II : L’oralité en question.

La plupart des études portant sur l’oralité dans la littérature maghrébine recherchent les traces de la tradition orale, comprise au sens de culture traditionnelle. La prise en compte de cet aspect non négligeable dans l’oeuvre de Khaïr-Eddine nous semble nécessaire, moins sous forme de collecte, déjà faite par quelques travaux de recherche, que comme signe de manifestation de l’oralité dans les stratégies scripturales. Autrement dit, le renvoi à la tradition orale paraît inévitable mais non limité, non strictement définitoire, quand il est question d’oralité.

En effet, nous nous proposons de rassembler sous le terme d’oralité des éléments relevant du culturel et notamment de tradition orale, des phénomènes formels, proches ou caractéristiques du style oral, un espace symbolique qui réunit ces éléments culturels, marqués par l’oralité et ses manifestations langagières, propres à ce mode de communication. Cet espace se dessine au croisement des mots, du corps et de l’imaginaire comme lieu matriciel - dans tous les sens du terme - dans lequel l’oralité désignerait aussi ce que nous avons perçu, ailleurs comme parole-mère.

Partant de ces différents aspects qui sont autant de tentatives de définition, cette approche de l’oralité nous conduit inévitablement vers une réflexion à la fois d’ordre linguistique, esthétique et psychanalytique. Celle-ci engage la création, notamment scripturale et littéraire, dans son rapport au corps, au langage vécu dans et par le corps, avec toute la charge symbolique et imaginaire qu’il contient et par laquelle il s’agit de redonner à l’esthétique la mémoire de ses secrets.

Ces différents paliers constitutifs de notre perception de l’oralité ouverte alors à d’autres sens appellent quelques remarques. Celles-ci reconsidèrent les caractéristiques de ces divers aspects, intéressantes et opératoires du point de vue du travail entrepris ici. L’intention majeure développée au long des propos qui vont suivre réside plus dans l’exploitation possible des travaux sur l’oralité pour le compte de notre propre recherche que l’exposé exhaustif de ces travaux. C’est pourquoi, nous nous attacherons à rappeler les grands apports de ces recherches sur l’oralité, saisie à la croisée de l’anthropologie, de la poétique et de la psychanalyse.