient alors l’objet d’une remise en cause. Nous désirions donc discuter de la forme que prendrait la vie de l’Eglise dans l’avenir. On s’interrogeait sur la nature des équipements dont auraient besoin les chrétiens. On ne voulait surtout pas répondre à ces questions sans connaître la problématique de la vie future de l’Eglise. On ne souhaitait pas formuler de réponses fondées sur des problématiques révolues.
Les mêmes questions se posaient dans d’autres villes nouvelles. C’est ainsi que, très rapidement, s’est constitué un groupe de réflexion de tous les prêtres qui avaient été affectés dans les villes nouvelles comme celles d’Evry ou de Saint-Quentin en Yvelines. On souhaitait réfléchir au type de vie d’Eglise, de liturgie qu’il fallait mettre en place. On rappelait que l’Eglise est d’abord une communauté de personnes, de fidèles de Jésus Christ qui se réunissent pour prier et témoigner de l’Evangile. On ne voulait donc pas anticiper sur la forme qu’allaient prendre ces communautés. Nous avons donc attendu que les fidèles arrivent. Les premiers habitants de la ville nouvelle de Cergy s’y sont installés en 1972-1973.
Pendant très longtemps nous sommes donc refusé à construire. Nous ne voulions pas qu’un projet architectural voit le jour avant que l’on sache ce qu’allait être la vie de la communauté. D’ailleurs, nous n’étions pas en plein désert religieux puisqu’il y avait, à proximité, l’église de Cergy-village où les fidèles pouvaient se rendre. C’est ainsi qu’au début se sont constituées de petites équipes qui se rassemblaient les uns chez les autres pour prier et pour réfléchir aux questions relatives à la présence et au devenir de la communauté catholique dans la ville. Pour le culte on se rendait dans les paroisses voisines. Mais nous nous refusions à faire quelque projet que ce soit. Pour les mariages et les enterrements, les cérémonies ne se déroulaient pas dans les LCR - ce n’était pas souhaitable - mais à l’église Saint-Christophe de Cergy-village. Même les fidèles les plus intéressés par la recherche religieuse et ecclésiale préféraient également que cela se déroule dans l’église du XIIIème siècle de l’ancien village de Cergy. C’est une période qui fut très marquée par une position volontairement très en retrait des prêtres. En revanche des baptisés laïcs ont alors joué un rôle très important.
Au bout d’un certain temps les gens ont réclamé qu’une certaine vie d’Eglise (pour le catéchisme de leurs enfants ou pour les messes), se manifeste dans la ville nouvelle. La question de la nature des équipements où vivre ces nécessités cultuelles ou religieuses s’est alors posée. La réponse fut très simple, il existait des Maisons de quartier ou des LCR, locaux où toutes les associations se retrouvaient. Il fut donc décidé que la vie religieuse - dans la mesure où elle aurait besoin de locaux - se ferait dans ces locaux collectifs. Ce choix était très intéressant parce qu’il permettait de développer les contacts avec les habitants. Les responsables de l’aménagement de la ville étaient très heureux que nous ayons pris cette décision car ils souhaitaient que toutes les associations puissent se retrouver dans ces locaux. Ce fonctionnement sans église a duré plus d’une quinzaine d’années. Cette expérience fut suivie avec un intérêt très soutenu de la part de l’évêché.
Bien entendu il existait une opposition. Une pétition importante fut ainsi organisée contre nous, contre le fait qu’il n’y avait pas d’églises et que les prêtres n’étaient pas visibles. Pendant deux ou trois ans en effet nous nous sommes peu montrés. Notre but était que les chrétiens participent à la construction de la ville qu’ils fassent partie des associations , qu’ils se mêlent à tout ce qui se faisait. Ensuite on aurait examiné comment une église – communauté et bâtiment - aurait pu naître de ce creuset. Nous n’avions donc pas besoin d’équipements puisque nous trouvions ce que nous avions besoin pour nous. Les fidèles qui étaient opposés à cette démarche sont allés voir l’évêque de Pontoise, Monseigneur Rousset. Celui-ci leur a affirmé qu’il avait nommé deux prêtres dans lesquels il avait confiance et que c’étaient avec eux qu’ils devaient discuter.
L’Evêché avait acheté un terrain en accord avec les aménageurs pour qu’il y ait une liberté réelle dans l’avenir650. Après plusieurs années l’Etablissement Public nous a demandé de nous prononcer quant à notre projet. Une consultation a été organisée sur la base d’une enquête très sérieuse auprès des membres de la communauté de « pierres vivantes » comme nous disions alors. Une importante majorité des fidèles actifs s’est prononcée pour la poursuite de l’activité religieuse dans les locaux collectifs. Donc nous avons continué à nous réunir dans les LCR puis dans la Maison de quartier lorsqu’elle a été construite. D’ailleurs, aujourd’hui encore dans les premiers quartiers de Cergy on continue de célébrer l’Eucharistie dans ces locaux.
Quand la population de la ville nouvelle a atteint 100 000 habitants environ651, l’Eglise Saint-Christophe de Cergy-village a commencé à ne plus répondre aux besoins. Parallèlement l’accroissement de la population a conduit a une très forte occupation des salles de réunion. C’est à ce moment là que l’on s’est décidé à construire une église. Alors qu’au début des années soixante-dix on nous incitait à occuper les locaux collectifs et à constituer un collectif associatif, quinze ans après il devenait nécessaire de construire pour disposer des équipements religieux répondant aux besoins de la communauté catholique, numériquement la plus importante. La première église qui fut édifiée est l’église Notre-Dame-des-Peuples (1986). L’Etablissement Public de la ville nouvelle organisa un concours. Un jury, composé de membres de l’Etablissement Public, de l’Evêché, de l’Association parisienne de construction et de la communauté catholique locale, a décidé du choix du projet. Aujourd’hui, deux églises ont été construites et une troisième va naître.
La Mission d’Aménagement avait réservé un terrain pour édifier une église au Centre Préfecture et demandait qu’une construction soit édifiée en 1971. L’Eglise catholique songeait à ce moment-là à édifier un centre oecuménique. Voir à ce sujet Franck Debié et Pierre Vérot, Urbanisme et art sacré, 1991, p. 228.
La population de Cergy est passée de 2 000 à 48 000 habitants entre 1968 et 1990. La ville nouvelle de Cergy-Pontoise comptait 176 145 habitants en 1994.