b)011L’attraction passionnée

Si les passions sont au coeur de la théorie de Fourier, c’est parce qu’elles sont les pièces élémentaires du mécanisme des interactions sociales, à double titre : d’une part on trouve les différentes passions en proportions variables chez chaque individu, de telle façon que « ‘les douze passions radicales se subdivisent en une multitude de nuances, qui dominent plus ou moins dans chaque individu : il en résulte des caractères variés à l’infini, mais qu’on peut rapporter à huit cent dix principaux’ »198. Dans cette distribution aléatoire et naturelle des penchants (que l’éducation harmonique ne doit pas changer mais au contraire révéler), la plupart des caractères (576 sur 810) sont « solitones », c’est-à-dire marqués par la domination d’une passion unique. Mais il y a aussi un grand nombre de caractères mixtes, « bitones », « tritones »... qui combinent plusieurs passions dominantes199. D’autre part, les interactions sociales entre les individus ainsi « caractérisés » sont alors régies par les principes de « l’attraction passionnée », principe actif de la nature, dont l’impulsion précède celle de la raison. Autrement dit, la théorie fouriériste des passions ne sert pas essentiellement à la constitution d’une simple « caractérologie » individuelle, mais éclaire les articulations fondamentales d’un ordre social qui est fait, selon lui, de relations plutôt que d’individus. Ce ne sont pas les caractères qui priment, mais les systèmes d’attractions et de répulsions interindividuelles, d’antipathies et de sympathies, les unes étant d’ailleurs aussi utiles socialement, et donc respectables, que les autres.

Notes
198.

FOURIER, OC01 (1808c), p. 199.

199.

« Clavier des 810 caractères domestiques », in FOURIER, OC05 (1822), pp. 439-443 ; « Echelle des caractères et tempéraments », in FOURIER, OC06 (1829a), pp. 340-344 (1973 : 395-399).