Chemise 2

  • 4/2/1 : CP  : Brouillon du compte-rendu du banquet annuel en l’honneur de la naissance de CF, [1882], 15 feuillets numérotés de 1 à 6, de 11 à 14 et de 18 à 22
    «(...) Mad. Clémence Royer, personnalité bien connue dans le monde de la science et des lettres, auteur d’importants travaux d’anthropologie et d’économie sociale, Mme Royer prend la parole. Je ne suis pas, dit-elle, phalanstérienne, J’ai lu les ouvrages de Fourier pendant mon exil en Suisse, après le 2 décembre. J’ai admiré l’ingéniosité du système, mais ne le trouvant pas assez scientifique, j’ai passé outre, pensant qu’il y avait mieux. Je n’en suis pas moins sympathique à l’oeuvre de Fourier et heureuse de me joindre aux disciples qui fêtent son anniversaire.
    M. Limousin porte un toast à la vérification du caractère scientifique du système de Fourier. Répondant à Mme Clémence Royer, il déclare que le caractère scientifique est plus réel que celle-ci ne le croit. Au point de vue psychologique Fourier a fait une découverte considérable : celle du caractère essentiellement irréductible des mobiles de l’être humain qu’il a appelés les passions. Les passions sont à l’être humain ce que les affinités sont aux corps chimiques (...)».
    pp. 11 sq. : «Notices nécrologiques, par le docteur Charles Pellarin, lues par M. Courbe...
    Chers condisciples,
    Le mauvais état de ma santé, qui me prive d’assister au banquet de 110ème anniversaire, ne doit pas préjudicier à l’hommage accoutumé envers nos morts de l’année (...).
    C’est le premier disciple de Fourier, Just Muiron, qui ouvre cette fois le défilé funèbre. Celui qui fut si longtemps notre cher et vénéré doyen s’est éteint le 3 juin dernier, dans sa 95ème année. Je ne retracerai point ici cette longue carrière, qui a eu la durée de près d’un siècle.
    Né à Besançon, comme Fourier, Muiron était simple employé de préfecture, quand tomba entre ses mains un exemplaire de la Théorie des quatre mouvemens et des destinées générales. C’était en 1816, pendant une période où la réaction royaliste l’avait privé de son modeste emploi. Frappé par la nouveauté et la grandeur des idées que renfermait cet ouvrage, il se mit en quête de l’auteur, ce qui n’était pas une tâche facile. Le volume portait pour toute indication : «à Leipzig, 1808» sans nom d’imprimeur ni d’auteur. Précaution compondée par le despotisme de l’époque.
    Muiron parvint cependant à savoir que l’auteur était un compatriote, Charles Fourier, alors retiré chez une de ses soeurs à Belley. Le jeune adepte entra en correspondance avec le Maître ; alla même passer quelque temps près de lui.
    Là, il fut décidé entre eux que la publication de la doctrine aurait lieu. Il ne s’agissait plus que de trouver les fonds nécessaires pour les frais d’impression. Muiron parvint, avec le concours de ses amis, à se les procurer, et dans l’été 1822, le Traité de l’association domestique agricole sortit des presses de Madame Ve Daclin, imprimeur à Besançon.
    Pour la publication de l’abrégé de 1829 (Le nouveau monde industriel et sociétaire) l’intervention du premier disciple ne fut pas moins active, ainsi qu’en témoigne la correspondance échangée à ce propos, entre lui et Fourier. Aussi peut-on dire de Muiron qu’il fut en quelque sorte l’accoucheur de la Théorie sociétaire : sans lui elle courait le risque de ne pas voir le jour.
    Avoir, plus que personne, contribué à prévenir cet irréparable malheur, voilà comme je l’ai déjà dit, le grand, le principal titre de Muiron à notre gratitude.
    Lui-même cependant a produit des ouvrages qui sont loin d’être sans mérite.
    Il a fait paraître, en 1824, sous le titre d’Aperçus sur les vices de nos procédés industriels un exposé réduit de la doctrine du Maître. Il y donnait, en réponse à une question posée par la Société d’agriculture du Doubs, le plan d’un Comptoir communal, institution fondamentale du Garantisme.
    Muiron publia encore, en 1832, un volume intitulé : Transaction sociales. L’auteur transige en ce sens qu’il admet, pour l’état présent et passé des sociétés, le précepte chrétien de la résignation et du renoncement. Dans cet état incohérent où le travail répugnant et les privations sont le lot forcé du grand nombre, le suprême commandement religieux, dit-il, est : «Porte ta croix et marche !»
    Lorsque par la mise en pratique de la Théorie sociétaire, on sera sorti des périodes de subversion pour entrer dans celles d’harmonie, la loi de contrainte fera place à la loi de liberté et d’expansion.
    Les deux ouvrages de Muiron ont été réédités, le premier en 1840 et en 1844, le second en 1860 avec des additions importantes (...).
    Suivant mon impression, Muiron fut aussi de tous les disciples de Fourier celui qui aima le plus le maître et qui, par un juste retour posséda au plus haut degré sa confiance et son affection. C’est à lui, comme on sait, que par son testament Fourier légua ses manuscrits institua son légataire universel (...)».
    Suivent les notices nécrologiques de Barbier et Griess.