Procédure

Tous les sujets étaient examinés individuellement. Les passations se déroulaient en une seule séance, dont la durée variait en fonction du temps de persistance des sujets.

A leur arrivée au laboratoire, les sujets étaient invités à s'asseoir devant une table sur laquelle était disposé le matériel suivant : une liste d'instructions (descriptions de la tâche et du déroulement de l'expérience), un formulaire de consentement, un questionnaire, deux écriteaux de format A4 où était inscrit "matrice suivante" et "tâche des chiffres" et un stylo. L'expérimentateur demandait aux sujets de lire attentivement les instructions, puis de lire et de signer le formulaire de consentement (tous les sujets ont accepté de participer à l'expérience). Sur ce formulaire, les sujets indiquaient leur date de naissance et leur sexe. Les sujets complétaient ensuite le questionnaire.

Les instructions commençaient par une description détaillée de la tâche des matrices (principe, règles et exemples de déplacements des pions). Il était également précisé que (a) la tâche était composée de 20 matrices rangées par ordre croissant de difficulté et que (b) le temps de résolution de chaque matrice n'était pas limité, le but de l'épreuve n'étant pas de déterminer si les sujets étaient rapides ou non. Toutefois, les sujets étaient informés du fait qu'ils n'étaient pas obligés de résoudre toutes les matrices. La description du déroulement de l'expérience précisait ainsi que lorsque les sujets avaient résolu ou non une matrice, ils disposaient de deux options : (1) ils pouvaient tenter de résoudre une nouvelle matrice, au-quel cas ils devaient placer la matrice résolue ou non sous l'écriteau "matrice suivante" ; (2) ils pouvaient tenter de résoudre une autre tâche, auquel cas ils devaient placer la matrice résolue ou non sous l'écriteau "tache des chiffres". Les sujets lisaient alors la description de cette tâche (la description présentée figure dans le chapitre précédent : cf. expérience 2, figure 23). Une restriction précisait qu'en aucun cas les sujets ne pouvaient revenir ultérieurement sur une matrice non-résolue. Pendant que les sujets lisaient les instructions, l'expérimentateur restait dans le laboratoire pour répondre à d'éventuelles questions.

Une fois la lecture des instructions achevée, on demandait aux sujets de compléter un questionnaire dans lequel figuraient la manipulation expérimentale et la mesure de l'effica-cité personnelle. Ce questionnaire était censé être destiné à recueillir les impressions des sujets à l'égard d'une tâche permettant l'étude "des stratégies de résolution de problèmes".

Le questionnaire comportait une question par page. Les deux premières questions de-mandaient aux sujets de préciser (1) s'ils avaient déjà effectué une tâche destinée à évaluer leurs aptitudes mentales (e. g., un test de QI) et (2) s'ils pratiquaient des activités présentant des analogies avec la tâche des matrices (e. g., jouer aux dames ou faire des puzzles). Ces deux questions servaient d'items "bouche-trou".

Pour les sujets en conditions SA et SD, le questionnaire contenait ensuite 6 questions (une par page) qui constituaient la manipulation expérimentale. Ces questions demandaient aux sujets d'indiquer si oui ou non ils pensaient être capables de résoudre une proportion particulière de matrices. La dernière question demandait aux sujets d'estimer leur capacité à résoudre la totalité des matrices. Les sujets estimaient leur capacité en plaçant une croix sur une échelle étalonnée de 0 à 100%, par intervalles de 10%, où 0% indiquait "je ne me sens pas du tout capable de résoudre les 20 matrices", et 100% indiquait "je me sens tout à fait capable de résoudre les 20 matrices". Cette estimation fournissait la mesure de l'effica-cité personnelle pour la tâche des matrices.

Manipulation des séquences d'ancrage. Dans les deux conditions expérimentales (SA et SD), les questionnaires étaient identiques, sauf l'ordre dans lequel les proportions d'items étaient présentées. Dans la condition SA, les sujets indiquaient en premier si oui ou non ils pensaient être capables de résoudre au moins 10% des matrices. Puis, ils indiquaient succes-sivement si oui ou non ils pensaient être capables de résoudre au moins 20%, 40%, 60%, 80% et, enfin, 90% des matrices. Dans la condition SD, les sujets répondaient exactement aux mêmes questions, mais dans l'ordre inverse ; autrement dit, ils indiquaient en premier si oui ou non ils pensaient être capables de résoudre au moins 90% des matrices, puis au moins 80%, 60%, 40%, 20% et 10%. Dans la condition contrôle, aucune séquence d'ancrage n'était incluse. Les sujets de cette condition estimaient simplement leur capacité à résoudre la tâche des matrices au moyen de l'échelle décrite ci-dessus.

Avant le début de l'expérience, les questionnaires avaient été ordonnés aléatoirement et placés dans deux piles, une pour les filles et une pour les garçons. Ainsi, en présentant à un sujet le premier questionnaire et en quittant momentanément le laboratoire pendant qu'il était complété, l'expérimentateur assignait aléatoirement le sujet à une condition, tout en ne connaissant ni sa condition expérimentale ni son efficacité personnelle. On assurait par là même l'aspect privé nécessaire à une évaluation valide de l'efficacité personnelle (Gauthier & Ladouceur, 1981 ; Telch, Bandura, Vinciguerra, Agras, & Stout, 1982).

Lorsque les sujets avaient complété le questionnaire, l'expérimentateur revenait dans le laboratoire. Conformément aux instructions, il donnait aux sujets un crayon à papier et une gomme, puis leur présentait le premier item. A leur insu, il déclenchait alors son chro-nomètre. Lorsqu'un item était placé sous l'écriteau "matrice suivante", l'expérimentateur présentait aussitôt un nouvel item ; lorsqu'un item était placé sous l'écriteau "tache des chiffres", il stoppait son chronomètre et annonçait la fin de l'expérience (on ne demandait pas aux sujets de résoudre les items de la tâche des chiffres). Cette procédure permettait aux sujets de choisir une option sans interaction verbale avec l'expérimentateur. Avant de quitter le laboratoire, les sujets étaient informés du but réel de l'expérience et du caractère insoluble d'une partie des matrices. Aussi leur était-il demandé pourquoi ils avaient abandonné et s'ils s'étaient doutés de la présence de matrices insolubles (debriefing).