Chapitre 5 : INFLUENCE DE L'HEURISTIQUE D'ANCRAGE ET D'AJUSTEMENT SUR L'EFFICACITE PERSONNELLE ET LA PERSISTANCE COMPORTEMENTALE

Ce cinquième chapitre est consacré à l'étude de l'influence de l'heuristique d'ancrage-ajustement sur l'efficacité personnelle et la persistance comportementale.

Si l'efficacité personnelle influence le comportement de choix, elle affecte également les efforts entrepris : la quantité d'énergie et la durée de persistance face aux difficultés et obstacles (Bandura, 1977a, 1982, 1986, 1997). De nombreux résultats corroborent la thèse selon laquelle une forte efficacité personnelle élève le niveau d'effort et de persistance dans les entreprises difficiles. Ces résultats proviennent de recherches réalisées auprès d'enfants et d'adultes selon divers paradigmes expérimentaux (Bandura & Schunk, 1981 ; Bandura & Cervone, 1983, 1986 ; Bouffard-Bouchard, 1990 ; Cervone & Peake, 1986 ; Lent et al., 1984, 1986 ; Jacobs, Prentice-Dunn, & Rogers, 1984 ; Lyman, Prentice-Dunn, Wilson, & Bonfilio, 1984 ; Peake & Cervone, 1989 ; Relich, Debus, & Walker, 1986 ; Schunk, 1984 ; Stock & Cervone, 1990 ; Weinberg, 1986 ; Weinberg et al., 1979, 1981). Par exemple, plus les étudiants croient en leur efficacité personnelle et plus ils s'investissent dans la poursuite de leur cursus universitaire (Lent et al., 1984, 1986).

La logique des hypothèses que nous avons émises dans le chapitre précédent peut être appliquée ici pour prédire la persistance comportementale.

Schématiquement, il est attendu que les sujets exposés à une ancre haute développent une efficacité personnelle plus forte et persistent plus longtemps dans une activité difficile que les sujets exposés à une ancre basse. L'objectif des deux expériences subséquentes est donc de vérifier que (a) l'heuristique d'ancrage-ajustement influence l'efficacité personnelle et que (b) l'efficacité personnelle, biaisée par l'application de cette heuristique, influence à son tour la persistance comportementale.

Dans les deux premières expériences du chapitre précédent, nous avons démontré que la présentation d'une valeur apparemment aléatoire affectait la formation de l'efficacité per-sonnelle. Nous avons cependant souligné la possibilité suivante (cf. chapitre 4, p. 116) : la valeur présentée pouvait être interprétée comme une attente implicite de l'expérimentateur, de sorte que le comportement des sujets pouvait dépendre de cette attente. Afin d'éviter une telle possibilité, nous avons introduit, dans chacune des deux expériences subséquentes, une procédure méthodologique dont le principe repose sur la présentation de plusieurs valeurs : (1) la première expérience adopte une procédure adaptée de Peake et Cervone (1989), dans laquelle on manipule l'ordre de présentation de 6 valeurs ; (2) la seconde expérience adopte une procédure adaptée de Caverni et Péris (1990), dans laquelle on manipule la grandeur de la valeur moyenne (médiane) d'une série de 5 valeurs.

Afin de tester la seconde prédiction (i. e., l'influence de l'efficacité personnelle sur la persistance comportementale), nous avons adopté le paradigme expérimental de Cervone et Peake (1986), dans lequel les sujets résolvent une tâche composée d'une série d'items solu-bles suivie d'une série d'items insolubles (cf. aussi Peake & Cervone, 1989). Par ce procédé, la persistance correspond au nombre d'essais effectués par les sujets pour tenter de résoudre les items insolubles.